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lundi 28 mars 2022

(Pr) “Pas de cygne ni de baleine, mais une croix.”

 Prédication du 28.3.22  -  «Le signe de Jonas »  



Lectures bibliques: Matthieu 12, 38-42 ; Romains 3, 21-24
 

Au temps de Jésus, un pharisien marche d’un pas rapide. Il est très agité. Dans sa tête, il tourne en boucle quelque chose comme :

Depuis quelque temps, ce Jésus fait parler de lui dans toute la Palestine. Il guérit des malades, il proclame avec autorité et discute les règles de la religion. Il prétend tout savoir mieux que les autres ! Il contredit les chefs juifs, les rabbins, responsables de la théologie et de la tradition. Ceux qui sont consultés, ceux qui savent : Jésus les conteste !

Certains disent même que ce serait le Messie, celui que Dieu doit envoyer rétablir le royaume de David. D’autres disent pire encore… je n’ose en parler, ce serait blasphème. On dit, on dit… le peuple rêve…

Minute, papillon ! Moi je dis : si ce bonhomme est le Messie, qu’il le prouve ! L’Ecriture sainte indique des signes précis grâce auxquels on pourra reconnaître ce nouveau David. La tradition religieuse enseigne comment, exactement, le roi du Nouvel Israël apparaîtra. Si ce Jésus prétend être le Messie, qu’il nous donne les signes prévus, annoncés, de son règne ! Nous verrons bien. S’il peut donner ces preuves, moi, je suis prêt à le reconnaître !

Alors voilà. Je vais marcher vers lui. Je vais lui demander : « Tu prétends être le Messie ? Prouve-le ! Donne-nous les signes attendus que tu es bien le nouveau David ! »

 



Voilà ce que se disait Zacharias, le grand maître de la loi, autorité reconnue dans tout Israël en matière de religion juive. Voilà ce que se disaient avec lui pas mal d’autres pharisiens : ‘Alors voilà. Je vais marcher vers lui. Je vais lui demander : « Tu prétends être le Messie ? Prouve-le ! Donne-nous les signes annoncés que tu es bien le nouveau David ! »’

«Quelques maîtres de la loi et quelques pharisiens dirent à Jésus : « Maître, nous voudrions te voir accomplir un signe ! » - dommage que beaucoup de bibles traduisent « nous voudrions te voir accomplir un miracle », car l’évangile selon Matthieu utilise un autre mot, en grec, pour les miracles. Ici, il s’agit bien d’un signe, d’une preuve.

Et à cette demande, au fond bien compréhensible, Jésus répond de manière agressive : « Espèce mauvaise, génération infidèle ! Vous n’aurez pas de signe inscrit au répertoire. Vous n’y comprenez rien ! »

Cet énervement est difficile à saisir, si on oublie que l’évangile selon Matthieu a été écrit quelque 50 ans après la mort de Jésus, au milieu d’une société juive qui persécute les chrétiens et qui montre bien qu’elle n’a pas du tout accepté l’enseignement du Christ. Il y a au temps de l’évangile selon Matthieu un énorme conflit entre juifs et disciples de Jésus. La génération « bouchée », c’est davantage celle des années 80 que celle des années 30 !

Donc pas de preuve ? Pas de signe ? Un seul : celui de Jonas. Et les maîtres de la loi, qui connaissent leurs classiques, savent bien qui est ce Jonas, ce prophète maudit, humilié, et qui fait tout à l’envers. Et vous connaissez son histoire, vous aussi :

Jonas a été chargé par Dieu d’une annonce de punition pour la ville de Ninive, en pays païen. Condamnation irrévocable. Alors, Jonas panique, car il a peur d’être tué. Et il fuit, en bateau, à l’opposé de l’endroit où Dieu l’envoie. Durant le voyage, l’embarcation est secouée par une « puissante » tempête,  et les marins, espérant calmer Dieu, jettent à l’eau notre héros.

Alors qu’il va se noyer, Jonas est avalé par un grand poisson, une sorte de monstre marin, dans le ventre duquel il reste trois jours et trois nuits. Puis il est recraché sur le rivage d’où il était parti.

