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lundi 28 décembre 2020

(Bi) Fin décembrrrrr !

  

L’année a pris un coup de vieux. Elle avance, fatiguée, vers sa fin. Elle est devenue plus frileuse, plus sombre; ses yeux souvent humides. Résignation, nostalgie: la Passion, elle ne la vivra plus.

Et c’est dans ce temps morose que l’Église rappelle l’étonnante nouvelle: justement là, au plus creux de nos « humâneries », Dieu est venu. Enfance, lumière, vie; rire, tendresse, espoir: tout cela, Il vient nous l’offrir.

Pas sur un plateau, bien sûr !  Pas les fruits, tout cuits. Mais plutôt les semences, pour que nous puissions mesurer l’importance de ce long accompagnement; maturation, soucis, espérance. On aime et on respecte avant tout ce qu’on a aidé à faire grandir.

Et c’est aussi dans ce temps usé et froid qu’il nous invite à aller les uns vers les autres. À nous offrir, à son image: lumière, sourire, chaleur; humour, tendresse, proximité...

Voilà ce que voudrait être notre foi chrétienne: un carrefour où nous puissions recevoir ces cadeaux du Christ, toujours en train de naître au milieu de nous; et aussi ces cadeaux les uns des autres. Pour que notre fin d’année prenne un peu plus les couleurs du printemps !

Avec vous, dans la joie de la fête de Noël, toute récente, et dans l’espérance et la prière pour l’année qui vient


Jean-Jacques Corbaz, pasteur


vendredi 25 décembre 2020

(Co, Pr, Hu) conte de Noël: mouton, hérissons et Cie, la distance de la paix

Narration du 24 décembre 2020, Plein Soleil et Ollon
Pour ces temps où la «distance sociale» est si importante, voici un conte mâtiné d’humour, voire de «piquant» (!) à l’intention des enfants que nous sommes tous, peu ou prou, à Noël: comment un hérisson a enseigné la paix au roi.


“La paix… piquante du roi”


Lectures bibliques: Michée 4, 1-4; Ephésiens 2, 12-17; Luc 2, 1-14 


Le roi Henri aimait la guerre. Quel bonheur pour lui quand il pouvait partir en campagne contre les pays voisins, qui étaient toujours soit trop près, et qui le menaçaient; soit trop loin, et qui n’en voulaient rien.

Le roi Henri aimait la guerre. Sentir l’excitation qui gagnait ses troupes, pendant les préparatifs. Jusqu’à son cheval, qui piaffait, les naseaux grands ouverts. Les camps. L’approche de l’ennemi. Et surtout les batailles: frapper, tuer, et voir les autres s’enfuir, remplis d’épouvante.

Le roi Henri aimait la guerre. Quand il en revenait, aussi: glorieux, vainqueur. Les troubadours qui chantaient ses louanges. Les foules qui l’acclamaient. Et le regard muet des jeunes filles, où se mêlaient la crainte et l’admiration.

Le roi Henri aimait la guerre. Mais si j’en parle au passé, c’est qu’il a, pourtant, dû changer de chanson. Un jour, lors d’une bataille acharnée, il a reçu contre le duc Gontran un vilain coup d’épée. Qui lui a coupé le bras droit. Et abîmé le gauche. Plus moyen de se battre! Sauf… de battre en retraite!

Du coup, plus de gloire. Plus de victoires. Plus de louanges ni d’acclamations. Plus de crainte ni d’admiration. Le roi, retraité par force (ou plutôt par faiblesse), le roi a dû chercher d’autres joies, d’autres promesses.

Comme il lui restait ses jambes, Henri s’est mis alors à courir la campagne. Chemins de terre, forêts, collines, il passait ses journées à aller - venir - aller - venir encore, avec toute l’énergie qu’il ne dépensait plus à faire la guerre. C’était moins passionnant que de se battre, mais, au moins, ça défoulait!


C’est ainsi qu’un jour, alors qu’il s’est arrêté au pied d’un vieux chêne pour manger un croûton de pain tiré de sa besace, Henri entend une petite voix qui lui dit «Bonjour!». Etonné, le roi se retourne et voit un… un hérisson! Tout petit, tout mignon.

- Bonjour, petit hérisson! Comment t’appelles-tu?

- Je ne suis pas petit, répond l’animal, fermement.

- «Je ne suis pas petit»? C’est comme ça que tu t’appelles? Quel drôle de nom!

- Mais non, réplique le hérisson, piqué au vif. Je m’appelle Barbapic. Mais je ne suis pas petit, je te dis, puisque j’ai déjà le droit de sortir tout seul. Et mon papa me répète tous les jours que je suis son grand trésor! Et que je sais bientôt autant de choses que lui!

- Eh bien, Barbapic, mon grand, puisque tu es si savant, peux-tu m’aider à trouver une réponse? J’en ai tant besoin.

- Euh… oui?

- Peux-tu me dire quelle est la plus belle chose du monde, à part la guerre?

- Je ne peux pas te répondre, fait le hérisson, pensif. Pas tout à fait. Parce que moi, je ne trouve pas, mais pas du tout, que la guerre soit belle.

- Mais pourtant, se battre, gagner, taper sur les autres, remporter la victoire… faire peur… c’est excitant, non?

- Et puis se faire taper dessus, se faire blesser, s’enfuir en perdant son sang… avoir peur… tu aimes? Au fait, où est ton bras droit??

- Euh, je l’ai perdu contre le duc Gontran, par traîtrise! Mais je serai vengé. Moi, je ne peux plus me battre. Mais mes sujets, oui! C’est pour ça… il faut que je trouve autre chose, pour remplacer la guerre!

- Ah bon, toi, manchot, tu es un roi! Habillé comme un pingouin, tu es donc un manchot… royal, hihihi!

- Ne te moque pas, Barbapic, je suis si malheureux.
 


- Eh bien, je ne voulais pas aider le roi. Mais aider un homme malheureux, alors oui, j’ai envie d’essayer. Ecoute: sais-tu ce que j’aime faire, pendant les longues soirées d’hiver?

- Euh, non?

- Eh bien, je joue à la chaleur, avec Maman.

- À la chaleur?? Mais kesskeucé?

