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samedi 30 décembre 2023

(Po) Le temps


 

Le temps

 

Le temps, qui coule goutte à goutte,

Qui avance, en clopinant, vers notre dernier souffle,

Le temps, qui pourtant fait de nous des vivants,

 

Le temps, qui berce nos transhumances,

Qui les ponctue de brefs silences (ou d’ouvertures!),

 

Le temps, qui déroule nos routes,

Qui atténue nos drames comme nos doutes,

Et ferme nos blessures,

 

Le temps, qui parfois voile nos souvenirs, ou les estompe,

Le temps, qui nous guérit (ou qui nous trompe!),

Le temps, qui nous fait redevenir des enfants,

 

Le temps d’hiver, le temps d’été,

Le temps des joies et des souffrances,

Le temps: c’est notre transcendance!

 

*                              *

 

On croit te mesurer, voire te posséder,

Mais en vain: tu nous files toujours entre les doigts,

Et c’est nous qui courons après toi!

 

Tu avances, infiniment, tu t’avances,

Tu sautes de la vieillesse à l’enfance,

On ne peut que te voir passer (et, parfois, te regretter!).

 

*                              *

 

Le temps, portant nos transhumances,

Enregistrant nos existences, inexorable et bienveillant,

Le temps, pourtant, toujours devant,

Le temps, mais c’est la transcendance!

 

Le temps qui meurt  fait de nous des vivants.

 

                                                                                   Jean-Jacques Corbaz, novembre 2008

 

 

dimanche 24 décembre 2023

(Pr) “Une case vide”, prédication du 24.12.23

  Luc 2, 1-20; 1 Corinthiens 1, 27-30

Quand j'étais enfant, j'ai reçu comme cadeau de Noël un jeu qui m'a passionné. On l'appelait "le jeu de 15". Vous le connaissez peut-être: dans un tableau, il y a 15 éléments mobiles numérotés de 1 à 15. Ces éléments, qui sont au départ tout mélangés, au hasard, il faut les remettre dans l'ordre arithmétique normal.

Le principe est simple, mais la réalisation peut s'avérer compliquée... surtout vers la fin, bien sûr!

Pourtant, c'est évident: déplacer les éléments n'est possible que parce que le tableau comprend une 16è case, vide! Sans cette case vide, tout serait bloqué.

Et cela, c'est vrai aussi pour nos vies: quand tout est plein, rien ne peut bouger. Il n'y a plus de place pour l'inattendu, l'imprévu. L'aubergiste de Bethléem, dont l'hôtel était complet, n'a pas pu accueillir l'enfant de Noël. Au contraire, l'étable était libre, et les bergers disponibles. Disponibles comme d'autres bergers avant eux, qui avaient aussi reçu la visite de Dieu: ainsi Moïse, dans le désert; puis David, le fameux roi.



En relisant aujourd'hui ce passage si connu de l'évangile de Noël, j'ai été frappé par une chose: il semble que les personnages principaux de ce récit, ce sont les bergers. Oui, les bergers, plutôt que Joseph, Marie et Jésus. Je m'explique: la naissance se passe sans rien d'anormal, à part l'endroit où elle a lieu. Aucune intervention divine, rien de céleste ou de magique!

Les anges n'apparaissent pas à la famille de la crèche, mais ils se montrent aux bergers; et c'est sur ces derniers seuls que resplendit la gloire de Dieu! Ce sont eux, les gardiens de la nuit, qui vont annoncer à Joseph et Marie que cette naissance a une dimension divine; au grand étonnement de ces jeunes parents. Au fond, les bergers, parce qu'ils se sont mis en route pour Bethléem, sont devenus comme des anges eux-mêmes, car ils ont transmis la Bonne Nouvelle qu'ils venaient de recevoir.

Oui: parce qu'ils se sont mis en route! Parce qu'ils ont su dominer leur peur, la trouille immense et normale qui s'empare de toute personne, dans la Bible, quand Dieu apparaît (on pense à Moïse, à nouveau!); et parce qu'ils ont eu la disponibilité de se déplacer, d'aller à la rencontre de ce bébé-Bonne-Nouvelle; de cet enfant-Dieu-parmi-nous!

 

On sait que les bergers, en ce temps-là, étaient tout en bas de l'échelle sociale. C'étaient plus des gitans que des paysans:  voleurs, marginaux, farouches, indomptables. Ils se tenaient à l'écart des lieux habités concernés par le recensement; et à l'écart de la religion officielle; à l'écart de la loi juive et de la pureté rituelle obligatoire! Catalogués donc comme pécheurs, irrécupérables! Et promis ainsi à la condamnation, au Jugement.

C'est quand même étonnant: c'est à ces gens-là, qui sont littéralement sans foi ni loi, c'est à ces gens que l'ange annonce: "un sauveur vous est né!" - "un sauveur est né pour vous!"

Et ce sont eux, encore, qui vont expliquer à la "sainte famille" le sens de ce qui vient d'arriver. Ce sont les premiers missionnaires! Comme si Dieu n'avait pas de meilleurs ambassadeurs sous la main que ces espèces de Roms... Il a de ces idées saugrenues, Dieu, parfois!

Par - foi. Effaçons le "s", dans "parfois", et il nous apparaît que Dieu fait son choix par foi! Par confiance. Parce qu'il sait que ceux-là obéiront. Parce qu'il sait que ceux-là seront disponibles. Les autres? Les pontifes, les orateurs, les chefs? Ils sont tous pris, tous occupés et suroccupés à l'occasion de ce gigantesque bastringue, hôtelleries bondées, magasins surpeuplés et stations de ski idem, et je ne sais plus très bien si je parle du Noël d'il y a 2000 ans ou de celui d'aujourd'hui. - Vous me suivez?

Les bergers sont le type des gens de tout temps qui ont dans leur coeur (ou dans leur agenda!) une case libre pour recevoir Dieu. Et puis, mais oui, à cause de cela-même une case libre pour aller vers les autres! Et c'est ainsi qu'ils découvrent que ce Dieu redoutable, ce Dieu qui faisait si peur quand il apparaissait, eh bien il se montre, en fait, sous les traits fragiles d'un bébé nouveau-né, tout frippé, dépendant... Qui fait tout sauf peur!

 


Un qui fait peur, par contre, c'est César-Auguste. Car le recensement, à l'époque, annonçait automatiquement une hausse d'impôts! En ce temps-là, se faire inscrire, c'était donner à l'empereur de Rome les moyens de nous pressurer. "Ils vont pas nous louper!" ... "On va se ramasser quoi, 9 ou 15 % dans la poire!", se disaient les gens. Euh... les gens "normaux", bien sûr. Car les bergers, eux, n'avaient rien. Employés, quasi pas payés par les gros propriétaires, eh bien les gardiens de la nuit sont peut-être les seuls qui n'ont pas peur de se faire tondre!!

La case vide, toujours! ... Et moi, je médite sur cette opposition que l'évangile de Noël met si bien en évidence, entre les gens "normaux" et les bergers; entre les lieux habités et les vastes étendues où vivent les troupeaux; entre le plein et le vide; entre les auberges et l'étable... entre le boeuf et l'âne gris - oh, pardon!

On parle beaucoup du goût de déception, de vide (ou de trop-plein!), du goût d'amertume que beaucoup de gens ressentent, après Noël. On dit que ce goût vient, sans doute, de ce que nous avons trop de choses; que nous vivons, que nous consommons trop de choses. Et c'est vrai. Mais même la pauvreté, mais même la souffrance, mais même la peur peuvent être ce «trop» qui bloque tout mouvement. Qui ne laisse aucune place à Dieu. Aucune case libre!

Avec notre habitude de tout organiser et planifier; avec notre goût de la perfection; avec nos agendas si chargés, nous risquons d'être ligotés, privés de toute mobilité, de toute disponibilité. Chers amis, il me semble urgent d'élaguer, de choisir, de retrouver du temps pour l'essentiel! Et cela pas seulement à Noël, mais que le mystère de la Naissance majuscule dure toute l'année!
 


