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mardi 24 décembre 2019

(Co) "Les anges font leur gamme" (au singulier, "gamme", vous verrez!), conte du 24 décembre 2019

Les notes de la solidarité


Lecture:  Luc 2, 1-20


Tout le village le dit, il n’y a pas plus chenapan que Dominique, le fils des Doleyres. Il ne rate jamais une occasion de jouer un vilain tour; il boit; il s’emporte; il ne respecte rien; et on dit parfois qu’il attend d’être à sa dernière heure pour faire une bonne action!

Heureusement, il n’a pas été nécessaire d’attendre autant. Un soir, c’était la veille de Noël, en rentrant bien tard d’une virée très arrosée, il se retrouve nez à nez avec... une vache! Egarée.

364 jours par an, il l’aurait laissée se perdre dans la nature en rigolant à l’avance des soucis causés au propriétaire.  Mais, ce soir-là, est-ce à cause du boeuf de la crèche? Ou plutôt à cause de son éducation de paysan? Ou bien parce que la vache en question ressemble à sa première génisse, Blondine, qu’il a tant regrettée? Allez savoir... Toujours est-il qu’il la ramène à l’écurie de Rémy, son voisin, le Fribourgeois.




Do - ré

Quel étonnement pour ce dernier quand il voit Dominique lui ramener sa vache égarée! Il n’a même pas la présence d’esprit de dire “merci”, tellement il est surpris. L’autre est déjà parti. Tout heureux d’avoir retrouvé sa bête, Rémy regrette de n’avoir pas pu être au moins reconnaissant.

Il y repense le lendemain matin, en rentrant de la laiterie. Si bien qu’à l’instant où il croise la vieille Micheline, qui porte un énorme fagot de bois mort pour chauffer sa chaumière pleine de courants d’air, eh bien il ne se contente pas de la saluer d’un grognement, comme d’habitude; mais, à cause peut-être de son espèce de dette, ou plutôt de son besoin de dire “merci”, Rémy lui propose de l’aider à porter son fardeau.

Ré - mi

La vieille, tout éberluée, accepte en se demandant s’il s’agit d’une farce de la part du jeune Fribourgeois. Mais le trajet se passe sans encombre, et Micheline se retrouve chez elle avec son bois... et avec ses questions: serait-ce un signe de la bonté de Dieu? Micheline, qui est très pieuse, finit par se dire que ce cadeau du Ciel pourrait aussi profiter à d’autres...

Elle a reçu la veille la visite de son neveu, sa visite annuelle, pour Noël. Il lui a apporté un gâteau, bien trop gros pour son maigre appétit. Ni une ni deux, sa décision est prise. Elle emballe la moitié de la pâtisserie et se rend chez ses voisins, les Fattebert. Ceux-ci hébergent une petite orpheline, Fabienne, qui reçoit de tout le jour plus de remontrances et de brimades que de sucreries.



Mi - fa

Fabienne ouvre de grands yeux devant le gâteau. Elle se régale avec tant de bonheur que toute sa fête de Noël en est illuminée, comme d’un grand soleil. En elle, la pâtisserie allume un feu, un feu d’amitié et de tendresse qui cherche un coeur à réchauffer, plus loin.

Elle le trouve facilement, faites-lui confiance! Car Solange, la vieille tante de la maison, quasi aveugle et courbée par les rhumatismes, passe ses journées à s’ennuyer dans sa mansarde. Fabienne fait un effort pour vaincre sa peur des jérémiades de la vieille femme, et monte vers elle. Elle lui récite la poésie qu’elle a apprise à l’école, et lui chante le cantique préparé pour la fête du village. Et repart, aussi vite qu’elle est venue.

Fa - sol

Solange, le coeur rempli de reconnaissance, heureuse d’avoir pu revivre l’atmosphère des Noëls de son enfance, Solange fait une prière. Elle remercie Dieu de lui avoir envoyé un petit ange sur sa route, pour adoucir les longues heures de solitude.

D’avoir partagé ce simple bonheur avec Dieu lui donne envie de le partager avec d’autres. Elle décroche le téléphone pour appeler une amie. Mais, en tâtonnant à la recherche du numéro, elle tombe sur l’adresse des Lacombe. Le grand-père, Larry, est veuf depuis peu, et s’en console avec beaucoup de peine. La solitude, le soir, lui pèse, tout le monde le dit. Tout le monde le sait, mais personne ne fait rien.

Renonçant à sa première idée, Solange téléphone à Larry pour l’inviter à passer un moment chez elle, en fin de journée.

Sol - la

En reposant l’écouteur, Larry reste un long moment immobile. Lui, si seul, qui voyait venir les fêtes avec inquiétude, oh, on a pensé à lui. C’est comme si une boule se dégonflait sur son estomac. Il se surprend à se réjouir, pour la première fois depuis... oh, depuis...

En partant de chez lui, Larry prend un lapin de son clapier. Il a d’abord pensé l’amener à Solange. Mais très vite, un autre visage apparaît dans sa mémoire: Simon, le cordonnier, qui n’arrive jamais à nourrir ses six enfants. C’est là qu’il se rend d’abord. Le cadeau est vite fait: la boutique est ouverte, le lapin change de mains, et, avant que Simon ait compris, Larry a déjà disparu.




La - si

“Qu’est-ce qui lui a pris?” demande la femme du cordonnier quand il lui raconte l’histoire. “C’est étrange, il ne nous a pas habitués à la générosité. Crois-tu peut-être qu’il ait quelque chose sur la conscience, dont il ait voulu se soulager?”

En entendant ces mots, Simon devient tout rouge. Il va au fond de sa boutique et prend une paire de souliers presque neufs. Réparés, mais couverts de poussière. Il les fait briller, puis prend le chemin de la ferme des Doleyres. Ce sont les souliers de bal de Dominique, qu’on lui avait apportés il y a presque une année. Pour les recoudre. Mais le jeune chenapan lui avait cassé plusieurs carreaux à ses vitres quelques jours après; alors, Simon a toujours gardé les souliers, par vengeance, et prétendu qu’il les avait rendus.

“Bonsoir, Dominique. Voici vos souliers. Oublions notre querelle, la réparation ne vous coûtera rien. Je vous souhaite un joyeux Noël.”

Si - do

Le fils Doleyres a oublié depuis longtemps sa bonne action pour Rémy. Mais il a dans les yeux l’éclat de ses souliers, revenus comme neufs. Ce soir-là, il s’endort, vraiment heureux.




Gamme de do majeur

Extrait d'article provenant du site : https://www.apprendrelesolfege.com/les-gammes-majeures

Dominique,

my,

Micheline,

Fabienne,

Solange,

Larry,

Simon,

Dominique: c’est comme si une bande d’anges musiciens étaient venus se donner la main, pour entonner la plus belle des musiques de Noël.