- Ecoute: quand je suis trop loin d’elle, j’ai froid. Alors je me rapproche. Je me rapproche encore. Un peu plus. Mais aïe! Si je viens trop près, je me pique! Ses aiguilles traversent les miennes, et ma peau. Alors, je m’éloigne un peu. Un tout petit peu. Mais si je vais trop loin, j’ai froid… Et je recommence à m’approcher, doucement. Et puis, comme elle, elle bouge aussi, pour trouver la bonne distance avec Papa, je dois toujours m’adapter; venir plus près; aller plus loin… C’est un jeu de tendresse, un peu comme une danse!

- Oui, fait le roi Henri. C’est joli. Mais ce n’est pas pour les humains. Je n’ai pas de piquants, moi!

- Toi? Tu n’en as pas?!? Mais quand tu veux faire la guerre, tuer, massacrer, épouvanter, ce ne sont pas des piquants? Et quand tu as besoin de quelqu’un comme maintenant pour parler, parce que tu es malheureux, ce n’est pas de la chaleur?

Le roi Henri reste longtemps silencieux. Puis il rentre chez lui, mais lentement, lentement, en réfléchissant…

Et quand, trois jours plus tard, au cours de la fête de Noël, quand un enfant lit les paroles des anges, dans le récit de la naissance de Jésus, ces paroles qu’il a si souvent entendues, si souvent qu’il ne les écoutait plus (vous savez: «Paix sur la terre aux hommes qu’il aime, paix sur la terre aux hommes de bonne volonté»)… Alors, Henri se transforme.              

Son visage s’illumine. Et il dit: «Finalement, c’est beaucoup plus difficile de faire la paix que la guerre! Bien plus passionnant, aussi! Je veux essayer!»

Le roi Henri, depuis ce jour, joue avec les pays voisins. Il joue «à la chaleur». Se rapprocher. S’éloigner. Trouver la bonne distance.

Ils sont trop près, ils me menacent? Je m’éloigne, mais pas trop, juste ce qu’il faut.

Ils sont trop loin, trop inconnus? Je me rapproche, mais pas trop, juste ce qu’il faut.

Le roi Henri joue à la chaleur, et Barbapic le hérisson est devenu son meilleur conseiller.

Amen


Jean-Jacques Corbaz   


(adapté en français d’après une nouvelle inédite du célèbre dramaturge yougoslave Naej-Seuqcaj Zabroc, rédigée sous la dictature de Tito, et qui a longtemps circulé sous le manteau. Naej-Seuqcaj Zabroc l’avait créée d’abord pour ses enfants, dont le cadet avait une affection particulière pour les manchots et les pingouins).



 

 

 

 

 

 

J’ajoute une jolie image (se non è vero, è ben trovato!): le mouton dont vous voyez la photo ci-dessous s'est échappé d'une ferme et a passé 6 ans dans les montagnes. Il a fabriqué 30 kg de laine.
Les loups ont essayé de le manger, mais leurs dents ne pouvaient pas pénétrer sa toison.
Belle métaphore! Et si on faisait comme lui? Inutile de devenir dur pour survivre aux loups: soyez juste vraiment, vraiment doux et moelleux. 

















(Li, Po) Le rêve d’En-Haut


Le rêve de Dieu 

A pris corps cette nuit, 

Si léger, si petit 

Que beaucoup n’auront rien compris. 

✧ ✧ 

Le rêve du Ciel : 

S’arrêter au cœur de la vie, 

Se faire tendre, charnel, 

Se laisser enfin toucher, embrasser, 

Unir fini et infini, 

Mortel et éternel, 

Corps et esprit 

Pour que nos cœurs s’ouvrent à sa magie. 

✧ ✧ 

Le rêve de Dieu, 

Vous savez, celui qui galope plus rapide que le vent ! 

Celui qui va plus vite que nos espoirs les plus déments, 

Le rêve de Dieu s’est posé sur le bord de nos fenêtres. 

Saurons-nous lever la tête ? 

✧ ✧ 

Le rêve du Ciel, 

Tremblant comme un amoureux 

Peu sûr de lui, 

Pourtant devient peu à peu, 

En ces jours de Noël, 

Champ de vie 

Et chemin de passion infinie. 

✧ ✧ 

Sens-tu sa force et son appel ?  

 

Jean-Jacques Corbaz, Noël 2020

 

 

mercredi 23 décembre 2020

(Re) Diminuez votre QI!! - Un "truc" radical pour atrophier l'intelligence!

′′ Le QI moyen de la population mondiale, qui a toujours augmenté de l'après-guerre à la fin des années 90, est en baisse au cours des vingt dernières années...

C’est le retournement de l'effet Flynn.
 
Il semble que le niveau d'intelligence mesuré par les tests diminue dans les pays les plus développés.
 
Beaucoup de choses peuvent être les causes de ce phénomène.
L’une d'entre elles pourrait être l'appauvrissement du langage.
 
Plusieurs études montrent en effet la diminution de la connaissance lexicale et l'appauvrissement de la langue : il ne s'agit pas seulement de la réduction du vocabulaire utilisé, mais aussi des subtilités linguistiques qui permettent d'élaborer et de formuler une pensée complexe.
 
La disparition progressive des temps (subjonctif, imparfait, formes composées du futur, participe passé) donne lieu à une pensée presque toujours au présent, limitée actuellement : incapable de projections dans le temps.
 
La simplification des tutos, la disparition des majuscules et de la ponctuation sont des exemples de "coups mortels" à la précision et à la variété de l'expression.
 
Juste un exemple : supprimer le mot ′′jeune fille′′ (désormais désuet) ne signifie pas seulement abandonner l'esthétique d'un mot, mais aussi promouvoir involontairement l'idée qu'il n'y a pas de phases intermédiaires entre une enfant et une femme.
 
Moins de mots et moins de verbes conjugués impliquent moins de capacité à exprimer les émotions et moins de possibilités d'élaboration d'une pensée.
 
Les études ont démontré que la violence dans les sphères publiques et privées provient directement de l'incapacité à décrire ses émotions à travers les mots.
 
Pas de mots pour construire un raisonnement, la pensée complexe est rendue impossible.
 
Plus le langage est pauvre, plus la pensée disparaît.
 