Garder une case libre pour laisser surgir l'imprévu, à l'image de cette assiette du pauvre que nos grands-parents laissaient à leur table. Garder une place pour laisser entrer le souffle rafraîchissant de l'Esprit, la grâce surprenante de Dieu, voilà ce que je souhaite à chacun(e) de nous, pour ce Noël et pour l'année qui vient.

Et si les gens dits "normaux", en nous voyant vivre à contre-courant, nous traitent de zinzin; s’ils le font en employant l'expression populaire "il lui manque une case"... eh bien dites-vous que c'est justement la folie que Dieu a choisie, en nous, pour annoncer sa sagesse *.

Oui, la folie! Car c'était la seule qui était libre! Amen




* 1 Corinthiens 1, 27-30: «Dieu a choisi la folie de ce monde pour confondre la sagesse; il a choisi la faiblesse pour confondre la force. Dieu a choisi les choses et les gens qu’on méprise pour dégonfler les prétentions de ceux qui croient être tout»

 

(après l'interlude):

Une case vide. Nous l'avons dit, Jésus n'en a pas trouvé beaucoup, à sa naissance. Mais, nous le verrons le 31 mars, mais il en a laissé une, béante, au matin de Pâques, quand il a été ressuscité!

J-J Corbaz










mardi 19 décembre 2023

(Hu) Le dentiste (histoire vraie)

Anne-Rose est une dame dans la soixantaine, soignée et qui se sent bien conservée. Lors d’un déplacement à 150 km de chez elle, un problème à une incisive l’oblige à prendre un rendez-vous d’urgence chez un dentiste local.

Tout en patientant dans la salle d’attente, elle remarque le diplôme de l’homme de l’art. Le nom la frappe: c’est le même que celui d’un ancien camarade de collège, un beau gars sympathique dont elle était amoureuse, mais qu’elle a complètement perdu de vue depuis une lurette belle à en faire pâlir miss Monde. Serait-il possible que ce soit lui?

Son coeur bat un peu plus fort. C’est alors qu’entre un homme en blouse blanche qui l’appelle: «Madame Desponds? C’est à vous.»

Anne-Lise se lève, désappointée. Ce ne peut pas être lui. Le praticien est voûté, fatigué, ridé, les traits disgracieux. Certes, des litres d’eau ont coulé sous les bridges de Pétaouchnock, mais quand même… Elle ose pourtant lui demander: «Vous êtes le Dr Mack?»

«Oui, c’est moi. Pourquoi?»

«Est-ce que vous auriez étudié au collège de l’Elysée, à Lausanne»?

«Ah oui. On se connaît?»

«Mais oui! Vous étiez dans ma classe!»

L’homme lève sur Anne-Rose un regard interrogateur. Il se creuse la tête en grattant sa tempe, comme s’il avait en main sa fraise habituelle. Puis, ne trouvant rien, il demande: «Vous étiez prof de quoi?»


Jean-Jacques Corbaz  


(Po, Li) Redonne!

La Terre, lentement, étend ses bras

Pour rassembler l’humanité entière 

Dans un même repas.


Ses doigts, son coeur, sa vie, 

Sa tendresse infinie,


Tout nous appelle à nous relier,

À communier, dans le sourire et le respect, 

À semer des espaces de fraternité. 



Le coeur de Dieu, sur Terre,


Chante son incroyable bienveillance


Qui n’a de sens


- Profond mystère -


Que si nous la transmettons plus loin.


«Tout ce que tu reçois,


Ne le garde pas pour toi,


Redonne-le dix fois au moins,


Cent fois,


Et mille encore,


Et davantage,


Infatigable,


Sans calculer,


Sans regretter,


Même et surtout quand tout gèle et frissonne


Et invite au repli,


Redonne!


Ce geste est ton ami


C’est ainsi que le cadeau reçu te rendra plus heureux.»


Jean-Jacques Corbaz, sept. 2013 



(Bi, Li, Hu) Avez-vous dit «merci» en allumant?

Une animation lors d’un culte du soir avec les catéchumènes à Cossonay, durant l'hiver 2011-2012. Les ados sont groupés aux premiers bancs, et ils ne savent pas ce qui va se jouer!
Je dis:

Il y a des phénomènes étonnants qui se répètent chaque jour. Il y a des prodiges qui ne nous étonnent même plus. Par exemple, qu'il suffise d'ouvrir le robinet, pour que de l'eau coule. Alors que, dans certains pays, les gens doivent marcher des heures jusqu'au puits le plus proche! Est-ce que vous dites «merci» en ouvrant le robinet?
 
Même chose pour l'eau chaude... Pour le chauffage... Pour les murs et les toits, surtout quand il fait froid... Pour l'électricité, qui fait marcher l'ordinateur, la X-box et la télé... Est-ce que vous dites «merci»?
 
C'est souvent le contraire! On rouspète ferme quand il y a une coupure de courant! En plein milieu de quelque chose de passionnant!

À ce moment s'éteignent toutes les lumières de l'église, y compris la galerie, la sacristie, l'orgue ... bref, tout. Nuit noire!).
Un catéchète (le seul qui était dans le coup avec le concierge) allume alors des bougies et les donne aux catéchumènes. Ces derniers viennent près de moi au lutrin, avec leur bougie allumée. Ils m’éclairent. Et je poursuis:

Il y a des phénomènes étonnants qui se répètent chaque jour. On s'y habitue tellement qu'on oublie de s'en émerveiller. Et de dire merci.
 
L'être humain est ainsi fait qu'un cadeau 1000 fois répété semble un dû. Si tu donnes 1000.- par semaine d'argent de poche à ton fils, pendant une année, eh bien, la fois où tu lui donnes 500.- seulement, il va crier à l'injustice!
 
Voilà, c'était pour ce soir notre prière de reconnaissance. Est-ce que vous dites «merci» en ouvrant le robinet? Est-ce que vous dites «merci» en allumant la lumière?

 
Toutes les lumières de l’église se rallument. Et, sans que cela soit préparé, à ma surprise, tous les catéchumènes disent: «Merci»!

Merci! 



JJ Corbaz


vendredi 15 décembre 2023

(Bi, Co, Hu) Marcel, elle

 Une préparation de service funèbre chez des inconnus, dans une paroisse voisine. J’ai 30 ans.

Marcel, elle

Rôô zut! L’inspiration a f… le camp. Pourquoi, quand je sens que je vais écrire, je croise tous ces gens qui ont tant de choses importantes à me dire? Tant de platitudes importantes: le temps, toujours le temps, vingt fois par jour les mêmes banalités ressassées, il fait beau, on est contents, on en avait assez du froid…

Ce n’est rien. Reprenons.

La maison, d’abord. Passé mille fois à côté, jamais vue. Sortie d’un rêve, d’un décor de cinéma 1950. Pierres brutes, colonnades, petite, accroupie dans son jardin. Tu entres: deux étages sur rez. «Elle» est au premier. J’entre, je sonne, une jeune femme me répond. Enfin, jeune: 40? 50? Est-ce elle? Je ne sais pas.

J’entre, je vois l’appartement. Un appartement de vieux, surchargé de bibelots sans poussière, de canapés et de fauteuils proprets, et presque pas usés. Quelque chose me gêne, une étrange oppression sort je ne sais d’où.

Je me présente. Toujours la même surprise, le même étonnement - vite contenu, ne rien laisser paraître. On m’a dit plusieurs fois que j’étais trop jeune pour ce métier-là… Une femme plus âgée s’avance en bredouillant. Elle? Blouse noire, coquette, citadine déracinée en terre broyarde? Que fais-tu ici?

Oui, c’est elle. Derrière, encore des femmes. Que des femmes.

Entrons au salon. Les bibelots me tirent par la manche. Mille petits cadres pieux fourmillent sur les parois. Ah oui, ils n’ont pas d’enfant. Que des croix, des angelots en prière, des curetons soucieux ou mystiques, peuplade de schtroumpfs pas même effrayée de mon intrusion. 

Entrons. Elle et moi. Les autres restent à la cuisine, commentent, chuchotent, soupèsent. La laisser avec lui. Avoir la paix.