Jean-Jacques Corbaz 






lundi 23 décembre 2019

(Hu, Re) la prière, roue ou volant?























Perso, j'aurais écrit "un meilleur chemin", plutôt que "le droit chemin". Mais l'idée reste excellente.

vendredi 6 décembre 2019

(Hu) F Oie

Pour ce mois de décembre... chargé, ce superbe dessin de Bertschy ("minipeople"):



lundi 2 décembre 2019

(Co, Pr) Ruth ou comment Dieu tient ses promesses


 Le racheteur  Esaïe 43, 1-4; Jean 6, 30-35; Luc 6, 47-49


C’était au temps où les juges siégeaient aux portes des bourgades, en Israël. C’était il y a longtemps.

Le village, là-haut, semble attendre. Le chemin qui y conduit monte sèchement. Deux femmes, deux silhouettes sombres, marchent dans la poussière. La première avance, droite comme un jeune cyprès, curieuse de tout, observant tout ce qui l’entoure. La seconde a les yeux fixés sur le sol, la tête penchée, trop lourde. Elles s’arrêtent un instant, pour souffler. La plus âgée lève la tête.

Autour d’elles, les oliviers s’étagent en moutonnements couleur vieil argent. Des champs de blé mûrissent au soleil. Et le puits, comme un berger. Le puits... Naomi se souvient. C’est là qu’il lui avait parlé, la première fois. Le dernier champ qui leur reste est juste un peu plus haut, oui, elle le voit d’ici: avoines folles et broussailles... un champ en friche. En friche, comme elle.

Cette année-là, il y a 14 ans, ce champ était sec comme un vieux cuir racorni, et les autres aussi. Des mois sans aucune pluie. Tout avait séché sur pied. Et bientôt, il avait fallu partir, il n’y avait plus de quoi faire du pain.

Partir, quitter la maison, fermer la porte; s’en aller tôt, un peu en cachette; en espérant revenir. Quand même, en descendant le chemin, elle s’est retournée, comme la femme de Lot, elle a regardé (une dernière fois?) le village, son village qui n’a plus de pain pour elle... Bethléem. La maison du pain. Un peu de son coeur a durci, là, en partant.

Plus loin dans la plaine, à une semaine de marche, s’étalait un pays de champs verts et gras. Le pays de Moab, dont le roi est éleveur! On les a bien accueillis, un peu comme des réfugiés. Les deux garçons se sont vite habitués, son mari a trouvé du travail, ils ont pu manger, se rassasier.

Moab, où l’eau ruisselle!

Mais ce n’était pas la maison; pas le même peuple; pas le même Dieu; pas le même lieu.

Surtout quand survient le malheur. Un jour, on a ramené son mari, Elimélek, couché. Il est mort en moins d’une semaine.

 


                                           








*                                           *

Elle est seule maintenant, avec cette blessure ouverte; et plus personne avec qui parler d’avant. Les garçons ont oublié, ils s’intègrent, comme on dit. Ils fréquentent des filles d’ici, des païennes. On arrange les mariages. Elle ne s’oppose pas: elle aimerait tant des petits-enfants! Assurer une descendance à Elimélek, et réveiller, avec un rire de petit, son coeur à elle, son coeur tout racorni...

Mais un jour, on ramène son fils Marhlôn, - mourant...

Puis un autre jour, on ramène son fils Kilyôn, mourant...

Il y a un mot pour dire qu’on n’a plus de parents; il y a un mot pour dire qu’on n’a plus de pays; un mot pour “sans mari” et un pour “sans femme”. Mais il n’y a pas de mot pour les deux fils qu’elle a perdus.


                                                    *                                    *
C’est alors qu’elle apprend que son peuple revit; la pluie est revenue, le blé pousse, et lui donne à nouveau du pain. Naomi décide de retourner chez elle, à Bethléem. Puisqu’elle est privée d’avenir, autant revenir au passé. Et quand ses belles-filles veulent la suivre, elle refuse:

- Rentrez chez vos parents. Retrouvez un autre homme, ayez des enfants. Moi, je n’ai plus de mari, plus de vie à vous offrir! En moi, il n’y a plus que l’amertume et la mort.

La première, Orpa, se met à pleurer. Elle prend congé de sa belle-mère et s’en va, toute triste. Mais Ruth, elle, lève les yeux sur le visage déjà vieux; sur les bras qui ont porté son mari, il y a longtemps - ces bras si frêles, maintenant. Comme de fines baguettes prêtes à casser.

- Non, fait-elle, jamais! Jamais je ne te laisserai seule, Naomi, je t’accompagne, même si tu ne veux pas de moi.

Les deux femmes se mettent donc en route sous le soleil de plomb. Quand elles arrivent, c’est le temps des blés mûrs. Les villageois, méfiants, regardent de loin ces silhouettes inconnues. Des étrangères? Mais soudain quelqu’un crie:

- Naomi? Naomi, c’est toi? Mais ça fait plus de dix ans!

Une petite foule les entoure en pépiant, questionnant. Mais Naomi repousse toutes ces présences joyeuses:

- Je ne suis plus “ma gracieuse” (c’est la signification de Naomi). En moi, tout est sec et amer, comme nos champs quand je vous ai quittées. Appelez-moi Mara, amertume.
   


                                                   *                                    *
Le lendemain, Ruth la Moabite se lève tôt pour aller aux champs, glaner, puisque c’est le temps de la moisson. Et Mara reste seule. Elle retrouve ce qu’elle a laissé il y a 14 ans: la maison... avec en plus 14 ans de poussière et d’abandon. Et ses souvenirs, qui tournent en rond. Comment s’en sortir, seule, sans soutien, sans homme? Il lui reste un champ. Après la récolte, elle le vendra, ça les aidera à tenir quelque peu avant de devoir mendier.

Le soir, elle guette le retour de celle qui est devenue son unique famille. Bientôt, elle l’aperçoit au bout du chemin, ployant sous un sac énorme! Mara se précipite, elle l’aide; le sac est étonnamment lourd, plus de 25 kilos de grains!

Et Ruth raconte: elle a trouvé un champ, les moissonneurs lui ont permis de rester derrière les filles qui ramassent. Vers midi, le maître est arrivé; il l’a fait venir. Elle a eu peur d’être chassée, mais au contraire, il lui a parlé avec bonté. Et lui a permis d’aller avec les ramasseuses. Au moment du repas, il l’a appelée pour qu’elle vienne manger vers eux, à l’ombre... Comme si elle était son employée! Il a même dit aux hommes de ne pas l’importuner. Alors elle a demandé pourquoi il la traitait ainsi, elle, une inconnue. Le maître a répondu qu’on lui avait raconté au village ce qu’elle avait fait pour sa belle-mère.