L'histoire est riche en exemples et de nombreux livres (Georges Orwell - ′′ 1984 "; Ray Bradbury - ′′ Fahrenheit 451 ′′) ont raconté comment tous les régimes totalitaires ont toujours entravé la pensée, par une réduction du nombre et du nombre de sens des mots.
 
S'il n'y a pas de pensées, il n'y a pas de pensées critiques. Et il n'y a pas de pensée sans voix.
 
Comment peut-on construire une pensée hypothétique déductive sans conditionnel ?
 
Comment peut-on envisager l'avenir sans conjugaison avec l'avenir ?
 
Comment peut-on capturer une tempête, une succession d'éléments dans le temps, qu'ils soient passés ou futurs, et leur durée relative, sans une langue qui distingue ce qui aurait pu être, ce qui a été, ce qui est, ce qui pourrait être, et ce qui sera après que ce qui aurait pu arriver, est-il vraiment arrivé ?
 
Chers parents et enseignants : faisons parler, lire et écrire nos enfants, nos élèves. Enseigner et pratiquer la langue sous ses formes les plus différentes. Même si ça semble compliqué. Surtout si c'est compliqué.
Parce que dans cet effort il y a la liberté.
 
Ceux qui affirment la nécessité de simplifier l'orthographe, de purger la langue de ses ′′ défauts ", d'abolir les genres, les temps, les nuances, tout ce qui crée la complexité, sont les vrais artisans de l'appauvrissement de l'esprit humain.
 
Il n'y a pas de liberté sans nécessité.
Il n'y a pas de beauté sans la pensée de la beauté.
 
Sources
Christophe Clavé
Diplômé de Sciences-Po Paris, titulaire d’un MBA, coach professionnel, Christophe Clavé a passé 25 ans en entreprise, en tant que DRH puis Directeur Général. Il a également été chargé du cours Stratégie et Politiques d’Entreprise à HEC Paris pendant 5 ans.
 
 

jeudi 17 décembre 2020

(An) prochaine prédication



--> ma prochaine prédication sera donnée
 
jeudi 24 décembre, 23h, Ollon, veillée de Noël (SLSSLP)*:
“La paix… piquante du roi” ,
conte de Noël, à propos de la «distanciation sociale».
Adapté en français d’après une nouvelle inédite du célèbre dramaturge yougoslave Naej-Seuqcaj Zabroc, rédigée sous la dictature de Tito, et qui a longtemps circulé sous le manteau. Naej-Seuqcaj Zabroc l’avait écrite d’abord pour ses enfants, dont le cadet avait une affection particulière pour les manchots et les pingouins). 😉

* = Si la situation sanitaire le permet




jeudi 10 décembre 2020

(Bi, Re) Pour la Saint-Nicolas : AU FOU !



L'affaire date des années 60. Les journaux rapportent l'étrange attitude d'un gaillard qui estimait avoir trop d'argent... eh oui, ça existe !

 

Alors, pendant le temps des Fêtes, il s'était mis à distribuer clandestinement des billets de banque dans certaines boîtes aux lettres. Les destinataires étaient choisis parmi les plus démunis, ou les plus fragiles.

 

On n'avait jamais vu ça. La police, mobilisée, repéra vite ce Saint-Nicolas moderne, l'arrêta, l'interrogea et l'expédia chez un psychiatre. Ce dernier trouva l'homme parfaitement normal...

 

Entassez des billets, on vous admirera. Partagez-les, on vous tiendra pour fou !

 

Puissions-nous mieux développer ce genre de folie. C'est elle qui nous rendra plus heureux, profondément. Et Dieu avec nous ! Parce que vous le savez bien : c’est ainsi que Lui nous aime, en Jésus. Passionnément. À la folie !

 

 

Jean-Jacques Corbaz

 

mardi 17 novembre 2020

(Bi) Deuxième vague du corona

(billet pour le Flash-Info de Plein Soleil)

 

Deuxième vague (à l’âme ?). La Nouvelle Vague ne fait plus rêver personne ! Elle nous trouve déjà à bout de souffle, comme disait Godard. Avec toujours cette lancinante question : à quelle sauce allons-nous être mangés ? Qu’est-ce qui sera interdit, qu’est-ce qui sera autorisé ?

 

Disons-le clairement : nos autorités font ce qu’elles peuvent. Il n’y a ni complot ni incompétence crasse. Mais nous sommes confrontés à un virus dont on ignore encore beaucoup de choses. Le Conseil Fédéral, le Conseil d’Etat comme la direction de Plein Soleil se trouvent un peu dans la situation d’un conducteur d’auto qui ne verrait la route que dans ses rétroviseurs. Vaguement. On décide de tourner à droite ou à gauche, et ce n’est qu’après quelque temps qu’on se rend compte si c’était juste ou non.

 

Deuxième vague. Oui, on rame. Nous sommes tous en train de ramer. Ou de surfer, si vous préférez (allusion au télétravail via internet).

 

Sans mentir, si notre ramage se rapporte à notre plumage, nous n’allons pas voler bien haut.

 

Je vous invite au contraire à regarder en bas. C’est là que nous y trouverons l’Enfant de Noël, que nous allons célébrer vaille que vaille dans quelques semaines. Au plus creux du creux de la vague, il se tient là, tout proche de nous. Amical à en mourir.

 

Nous ramons ? Il rame aussi. Nous doutons, nous tournons en rond ? Il se fait étoile dans notre nuit. Nous sommes entre ses mains, et là, même dans la mort, rien de tragique ne peut nous arriver. Nous sommes le trésor de son amour passionné.

 

Au pire de la tempête, il nous tient la main, solidement. Il ne nous lâchera pas. Nous pouvons nous sentir en sécurité.

 

Vaguement ? Non : pleinement.

 

 

Jean-Jacques Corbaz, pasteur  

 



 

 

 

lundi 9 novembre 2020

(Pr) Du 9 novembre: "La résurrection de Lazare - et la tienne? (Les morts, vivants?!)"

Appelés à vivre libres


Il y a quelques jours, c’était Halloween. On y a vu défiler (certes un peu moins que d’autres années, Covid oblige...) les enfants déguisés en sorcières, en fantômes, en zombies ou autres morts-vivants.