À ce moment, Dieu l’appelle une seconde fois, et cette fois le prophète obéit. Surprise : les habitants de Ninive se repentent et demandent pardon ! Et, deuxième surprise : Dieu lui aussi se repent de sa décision de punir la ville. Il y renonce. Cela à la grande déception de Jonas. Furieux contre Dieu, il veut se laisser mourir. Mais Dieu revient vers lui et lui rappelle son amour immense et infini envers chacun. Son pardon est toujours plus fort que sa colère !

   

Il est facile, aujourd’hui, d’établir le parallèle entre Jonas et Jésus. Le « signe de Jonas », c’est lui, le crucifié. D’abord à cause des trois jours et trois nuits (même si le Christ n’est pas resté au tombeau trois nuits, vous le savez ! Matthieu a un peu forcé la comparaison). Mais le rapprochement tient surtout à cause du ministère prophétique : le signe de Jonas, c’est qu’il disparaît ! Le signe de Jonas, c’est un « non-signe », un signe à l’envers ; de même, Jésus disparaît dans la tombe, il est un signe « en creux ».

Jésus est aussi ce personnage humilié, apparemment maudit, et sans succès. Il règne à l’envers des valeurs du monde, à l’opposé de ce qu’on attendait.

Il dit également des choses surprenantes, et désagréables à entendre : Jésus annonce que tous les humains sont coupables, et qu’ils méritent tous punition. Mais cette sanction est effacée par la bonté de Dieu, sans limite. Le ministère du Christ, comme celui du prophète de l’Ancien Testament, n’est pas seulement destiné à sonner les cloches aux coupables ; il a surtout pour but de sonner des cloches qui annoncent le pardon définitif d’En Haut. Ce sont les cloches de Pâques ! Dieu renonce à sa colère.

Comme Jonas enfin, Jésus prêche en deux temps : avant l’engloutissement, c’est-à-dire avant sa mort ; et après, lorsqu’il devient le juge de l’éternité,  celui qui nous déclare tous non coupables, qui nous fait grâce à tout jamais !

Pourtant, il y a une grande différence, l’avez-vous remarqué ? Car chez Jésus, ce n’est pas lui qui se dérobe, comme Jonas ; mais c’est le peuple juif qui tue Jésus pour s’en débarrasser. Mais là encore, il revient, de manière lumineuse, au matin de Pâques, proclamer sa souveraineté universelle, proclamer la primauté absolue de la vie sur la mort, proclamer la libération de tous les condamnés.

Je souhaite ardemment qu’aujourd’hui, ce temps de Passion-Carême nous le rappelle : le seul signe de la divinité de Jésus, c’est sa mort sur la croix. Notre salut ne tient qu’à un fil : c’est celui qui nous relie au Christ crucifié !

Face à la curiosité – légitime – de nos contemporains, de celles et ceux qui doutent ; face aux personnes qui ont besoin de comprendre la foi ; face à nos adolescents ; aux gens qui nous demandent des comptes à propos de notre espérance et de nos actes, affirmons-le avec l’évangile : aucun miracle, aucun coup d’épate, aucun signe de gloire ou de merveilleux ne peut donner une réponse satisfaisante et durable. Le seul signe donné à l’humanité pour que nous discernions le fils de Dieu, c’est son règne à rebours, sa couronne qui n’est pas d’or, mais d’épines ! C’est la croix, sa plus belle parole d’amour ! 




Amen


Jean-Jacques Corbaz


vendredi 11 mars 2022

(Bi) Le Christ, incognito

On raconte qu’il y a bien longtemps, une communauté monastique “péclotait” de manière grave. Les frères se jalousaient, se moquaient les uns des autres ou s’ignoraient glacialement, le sens communautaire était en miettes.

Le prieur, désespéré, se rendit à Rome devant le saint-Père. Que faire? supplia-t-il.

Je ne sais pas, répondit le Pape. Je ne vois pas ce qu’il faudrait faire. Et ça me désole, parce que, je peux vous le dire, vous qui en êtes le prieur, votre couvent est exceptionnel. En effet, l’un de vous, je ne sais lequel, l’un de vous est le Christ revenu ici-bas.

Le brave prieur repartit, déçu, et intrigué. Il rentra dans sa communauté avec l’étrange message. Sa mission avait échoué.