- Il s’appelle Booz. Il m’a dit que je pourrai retourner sur ses champs tous les jours de moisson!

Pour Mara, c’est un choc. Booz est un cousin de son mari. Un racheteur. Elle explique à Ruth la coutume juive: on ne laisse pas une famille s’éteindre. Si un homme meurt sans héritier, le plus proche parent du défunt épouse sa veuve pour qu’elle porte un enfant. Il assure ainsi une succession au premier mari. C’est un racheteur.

Chaque matin, Ruth retourne aux champs de Booz. Et Mara réfléchit.


                                           *                                    *
À la fin de la moisson, elle dit à Ruth:

- Tu es bonne pour moi. Ecoute ce que tu vas faire, ce sera ta récompense: aujourd’hui, Booz va battre son grain. Ce soir, quand le vent montera de la mer, il vannera avec ses gens. Puis il va manger et boire. Enfin, il se couchera juste à côté du tas de grains - c’est l’habitude, pour décourager les voleurs. Alors, quand il dormira, tu t’approcheras de lui. Lave-toi, parfume ton visage, et reste discrète!

Tout se passe comme elle l’a dit. Sur l’aire de battage, il fait nuit. L’odeur sèche du grain se pose partout, comme un merci. Il n’y a aucun bruit, juste le frôlement d’un petit animal et la respiration régulière du maître, endormi près du tas.

Une ombre alors se détache de l’obscurité, s’approche silencieuse du dormeur, soulève son manteau et se couche à ses pieds. L’homme ne s’est même pas réveillé, et la nuit, un instant dérangée, retrouve sa paix.

Booz rêve. Peut-être voit-il un arbre majestueux s’élever de sa poitrine: un chêne. Une dynastie s’y déploie comme une chaîne. Un roi pareil à une étoile y chante la gloire du Seigneur. Et tout en haut, un Fils meurt sur le bois nu.

Une sensation de froid réveille Booz: ses pieds sont découverts. Mais il sursaute: contre lui, il sent le tiède d’un corps, le parfum d’une femme.

- C’est moi, Ruth. Tu es racheteur. S’il-te-plaît, épouse-moi!

- Ruth? Toi? Bénie sois-tu! Tu es un trésor précieux! ... C’est vrai, je suis racheteur, mais il y en a un autre, plus proche parent, c’est lui qui a la priorité. Ecoute: demain je m’occuperai de tout. S’il veut te racheter, il le fera; sinon, ce sera moi. Recouche-toi, ne t’inquiète pas.

Quand le jour se lève, un petit matin pâle et calme, Booz la réveille. Elle a de la paille dans les cheveux. Il la lui enlève doucement. Puis il dit:

- Ecarte ton manteau.

Il y verse une large mesure de blé, comme une promesse.

- Rentre maintenant, il vaut mieux.

Elle retourne vers sa belle-mère en tenant le grain contre elle. Et ça lui fait le ventre rond.

Et Mara, en entendant tout ça, sent qu’en elle Naomi se réveille.



                                           *                                    *
Le même matin, Booz se rend à la porte du bourg. Il réunit dix juges. Et quand passe le premier racheteur, il l’appelle:

- Ecoute, viens ici! Naomi et Ruth vendent leur champ. Le veux-tu? Tu es le premier racheteur, que choisis-tu?

- Eh bien oui, ça m’intéresse!

- Alors, fait Booz, tu sais que tu dois, selon la coutume, prendre chez toi la veuve du mort, et lui assurer une descendance.

L’homme hésite. Ce qu’il achèterait avec son argent, ce ne serait pas pour ses fils, mais pour ceux de Ruth, la Moabite.

- Alors, je préfère renoncer. Si tu veux, rachète à ma place.

Booz se tourne vers les juges:

- Vous entendez, aujourd’hui je rachète ce qui était au mari et aux fils de Naomi. Je rachète aussi Ruth et je leur donnerai une descendance.

- C’est bien, disent les juges, nous en sommes témoins!

Ainsi, Booz épouse Ruth. Et bientôt, elle attend un enfant.

Le jour de sa naissance, on appelle la nouvelle grand-mère. Les femmes chantent autour d’elle: “Béni soit le Seigneur, Il t’a donné un racheteur qui te nourrit et te protège! Un rédempteur! La vie a repris dans ta lignée!”

Naomi serre l’enfant contre elle. Son coeur se réveille complètement. Oui, béni soit le Seigneur, il est fidèle pour les morts et pour les vivants!

Le bébé reçoit le nom d’Oved, ce qui veut dire “serviteur”.

Oved sera le grand-père d’un roi qui chantera la gloire de Dieu: David. Et David aussi aura de nombreux descendants... comme une chaîne qui mène à cette nuit étonnante où le ciel chantera: à Bethléem, “la maison du pain”, le descendant d’Oved pousse son premier cri. Dieu vient de donner à tous un Racheteur. On l’appelle Emmanuel. Dieu avec nous.

Il est pour nous le pain vivant venu du ciel. Amen


                                                           conte d’Alix Noble, légèrement adapté par Jean-Jacques Corbaz


mercredi 20 novembre 2019

(Ci) Deux perles de "soif"


Amélie Nothomb:

"D'une manière générale, les morts sont moins bêtes que les vivants."

("Soif, p. 143)


"Il faut accepter ce mystère: vous ne pouvez pas concevoir ce que les autres voient dans votre visage."

(Ibid, p. 152)



mardi 19 novembre 2019

(Pr, SB, Vu) Dieu n'est pas juste juste!

Prédication du 18 novembrrr 2019  - "Qu'est-ce que je Lui ai fait?"

« La souffrance, l'injustice... et Dieu dans le livre de Job » 
 

Lectures:  Job 9, 14-24; Job 27, 1-6; Jean 9, 1-7



Je vous propose ce matin d’essayer de comprendre quelques éléments du livre de Job. Un livre difficile, qui se coltine avec la question douloureuse de la souffrance et de l'injustice, et de Dieu là au milieu. Nous en entendrons tout-à-l’heure deux passages.

Et, puisque nous ne pouvons pas lire les 42 chapitres de ce livre, permettez que je vous en rappelle les grandes lignes. Il s’agit d’un conte oriental, adapté par le judaïsme, pour méditer la question du mal dans le monde.

Job est un homme riche. Immensément riche. Honnête et bon, aussi. Un juste, à qui tout réussit. Il est sans reproches devant Dieu.