Vous savez sans doute que cette fête est dérivée de la Toussaint, célébrée le 1er novembre depuis le 9è siècle, et de la fête des morts fixée au 2 novembre.

Ces deux commémorations chrétiennes semblent avoir été placées à ce moment de l’année pour supplanter une fête païenne celtique du Nouvel-An extrêmement populaire encore au Haut Moyen Âge, “Samain”; lors de cette fête de Samain, on disait que les barrières entre notre monde et l’au-delà    étaient provisoirement supprimées; l’irréel côtoyait le réel; les morts et les esprits mauvais pouvaient revenir à cette occasion.

Comme ce fut le cas pour Noël et d’autres encore, la célébration païenne s’est progressivement mélangée aux fêtes chrétiennes et les a “contaminées”. Venue des USA, Halloween (qui signifie “veille de la Toussaint”) a repris cette mixture dans une sorte d’exorcisme de la mort et de tout ce qui fait peur.

J’ai souhaité, quelques jours après cette fête, reprendre le coeur de ce qui s’y joue: la mort, la peur. Et voir comment Jésus veut y agir.

 

Lecture: Jean 11, 1-57 


- Monsieur le pasteur! Sur quoi allez-vous prêcher, dimanche?

- Eh bien, sur la résurrection de Lazare.

- La résurrection de Lazare? Charrette, dit-il en se grattant la tête. C’est-y vrai, cette histoire?

Il a raison, mon interlocuteur. Sa perplexité, je la comprends bien. Car ce genre de récit provoque en nous la question: “Est-ce que ça s’est vraiment passé comme ça? Comment est-ce possible?”

Il faut se souvenir, d’abord, de ce qu’est la Bible. Elle n’est pas un recueil de textes magiques ou de recettes. Elle est avant tout un bouquet de témoignages sur Dieu et sur Jésus. Témoignages d’hommes et de femmes qui ont vécu des choses très importantes. C’est un peu comme dans les fables de La Fontaine: l’essentiel n’est pas de savoir s’il est possible que le corbeau et le renard se parlent; l’important, c’est la morale de la fable, i.e. ce que l’auteur veut nous faire comprendre à travers cette histoire.

Les récits de miracles ou de phénomènes surnaturels de la Bible sont du même ordre. C’est tout spécialement vrai pour la résurrection de Lazare, puisqu’elle ne figure pas dans les trois autres évangiles de Matthieu, Marc et Luc; seul celui de Jean la raconte. C’est donc que ce passage concerne une situation particulière.

Nous devons ainsi nous poser la question: qu’est-ce que l’auteur veut nous dire, à travers cette histoire?

Est-ce qu’il veut souligner le fait que Jésus est un super-faiseurs de miracles, qui épate les foules? Non, car après la résurrection de Lazare, on ne mentionne pas une admiration de l’assistance, comme souvent ailleurs. On ne voit aucune des personnes présentes s’émerveiller de la puissance du Christ sur la mort. Au contraire: la conséquence de la résurrection de Lazare, c’est que les juifs cherchent à faire mourir Jésus.

D’autre part, le miracle est raconté de manière très brève: il n’occupe que deux versets sur les 57 du chapitre!

Donc, Jean veut nous dire autre chose. Autre chose que ce qu’on croit lire en général dans ce récit.

Quoi donc?

D’abord, une question: qui est le personnage principal de ce chapitre? Lazare? Marthe? Marie? ... J’espère que d’avoir lu les 57 versets d’affilée vous a aidés à sentir à quel point cette histoire est centrée sur le Christ. C’est lui qui prend les décisions; c’est lui qui interprète les évènements; c’est lui qui provoque même le complot des juifs contre lui.
  

 
Notre récit ne s’intéresse pas tellement à Lazare: on ne sait rien de sa vie, avant sa mort; on ne sait rien de ses pensées, après sa résurrection; il ne parle pas, il ne fait qu’obéir aux ordres de Jésus! On ne voit pas non plus ses soeurs lui courir dans les bras.

Comme un cinéaste, l’évangile de Jean focalise sur le personnage qui seul signifie quelque chose pour nous; celui que seul il faut prendre absolument au sérieux: Jésus. Croyez en Lazare ou pas, l’important n’est pas là, qu’il ait été ramené à la vie ou non. D’ailleurs, ensuite, il est mort une seconde fois; au contraire du
Christ, qui vit pour l’éternité. Croyez en Lazare ou pas, l’essentiel c’est Jésus, qui donne un message de vie. Et c’est cela qu’il faut prendre au pied de la lettre!

Ce message du Christ, ici, parlons-en un peu. Pour relever, d’abord, la situation particulière de ce chapitre 11: il fait la charnière entre d’une part le ministère de Jésus (sa prédication et ses miracles) dans les 10 premiers chapitres; et d’autre part le récit de la Passion, ses derniers jours à Jérusalem, sa mort et sa résurrection, qui occupent la fin de l’évangile, les 10 derniers chapitres.

Notre histoire est donc placée là un peu comme une préparation à ce qui va suivre; on pourrait même parler de “répétition générale” de la Passion. Comme si Jésus (ou Jean) voulait préparer ses disciples (ou l’Eglise) à ce qui va survenir, à Vendredi Saint et Pâques. Derrière ce qui arrive à Lazare, c’est bien la mort et la résurrection du Christ qui se dessinent, son combat contre les forces de destruction!

Quand l’évangile nous dit que Jésus frémit, ou qu’il est attristé, on pense à son chagrin, seulement. Or le mot grec qui est utilisé dans la version originale contient deux dimensions différentes: la tristesse, et aussi la colère.
Impossible, en français, de trouver un mot qui évoque les deux sentiments. Les traductions sont donc toujours à moitié fausses, par la force des choses. (Si vous trouvez un terme qui puisse rendre les deux dimensions, faites-nous signe, ça rendra un fier service aux traducteurs!).

Chez Jésus donc, colère et tristesse. Car il vit, déjà, le combat de Golgotha. Il va déjà affronter la mort sur son propre terrain. Dans l’évangile de Jean, la victoire du Christ, ce n’est pas Pâques, mais Vendredi Saint! Vous savez, dans l’évangile de Jean, Christ est glorifié entièrement sur la croix, car c’est là qu’il a vaincu la mort, en l’affrontant souverainement. En acceptant de passer par là, comme nous, bien qu’il était Dieu. En toute liberté.
   