Un cancer. C’est ça. C’était ça. Le pavillon. Dix ans déjà. Il n’a jamais rien su. Tu t’en vantes? Que te dire? Tu ne comprendrais pas.

Un cancer aussi. Un cancer au sein. Toi aussi. Et tu sais? Et lui ne savait pas non plus?!

-Il était solitaire. Moi pas. J’aimais sortir avec le chien, à Lausanne. Au bord du lac. Ici, non. Ces mémères qui papotent, qui commèrent, très peu pour moi. D’ailleurs, je ne connais personne, je n’y comprends rien à leurs histoires. Il était solitaire, je le suis devenue aussi. Et «ça» rentre. Là. Cancer après. Au même là.

Il était solitaire, je ne peux pas vous dire s’il était croyant. Moi? Croyante, pas pratiquante.

Les angelots toussotent.

- Lui, il avait peur de la mort. Peur de souffrir. Peur d’être seul. Tous les soirs, quelle vie, pour aller se coucher. «Non, reste. Encore un petit moment». Raccourcir la nuit.

Eh oui, ça vient, tu parles. J’écoute. Je finis même par te regarder autrement. Et tu ris, qu’ai-je dit de drôle? Pas un rire nerveux, un petit rire distingué. Contrôlé.

«…ont le grand chagrin de faire part…»

- Voyez-vous, Monsieur le pasteur, si l’on savait ce que c’est, de se séparer ainsi pour toujours, eh bien on ne se disputerait jamais, de toute la vie.

Je vois.

- Ecoutez. liquidons ça le plus vite possible.

Ce n’est pas toi, ce sont les angelots. Déchus. Et toi, luttant contre eux. Contre eux ta vie.

- J’aimais écouter la messe à la radio, quand c’était en latin. Je n’y comprenais rien, ça me faisait du bien. Maintenant que c’est en français, ça ne me fait plus rien du tout. Plus d’effet. Je n’écoute plus. Quoi? Faire l’enterrement en latin? C’est un mauvais gag, Monsieur le pasteur, tu n’y penses pas!? Ça ne se fait pas. Ça ne s’est jamais fait!

Ris encore. Ris encore, ça fait du bien. Non, tu n’as pas ri, parce que je n’ai fait que penser le «mauvais gag». Mais allons, il faut pourtant bien finir. Une prière? PUISQUE ÇA SE FAIT…

Jean-Jacques Corbaz, janvier 1981  


(Hi) Histoire de notre famille: “La Péraulaz” et les Pierrettes

NB: les parties entre °° °° signifient qu’il s’agit d’informations peu sûres, voire de conjectures.

Lutry en 1785. La porte du Grand-Pont, qui sera démolie en 1795.
On peut voir à droite la première maison de l'actuelle Grand-Rue, à l'emplacement de l'actuel no 1.
Cette gravure de 1818 a été réalisée par Engelmann sur un dessin de Louis Albert Bacler d'Albe de 1785


1. Terres ingrates et fumier - inégalités

Les racines de notre famille Corbaz-Bolomey sont solidement plantées dans le terroir des Hauts de Lutry, Belmont, Corsy; pays naguère agricole et vigneron au panorama unique, mais au profil raide de chez raide et au sol glaiseux. Proche de Lausanne  et pourtant: au 19è siècle encore, on y va très peu. Aucune route n'y mène avant la construction de celle des Monts-de-Lavaux, reliant le chef-lieu cantonal à Grandvaux via Belmont et La Croix. Tout au plus y a-t-il un chemin malaisé qui descend de Belmont sur Rochettaz puis Pully; ainsi qu’un autre, tout aussi abrupt, reliant la cité des "Cancoires" à La Rosiaz via approximativement l’actuel stand de tir de Volson.

De quand date la route des Monts? Le relevé de 1864 de Deriaz, établi en vue de la création de la ligne CFF de Berne, ne la mentionne pas. Mais elle est citée dans le dictionnaire Mottaz de 1921 (Eugène Mottaz, Dictionnaire Historique, Géographique et Statistique du Canton de Vaud, ci-dessous Mottaz). En 1885, L. Vulliemin (éd. G. Bridel) en parle comme étant en voie d’achèvement (“elle n’attend qu’un pont pour aboutir à Chailly et Lausanne” - sans doute celui sur la Chandelar). Sa construction est liée à celle, en 1875, de la conduite destinée à amener à Lausanne les eaux du lac de Bret, agrandi par le moyen d’une digue de 2,5 m de hauteur et par le détournement d’une partie des eaux du Grenet. Ce dernier, qui appartient au bassin du Rhin, est ainsi passé en partie dans le bassin du Rhône! L’eau est amenée au réservoir de Chailly puis, avec une conduite forcée, jusqu’à la Place du Flon. Elle sert dès 1877 à actionner la turbine qui entraînait le métro Lausanne-Ouchy.

Jusque-là, on vivait donc dans le sens de la pente, héritage de la manière dont la Paroisse de Lutry (tout comme ses voisines de Lavaux) s’était peuplée, à partir du 14è siècle: de bas en haut, du bourg aux ondulations du Jorat, en défrichant progressivement. Savigny n’avait jusqu’au 19è siècle de liaison carrossable qu’avec la cité des singes! De même pour Corsy, évidemment. Les primates montent et descendent avec aisance, c'est bien connu!!

Et quand on dit carrossable, il faut encore s’imaginer: en 1752, le Seigneur de Corsy, Albert Noé Crousaz, se plaint aux autorités du bord du lac que “le chemin de Paudex à Corsy, qui est l’unique pour les voitures des charoirs, est non seulement rapide (lisez: raide!), étroit et creux, mais aussi rempli de terre argileuse; il est à peine praticable pendant les temps de sécheresse, et pas du tout les temps de pluie”. Vivement le macadam! Je plains les bêtes qui tiraient ces voitures!

Ici, le chemin qui va de Corsy à Belmont (le Coin d'En Bas). Dessin de Ric Berger

Les échanges s’opéraient alors entre Lutry et les Hauts, de manière pas très équitable d’ailleurs. Une enquête du pasteur Jaccaud, de Savigny, révèle qu’à la fin du 18è siècle les gros propriétaires du chef-lieu communal maintenaient à dessein les paysans de son village dans la monoculture et la pauvreté, par des traités apparentés à certaines formes de vassalité (voire de tiers-mondisation ou même de servage).

Par exemple, ceux du bord du lac monopolisaient pour leurs vignes le fumier produit dans les campagnes des Hauts, tandis que ces dernières, ne pouvant enrichir leur sol, étaient condamnées à des rendements minables. Même chose pour le bois, et souvent la main-d'oeuvre. Cette situation, couplée à un climat "nordique", cause des problèmes d'oisiveté hivernale “à la russe”, d'alcoolisme, d'ignorance, de misère et de brutalité chez les exploités (“victimes consentantes”). Schéma connu, hélas.

De plus, la zone où ont vécu nos ancêtres (est de Belmont et ouest des Monts-de-Lutry) a maintes fois subi d'importants glissements de terrain. Mottaz en signale les principaux connus: 1618 ("même la maison de La Conversion - soit le domaine Foscale, voir ci-dessous chap. 2, les derniers §- glissa"; 1692 ("trois poses de vignes commencèrent à s'esbouler et à tomber dans la Paudèze, dessoubs le moulin de la Rochetta" sic); 1758 (50 hectares!); 1888... 

Mais ces glissements ont commencé bien auparavant, au moment du retrait glaciaire qui a creusé le Léman (Noverraz et Weidmann, "Le glissement de terrain de Converney-Taillepied, Belmont et Lutry", Bulletin de géologie 269, 1983). Les travaux de construction de l'autoroute ont mis à jour, dans le secteur situé à la sortie est des tunnels de Belmont, une zone d'accumulation importante qui comporte des troncs de pins à 8 m. de profondeur dont l'un a été daté au radiocarbone de 11'110 ans.

On a même retrouvé provenant de cette zone des vestiges archéologiques datant de l'âge du bronze récent (env. 1000 avant JC): bois brûlé, céramiques, ainsi qu'un petit vase avec deux mamelons verticaux. 