Mais tout à coup, sur l’instigation de Satan (l’Esprit du mal), tous les malheurs possibles tombent sur Job. Ses troupeaux et ses employés sont massacrés par des brigands. Ses 7 fils et ses 3 filles sont tués par un ouragan. Puis il est ruiné. Et enfin il tombe gravement malade.

Pourtant, Job refuse de maudire Dieu, il ne veut en aucun cas l’offenser.

Surviennent alors trois amis, qui viennent lui dire leur sympathie et le réconforter. La Bible raconte qu’ils restent auprès de Job 7 jours et 7 nuits sans parler, tant sa souffrance leur paraît grande.

Job alors se plaint de ses malheurs. Et ses amis se mettent à chercher les causes de ce qui est arrivé. En effet, on croyait à cette époque que tous les malheurs étaient envoyés par Dieu!

“Tu es puni parce que tu as péché”, lui dit-on. “Mais non, répond Job, je n’ai rien fait de mal”.

“Alors, tu as péché sans le savoir, ou bien ce sont tes enfants. Il n’y a pas de fumée sans feu!”. “Mais non, répond Job, je suis sûr que non”. Ecoutons sa réponse, au chapitre 9: Job 9, 14-24.

Etonnante actualité!

La discussion continue. Les amis continuent de faire valoir mille arguments, cela sans jamais remettre en question leur point de départ, qui est: Dieu a forcément de bonnes raisons de te punir.

De son côté, Job reste sur ses positions. Ecoutons ce qu’il affirme au chapitre 27. Ce passage sera au centre de notre prédication: Job 27, 1-6.

À la fin, Job se tournera vers Dieu lui-même. Et, effectivement, seul Dieu parviendra à faire bouger notre héros de ses positions, en lui montrant que l’homme est trop petit, dans le monde, pour comprendre tout ce qu’il s’y passe. La notion de justice absolue nous dépasse complètement.

Tout cela, Job le reconnaît. Alors, Dieu reproche aux trois amis de ne pas avoir dit la vérité sur lui, Dieu, sur sa justice. Puis il rétablit Job dans toutes ses richesses, à double même! Il lui donne de nouveau 7 fils et 3 filles, et le comble de bénédictions jusqu’à sa mort.

Pourtant, vous le savez, cette idée que nos malheurs sont une punition pour nos péchés va subsister longtemps. Vous connaissez sans doute ce passage de l’évangile: Jean 9, 1-7.



 


(prédication)

Face à la souffrance, face à l’injustice, comment réagir? Qu’est-ce que notre foi au Christ peut dire?

L’histoire de Job va peut-être nous aider à trouver quelques éléments. Mais n’attendez pas de cette prédication des réponses parfaites et définitives, des explications pleinement satisfaisantes: il n’y en a pas, ici-bas!

(1°) Première remarque: en effet, dans l’Eglise (comme ailleurs!), on est souvent très pressé d’expliquer les choses, de trouver des causes à ce qui nous arrive, à ce qu’on vit. Comme les trois amis de Job, on court à des raisonnements qui s’avèrent boiteux, parce qu’on parle de Dieu comme on parlerait d’un être humain. Mais il est impossible d’enfermer Dieu dans notre logique, comme il est impossible d’enfermer le feu... ou l’espoir!

Dans l’Eglise (comme ailleurs!), on explique, et on explique mal, parce qu’on part d’un principe qui n’est pas vrai toujours et partout. La base de notre raisonnement est fausse, ou plutôt: elle ne discerne qu’une petite partie de la vérité. Dieu est juste? Oui, mais sa justice va se traduire comment, face à nous qui ne le sommes pas?

Premier point, donc: face à la souffrance, face à l’injustice, ne pas essayer de vouloir tout expliquer; mais accueillir; mais constater (avec respect, avec amour, sans juger), constater tout ce qui fait souffrir cette personne, là, en face de moi.

Vous vous souvenez? Les trois amis de Job sont restés sans parler pendant... vous vous souvenez? 7 jours et 7 nuits! En serions-nous capables? 7 jours et 7 nuits! Et la suite montre bien qu’ils ont encore parlé beaucoup trop tôt!

(2°) Deuxième remarque. Dans tous ces 42 chapitres, il y a une chose étonnante: toujours, les trois amis parlent de Dieu. Job, lui, parle à Dieu. Et celui-ci l’approuve.

Job crie vers Dieu son amertume, sa révolte: il ne mérite pas cela! Ne fait-il pas comme beaucoup de nos contemporains, quand ils disent: “Qu’est-ce que j’ai fait au Bon Dieu pour que cecicela?”

Il y a une différence, pourtant, qui est essentielle: Job ne dit pas: “Qu’est-ce que j’ai fait au Bon Dieu?” - mais il plaide: “Seigneur, tu sais bien que je suis innocent; alors, pourquoi tout ce qui m’arrive?” Job parle toujours devant Dieu, en sa présence. C’est lui qui affirme, au milieu de ces dialogues avec les trois amis, ce verset bien connu: “Je sais que mon Rédempteur est vivant, et qu’à la fin il se lèvera sur la terre. Je sais que mon Rédempteur est vivant, c’est en lui que j’espère”.

Job donc ne fait pas de discours sur les raisons de Dieu, comme les trois amis. Il crie à lui. Avec confiance. Avec foi!

Second point, donc: lorsque je suis confronté à l’injustice et à la souffrance, Dieu est heureux que je crie vers lui. Que je proteste, que je questionne, que j’affirme ne pas être d’accord. Dieu m’encourage à hurler ma plainte. Si je lui dit: “Tu es un salaud”, ça vaut mille fois mieux que de renoncer.

(3°) Troisième remarque, et troisième étonnement: dans tous ces dialogues où il crie à l’injustice, Job ne perd jamais la conscience de sa valeur. Notre passage se termine par ces mots: “Je ne renie rien, je n’ai pas honte de ma vie”. Après tout ce qui lui est arrivé!

“Non, rien de rien, non je ne regrette rien: ni le bien qu’on m’a fait, ni le mal, tout ça m’est bien égal”! Oui, Job me fait penser à Edith Piaf. J’imagine que vous connaissez un peu la vie de cette chanteuse, qui s’est cassé la figure à peu près autant de fois qu’elle est tombée amoureuse!
 

 

Troisième point donc: dans le pétrin, dans la mouise, tâcher de garder confiance en notre propre valeur. Face à des victimes, face à des gens brisés par la vie, tout faire pour les aider à conserver la conscience de ce qu’ils valent de positif. Les tuiles qui les accablent n’enlèvent rien au fait qu’ils sont des humains à part entière, qui ont droit au respect, à l’équité, à la confiance. Et qui ont le droit de se respecter eux-mêmes, de se faire confiance!