Liberté. Voilà un mot essentiel qui apparaît. J’ai toujours été intrigué par un mot, dans ces paroles de Jésus lorsque Lazare sort du tombeau: “Déliez-le et laissez-le aller”. Délier n’est-il pas trop fort, pour des bandelettes de parfum? Il pouvait déjà marcher, puisqu’il sort par lui-même. Mais, en grec, c’est bien ce verbe: celui qu’on emploie pour libérer des prisonniers enchaînés, ou détacher du bétail.

Il y a donc bien, dans le texte original, un mot un peu excessif qui a été utilisé. Pas par maladresse! Non, à dessein, pour montrer que cette résurrection est le signe de la liberté, de la libération que Jésus vient nous offrir.

“Déliez-le et laissez-le aller”. Le second verbe le souligne encore. Ce mot grec est celui qu’on emploie pour laisser partir vers la liberté; pour donner son envol à celui qui est délivré. Le pasteur Zeissig dit que c’est le geste qu’on fait après un dépannage réussi. “Bon vent! Que ta liberté te rende heureux!”
  

 
Au fond, dans cette histoire, qui donc était mort? Et qui était vivant?

Les morts, n’étaient-ce pas aussi Marthe et Marie, prisonnières de leur chagrin, de leurs regrets, voire de leurs reproches (“si tu avais été ici...”)? Marthe et Marie, et leurs pleureuses, et leurs consolateurs, et leurs espérances (“À la fin des temps, oui, je sais, il ressuscitera...”)? Mais non! dit Jésus. La résurrection, elle est devant vous, elle est pour ici et pour maintenant, parce que le fils de Dieu vous aime à ne pas pouvoir être plus proche. Parce qu’il a choisi de venir, de traverser le Jourdain pour vous donner la vie (même si, pour cela, il doit perdre la sienne).

Qui était vivant? Jésus seul, qui va mourir; Jésus, que son miracle “projette” au milieu des complots des chefs juifs pour l’éliminer. Jésus seul est vivant, parce que libre.

Seul? Mais nous aussi; quand nous croyons en lui; quand nous mettons notre espérance, notre vie entre ses mains; quand nous parvenons, à certains moments, à recevoir sa délivrance, sa liberté; à effacer nos peurs de la mort. “Déliez-le et laissez-le aller”: c’est de nous, c’est de toi qu’il dit cela, le ressuscité: “Bon vent! Que ta liberté te rende heureux!”
   


Pour finir, qui est le personnage principal de cette histoire? N’est-ce pas nous-mêmes? Toi, moi, aux prises avec notre peur, avec notre mort, avec nos chaînes? “Déliez-le et laissez-le aller!”

En ce temps-là, la mort faisait si peur qu’elle devenait presque un dieu. Jésus la remet à sa place. En restant jusqu’au bout en souveraine liberté, il devient Dieu à la place de la mort.

Dès lors, pour nous, humains, la question n’est plus la même, le but est changé: l’essentiel, ce n’est plus de ne pas mourir; l’essentiel, c’est d’être libre, dans la vie ou dans la mort. La vraie vie, ce n’est pas l’absence de décès, mais c’est la liberté face à la mort. C’est déjà ce que disait un autre verset de ce chapitre, mais qu’on a peut-être trop entendu: le verset “Celui qui croit, même s’il meurt, vivra”.

Avec la foi, la frontière entre la vie et la mort n’est plus la même. Elle n’est plus infranchissable!

Cette résurrection de Lazare nous parle donc de liberté. Elle s’adresse aux personnes en fin de vie, que nous ne sommes pas. Elle s’adresse aussi aux proches, aux familles, aux soignants de ces personnes en fin de vie, ou aux endeuillés (et là, nous sommes sans doute plus concernés). “Déliez-le et laissez-le aller”. “Bon vent, que ta liberté te rende heureux”. Elle veut nous aider à ne pas regarder la mort avec peur; au contraire, la qualité de vie, la foi, la libération sont mille fois plus importantes.

Ce chapitre de l’évangile veut encore nous rendre plus libres à l’égard de la hantise de vieillir, de déchoir, de perdre nos facultés; voire de démériter, de souffrir... Beaucoup de personnes âgées ont une qualité de vie si diminuée que ce n’est pas la mort qui leur fait le plus peur. Un peu à l'image de ce qu’il y a derrière ce dicton chinois: “Je te maudis! Puisses-tu vivre très longtemps!”
   

- Monsieur le pasteur! Sur quoi allez-vous prêcher, dimanche?

- Eh bien, cher ami, sur votre vie. Sur votre qualité de vie et votre souffle. Votre liberté.

- Charrette! C’est vrai?

Amen                                          


Jean-Jacques Corbaz 



dimanche 25 octobre 2020

dimanche 11 octobre 2020

(Pr) La ruse des Gabaonites et la fidélité aux promesses (Josué 9)

Prédication des 6 et 11 octobre 2020

Lectures bibliques: Josué 9, 3-6+11-16+22-27; Romains 3, 21-25; Psaume 111

 

 

Peut-être vous est-il arrivé de vous sentir « coincé » par une promesse que vous aviez faite. Tout à coup, vous réalisez que la situation est différente de ce que vous aviez cru ; et votre serment vous entraine beaucoup plus loin que vous n’aviez pensé. Un peu comme ces paysans autrefois qui cautionnaient des voisins, pour garantir un achat de domaine, par exemple, et dont certains se sont ruinés pour respecter leur signature.

C’est (sans qu’ils ne se ruinent !), c’est la mésaventure survenue à Israël au temps de Josué. On raconte que Dieu leur avait promis la Palestine pour qu’ils puissent y vivre, après la sortie d’Egypte. Leurs chefs et leur religion leur avaient donné deux consignes :
(1°) conclure des alliances avec les peuples lointains, et donc les épargner ;

mais

(2°) exterminer les royaumes proches de Canaan, pour s’établir sur leur territoire.