 

la zone du glissement s'étend en gros du Signal de Belmont jusqu'à Taillepied, tout près du lac. En bleu, nos constructions de 2023-2026

 

 
                                😞     😐     😞


La Grande Commune de Lutry (que Savigny finira par quitter en 1823 - déjà des séparatistes, dis donc, Rémy!) est formée de trois parties:

 - la zone des vignes, sur les pentes bien exposées au soleil et au lac, depuis le bourg jusqu’aux hameaux du Châtelard, de Savuit et Corsy. Les familles riches vivent de préférence au bord du Léman, là où les communications routières sont faciles avec Lausanne et Vevey. Maisons serrées, à cause de la pente et du manque de place. Relations sociales intenses. Echanges.

 - les Hauts, au-dessus de 700 m. d’altitude, qui culminent au Martinet et dans les grandes forêts du Jorat. Les hivers y sont rigoureux, et les seules ressources viennent du bois ou de l’agriculture. Habitats dispersés. Pas de gros villages, mais de multiples hameaux ou fermes isolées, comme à Forel ou à Puidoux. Isolement. Vie rude.

 - entre deux, une zone intermédiaire qui comprend des domaines mixtes vigne-campagne au Miroir, au bas d’Escherin et au-dessus de Corsy. Parfois la pauvreté y est la même qu’à Savigny. On constate une situation semblable à Belmont, qui lui dépend de Pully.

L'instruction était peu développée. Les Hauts (Savigny, mais aussi Corsy, Escherins et Savuit) sont longtemps restés privés d'école publique. Et quand des classes (on disait "régences" en ce temps-là) ont été créées (à Corsy ce fut en 1703), les enseignants étaient d'un niveau très médiocre, beaucoup moins bien payés qu'à Lutry même, et peu ou pas du tout formés. Notons que l'Ecole Normale de Lausanne n'a été ouverte qu'en 1833, et que la Commune a longtemps rechigné à en nommer les diplômés, surtout dans les hameaux, car il fallait les salarier davantage! On voit parfois des "régents" nommés à l'âge de 16 ans!   

C’est dans ce contexte qu’ont grandi nos ancêtres. Qu’ils ont travaillé et aimé. Et tenté de survivre.


L'ancien collège de Corsy, bâti en 1906

 

 

Le même, depuis l'est, en 1922












2. Les Bolomey et la Péraulaz

Corsy, appellé souvent Corsier autrefois, tire son nom du gentilice romain Cordius, suivi du suffixe -acus. Notre village était donc à son origine le domaine d’une famille Cordius. Mais y a-t-il là un rapport avec le coeur, voire avec celui de Dieu (cor-dei)? Mystère... et pouvoir de l’imagination!

La ferme qui est devenue “La Péraulaz” figure clairement sur le relevé de 1864 
déjà, voire peut-être sur une ancienne carte (imprécise) de notre hameau tracée vers 1735: grosse ferme ou deux maisons accolées. Pas très loin d’une autre, plus petite, qui deviendra la ferme Corbaz, et qu'on voit juste au-dessus du virage de ce qui est aujourd'hui le chemin des Pierrettes, à l'endroit où le ruisseau "Le Braillon" s'écarte du chemin. Impossible bien sûr de savoir si ces bâtisses du 18è siècle n’ont pas été démolies puis reconstruites. Mais il est certain que des habitations sont là de très ancienne date.

La Seigneurie de "Corsier" vers 1735. Nos fermes sont entre "En Grandchamp" et "Derrière Corsier".

Signalons même que, sur la carte du Bailliage de Lausanne établie en 1678 par Abraham de Crousaz pour LLEE, on pourrait peut-être distinguer nos deux maisons. Mais le dessin n’est pas très précis. Imagination, encore!

Détail amusant, le nom “Péraulaz” se retrouve ailleurs dans les hauts de Lutry: c’est un lieu-dit au nord de la Grange-Rouge, près du Lénage. Et sur la carte de 1678, qui mentionne les noms des exploitants ou des propriétaires à la place de certains lieux-dits, on voit plusieurs familles “Péraulaz” dans les hauts, entre l’actuelle Grange-Rouge et les Bois-de-la-Ville. On orthographie parfois ce nom “Perraulaz”, et l’étymologie est certainement la même: comme Perrallaz, Perrau, Perreux ou Peroset, ce mot doit désigner à l’origine un endroit pierreux. On n’est vraiment pas loin des Pierrettes.

La carte de 1678, tirée de "Lutry sous le régime bernois", T. 3












 

 

 

Le domaine de nos ancêtres a donc pris son nom soit d’un sol caillouteux ou rocheux (ce qu’on ne remarque guère aujourd’hui), soit plus vraisemblablement d’une famille éponyme qui l’a habité et exploité à l’époque où se sont fixés les noms des lieux-dits. Notons qu'un François Péraulaz a pris la bourgeoisie de Villette en 1581 (faveur exceptionnelle, à condition qu'il exerce le métier de croque-mort, dont personne ne voulait en ces temps de peste!). D'autres (enfants de feu Jean Péraulaz) sont devenus bourgeois de Lutry en 1535 déjà. C'étaient des "réfugiés économiques" qui venaient du Biot, dans le val d'Aulps (aujourd'hui Aulph, à quelque 20 km au sud d'Evian)  et qui, comme la plupart de leurs "pays", étaient extrêmement pauvres; ils ont donc dû aller s'occuper de domaines ingrats dont personne ne voulait, dans les Hauts). Pas trop le loisir de prendre l'apéro là!!

 

La carte de 1864, tirée de "Lutry sous le régime bernois", T. 3

 
Au milieu du 19è siècle, notre Péraulaz est une maison foraine isolée au coeur d’un domaine (assez grand pour l’époque) délimité:

- à l’ouest par le Flonzel, ruisseau qui marque aussi la limite entre les communes de Lutry et Belmont;

- au sud par ce qu’on appellera au 20è siècle “l’avenue”, chemin (pas encore) rectiligne qui relie Corsy à Belmont;

- à l’est par de petites parcelles qui le séparent du domaine des Pierrettes;

- et au nord, lorsqu’elle sera construite, par la “route des Monts”; il y aura même une parcelle, vendue plus tard aux Porta, située au-dessus de cette route, dans la “boucle” de Converney. Quant à la route de Converney, elle n’existe pas encore, of course.

Le domaine de la Péraulaz, très approximativement


Cette maison et ce domaine appartiennent à Henri Bolomey, de Lutry et Forel, époux de Louise, née Cavin, nos ancêtres. Ils ont trois enfants: Julie, née en 1850; Vincent, qualifié d’«idiot» (né en 1855 ou 1856, mort en 1917); et Louis I (Joseph Henri Louis), qui reprendra l’exploitation. Deux vaches, quelques veaux, génisses, cochons; des vignes, surtout sur ce qui deviendra la mine de lignite lors de la deuxième guerre mondiale. La partie habitable de la maison est grande, sur deux étages (on sait qu’en ce temps-là les enfants, nombreux, dormaient fréquemment tous dans la même chambre; la cuisine tient lieu aussi de salon et de salle à manger, évidemment).

Une précision concernant cette mine de lignite: elle se trouvait au sud-ouest de la maison de la Péraulaz, dans le rectangle délimité aujourd’hui par le chemin du même nom et la route de Belmont. Exploitée durant la seconde guerre mondiale à cause de l'impossibilité d'importer du charbon étranger, elle était de faible rendement. Dans les années 1960, on pouvait en voir encore le terril, en forme de pyramide tronquée. (Pour plus de détails sur l'exploitation du charbon à Belmont et Corsy, voir "Belmont-sur-Lausanne hier et aujourd'hui, 850 ans", édité par cette Commune, aux pages 132 à 140. La mine dont nous parlons s'appelle mine du Flonzel. Le terrain avait été vendu aux Chocolats Perrier au début de l'extraction).