(4°) J’arrive au bout. Mais il faut parler du Nouveau Testament. Car Jésus, lui, est venu nous dire, et venu vivre au milieu de nous à peu près cela, ce que le livre de Job tente de nous faire comprendre. Face à cet aveugle de naissance, les disciples, comme les amis de Job, se disent: “Il y a bien une raison. Qui a péché, pour qu’il naisse ainsi?”

Là, Jésus est très clair: son handicap ne vient ni de son péché, ni de celui de ses parents, ni de personne. Jésus n’est pas venu expliquer le mal, l’injustice et la souffrance, comme les hommes le croyaient: il est venu accueillir ceux qui souffrent, exactement comme le soulignait notre première remarque. Accueillir ceux qui souffrent avec respect, avec amour, sans jugement.

Jésus, ensuite, est venu présenter ces souffrances devant Dieu, tout à fait dans le sens de notre deuxième remarque. Ces injustices, ces révoltes, il vient les crier avec nous, pour nous, il les portera sur la croix, pour les tourner vers le Père dans un geste d’offrande! Il vient nous aider à prier, à clamer nos douleurs, à mettre Dieu dedans. Jésus n’est pas venu expliquer le mal, l’injustice et la mort; non, il est venu les remplir de la présence de Dieu!

Enfin, Jésus est venu nous dire que, dans nos catastrophes, dans l’horreur même, dans l’enfer terrestre que tant d’humains traversent, Jésus est venu nous dire que, même là, nous sommes les enfants de Dieu. Surtout là! Nous sommes enfants de Dieu, donc des gens infiniment dignes d’être aimés, des personnes d’une valeur inestimable, dans le droit fil de notre troisième remarque!

Jésus rend la vue à l’aveugle que tous accusaient, rejetaient. Il ira jusqu’à donner sa vie à notre place, pour nous prouver que Dieu nous aime à la folie, justement là, dans les souffrances les plus terribles.

Et Vendredi Saint nous ramènera au raisonnement des trois amis de Job; mais... à l’envers: car à Golgotha, Dieu n’est pas juste, mais alors pas du tout! Son amour est si grand qu’il en efface sa justice, pour ne pas nous condamner!

Il refuse que sa justice l’entraîne dans une logique de punition. Dieu n’est pas juste, mais il aime. Il nous aime! Amen                                          

Jean-Jacques Corbaz  







samedi 12 octobre 2019

(Co, Pr) "Et n’oublie aucun de ses bienfaits"

Prédication narrative du 12 octobre 2019

Lectures: Psaume 103, 1-18; Romains 5, 1-8; Jean 3, 16-17



Soir d’octobre... “Lalala, lalalala la... Un peu d’ombre et de lumière, au partage entre chien et loup...”

Non! Marcel n’est pas d’humeur à chanter, aujourd’hui. D’un geste sec, il éteint la radio. D’ailleurs, ce n’est pas le soir, en ce dimanche. Ce n’est pas le soir? sauf peut-être dans sa vie. Sauf peut-être dans toutes ces années, accumulées, qui lui pèsent; sur les épaules et sur le coeur. Fatigue. Douleurs. Aigreurs, parfois. Et surtout cette surdité, qui l’empêche de se joindre aux conversations à plusieurs.

Marcel marche, péniblement; quitte la cuisine; sombre. Et se dirige vers la porte. Descend, lourdement, les trois marches du perron. Et s’arrête. Contemple le pâle soleil d’automne. Morose, Marcel. Et, s’assied; ou plutôt se laisse tomber, sur le vieux banc, devant la ferme-qui-ne-sert-plus (la ferme donc, pas le banc).



Et aujourd’hui, c’en est trop. Déjà, le volet, qui tape quand souffle la bise, et qu’il n’a pas réussi à réparer... avec ses mains qui tremblent tellement...

Et puis, il a bien fallu téléphoner au neveu, pour qu’il vienne, s’occuper de ce maudit volet. Mais que c’est difficile, d’avouer... qu’on n’a pas pu; qu’on ne peut plus; qu’on a besoin des autres. Alors qu’avant, alors que toute sa vie, c’étaient les autres qui avaient besoin de nous...

Et puis, la goutte qui a fait déborder le vase: voilà que c’est la femme du neveu qui a pris le téléphone; et qui lui a répondu, d’un ton un peu sec, un peu impatient, que oui oui, son mari viendrait, mais pas aujourd’hui, mais peut-être mardi ou mercredi, en sortant du travail, car il a tant à faire, depuis qu’il est concierge de cet E.M.S., où les pensionnaires sont si bien soignés, - et Marcel a entendu, derrière ces trois lettres, claquer comme une menace: E - M - S, maison de retraite, quoi, pour les vieux, Marcel, pour les qui ne sont plus capables, comme toi bientôt... peut-être...

- J’en peux plus! grommelle Marcel. Quelle rosse!

À qui parle-t-il, au fait? À lui-même? À Dieu peut-être? Il ne se pose même plus la question. Car depuis tout petit, Dieu a fait partie de sa vie: école du dimanche; catéchisme; Unions Chrétiennes, quand il avait rencontré Marguerite (soupir de bonheur). Ils allaient au culte, régulièrement. Il entendait mieux, alors! En son temps, il avait même été membre du Conseil de paroisse, pour rendre service au pasteur Amiguet, un tout vrai, un profond, celui-là...

Avec Marguerite, ils avaient pris l’habitude de “rendre grâces” avant les repas, comme leurs parents le faisaient avant eux, depuis toujours: “Mon âme, bénis l’Eternel, et n’oublie aucun de ses bienfaits”. Oui, ça lui fait du bien, de repenser à tout cela, ça lui fait du bien, en ce dimanche. Marcel se souvient même de son émerveillement, quand, petits gamins, ils écoutaient tante Rose raconter les miracles de Jésus: la guérison du paralytique; la multiplication des pains; Jésus qui marche sur l’eau; la tempête apaisée... Et puis, dans l’Ancien Testament, la sortie d’Egypte; et les murs de Jéricho; et David et Goliath...
  


Mais maintenant? Mais aujourd’hui, Dieu est-il toujours aussi puissant et agissant? Ou bien est-il devenu peu à peu aussi essoufflé que lui, Marcel? Aussi usé et handicapé? Aussi fatigué?

En tout cas, dans sa vie présente, il n’y a plus d’exploits; plus de miracles inouïs qu’on pourrait raconter à des enfants aux yeux écarquillés...

Non, rien de merveilleux; mais cependant... il y a quelque chose quand même: comme une amitié, continue; une présence, qui fait du bien. Quand Marcel se confie, dans la prière ou dans le silence, il sent une sorte de réconfort; un peu comme lorsque Marguerite était encore là, à côté de lui, sur le banc devant la maison, les soirs où tous deux avaient tant travaillé.

