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dimanche 17 mars 2019

(Pr) "Nous, une secte??"

Prédication du 17.3.19 -  L'offrande, l'argent

Lectures: 2 Corinthiens 8, 1-5 + 8-9; Matthieu 25, 34-40



Une paroissienne me disait un jour: "Pour moi, ce qui caractérise une secte, c'est qu'elle demande de l'argent..."

Oups! J'ai souri... un peu jaune, en pensant à quel point notre Église a besoin de la générosité des siens aujourd'hui.  Nous sommes  de moins en moins soutenus par l'État, et donc nous devons solliciter de plus en plus le porte-monnaie, ou plutôt le porte-feuille de chacun(e). Vous souvenez-vous de ce joli dessin de Burki, paru dans 24Heures il y a 10 ans?
 



L'Église Évangélique Réformée du Canton de Vaud (EERV) a été longtemps une institution dans notre pays. Les pasteurs étaient salariés par l'État, et les lieux de culte ou les salles de paroisses étaient entièrement pris en charge par les communes. Nous avons pris l'habitude de ce train de vie confortable.

Or aujourd'hui, la situation a bien changé. Je souhaite vous en parler ce matin, pas tellement pour faire pression sur vous et vous inciter à donner davantage (ce qui serait très peu évangélique!), mais pour que vous puissiez mieux comprendre le pourquoi de nos sollicitations financières. J'aimerais que vous puissiez entendre cette prédication sans culpabiliser. À titre d'information. Et pour cela, je vous invite d'abord à faire un peu d'histoire récente.
  
Quatre docteurs de l'Église catholique représentés avec les attributs des quatre Évangélistes : saint Augustin avec un aigle, saint Grégoire le Grand avec un taureau, saint Jérôme avec un ange, saint Ambroise avec un lion ailé. Panneau central d’un retable de l’église San Giovanni di Prè (Gênes)
Pier Francesco Sacchi (vers 1485–1528)

En 1970, le peuple vaudois a accepté le "statut des catholiques". Ce statut stipulait que l'État se charge du salaire d'autant de prêtres de l'Église catholique que de pasteurs protestants, en proportion de la population des deux confessions. C'était très équitable.

Mais ce système nous a joué un sale tour! Car nos frères catholiques n'ont jamais reçu la totalité de ce à quoi ils avaient droit. En effet, ils n'avaient pas assez de prêtres pour occuper tous les postes que l'État devait leur payer. Le Canton a ainsi économisé environ 36 salaires pendant une trentaine d'années!

Or quand la nouvelle Constitution vaudoise est entrée en vigueur, le statut a été modifié: les Églises reçoivent non plus les salaires de X postes, mais des subventions globales. La somme totale versée par l’État aux deux Églises sur les dernières années a alors été répartie, toujours en proportion de la population des deux confessions. Attention, la somme totale versée, donc sans les 36 postes catholiques reconnus mais non occupés.

Par conséquent nous, réformés, avons perdu ainsi les salaires de 18 pasteurs, juste parce que les catholiques n'utilisaient pas l'entier de la dotation à laquelle ils avaient droit... Et cela, alors que la population du canton, même des protestants, augmente régulièrement. Et que les besoins spirituels croissent eux aussi de manière importante. Ne nous reste que le choix de payer nous-mêmes ces postes, ou de les supprimer...
  


Regretter le passé ne nous avancera pas. Et revenir en arrière est impossible. Essayons plutôt de trouver du positif dans ce qui nous arrive. Car cette entrée choc dans le 21è siècle peut nous amener à progresser dans quatre dimensions (au moins!): elle peut faire grandir en nous la reconnaissance à l’égard de Dieu; elle peut nous faire progresser en responsabilité; elle peut susciter en nous davantage d'enthousiasme et de vigueur missionnaire; et enfin elle peut nous faire croître spirituellement.

Reprenons l'un après l'autre ces quatre bénéfices (si j'ose dire... Oui, j'ose: bénéfices!).

1. D'abord, ce changement de régime financier peut faire grandir en nous la reconnaissance à l’égard de Dieu. Lui nous a tout donné, en Christ, particulièrement à Vendredi saint et à Pâques. Puissions-nous, dans ce Carême en particulier, méditer sur ce cadeau majuscule offert par le crucifié ressuscité: c’est de lui que découle toute générosité humaine. Tout appel de fonds n’existe que par sa grâce.

2. Ensuite, cette nouvelle donne au niveau financier peut nous enrichir en responsabilité. Il est devenu impossible, aujourd'hui, d'entrer dans l'Église comme dans un hôtel tout confort. Ce que vivait un petit nombre d’engagés autrefois, nous aurons besoin que cela se généralise. Chacun des membres de nos paroisses sera invité  à retrousser ses manches. Soit en les soutenant financièrement de manière substantielle. Soit en assumant davantage de responsabilités dont certaines étaient autrefois du ressort des pasteurs, comme le catéchisme; ou les visites; les papillons ou les affiches; ou quantités de démarches que peuvent bien mesurer les membres d'un conseil paroissial. Autrement dit, si nous voulons que l'Église vive, ce sera à nous de lui en donner les moyens, sans compter d'abord sur les autres.

(Et entre parenthèses, c’est l’occasion de dire toute notre reconnaissance aux personnes qui acceptent de s’engager concrètement dans notre paroisse, en finances ou en actes, et bien sûr tout spécialement aujourd’hui à celles et ceux qui acceptent de former notre nouveau Conseil paroissial, que nous élirons tout-à-l'heure. Un immense MERCI!)
  