À gauche, l'arc-en-ciel formé par une conduite des eaux de Lausanne. Au-dessus, la Péraulaz, fraîchement agrandie. À droite, après les vignes, on distingue la ferme des Pierrettes, surtout sa cheminée qui fume. À sa droite, le bâtiment du boiton.

Mine du Flonzel. Archives MCG Lausanne

Revenons en 1850 pour rappeler brièvement le contexte: on sort tout juste de l’Ancien Régime et de ses privilèges. Le canton de Vaud, jeune encore, vient d’unifier les mesures et les monnaies sur tout son territoire (souvenez-vous qu’auparavant, chaque seigneurie locale possédait ses propres unités; imaginez la gymnastique si vous alliez acheter solide ou liquide quelques villages plus loin!). La démocratie émerge lentement, et les grandes familles des bourgs parviennent parfois à conserver certaines positions dominantes. Ce n’est pas vieux: cent ans avant ma naissance.

En ce temps-là vivent sur les hauts de Corsy des familles Bolomey, Paschoud, Marguerat, Burnier, Noverraz... toutes originaires de Lutry; ainsi que quelques Blanc, venus de Belmont, notamment à la Grange-Rouge. Sur la carte de 1678 sont mentionnés dans cette même zone des Bujard, Potallaz, Baatard, ainsi que déjà des Bolomey, Marguerat et Burnier.

Les Bolomey (voir étymologie au bas de cet article) étaient arrivés de France voisine, comme beaucoup d’autres familles “bien vaudoises”, par exemple les Cuénoud (voir document “Aventures dans la famille Cuénoud”, JJC 2020). Plusieurs vagues de migrations sont venues en Lavaux, depuis les rudes vallées alpines de Savoie (y compris de Lombardie!), entre la fin du 14è siècle et le début du 16è; cela afin de combler les décès, notamment dus à une grosse épidémie de peste noire il y a quelque 700 ans. La peste n’ayant pas atteint les villages les plus reculés. Voir les recherches passionnantes de Jean-Pierre Bastian. Les guerres de Bourgogne (1474-1477) ont également saigné notre canton.
 
Les Bolomey sont arrivés à la fin du 15è siècle ou au début du 16è de Saint-Nicolas-de-Véroce (près des Contamines-Montjoie, dans la haute vallée de l’Arve, sur les flancs du Mont-Blanc), tout comme les Bessat. Ils se sont établis dans les bourgs vignerons entre Lausanne et Vevey: à Saint-Légier, à Villette (1518), à Lutry (avant 1525), à Belmont... Ils seront également originaires de 
Forel Lavaux (1824), Savigny, Riex, Epesses (1826 les trois) lorsque ces villages se constitueront en communes autonomes. Nos ancêtres, qui sont bourgeois de Lutry et Forel, n’ont donc pas beaucoup “bougé” depuis leur arrivée, autour de 1500!

Relevons encore qu’au 19è siècle, La Conversion n’est qu’un petit hameau, dominé par le village de Corsy. Ce dernier est divisé en deux: il y a Corsy-dessous, situé entre le bas du chemin de la Jaque et le chemin des Marionnettes; et le principal, Corsy-dessus, entre l’ancien collège (démoli à la fin du 20è siècle et remplacé par le complexe culturel et sportif où se trouve la chapelle) et le petit bâtiment de la laiterie. Ce dernier, également démoli, se situait au carrefour des chemins des Brûlées, du Landar et des Pierrettes, tout près de la ferme Wannaz. Nous y avons vécu de belles parties de cache-cache avec les autres enfants du village, souvent le seul matin où nous avions congé, soit juste après l’école du dimanche!

Corsy-Dessus (vers 1940 ou 50?). L'épicerie, puis la maison Aguet où vivra longtemps le peintre Walter Maffli

La Conversion deviendra peu à peu le nom du groupe de villages et de hameaux englobant les deux Corsy. Cela à cause de la poste, qui prendra place dans la gare, et qui sera mentionnée dans toutes les adresses.

Mais d’où vient donc ce nom de La Conversion? Il n’a vraisemblablement pas d’origine religieuse, comme on pourrait l’imaginer. L’Echomunal de Lutry d’avril 2019 nous en donne une étymologie bienvenue, ainsi que quelques fragments d’histoire:

"Une conversion, mot dérivé du verbe “converser”, soit vivre avec, est au Moyen-Âge un ensemble d’habitations pour les êtres humains (maîtres et valets) et pour les animaux domestiques. Tous y vivaient ensemble, y cohabitaient. Une conversion est généralement entourée d’une clôture de protection.

Le domaine Foscale, qui a donné son nom à notre Conversion, n’est que très peu documenté avant 1661. Pourtant, quelques traces documentaires médiévales laissent entendre qu’il avait appartenu à la seigneurie de Corsier qui l’amodiait à ses serfs, lesquels y exerçaient le double métier de vigneron et de paysan. 

Par héritage, il parvint dans la famille de Trey, de Payerne, qui poursuivit l’amodiation séculaire. Au 18è siècle, à une date inconnue, un rural vitiagricole fut construit à proximité de l’ancienne maison devenue maison de maître. En 1661, le sieur de Trey de Payerne, disposait de trois poses de vignes et autant de terre sur les Monts de Corsier. Daniel de Trey (1648-1709), capitaine bernois d’origine vaudoise, servit en Pologne puis en Suède; il fut tué lors de la bataille de Poltava qui vit la défaite des troupes du roi de Suède Charles XII face à celles du Tsar de Russie Pierre le Grand. 

En 1736, le domaine appartenait à Judith de Trex, femme de Gabriel Burnat, de Moudon, capitaine au service suisse en France; et en 1747 à son fils le lieutenant Burnat; puis en 1801  à sa petite-fille Salomé Burnat (1741-1817) qui mourut à son domaine de La Conversion sous Corsier. 

Dès 1818, La Conversion entra dans la famille Bron, une dynastie de vignerons, de paysans et de houillers. Le domaine atteint son apogée au temps de Henri Bron-Corbaz (1826-1894)** et de son neveu Antoine Foscale-Bron (1864-1953), originaire d’Evian, municipal à Lutry, puis préfet de Lavaux. En 1864, le cadastre fait état d’une maison de maître et d’un rural avec logements, chambres, pressoirs, caves, jardin, boiton, bûcher, four, chambre à lessive, écurie, fenil, grange, étang, fontaine sous terrasse, bois et prés. 

La famille Bron aurait pu vivre en parfaite autarcie. Elle disposait même d’un stand privé, car les hommes de la famille étaient sociétaires des trois abbayes de Lutry: Les Fusiliers, La Réunion d’Automne et L’Union des Jeunes Gens.

La Conversion
En 1858, Henri Bron ouvrit au nord de la maison de maître un café pour y recevoir les ouvriers du chemin de fer et ceux des mines de charbon de la Paudèze et du Flonzel:  il obtient une patente pour ouvrir dans sa maison de La Conversion un café restaurant, près de la ligne du chemin de fer de Lausanne à Fribourg où s’exécutent de grands travaux.
 
En 2002, après l’extinction de la famille, le domaine fut légué à la Société pour la protection des animaux. Celle-ci la vendit à l’agence immobilière HRS Estate, qui transforma la maison de maître. L’ancien rural, délabré, a été détruit en 2015. On y a construit ensuite le bâtiment qui abrite la Migros. 
 
En 1910, Antoine Foscale-Bron, qui ne veut plus de café dans sa maison, mit à l’enquête publique un projet de maison-café-restaurant sur des plans de l’entrepreneur Louis Buche-Blanc. L’établissement comportait au rez de chaussée un café avec perron d’entrée, une salle à manger, une cuisine et une chambre, et à l’étage cinq chambres dont une de bonne et un balcon. L’établissement prit le nom de Buffet de la Gare de La Conversion, et il existe encore aujourd’hui."