Et quand Marcel sent une conscience lourde, des regrets, des actes dont il n’est pas fier, eh bien cette présence le rend plus léger; plus libre. Il se sait pardonnable... et pardonné! Oui, ça ressemble au bras de Marguerite sur son bras, les soirs de peine...
... Marguerite... (soupir de bonheur).

Il revoit le voyage qu’ils avaient fait, pour leurs 40 ans de mariage. Leur seul voyage! En Grèce. Sur le bateau, ils avaient reparlé de leur enfance, de leur jeunesse; de leurs espoirs... de ces enfants qu’ils n’ont jamais pu avoir...
  


Et si, maintenant, Marguerite repose au petit cimetière du village, elle est toujours si fortement présente dans le coeur de Marcel; dans leur foi, partagée; tranquille, mais sûre. Par elle, Dieu est plus proche, aujourd’hui encore, se dit le vieux paysan. Reconnaissant.

Sur son banc, Marcel se sent mieux. Ça lui a fait du bien, de sortir, et de méditer ainsi. Un bien fait! Son énervement l’a quitté.

Il entend maintenant les enfants des voisins qui jouent de l’autre côté de la haie. Il remarque aussi l’odeur à peine acide des pommes, tombées à quelques pas de lui. Parfum de bel automne. Fruits! Récoltes! Travail achevé, bien fait!

Est-ce que ce n’est pas le Créateur qui l’a soulevé, là, pour voir plus large? Comme son grand-père le portait, enfant, pour lui montrer des choses plus loin, plus haut?

Marcel a l’impression d’avoir regardé le monde à travers des lunettes d’approche: tout à l’heure, il voyait ses misères, agrandies, menaçantes, énormes. Et maintenant, on dirait que Dieu a retourné les jumelles, et ses soucis sont devenus beaucoup plus petits; presque des broutilles.
  


Marcel se sent plus près de Dieu, et, du coup, il a envie de se rapprocher des autres. Il se lève, et par-dessus la haie, il salue les voisins. “Bonjour!”. Il offre des pommes aux deux gamins.

Et puis, il pense à son neveu. Quand il viendra, il faudra qu’ils parlent franchement, tous les deux. Trouver une solution pour ces petits travaux. Et... dire qu’il n’a pas aimé l’allusion, l’allusion à l’EMS... Non, ça non, c’est au-dessus de ses forces. Peut-être qu’il comprendra tout seul, le neveu...

Marcel s’est mis en route pour rentrer. Sans s’en rendre compte, il fredonne la chanson qu’il a entendue tout à l’heure, à la radio: “Lalala, lalalala, la... On n’est pas dans les Cyclades, on est bien dans nos îles à nous; nous avons le vent, maussade, qui fait plier le genou. Mais pour vous, ce soir d’octobre, je voudrais rester debout. Que je sois perdu ou sobre, je veux vivre près de vous; je veux vivre près de vous.”

Marguerite... (soupir ému). Un jour, en Grèce, ils avaient visité un couvent. Un moine avait expliqué que, chaque matin, les chrétiens grecs disent le psaume 103: “Mon âme, bénis le Seigneur, et n’oublie aucun de ses bienfaits”. Le couple s’était regardé, amusé de cette coïncidence. Marguerite lui avait serré la main, avec son sourire qui lui plissait les yeux. Et la tendresse de ce moment-là avait toujours habité leur prière, depuis. Elle lui avait donné une nouvelle vigueur.

C’est l’heure du souper, maintenant. Le soir est vraiment là, cette fois. Devant son bol de café au lait, sa tranche de pain et son bout de fromage (c’est son menu ordinaire), Marcel dit d’une voix forte et paisible, presque joyeuse: “Mon âme, bénis l’Eternel, et n’oublie aucun de ses bienfaits”. Amen                                          

Evelyne Roland Korber et Jean-Jacques Corbaz 



 

Merci à Emile Gardaz pour les paroles de la chanson!  


mercredi 2 octobre 2019

(Hu) Le fils Tell (fable express)


 

Fable express!

Un jour, Tell, prénommé Guillaume,
avec son fils subit l'épreuve.
Il voulait transpercer la pomme,
mais c'est sa bru qui devint veuve.

Moralité: Tell... perd Tell fils!

JJC

mardi 1 octobre 2019

(Bi) Elle sait où elle va


Elle respire à peine. C’est la seule chose en elle qui n’est pas immobile.
 
Elle semble si frêle, les traits tirés: la page va se tourner, il faudra apprendre à vivre sans elle, physiquement.

J’ai beau avoir l’habitude, je suis toujours à ce moment saisi d’une timidité maladroite: que dire? que faire? Ce manque m’aide à être vrai, je crois. Lorsque la carapace sera trop dure, il me faudra changer de métier.

Alors, me taire. M’approcher. Me présenter (elle m’entend). La toucher doucement. Et écouter.

Celle qui est couchée ici n’est pas une mourante: c’est Blanche ou Rose, paysanne volubile qui cousait la nuit; qui blaguait avec ses petits-enfants; puis qui a égayé l’EMS, cette année, par son à-propos, ses chants – et les caprices de sa mémoire!

Celle que je vois rejoint celle de mon souvenir. Je peux ouvrir la bouche, et laisser s’approcher Celui qui m’envoie.

«Vous savez, Dieu est là, tout proche. Il veille sur vous, comme une mère au chevet de son enfant. Avec tendresse».

Bien sûr elle le sait. A l’école du dimanche; au catéchisme; au culte; dans nos échanges, nos prières, elle l’a laissé grandir en elle, s’enraciner. Solidement.

«Il est mon berger, je ne manquerai de rien». Sa main serre la mienne, elle a bougé! Ou alors c’est la bouche pour dire «amen» ou «merci». Ou encore une larme qui perle et descend lentement. Vie.

Je la sens soudain si forte, dans sa dernière fragilité. Non, elle ne manquera de rien: ce voyage indicible, elle l’entreprend en compagnie de Celui qui nous donne pleine sécurité quand nous Lui faisons confiance.

Je suis souvent trop ému, alors, pour adresser une pensée reconnaissante à celles et ceux qui ont transmis leur foi à Rose ou Blanche, et lui ont permis de mourir si sereine, si lumineuse. Ces lignes veulent le dire.

Et aussi nous aider, peut-être, à penser à nos jeunes, nos enfants: dans huitante ans, quel départ leur aurons-nous préparé?

                                                        Jean-Jacques Corbaz

 

vendredi 6 septembre 2019

(Hu) On ne doit jamais...