Cette tactique s’explique d’un point de vue guerrier, pour éviter tout risque de conflit après la conquête. Mais, bien sûr, d’un point de vue chrétien et moderne, ce procédé nous révolte. Ces mœurs violentes et barbares sont pour nous bien peu compatibles avec la volonté de notre 
Dieu, en particulier telle qu’elle s’exprime dans le Nouveau Testament!

Pourtant, n’oublions pas qu’alors, tout le monde vivait selon ces principes sanguinaires, c’était le seul langage compréhensible, à l’époque. Un dieu n’était crédible que si ses fidèles flanquaient des pilées monumentales aux peuples qui s’opposaient à eux. D’ailleurs, aujourd’hui, en Palestine, justement… Hum!!
  


Mais revenons à notre histoire. La conquête de la Palestine se passe comme prévu, Josué remporte de grandes victoires, qui répandent la crainte dans la région.

Or voilà que le peuple de Gabaon, en plein centre du pays de Canaan, imagine
une ruse pour sauver sa peau. Vous l’avez entendu, ils se déguisent en voyageurs lointains, épuisés par un long trajet, et ils obtiennent ainsi une alliance de la part d’Israël. Promesses de paix, de relations harmonieuses et de protection.

Le hic, c’est que trois jours après, les chefs d’Israël se rendent compte qu’ils ont été roulés. Ces gens soi-disant venus de très loin, en fait ils n’habitent qu’à une dizaine de km de Jérusalem. Un peu comme si un inconnu vient vous demander l’hospitalité en prétendant qu’il a marché depuis la Bulgarie jusque chez vous, et que vous vous aperceviez soudain que votre visiteur habite Morges !

Vous imaginez la tête de Josué et des siens. Et leur colère ! Toujours dans les usages de ce temps-là, on les verrait bien tomber à bras raccourcis sur ces tricheurs de Gabaon. Ils ont menti, ils ont trompé Israël, il serait normal que l’alliance soit cassée et qu’on les massacre comme on aurait dû le faire dès le début !
  

 
Mais non ! Malgré le peuple, qui voudrait les exterminer, Josué et les chefs d’Israël vont continuer de protéger les gens de Gabaon. Ils estiment leur promesse plus importante que leur amour-propre. Même s’ils s’étaient engagés « sans consulter le Seigneur », comme dit le verset 14, ils avaient fait alliance devant Dieu, à cause de lui, et c’était ça qui était le plus important.

Notons entre parenthèses que la ruse des Gabaonites n’a fait de tort à personne. Elle leur a permis de se sauver ; mais Israël, partenaire de l’alliance, n’a pas souffert du traité. Peut-être même cette ruse a-t-elle rendu possible un peu plus de la paix et de la réconciliation qu’un chrétien moderne comprend dans la volonté de Dieu !

Mais l’essentiel est ailleurs. Il est dans cette fidélité de Josué à ses promesses, même si ses partenaires ne méritent pas cette fidélité. L’attitude des chefs d’Israël est ici tout à fait conforme à celle de Dieu, dans son alliance avec les hommes. Elle nous parle de la fidélité de notre Père céleste, lui qui s’est lié souverainement envers son peuple. Même si Israël a passé son temps à trahir cette alliance, à oublier Dieu, à renier toute loyauté envers Celui qui les avait sauvés de l’esclavage, eh bien malgré tout Dieu, lui, n’a jamais cessé d’aimer, d’appeler, de vouloir le bien de ses enfants. Le Seigneur est fidèle, et il le reste éternellement.

Voilà comment ce récit de guerre et de conquêtes nous parle quand même de Dieu, de sa patience, de sa bienveillance infinie pour nous. Lui ne se démentira jamais.

En ces temps de pandémie et de nombreuses incertitudes, alors que l’actualité est si pleine de CoVid (!), et que la peur et la colère nous mènent trop souvent par le bout du nez, je trouve important de souligner avec vigueur la fidélité de Dieu à son alliance; malgré nos trahisons; malgré nos doutes, nos réticences à le suivre. Dieu s’est engagé, il ne nous lâchera jamais. Chouette ! C’est là le sens premier du baptême.

Chouette, mais n’oublions pas que ce récit nous parle aussi de nos engagements à nous. Nos promesses d’hommes et de femmes, celles que nous prenons devant Dieu, parfois à la légère, fréquemment même « sans consulter le Seigneur » comme Josué !

Si souvent, nous nous engageons dans une alliance, pleins de bonne volonté. Et puis, il y a des imprévus, des éléments nouveaux. Parfois même nous considérons ces aléas comme des coups tordus de la vie : les choses ne sont pas allées comme on croyait, des espoirs nous ont été enlevés, notre destin n’a pas tenu ce qu’il promettait… Peut-être même est-ce l’Eglise ou la foi qui ont trahi nos attentes.

Dans ces conditions, il est humain de considérer nos engagements comme caducs. Puisque la vie n’a pas respecté ses promesses, je me sens libre de ne pas tenir les miennes !

Alors, disons merci à Josué de nous montrer une autre attitude ! Il y a ici une résolution de conflit non-violente, un choix gagnant-gagnant dont nous pouvons nous inspirer.

Pourtant, je ne vais pas vous dire, aujourd’hui, de tenir vos promesses quoi qu’il arrive. Car nous ne sommes plus sous le joug d’aucune loi religieuse. La Bible ne nous fait pas la morale, elle chante la fidélité de Dieu pour nous. Et de toute façon, nous ne sommes pas Josué ; et encore moins Dieu le Père ! D’ailleurs, moi-même, j’en suis loin.

Ce que nous nous disons les uns aux autres, ce matin, c’est ceci : souvenons-nous que Dieu vient lui-même dans nos engagements pour y introduire sa dimension de fidélité infinie, d’éternité qui ne désespère jamais. Aujourd’hui comme hier. Les Réformateurs l’ont bien souligné, avec ce passage de la lettre aux Romains : « Tous ont péché, et méritent donc d’être privés des promesses de Dieu. Mais lui, dans sa bonté, nous rend tous justes, en Christ » !

La solidité des engagements de Dieu va nous aider à devenir meilleurs dans les nôtres, au quotidien. Et c’est tout spécialement vrai pour l’alliance du baptême, que nous venons de vivre.