** Je paie un pot de bière surmaltée à qui trouvera si ces Bron-Corbaz-là sont de notre famille ou non!!

Le Buffet de la gare de La Conversion aujourd'hui

 




 

 

 

 

 

3. De “La Péraulaz” aux Pierrettes

Vers 1875, Julie se marie avec Louis Blanc (de Belmont), employé de banque, parent de Robert et Gaston Blanc (sans lien, proche en tout cas, avec ceux de la Grange-Rouge, auxquels nous sommes alliés par notre lointaine cousine Rose née Corbaz, soeur d’Yvette Dizerens). Dans un premier temps, Julie reste dans la maison familiale avec son mari, ses parents et ses frères.

En 1876, naissance de Mathilde, leur fille, qui deviendra institutrice. Et d’une autre fille, Edwige, qui mourra à 20 ans. Julie et les siens déménagent vers 1880; ils vont habiter le domaine des Pierrettes, plus petit, que Louis Blanc exploite en même temps qu’il poursuit son travail à la banque: vignes et campagne, peu de vaches. On ignore la raison précise de ce déménagement: à cause de l’agrandissement de la famille de Julie? ou du mariage de Louis Bolomey, vers 1883? (Son premier enfant qui soit devenu adulte, Blanche, est né en 1884).

"La marraine", Mathilde Bessat-Blanc
On ne sait pas non plus si le domaine des Pierrettes appartenait déjà aux Blanc ou aux Bolomey; il semble bien que la maison ait été construite depuis quelques décennies au moins. La date officielle de sa construction est 1820; mais c'est une approximation. Vers 1880, cette ferme n’a de loin pas le volume d’aujourd’hui: il n’y a que le corridor, au rez, le long de la fourragère; la “cuisine en bas”, actuel local du chauffage, dont l’âtre sera plus tard aménagé en fumoir à charcuterie - il devait probablement y avoir une fenêtre à l'est, à l'emplacement de la porte actuelle sur les anciens WC; la grande chambre “devant”, aujourd’hui bureau; et la chambre “derrière”, à moitié excavée (donc pas très saine!), avec une seule fenêtre donnant sur l’est, devenue plus tard cave à vin et saloir. Peut-être y a-t-il une petite chambre à l’étage? Personne n’en a entendu parler. En tout cas, il n’y a pas de traces d’un escalier intérieur. Quant au rural, il ne dépasse guère à l’ouest le mur où se trouve la porte actuelle de l’écurie à vaches.

  
Louis Bolomey I s’est marié avec Marie Louise, née Cordey. Huit enfants parviendront à l’âge adulte, un ou deux autres mourront très jeunes. Mais Louis n’est pas un fort travailleur, et ses penchants pour la bouteille l’empêcheront de nourrir sa grande nichée. Vers 1890 (il doit avoir alors quatre enfants à charge, en plus de Vincent), il manque d’argent au point de devoir vendre sa maison et son domaine; il vient alors habiter chez sa sœur, aux Pierrettes. Il sera manoeuvre sur les chantiers, mais son alcoolisme continuera de lui jouer des tours. Élever sa nombreuse progéniture relèvera de la mission impossible.
 
Marie Bolomey-Cordey
C’est probablement pour loger son beau-frère que Louis Blanc agrandit sa maison. Il crée un second appartement au premier étage, avec entrée par un escalier extérieur qui longe le mur côté est. Corridor étroit traversant depuis la porte d’entrée jusqu’au mur mitoyen séparant l’appartement du rural, cuisine (actuelle), une grande chambre devant (aujourd’hui salle à manger) et une petite derrière avec fenêtre au nord (qui en 1966 sera transformée en hall et cage d’escalier pour monter au deuxième étage) à laquelle on accédait depuis la cuisine, c’est le modèle courant. Entre le corridor et la chambre derrière, un escalier montait au galetas, où une chambre de domestique (peut-être dans un premier temps pour Vincent?) avait été créée, avec une seule fenêtre, sur la façade est; sous l’escalier, une “dépense”, petit réduit dont la porte donnait sur le corridor.

Il semble que Louis Blanc et les siens ont alors pris leurs quartiers dans l’appartement neuf, la famille Bolomey restant en bas. Mais cela pas pour longtemps: vers 1895, Louis Bolomey déménage, et depuis lors, la cuisine en bas ne sera plus utilisée en tant que telle. Il habite aux Chênes sur Bossières, puis à Pully. Mais il laisse sa fille Juliette, née en 1888, aux soins de Julie Blanc. Et bientôt une autre fille, Mathilde Alice, née le 10 avril 1895, qui “s’ennuie” loin de Corsy. Cette dernière, qu’on surnommera Rose (pour la distinguer de l’autre Mathilde, sa cousine et sœur de lait?), épousera plus tard Armand Corbaz, de Belmont et deviendra notre grand-mère. C’est elle qui restera au domaine des Pierrettes, puisque Juliette partira à son mariage et que les Blanc n’auront pas de petits-enfants.

Pour l’anecdote, ce fameux 10 avril 1895, l’heureux père, descendu à l’état-civil de Lutry pour y inscrire sa fille, avait oublié le prénom choisi avec sa femme! La faute probablement à quelques godets éclusés sans trop de modération pour fêter l’événement... Il semble que Mathilde Alice n’était pas le résultat du choix, et que “Rose” soit venu réparer la gaffe!


Rose Corbaz-Bolomey avec ses petits-enfants Marlyse et Jean-Jacques et sa belle-fille Edith

 

4. La descendance d’Henri Bolomey

Henri et Louise ont donc trois enfants: Julie, Vincent et Louis I.

"La tante", Julie Blanc-Bolomey
Julie (1850) épouse Louis Blanc. Ils ont deux filles. Mathilde (31 mars 1876 - 18 décembre 1957), institutrice, épouse (vers 1900 ~) Henri Bessat, de Lutry, né en 1878, et qui deviendra syndic de la commune; ils n’auront pas d’enfant. Edwige meurt à 20 ans. Louis Blanc décède vers 1908, et Julie en 1933. Depuis la naissance d'Arnold, cette dernière sera pour lui comme une grand-maman gâteau. "Qu'est-ce que tu deviendras quand je ne serai plus là, mon pauvre petit", lui disait-elle souvent.

 
Henri Bessat vivra à Lutry jusqu’à sa mort, en janvier 1948; à ce moment, sa veuve revient à Corsy. Comme son filleul Arnold Corbaz, fils de Mathilde Alice dite Rose et d’Armand, se marie en novembre de la même année, la maison devient trop petite. En 1949 “la marraine”  Mathilde fait donc construire (par l’architecte Alberto Sartoris, devenu célèbre pour d’autres œuvres... et qui a fini ses jours à Cossonay) une “carrée” à quelques mètres de la ferme; Mathilde Bessat habite l’appartement du premier étage, Rose et Armand Corbaz le rez-de-chaussée.
 
Institutrice à la retraite, sans descendance, elle s'occupera beaucoup des enfants d'Arnold, surtout de Marlyse et Jean-Jacques. Elle nous emmenait tous les jours pour de jolies promenades, et nous a apris à lire alors que nous n'allions pas encore à l'école.

  
Vincent n’a pas de descendance.

Louis I (décédé vers 1910) épouse Marie Louise Cordey (vers 1883). Ils ont une dizaine d’enfants, dont huit parviennent à l’âge adulte:

- Blanche (1884) épouse Joseph Frei. Elle meurt en 1928, sans enfants.

- Marguerite (1887 - 1937) épouse F. Bourgeois. Ils habitent au Château-Sec (Lausanne) et ont une fille, Marguerite, dite Margoton; cette dernière marie un Chavan dont elle aura un fils unique, Marcel, aveugle, célibataire.

- Marie Julie, dite Juliette (27 avril 1888 - 8 mars 1969) épouse vers 1914 Edouard Hodler (1887 - 6.11.1961). Deux filles leur naissent:
- Roxane, qui épouse Georges Ryffel, à Prilly (décédé en 1975), 
- et Edwine (1916 - 21.3.1937), fiancée à Fernand Tardy. 
Roxane et Georges ont trois enfants: Geneviève, femme de Jean-Jacques Eichelberger; Jocelyne, mariée à Michel Hersperger; et Jean-Pierre, qui épouse .... Graf dont il a deux enfants: Philippe et Pascale.