 
Une de mes petites-filles (2 ans 1/2) est en train de jouer quand elle lâche le mot de Cambronne. Je lui fais remarquer que je n'aime pas entendre ce mot. Elle me regarde, concentrée, et reprend son jeu. Trente secondes plus tard, je l'entends dire à voix bien haute: "On ne doit jamais dire 'merde', on ne doit jamais dire 'merde', on ne doit jamais dire 'merde'..." 

JJC

 

(Ci, Hu) Des défauts??



Ne dites jamais: 
"Untel a des défauts", 
mais: 
"Untel a des défauts incompatibles avec les miens".

JJC


vendredi 23 août 2019

(Bi) Rien contre, vraiment?!?

Lu sur Internet:












À cela, je réponds:

Je suis désolé, Caroline, mais la personne qui a écrit ça ne connaît pas grand chose ni aux religions ni aux conflits. Les guerres et la violences sont causées par les fanatismes ou la soif de pouvoir. Les fanatismes sont parfois religieux, parfois nationalistes, parfois sportifs (ah le foot....); ils sont toujours réducteurs et contraires à la religion telle que je la conçois. Pourtant, je ne vais pas faire la guerre à ceux qui pensent différemment de moi. La foi telle que je la vis est plutôt un antidote à la violence, aux fanatismes et aux recherches de pouvoir qui oppriment. Dieu est pour moi du côté des victimes, pas des bourreaux.





D'ailleurs, les gens qui font la guerre ne le font quasi jamais pour "savoir qui est le meilleur dieu"; ils le font parce qu'ils se sont fait piéger par les fanatiques ou les oppresseurs. Les jeunes qui partent faire "le djihad" le font non pas pour montrer la supériorité de l'islam, mais pour assouvir une violence qui est en eux; violence qui souvent s'adresse à une société, la nôtre, qui ne leur donne plus de sens ni de raisons d'espérer. Notre société, qui n'est plus chrétienne que de vernis, mais qui, en perdant sa dimension religieuse, creuse le lit des fanatismes et des puissants qui veulent l'être toujours plus.




Et j'ajoute:
Je vous invite à venir m'écouter, ou à lire des extraits de mon blog. Par exemple https://textesdejjcorbaz.blogspot.com/2012/12/pr-sb-je-ne-suis-pas-venu-apporter-la.html?fbclid=IwAR3SV4vUpA1NC06YBk_YrYAPOsF-QiCOqCOgIAaxQnntv-MakYRF4IIDevw

ou encore: 
https://textesdejjcorbaz.blogspot.com/2012/12/pr-sb-je-ne-suis-pas-venu-apporter-la.html?fbclid=IwAR3SV4vUpA1NC06YBk_YrYAPOsF-QiCOqCOgIAaxQnntv-MakYRF4IIDevw
 


 

dimanche 18 août 2019

(Pr, Co) Qui est ressuscité? - De Corinthe à San Francisco

Narration du 18 8 19  -  La résurrection de Maxime 


Jean 11, 21-27; 1 Corinthiens 11, 17-22.  Récit d’Actes 20, 7-12

C’est une maison bleue, adossée à la colline, en ville de Corinthe. La maison de Maxime, mon ami.

Maxime, il voyage beaucoup, à cause de son métier. Rome, Athènes... Ephèse... Alexandrie... Jérusalem... Depuis des années! Car il dirige un commerce d’épices orientales. Mmh, ça sent bon dans ses entrepôts!

Il voyage beaucoup, Maxime. Il travaille dur aussi. On peut le dire: il a réussi dans la vie. Il a des quantités d’amis un peu dans toutes les cités; il est largement au-dessus du besoin. Cultivé, curieux de tout, il parle couramment les langues commerciales de son temps: le grec; le latin; l’égyptien; et même l’araméen.


Or un jour, à Antioche, Maxime entend parler d’une femme juive qui fait partie d’un groupe étrange: les “chrétiens”. Elle accueille à sa table tous ceux qui sont de passage. On y rencontre, paraît-il, des gens passionnants.

Quelqu’un lui a déjà parlé de cette espèce de secte?... Ah oui, c’est le gérant de son dépôt à Jérusalem; un Juif très sympathique.

Ce soir-là, Maxime est libre. Pour une fois, il a terminé avec ses rendez-vous d’affaires. Alors, il décide d’aller chez cette femme, pour voir. Et là, il n’est pas déçu: il est accueilli avec chaleur.

À table, son voisin parle beaucoup. Plutôt exalté, le gaillard! Il se présente: Paul; dans le textile! Hébreu, mais, il y tient, mais aussi citoyen romain: il vient de Tarse. Maxime et lui découvrent qu’ils ont plusieurs relations communes, et qu’ils voyagent autant l’un que l’autre. Leurs chemins se sont d’ailleurs déjà croisés parfois, mais sans qu’ils ne se rencontrent.



Tout à coup, Paul s’interrompt et dit:

- Je crois que tout le monde est là, on va commencer!

Et puis, sans s’occuper de Maxime, il s’adresse à toute la tablée, plus de trente personnes:

- Mes frères, mes soeurs; nous sommes réunis, ce premier jour de la semaine, pour que vive en nous Jésus notre Seigneur, le Christ. En rompant le pain, nous recevons le cadeau de sa présence...

Maxime ne comprend pas grand-chose. Et Paul parle; parle avec enthousiasme.

Maxime, ébahi, contemple les autres: ils sont tellement attentifs! Mais ce qui le surprend le plus, lui le commerçant grec qui aime l’ordre, ce qui l’étonne, c’est le mélange de tous ces gens: il y a des riches et des pauvres; des patrons et même des esclaves; il y a des hommes et des femmes; des Egyptiens, des Juifs, des Grecs; des gens à la peau foncée... Maxime est interpellé; d’habitude, on ne vit pas comme ça!

Pourtant, il règne là une atmosphère paisible: chacun semble à l’aise avec tous les autres, accepté, reconnu... Maxime a l’impression d’être dans un monde à part.

Alors, quelques jours plus tard, il a envie de revivre ce genre d’ambiance. À Troas, où il se trouve maintenant, il découvre qu’il y a une communauté du même style, une “Eglise de maison”, chez un certain Carpos. Maxime y va. Il y trouve le même accueil chaleureux, le même mélange humain; et le même respect les uns des autres. Un peu moins étonné, un peu moins largué surtout, Maxime sent son intérêt grandir. Il lui vient le désir de faire partie, lui aussi, d’un tel groupe.

Dans toutes les villes importantes où il s’arrête, il trouve une communauté de “chrétiens”. De plus en plus convaincu, il finit par demander le baptême. Et puis, quand il revient chez lui, à Corinthe, il fonde dans sa maison une Eglise pareille à celles qu’il a visitées dans son périple.