Mais, plus le temps passait, plus les frères devenaient réellement des frères les uns pour les autres. En effet, sachant que l’un d’eux était le Christ incognito, chacun redoublait de prévenance attentive pour chacun, en se demandant si celui-ci, justement, ne serait pas le Seigneur.

Au bout de quelques mois, la communauté était devenue un modèle pour les autres. À Rome, le Pape souriait. Et Dieu, de même, soupirait de plaisir.

Le regard, je vous dis. Le regard. ...

Pendant ce Carême, pourquoi n’essaieriez-vous pas, vous aussi? Ce temps dit de la « Passion » pourrait devenir... passionnant!                                          
 


Jean-Jacques Corbaz 

lundi 7 mars 2022

(Pr) Prédication du 7.3.22 - «Porter sa croix»

Lectures bibliques: Luc 9, 18-25; 2 Cor. 4, 6-9

  

Dans un journal de Montréal, j’ai lu ce texte de Pierre Foglia, qui m’a bien fait sourire :

Un plombier britannique compte traverser l’Atlantique à la rame…

La nouvelle a pu vous échapper, cachée qu’elle était dans un cahier éloigné du journal. C’est pourtant une nouvelle importante, une nouvelle qui nous dit que l’homme s’ennuie. Rien de moins.

Le dimanche matin, il lave sa voiture, mais que voulez-vous qu’il fasse d’autre le dimanche après-midi sinon traverser l’Atlantique à la rame ?

Dieu a créé l’homme pour le défi, pour le record, pour le parcours du combattant, pour le dépassement. Disons-le, Dieu a créé l’homme pour l’impossible. Or qu’est-il arrivé ? On l’a vu, l’homme, après avoir bien répondu à la volonté de Dieu au tout début, après s’être épuisé à frotter des pierres pour faire du feu, après avoir mené vaillamment quelques guerres de cent ans et gagné quelques trophées dans la boue… l’homme a inventé la serviette de plage, l’huile à bronzer, et il a aussi inventé les athlètes professionnels pour gagner des trophées dans la boue à sa place.

Mais le voilà maintenant qui s’ennuie, parce que ce n’est pas pour ça que Dieu l’a créé. Je vous l’ai dit, Dieu a créé l’homme pour le défi.

Attendez-vous donc à rencontrer de plus en plus de plombiers sur l’Atlantique. Et si par hasard l’écoulement de votre baignoire est bouché, prenez patience. Rappelez-vous qu’un plombier moyennement en forme met environ quatre mois pour traverser l’Atlantique à la rame !

(Pierre Foglia)
 


Donc, l’homme s’ennuie. On pourrait aussi diagnostiquer, sans doute, qu’il perd quelque chose d’essentiel pour sa vie, une valeur indispensable à son existence.

Jésus dit : « Si quelqu’un veut venir avec moi, qu’il cesse de penser à lui-même, qu’il porte sa croix chaque jour et me suive. Car l’homme qui veut sauver sa vie la perdra ; mais celui qui perdra sa vie pour moi la sauvera. À quoi sert-il de gagner le monde entier, si on se perd soi-même ou qu’on va à sa ruine ? »

Ce trésor, cette seule vraie richesse, qu’est-ce que c’est ? On manque de mots pour les décrire. Notre vocabulaire humain n’est pas assez riche pour cela. Mais l’évangile nous dit qu’on ne peut les gagner que d’une seul façon : « porter sa croix ».

Et porter sa croix, nous croyons parfois bien savoir ce que ça signifie. Nos grands-parents le disaient volontiers pour qualifier une existence difficile, supportée vaillamment malgré tout. Subir des épreuves telles qu’une maladie, un handicap… élever un enfant pas comme les autres… être accablé d’un conjoint acariâtre… tout ça sans se révolter, bien sûr !
  
Evidemment, cela c’est une minuscule partie de « porter sa croix ». Mais l’essentiel nous a encore échappé : « Si quelqu’un veut venir avec moi, qu’il cesse de penser à lui-même, qu’il porte sa croix chaque jour et me suive », dit Jésus.