Vous l’avez remarqué, les promesses de Dieu en Christ ont été dites dans la liturgie avant celles des parents, parrain et marraine. Cela pour bien souligner que les premières sont de loin les plus importantes ; et que les secondes sont la réponse des humains à l’alliance de Dieu.

Les parents, parrain et marraine de Georges ont composé eux- mêmes leurs engagements, librement. Justement pour leur permettre de les respecter le mieux possible. “Avec l’aide de Dieu”, comme on disait à l’époque où j’ai confirmé! Une formule qu’on devrait remettre à l’honneur dans nos actes ecclésiastiques, tant elle est ancrée en vérité dans l’évangile comme dans notre aven- ture de Josué avec les gens de Gabaon.

Et puis, je vous ai ensuite exhorté, tous, à donner du poids aux promesses qui venaient d’être dites, autant celles du Père du Ciel que celles des parents terrestres, aidés par les parrain et marraine. Cela en redonnant du poids à votre propre baptême ou à vos propres engagements devant Dieu.

Oui, sachons-le bien, et disons-le clairement: en tout temps, en tout lieu, Dieu renouvelle son alliance avec nous, qui que nous soyons et quoi que nous fassions. Il nous redit infatigablement ses promesses de salut, de pardon. Puisse-t-il ainsi nous aider à habiter nos propres engagements, pour que ceux-ci reflètent les siens le mieux possible. Puisse-t-il ainsi nous réapprendre à mieux vivre, et à mieux aimer. Gagnant-gagnant! Amen

                       
Jean-Jacques Corbaz     



mercredi 30 septembre 2020

(Ci) Michael Lonsdale, pourquoi il aime le genre humain

 

A la question du journaliste: - Vous dites aimer de plus en plus le genre humain. D'où vous vient cet optimisme ? Michael Lonsdale répondait en mars 2012 : 

- On l’oublie, mais chaque être est une création de Dieu ! Sa venue au monde découle de la volonté de Dieu, c’est pourquoi chacun est infiniment précieux. Chacun a une capacité d’amour, même si elle reste souvent endormie." 

 Réformés - Le journal, 22 septembre 2020


dimanche 27 septembre 2020

(Pr, FA, Vu) Le procès de Caïn, celui de Dieu, celui d'Abel? (extraits) - Prédication du 27 septembre 2020

Avec une postface d'Eric-Emmanuel Schmitt

 

Lectures:  Genèse 4, 1-16; Ephésiens 2, 14-17; Luc 15, 1-7
 




J: Caïn; Abel; et Dieu: qui est le gentil? Qui est le méchant?

AC: Monsieur le juge! Je demande la parole. Je suis l’avocat, chargé de la défense de M. Caïn, ici-présent. Je plaide les circonstances atténuantes!

En effet, Monsieur le juge, Messieurs les jurés; pensez que mon client, M. Caïn, a été victime d’une profonde injustice, qui l’a traumatisé. Et, c’est là que j’accuse, M. le juge. J’accuse l’auteur de cette injustice, c’est-à-dire Dieu en personne!

Car mon client lui avait présenté une offrande aussi valable que celle de son frère Abel: les produits de ses cultures (céréales, légumes, fruits...). Or, Dieu n’en a pas voulu! Ça voulait dire que Caïn avait travaillé pour des prunes! J’admire Abel, oui, j’admire Abel d’avoir obtenu la faveur de Dieu, mais mon client la méritait tout autant. C’est Dieu le responsable du meurtre. C’est son caprice, son favoritisme, qui ont causé le crime!

J: La parole est à l’avocat de Dieu.

AD: Monsieur le président! Il est faux de parler de favoritisme à propos de mon client. Dieu aime tous les humains également. Mais voilà: pourquoi M. Caïn n’a-t-il pas été agréé, avec son offrande? Je vais vous le dire: parce qu’il la présentait à contrecoeur, sans enthousiasme. Bien sûr, il a donné ce qu’il fallait. Mais il l’a fait par obligation, par conformisme, et non librement, joyeusement!

Alors, Dieu a voulu, non pas le punir, mais lui fournir l’occasion d’évoluer, de se remettre en question. Et cela sans agresser Caïn, MM. les jurés! Simplement, il n’a pas accueilli avec enthousiasme une offrande qui lui était faite, non plus, sans enthousiasme. Vraiment pas de quoi provoquer un meurtre!

En fait, M. Caïn avait déjà l’esprit obscurci par la jalousie - la jalousie bien connue de l’aîné pour le petit frère. Dieu l’avait averti, notez-le. Il avait dit: “Attention, Caïn, la violence est en toi, comme un loup féroce tapi derrière ta porte. Réagis! Domine le monstre, et chasse-le! Tu en es capable”.





J: L’avocat de Caïn demande la parole.

AC: Monsieur le juge! Ne trouvez-vous pas que Dieu a joué un peu légèrement avec la vie de deux hommes? Et avec les sentiments primitifs qui bouillonnaient en eux? S’il voulait faire passer une épreuve à mon client, Dieu aurait pu stopper son bras au tout dernier moment! Pourquoi l’avoir laissé passer à l’acte? Finalement, il y a deux victimes de cette inconscience de Dieu, ce sont Abel et Caïn.

J: L’avocat de Dieu souhaite répondre.

AD: Monsieur le président! Si le désir de tuer était là, dans le coeur de Caïn, eh bien, il ne servait à rien de le stopper. Il aurait recommencé à la première occasion. Cette violence bouillonnait en lui, comme vient de le dire son défenseur. Il n’y avait donc que deux moyens de l’enlever, cette violence: ou bien d’emblée tuer Caïn, ce qui est inacceptable pour Dieu; ou bien l’appeler à essayer de maîtriser cette pulsion, ce qui présentait les meilleures perspectives d’évolution favorable.

Bien sûr, ça n’a pas marché. Et nous le regrettons. Mais, nous en sommes convaincus, Caïn a grandi, à travers cette épreuve. Il a appris à reconnaître la violence meurtrière qui fait partie de chacun. Il a, aussi, appris la fragilité humaine. Vous en souvenez-vous, MM. les jurés? Après le meurtre, lorsque Dieu lui a présenté les conséquences de son acte, à savoir la fuite loin de ses parents, loin de son pays, la vie errante à l’étranger, parce que la terre de sa naissance lui était devenue hostile, alors, Caïn a eu peur d’être tué, à son tour. Il a dit: “Le premier homme que je rencontrerai va me tuer”. Enfin, Caïn s’était rendu compte de sa fragilité d’homme. Désormais sa vie sera changée: plus intense, plus vive, car il sera conscient de la chance immense d’être vivant!