- Louise (1990 - 1977) épouse Emile Ischy (parfois appelé Maurice?), à Denges (1991 - 1960). Ils donnent la vie à deux fils: 
- Emile, surnommé Titi, époux de Régina Paquier, à Denges, dont les enfants sont Jean-Pierre, Denise et Roger; Jean-Pierre et sa femme Marlyse ont deux enfants, Sylvette et François
- Et Louis dit Loulou (1918 - 1989), marié à Gisèle Bonzon, à Renens, qui a un fils, Bernard Bonzon.

- Louis II (1893 - 1.11.1957) épouse Alice Bönzli. Il vit à Bahyse-sur-Cully. De gros problèmes d’alcool l’accompagneront à son tour, jusqu’à ce triste soir où son fils le trouvera mort, tombé d’une passerelle dans le ruisseau de Champaflon. Louis et "tante Alice" ont quatre enfants:
Rose-Marie (1917/18 - 2006), femme d’Emmanuel Chautemps, dit Manu (1899/1900 - 30.5.1984), à Champvent; Rose et Manu auront quatre fils: Roland, Pierre, Ernest et Louis-René (ce dernier est né en 1943).
- Puis Denise (1920 - 2012), mariée à Paul Flotron (1919 - 2001), à Forel; ils donneront le jour à une fille, Jacqueline, dite Jacotte (1957), qui épousera André Blanc (1954), ces derniers ayant une fille, Christiane (1989). Denise et Paul élèveront (mais sans les adopter) Micheline Douce, femme de Bernard Bastian, et Madeleine dite Mady Douce, épouse d’Albert Grin. Micheline et Bernard ont deux enfants: Ronald et Nathalie; cette dernière est mariée à Philippe Nicolier, et ils ont deux filles: Sarah et Morgane. Quant à Mady et Albert, ils ont trois fils: Claude, Gilbert et René. 
Philippe Bolomey
 
- Vient ensuite Philippe (1923 - 2000), qui comme ses aïeux a trop penché vers la bouteille; marié à Lucienne Fatio, puis divorcé, il aura deux filles, Claudine et Marie-Claire. Claudine a un fils.
- Enfin, Gilberte (1924 ou 28/29 - 2006), qui épouse Marcel Lauper, dit Misette (1922); ils ont une fille unique, Marianne (1947); mariée à Robert Bauquis (1944), ils ont deux filles: Fabienne (1969) et Christine (1975); cette dernière épouse ... Rais, et ils ont trois enfants: Mathieu, Chloé et William.

- Mathilde-Alice, dite Rose (10.4.1895 - 22.2.1968) se marie en 1923 avec Armand Corbaz (17.5.1895 - 13.2.1975), de Belmont. Les parents de ce dernier, gros paysans rêvant d’une union plus profitable, le privent de la plupart de ses droits sur le domaine de Belmont. Le couple reste donc sur celui des Pierrettes, qu’il rachète en 1927 à Henri Bessat pour Fr. 21’000.-
1948, mariage Edith et Arnold
 Ils ont un seul fils, Arnold (11.2.1924, décédé le 13.9.2009), vigneron et paysan à son tour, qui épouse le 21 novembre 1948 Edith Cuénoud, de Cugy (6.6.1926, décédée le 27 octobre 2021). La légende dorée rapporte (à pas feutrés, mais elle rapporte gros) que cette union a offert à l’humanité (tatsaam! nous voici!) trois mignons bambins potelés qui par leur arrière-arrière-trisaïeule descendent en ligne directe d’Adam et Eve, et sont donc cousins éloignés de l’Homme de Cro-Magnon, voire de l’australopithèque et des grands singes. ;-)
 
- Marlyse (4.2.1949), femme de Bernard Matthey-Doret (17.1.1952) devient mère de Luc (25.11.1977) et Didier (14.2.1980). 
- Jean-Jacques (1.5.1950) marié d’abord avec Claire-Lise Duvanel (17.3.1956) devient père de Cyril (3.9.1978) et Benjamin (8.7.1980); puis, avec Marinette Rousseil, de Sylvain (6.10.1989) et Fabrice (4.1.1991). 
- Claudine enfin (18.7.1952) aura deux filles, Julianne (22.3.1985) et Laura (9.5.1987) Corbaz, de Rémy Borer (28.2.43 - 7.8.20).
 
À leur tour, ces petits-enfants d’Arnold et Edith sont devenus parents:
-Luc épouse Celsa Lopez (13.2.76 - 18.1.2021), ils ont deux enfants: Luis (3.5.11) et Sofia (6.11.13).
-Cyril épouse Fabienne Corlet (10.12.77), ils donnent la vie à Jonas (6.3.14) et à Lou (23.7.16).
-Benjamin épouse Sarah Campiche (10.7.80), d’eux naissent Elie (30.1.14), Esther (30.11.16) et Isaac (30.6.21). Notez la curieuse propension à naître un 30 du mois!
-Sylvain épouse Alice Dalla Valle (3.6.91), ils donnent la vie à Hannah (1.11.18) et Matthieu (28.4.21).
-Fabrice épouse Tiziana Nicora (20.10.90), d’eux naissent Elena (15.10.18) et Naya (21.7.20).
-Julianne épouse Yann Imesch (23.6.80), ils ont deux filles: Clara (16.6.14) et Mélissa (24.8.16).
-Laura a une fille, Talia, née le 28.9.2023, de Gaël Bernard (5.10.88).


Marlyse et Claudine, à La Forclaz

 

 - Edwige (1897 - 1990) épouse Jean Ingold (1880 - 18.1.1955). Deux enfants: Willy et Edith; celle-ci marie Edouard Schweingruber, dit Didi, et meurt en 1989; ils ont une fille, Nicole.

- Anaïs (1899 - 1990), enfin, est la femme d’Aloïs Serex (1890 - septembre 1964), fils d’Henri, à Puidoux. Ils n’auront pas d’enfant.

 

Vendanges à Corsy, 10 octobre 1906. La fillette au milieu est peut-être Rose Bolomey, future Mme Corbaz; et la dame en noir la tante Julie Blanc?

Claudine, Bernard et Edith, vers 1980, au même endroit. La vigne est celle où seront construits les immeubles en 2020


5. “Chez Cardinaux”

Louis Bolomey a donc vendu son domaine et sa ferme vers 1890. L’acheteur s’appelle Louis Cardinaux I (1850/51 - 1914), époux d’Elisa, née Pasche (1860/61 - 1943). Il vient de Bussigny-sur-Oron et reprend le travail à la ferme et dans les vignes, doté d’une nombreuse progéniture: Cécile Henriette (1881/82 - 1912), qui épouse le 8 novembre 1906 François Samuel Abetel; Vincent (27.8.1884); Mathilde (21.6.1887) qui le 4 mai 1912 marie Paul Hartmann, du moulin du Miroir-sur-Lutry, et deviendra l’arrière-grand-mère de Jean-Pierre Hartmann, organiste à Cossonay et professeur d’orgue de Fabrice Corbaz, lui-même arrière-arrière-petit-fils de Louis Bolomey I; François, qui vivra à La Conversion (1.4.1889 - 27.1.1955);  Marie (26.9.1891 - 25.1.1919), qui a épousé un boucher de Thonon nommé Bouchu; Jean-Louis (19.4.1895 - 1938), qui  avec sa femme Elise, née Testuz (1890 - 1949) reprendra le domaine agro-viticole de Corsy; et Berthe Elisa, célibataire (1.12.1900 - 25.6.1931).

Louis Cardinaux I perpétue donc la tradition des prénoms chers aux rois de France. Son fils Louis II ne règnera pas sur la Bavière, mais il partage encore avec les Louis Bolomey un fort attrait pour le pinard du coin. Il mourra jeune encore (des suites de son alcoolisme?).

Avec Elise, ils ont cinq enfants: l’aînée Cécile (1920), qui épouse Willy Glanzmann; Francis (1921), employé CFF, mari de Denise, née Amy en 1930, et qui n’aura pas d’enfants; Robert, dit Roby, (1924), époux de Raymonde, née Collet en 1930, travaille aux TL, puis aux grands magasins Au Centre (soit Coop); Henri (1926), dit Riquet, surnommé Toccande (souvenir d’un rôle de théâtre), chauffeur de camion à la boucherie Bell; et Annette (1929), la cadette, qui en 1949 se marie avec Aristide Dorthe.