Pourtant, l’ambiance n’y est pas vraiment la même. La communauté est très mélangée, bigarrée, c’est vrai; mais il y a des petits groupes qui se forment à l’intérieur de son Eglise. Maxime sent des tensions, des rivalités. Ainsi, quand quelqu’un parle, les autres clans ne l’écoutent pas vraiment... Et quand ils rompent le pain, ce n’est pas réellement un partage.

Maxime est déçu. Parfois, il doute de son choix. Mais où a passé cette joie qu’il ressentait si fort aux premiers temps? Cette “communion” chaleureuse?
 


Alors, c’est presque soulagé qu’il prépare son voyage suivant. Oui, ça lui fera du bien de prendre un peu de recul. Et puis, tiens, pourquoi pas, il pourrait retourner chez Carpos; il doit justement passer par là-bas. Peut-être que son ami pourrait lui donner un bon conseil... Et ce serait super de retrouver cette atmosphère positive qui l’avait enthousiasmé, à ses débuts.

À Troas, Maxime est accueilli avec beaucoup de chaleur. Carpos prend des nouvelles de la communauté de Corinthe. Il ne s’étonne pas des difficultés que traverse cette jeune Eglise. “Repose-toi, fais-toi du bien! Demain, c’est dimanche, jour de la Résurrection du Seigneur. Nous allons nous réunir ici pour rompre le pain. Et, grande nouvelle: Paul lui-même sera là, parmi nous!”

Le lendemain, la chambre où se tiennent les réunions est pleine. Maxime est heureux de retrouver bon nombre de connaissances, voire des amis. Il y a aussi plusieurs nouveaux-venus... Tous se saluent, joyeusement. On sent une envie profonde d’échanges et de paix les uns avec les autres. Comme ça fait du bien!

Sur la table, chacun a déposé de quoi manger, pour le repas qu’ils partageront tout à l’heure, après la Cène. Un peu à part, Carpos a placé le pain sur un plat, et le vin dans une cruche. Il y a des fleurs, toutes simples; mais une beauté harmonieuse se dégage de cette table.
  


Tiens, se dit Maxime, c’est une bonne idée de mettre légèrement de côté le pain et la coupe de la communion, pour ne pas les mélanger avec le repas qui suivra.

- Frères et soeurs, dit Carpos, nous avons la joie d’accueillir Paul, que vous connaissez tous. Il vient de fêter Pâques à Ephèse, et il va nous parler pour affermir notre foi et notre solidarité en Christ.

L’apôtre prend la parole; rempli d’enthousiasme, comme toujours! Il en a des choses à raconter! La nouvelle Eglise d’Ephèse bouillonne d’espoirs et de projets. Il y a tant de signes que Dieu agit, par son Saint-Esprit!

Paul parle, parle longtemps, pétillant... C’est presque minuit, et il parle toujours! Mais ce soir, Maxime ne trouve pas le temps long: il essaie de graver dans son coeur l’énergie bienfaisante qui se dégage des paroles de l’apôtre; l’optimisme; la conviction aussi... Comment a-t-il pu douter, et se décourager?

Plus tard pourtant, Maxime se souviendra très peu de ce message. Car il va se passer un événement qui va rejeter tout le reste au second plan. Dans la chambre haute, il y a beaucoup de lampes, beaucoup de lumière; donc il fait très chaud. Un jeune homme, qui s’appelle Eutyque, est assis sur le bord de la fenêtre.   Soudain, Maxime le voit se pencher, lentement. Mais? Il s’endort! C’est vrai qu’il est tard, et que Paul ne s’arrête pas de prêcher!
  


Et puis, catastrophe! Dans son sommeil, Eutyque se penche tellement qu’il... tombe par la fenêtre. Ouille! Nous sommes au 2è étage, crie quelqu’un, il va se tuer!


 Carpos se précipite dans la nuit de la cour, auprès du corps brisé. Et là, dans un grand silence soudain, il dit: “Hélas, il est mort! Je n’ai rien pu faire.”

Alors Paul dévale les escaliers. Arrivé près de son hôte, il prend Eutyque dans ses bras. “Pas d’inquiétude, fait-il d’une voix forte, il est vivant!!”

- (Hein) qui est vivant, demande une voix?

- Mais, le Seigneur Jésus, répond Paul, ça fait des heures que je vous le dis!

L’apôtre remonte alors vers la lumière, dans la pièce illuminée, auprès des autres. Il rompt le pain en remerciant Dieu. Puis il mange, et tous font comme lui. Quant au jeune homme, Eutyque? On l’a porté pour remonter, lui aussi. Il est vivant!

- Oui, vivant! me dit Maxime, très ému.
   


Il y a maintenant des années que cela s’est passé. L’Eglise de Corinthe a vécu depuis un renouveau étonnant, sous la conduite de mon ami. Car Maxime ne s’est jamais découragé. Cette aventure de Troas, chez Carpos, lui a donné une force intérieure admirable. Et il est devenu, à son tour, un stimulant pour les autres.

Il aime raconter cette histoire; je l’ai entendue au moins 20 fois. S’est-elle réellement passée? Quelle importance, au fond! L’important, c’est qu’elle ait porté, et qu’elle porte encore la communauté dirigée par Maxime; qu’elle lui redonne confiance et rayonnement, dans les difficultés.

- Tu comprends, me dit-il, c’est un signe. La victoire du matin de Pâques, elle s’est manifestée une nouvelle fois, au milieu de nous! Dans la parole partagée; dans le pain rompu, fraternellement; eh bien le Christ devient présent, tout proche. Vivant!

- Et... et Eutyque? m’arrive-t-il souvent de demander.

- Le jeune homme? répond Maxime. On ne l’a jamais revu. Paul, lui aussi, a disparu, plus tard, à l’étranger. Mais, ce soir-là, il a été pour moi comme une incarnation du Christ: descendu dans la nuit de la mort, il est remonté vers la lumière de la chambre haute, porteur de vie! Porteur de vie, pour nous tous!

- Mais... est-ce vraiment vrai, ce que tu me racontes là?

- En tout cas, commente Maxime, cet épisode de Troas a toujours été pour moi une source puissante de courage, d’espoir et de solidité. Pour nous tous, ajoute-t-il en regardant sa communauté. Pour nous tous. J’espère qu’un jour, tu pourras le dire toi aussi.
   

C’est une maison bleue, adossée à ma mémoire. J’aime y retourner, pour y puiser courage et force. Le témoignage de Maxime. Et sa communauté. Je m’y sens tellement vivant!

Amen                                     

Actes 20, 7-12.    -    Jean-Jacques Corbaz