J: La parole à l’avocat d’Abel.

AA: Oui, si je comprends bien, Messieurs, mon client, Abel, il n’est rien du tout dans cette histoire. On s’en fiche comme de la première chaussette d’un canard! Or, Abel n’a rien à se reprocher. Absolument rien. Il présente ses offrandes avec joie; et... il est tué. Dieu a sacrifié le meilleur des deux frères pour apprendre à l’autre à maîtriser sa colère! Abel au fond n’est qu’un moyen pédagogique, dans cette aventure. Un outil. Nous n’apprécions que moyennement cette attitude de Dieu.

De plus, permettez-moi de relever une autre incohérence: avez-vous remarqué que le meurtre (éventuel) de Caïn serait puni de manière beaucoup plus forte que le meurtre d’Abel? Caïn, pour avoir agressé et supprimé son frère, est simplement “renvoyé à sa fragilité, et à l’errance des hors-la-loi”. Tandis que celui qui tuerait Caïn, lui, serait victime de sept meurtres!? Mais où est la justice, je vous le demande?!?

J: L’avocat de Dieu veut répondre.

AD: Monsieur le président! On ne peut pas comparer des promesses avec la réalité. Caïn a tué; et il a été largement puni, par lui-même et par les autres. Dieu lui a pardonné, est-ce un crime?

Pourtant, le pardon n’efface pas la faute. Caïn a continué d’être un homme en fuite. Les conséquences de son acte ne peuvent pas être supprimées. Alors, Dieu lui a promis de toujours veiller sur lui. Autrement dit, Dieu l’accompagne, même en-dehors du pays de son enfance. Le meurtre n’a pas provoqué de rupture avec le Seigneur, voilà ce qu’il a voulu dire par cette promesse.

Au reste, c’est vrai, mon client le reconnaît: il n’y a pas de justice, dans cette histoire. Dieu n’est pas juste! Il aime trop les humains pour cela.

Est-ce que vous avez remarqué? Vous l’avez accusé, en partie à juste titre, de jouer avec la vie de Caïn et Abel de manière exagérément risquée. Voyez-vous que c’est exactement de la même manière qu’il livrera Jésus, son fils unique, pour délivrer tous les humains de cette violence?




Fin des plaidoiries. Et commentaire du pasteur de Plein Soleil, promu juré de cet étrange procès, bien des siècles plus tard:

Heureusement, il ne nous appartient pas de statuer sur la culpabilité de l’un ou de l’autre des protagonistes de ce récit! Notre passage biblique nous invite avant tout à méditer sur nous-mêmes. Pour moi, cette histoire étonnante nous appelle à comprendre deux choses, à l’image de Caïn:

- d’abord, comprendre que la violence est en nous, en chacun(e), tapie quelque part, derrière une porte. Nous pouvons la maîtriser; à condition de la regarder en face, de la connaître, et de vouloir la dominer. Sinon, c’est elle qui nous vaincra!

C’est souvent un infime détail qui nous fait basculer de la fraternité à l’agression: par exemple le sentiment d’être victime d’une injustice, ou trahi, ou délaissé; de compter pour rien. Si quelqu’un, par hasard, ne me salue pas dans la rue, je peux prendre ça comme une baffe et avoir envie de me venger. L’actualité nous en fournit régulièrement de tragiques exemples.

Alors, Dieu m’invite à considérer mes envies de violence, à les regarder comme si elles étaient un loup qui me guette, quelque chose d’extérieur à moi. Dieu me demande de prendre de la distance d’avec mon agressivité, pour essayer de m’en rendre maître.

- la seconde chose que découvre Caïn, c’est que Dieu est toujours là: il voit, il interroge, il remue la conscience; mais aussi il comprend, il aime toujours, il pardonne. Sa présence aimante nous suit partout: à l’étranger, au tribunal, en prison; dans la mort comme dans la vie; justement pour nous aider à prendre de la distance. Lorsque nous nous sentons lésés, défavorisés, il nous redit toute sa faveur à lui, au prix de ses blessures, à lui, pour nous permettre de regarder notre violence en face, et de la maîtriser. Amen                                          

Jean-Jacques Corbaz



 
J’avais terminé de rédiger cette prédication quand j’ai lu les mots ci-dessous. L’auteur de “La part de l’autre” y réfléchit, à partir de Hitler, sur nous-mêmes et la violence. Etonnamment proche de ma prédic!

LE MONSTRE EN NOUS


L’erreur qu’on commet avec Hitler vient de ce qu’on le prend pour une exception, un monstre hors norme, un barbare sans équivalent. Or, c’est un être banal. Banal comme le mal. Banal comme toi et moi. Ce pourrait être toi, ce pourrait être moi. Qui sait d’ailleurs si, demain, ce ne sera pas toi, ou moi ? Qui peut se croire définitivement à l’abri ? À l’abri d’un raisonnement faux, du simplisme, de l’entêtement ou du mal infligé au nom de ce qu’on croit le bien ?

Aujourd’hui, les hommes caricaturent Hitler pour se disculper eux-mêmes. Plus il est différent, moins il leur ressemble. Tous leurs discours reviennent à crier « ce n’est pas moi, il est fou, il a le génie du mal, il est pervers, bref il n’a aucun rapport avec moi. » Dangereuse naïveté. Angélisme suspect.

Tel est le piège des bonnes intentions. Hitler s’est conduit comme un salaud et a autorisé des millions de gens à se comporter en salauds ; il demeure un criminel impardonnable, je le hais, je le vomis, je l’exècre, mais je ne peux pas l’expulser de l’humanité. Si c’est un homme, c’est mon prochain, pas mon lointain.

Horrible révélation que je me faisais en écrivant La Part de l’autre… Le meilleur moyen de lutter contre la barbarie, c’est de reconnaître le possible barbare en soi. Et de le tenir, muselé, dans une cage !

Eric-Emmanuel Schmitt