Il y a trois mouvements qui se succèdent, dans ce verset, et qui sont inséparables :

(1) c’est d’abord « renoncer à soi-même », ou « cesser de penser à soi » ; c’est-à-dire ne plus se placer au centre de ses propres préoccupations. Et c’est sans doute le plus important : celui qui est centré sur sa propre personne finit toujours par tourner en rond, que ce soit dans son appartement ou sur l’océan, à la rame, le dimanche après-midi.

Cesser de penser à soi-même, et (2) porter sa croix. Cela chaque jour, précise encore l’évangile. Il s’agit donc d’un acte quotidien, et non lié à des épreuves particulières. Et ce mouvement n’est lié qu’à une seule épreuve : et c’est celle de Golgotha ! En effet, on ne peut comprendre ce verset sans lire celui qui le précède immédiatement, par lequel Jésus annonce sa mort et sa résurrection. Porter sa croix, c’est donner sa vie ! Et c’est pourquoi le verset qui vient juste après dit encore quasi la même chose : « Car l’homme qui veut sauver sa vie la perdra ; mais celui qui perdra sa vie pour moi la sauvera ».

Porter sa croix, en somme, c’est donc vivre à l’envers des valeurs du monde. C’est se détacher de toute richesse, de tout confort, de toute valeur matérielle ; se détacher même de sa vie ! – comme l’a fait Jésus à Vendredi saint. C’est aussi se détacher des images de réussite, de respectabilité, d’honneur ou de gloire humaine ; se décentrer de sa propre vie terrestre pour viser une vie nouvelle, une vie où la justice, le respect de l’autre et la paix sont plus importants que la puissance ou la fortune.

Mais attention, ne glissons pas sur une pente où de nombreux lecteurs de la Bible se sont encoublés ! Car s’il est clair que notre passage est très critique à l’égard du matérialisme, pourtant on le trahirait aussi en le claironnant, ce passage, comme une condition absolue pour être chrétien – ou pour être sauvé. Ce qui ne ferait que rejeter beaucoup de gens en les accablant de culpabilité. Vous le savez, Jésus est mort justement pour éviter ça ! Pour ne pas nous peser sur la tête !

De plus, vous aurez peut-être remarqué aussi le paradoxe d’un pasteur qui vous prêche « celui qui perdra sa vie la gagnera »… alors qu’il… gagne sa vie en faisant ça !!

Nous sommes tous empêtrés dans nos contradictions, dans ce qui nous empêche de parfaitement  suivre Jésus; et moi le premier, vous le voyez !

Alors, plutôt que d’entendre ce message comme une condamnation, essayons de le comprendre comme un appel à nous améliorer. Comme une description de ce qui nous reste à faire pour parvenir à vivre l’évangile ; à vivre au centre, à l’essentiel de la foi ! Suivre Jésus. (3) C’est le troisième mouvement.
  
Suivre Jésus, et nous laisser inspirer par sa manière d’être. Voilà l’invitation qui nous est donnée pour ce temps du Carême, ou de la Passion. Regarder autour de nous, le monde et les autres, comme des parcelles de ce trésor dont parle la lettre aux Corinthiens. Donner autour de nous un sourire, une main ouverte, une parole de courage ou d’amitié.

Si nous y parvenons, déjà un peu, alors « porter sa croix » n’aura plus la couleur d’une épreuve ; cela deviendra plutôt une expérience enrichissante, tissée de douceur et de lumière, de celles qui anticipent déjà la résurrection de Pâques !

Alors donc, lorsque vous vous ennuyez ; lorsque revient en vous l’envie de vous éclater, de vous lancer dans des défis spectaculaires ; de braver l’impossible ou traverser l’Atlantique à la rame, alors : ouvrez votre Bible à l’évangile selon Luc chapitre 9, verset 23, et dites-vous que le défi ultime, le record le plus fameux, c’est d’arriver à jouer avec Jésus au jeu de « qui perd gagne », soit de cesser de penser à soi, porter une croix qui soit du même bois que celle du Christ, et le suivre sur les chemins risqués d’un amour qui se donne sans calcul.

Cette vie-là sera pleine et belle, porteuse de sens pour nous comme pour les autres. Elle ne connaîtra pas l’ennui, et sera passionnante, dans tous les sens du terme ! Amen.


Jean-Jacques Corbaz