Conseil paroissial de Grandson, 2014

3. Troisième bénéfice, ces changements peuvent susciter en nous davantage de vigueur missionnaire et d'enthousiasme. En effet, nous gagnerons à être plus nombreux à partager ces tâches et ce soutien. Il s'agira d'intéresser plus de monde à nos actions, à notre message. Nous apprendrons à mieux communiquer, à mieux mettre en évidence nos valeurs, nos points forts. Par exemple des promesses de l'évangile vécues dans le respect de chacun(e), sans jugement ou exclusion; par exemple aussi la priorité du spirituel sur le matériel; un amour reçu sans conditions.

Nous aurons avantage à nous présenter comme des artisans de changement, porteurs de projets pour notre société. Cela nous démarquera du préjugé que certains ont aujourd’hui, qui nous considèrent comme des gens qui perpétuent un ronron légèrement désuet.

4. Et puis, en faisant cela, nous retirerons automatiquement le quatrième bénéfice, celui de grandir spirituellement. Car nous devrons nous remettre en question; ne rien considérer comme acquis; chercher toujours à nous rapprocher des vérités de l'évangile; à mieux répondre à l’attente de Dieu pour nous.

Nous deviendrons plus pauvres au sens des Béatitudes, c'est-à-dire mieux conscients de nos fragilités; donc plus disponibles à la proximité de Dieu et à ses promesses.

Voilà, je suis convaincu que le grand virage que nous avons pris en ce début de siècle peut devenir une chance. Celle de former une communauté chrétienne vivante et rayonnante, pétillante, stimulante pour davantage de gens autour de nous.

Jésus disait à ses disciples: "Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement!" Pourrons-nous encore vivre notre foi ainsi, ces prochaines décennies? Je l'espère. À mon sens, il serait regrettable de devoir faire passer les familles à la caisse pour un baptême, un mariage ou un service funèbre. Et ce sera toujours un "plus" pour nous de réaliser l'énorme gratuité du cadeau que Dieu nous offre. Ses promesses de pardon, de salut. Le fait que, chacun(e), nous sommes pour lui infiniment précieux.

  

Vous l'imaginez, cela va peut-être changer de manière importante notre manière de vivre l'offrande. Nos engagements financiers pour notre paroisse, notre Église, pourraient être repensés. Et, pourquoi pas, stimulés (je l'espère!)... Je repense à ce pasteur du Midi qui lançait à ses ouailles, avant l'offrande: "Dieu ne s'intéresse pas à ce que vous donnez, mais à ce que vous gardez"!

Bien sûr, il y a (toujours!) la tentation du repli. La tentation de nous dire qu'au fond, nous pourrions diminuer nos versements à la caisse cantonale, à Lausanne, et que tant que notre paroisse fonctionne, c'est l'essentiel...
  

Mais ce serait ignorer que la caisse cantonale de l'EERV, c'est nous aussi. Par exemple, l'État nous laisse maintenant gérer les ministres et autres personnes employées par l'Église. Cela signifie établir les contrats de travail; calculer les fiches de paie, verser les salaires; remplir les formulaires pour l'AVS, pour les assurances accident, pour les impôts; trouver des remplaçants quand c'est nécessaire, pour les postes vacants, les maladies ou autres arrêts de travail; organiser la desserte la meilleure possible du canton, en tenant compte des particularités de tous...

Pour accomplir ces tâches administratives qui étaient autrefois assumées par l'État, il faut salarier plusieurs personnes. C’est aussi un des effets de la nouvelle Constitution (laquelle a eu d’autre part beaucoup de conséquences bénéfiques, comprenez-moi bien!).

Et puis, les paroisses ne peuvent pas tout faire. Il y a de plus en plus de tâches qui doivent être empoignées au niveau cantonal ou au niveau régional: le journal Réformés; les sites internet; la présence dans les EMS, les hôpitaux et autres institutions (ça, c’est énorme!); les aumôneries de jeunesse, des gymnases ou des Hautes Ecoles, qui font un superbe boulot pour la nouvelle génération; la préparation de matériel attractif pour les enfants et les catéchumènes, c'est important pour l’Église de demain. Sans oublier les animations comme celles de St-François ou de Crêt-Bérard, qui sont suivies par un large public, pas toujours celui de nos paroisses... Il y en a encore des ratapées! Tout cela, ce sont nos contributions à la caisse de l'EERV qui le permettent.

Enfin, n'oublions pas la solidarité, qui se développe continuellement, puisque les misères augmentent encore plus vite! Centre Social Protestant, entraides, Terre Nouvelle, réfugiés... Notre Église trouve essentiel de vivre sa foi aussi dans la dimension de la générosité pour les plus fragiles, les démunis, qui sont la présence du Christ parmi nous, selon l'évangile. “Chaque fois que vous avez été généreux avec un des plus fragiles, qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait”, dit le Christ dans l’évangile selon Matthieu.

Oui, les besoins sont immenses. Et notre Église est sans cesse confrontée à l'impossible défi de vouloir d'une part être présente et agissante au mieux, le plus largement possible; et en même temps de "faire avec" les contributions des paroisses, et leurs pauvretés. Sachez-le: notre Église essaie d’accomplir le maximum avec ce qu'elle reçoit, et elle traque le gaspi partout où elle peut!
  

Pour terminer, laissez-moi revenir à la paroissienne qui disait: "Ce qui caractérise une secte, c'est qu'elle demande de l'argent." Qu’est-ce que je pouvais lui répondre? Il m’est venu de lui parler de l'Église Libre que j'ai connue dans mon enfance. Elle n'était pas du tout soutenue par les pouvoirs publics, elle dépendait de la seule générosité de ses fidèles. Malgré cela (ou à cause de cela, peut-être?), elle a été un terreau extraordinairement fertile de conviction ouverte; d'engagement responsable; de mission enthousiaste et de rayonnement évangélique. Tout cela, sans le moindre esprit sectaire! Amen
                                     
Jean-Jacques Corbaz 






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