En 1941, la veuve de Louis II et ses enfants vendent aux chocolats Perrier la vigne située au sud du domaine. C’est la guerre, et la Suisse manque de charbon. Le sous-sol de cette vigne étant riche en lignite, comme d’autres dans la région proche, on y creuse une mine qui sera exploitée jusqu’en décembre 1944.
 
Archives MCG Lausanne
En 1942, avec l’argent obtenu par cette vente, la famille Cardinaux agrandit la maison en construisant la partie habitable côté ouest, qui est restée presque la même aujourd’hui. À la mort de sa mère, Francis reprend la maison et rachète les parts de ses frères et sœurs. Mais pour cela il s’est endetté trop lourdement. Sa seule ressource est alors de vendre. Son ami d’enfance Arnold Corbaz, petit-fils de Louis Bolomey I, voulant s’agrandir, lui rachète pour Fr. 50’000.- le domaine. Ce dernier revient ainsi dans la famille de ses anciens propriétaires. Nous sommes en 1954.


La ferme (rural et ancienne habitation) est alors en très mauvais état. Après quelques années, elle menace de s’écrouler, et il faut construire d’urgence un gros mur pour la retenir. Seule la grange, du côté est, est encore utilisable, avec sa porte à l’ancienne, à 80 cm du sol, qui ne laisse pas passer les chars. Plus tard, Arnold Corbaz revendra quelques parcelles à bâtir et rénovera cette ferme (en 1970-71) pour en faire un petit locatif. Cet immeuble se nomme aujourd’hui La Péraulaz, du nom ancien du lieu-dit où il est situé. Quant à la “nouvelle” habitation qui lui avait été accolée, elle est occupée maintenant par Claudine, fille d’Arnold Corbaz.

(Bolomey; Blanc; Bessat; Borer; Corbaz; Cardinaux; Cuénoud; Belmont, Corsy; La Conversion; Cugy; plus Brel, Brassens et Bühler... notre famille et la maison de nos ancêtres semblent apprécier le haut de l’ordre alphabétique!)

 
La Péraulaz en 2020, face nord


Face sud, 2020



6. La maison des Pierrettes

a) 1890-1908

Revenons un peu en arrière pour parler des transformations de la ferme des Pierrettes. Après les agrandissements de 1890, °°Louis Blanc (ou Henri Bessat à la mort de ce dernier?) entreprend de nouveaux travaux. Peut-être d’ailleurs certains aménagements (galetas?) que j’ai attribués à 1890 datent-ils plutôt de cette seconde série de modifications, en 1908? À confirmer.°° Dès cette date en tout cas, la partie habitable est telle que décrite sous 1890; son toit est à la hauteur de celui de la grange actuelle. Quant au rural, dont le faîte est alors inférieur d’environ un mètre, plusieurs changements sont à noter.

Louis Blanc commence à presser le raisin lui-même. Il construit donc un pressoir (à vis, vertical, actionné par une “palanche”, grosse perche de bois manœuvrée à bras d’homme) avec comme base une forte pierre. Cela à l’angle sud-ouest de la ferme. La grosse pierre en question, qu’on a fait sauter en °°1946-47°° se trouve aujourd’hui, en plusieurs morceaux, entre la fontaine et le puits; elle a servi de sièges et table extérieurs, puis de soutien à la terre à côté de la fontaine, là où seront enterrées plus tard les cendres d’Arnold Corbaz.

Pressoir du même modèle que celui installé par Louis Blanc
La porte de l’écurie à vaches reste en 1908 sur la façade sud, à l’emplacement de la fenêtre actuelle (mur très large; voir le premier mètre actuel). L’écurie est étroite: quatre ou cinq bêtes seulement, car elle n’occupe que la moitié sud du rural. Des crèches en bois la séparent de la fourragère, d’où l’on nourrit les bêtes.

La partie nord du rural est occupée sur toute sa longueur par une grande cave surmontée d’une énorme voûte; ce devait être magnifique! Depuis le carnotzet actuel y compris jusqu’au local où l’on a mis plus tard la réserve de paille (puis encore le moteur de la machine à traire), d’une seule pièce. Cette cave a une seule entrée, donnant sur le pressoir, et qui se trouve justement à l’emplacement de la réserve de paille. Depuis l’appartement, il faut donc faire presque le tour de la maison pour y accéder. Le mur séparant la cave de l’écurie se trouvait à l’emplacement du “rail” qu’on voit encore au plafond de l’écurie.

Un étage plus haut, c’est la grange. Laquelle comprend plusieurs recoins différents, comme c’est fréquemment le cas alors. Au-dessus du pressoir, un hangar à graines ou à fourrage se situe au niveau actuel, tout comme l’endroit pour le foin au-dessus de l’écurie de l’époque. Au-dessus de la fourragère se trouve la place pour le regain, 80 cm plus haut. Un vide entre ces deux niveaux permet de descendre le fourrage. Arnold Corbaz se souvient qu’on entreposait des pommes dans le plancher autour de cet espace! Enfin, au-dessus de la cave, le sol est encore plus haut, quelque 20 cm, à cause de la voûte. C’est sur cette partie nord que donne la porte, à double battant, au sommet d’une petite montée si raide qu’elle est infranchissable, même avec un char vide (la petite place plane devant la porte n'a pas encore été aménagée, la pente commence tout de suite).

Redescendons d’un étage pour décrire les abords de la ferme. Au sud, il n’y a qu’un passage à pied entre la maison et le jardin “d’en-bas”. Louis Blanc construit un boiton avec des toilettes (sans eau) à l’emplacement de la terrasse actuelle et du moteur de la piscine. Laquelle piscine est alors une fosse à purin, of course, simplement creusée dans la terre. Auparavant, les toilettes se trouvaient dans le jardin “d’en-haut”, à l’angle nord-est de l’habitation. Ce n’était alors qu’une petite cahute en bois, dont il fallait périodiquement vider le trou avec une puisette et une brante. Si quelqu’un se dévoue aujourd’hui pour accomplir ce charmant boulot, il aura droit à mon exubérante gratitude, ainsi qu’à la complète gratuité sur l’usage du trou en question...


La façade est de la ferme des Pierrettes, à la fin des années 20. De dr. à g. Arnold, Rose et une jeune-fille


Nous achèverons ce tour du propriétaire en mentionnant la fontaine, en ce temps-là couverte, dont l’inscription (“L.B. 1898”) doit renvoyer au même Louis Blanc. Sans oublier le puits, d’où l’on tirait l’eau potable à l’époque, et cela sans doute depuis la construction de la ferme. C’est en 1931 qu’on installera l’eau courante dans la maison.  On pose alors un évier en pierre jaune, et on enlève le réservoir à eau de la cuisine (à gauche de la fenêtre); on enlève aussi l’ancien cendrier de mollasse et la plaque noire sise sous la fenêtre sur laquelle (la plaque, pas la fenêtre!) on mettait sécher la vaisselle. Ce doit être presque en même temps que sont enlevés les gros fûts de vin à la cave. Le puits, depuis, sera de moins en moins employé. On y versera même, quelque temps, les déchets solides. Ciel!

En 1939, la fosse à purin sera refaite en ciment. Et c’est ce même bâti de ciment qui deviendra l’actuelle piscine -recrépie à neuf, évidemment. En 1939 toujours, la porte de l’écurie est déplacée sur la façade ouest, pour empêcher un peu le froid de rentrer. Les bêtes traversent donc maintenant le “pressoir” pour sortir.

La photo est mauvaise, mais on reconnaît, de g. à dr. Armand Corbaz; Edwige Ingold qui porte sa fille Edith; Julie Blanc qui porte Arnold; et Rose Corbaz-Bolomey. Maison des Pierrettes, devant la chambre du rez. On voit la barrière du "jardin d'en haut" - voyez son évolution avec les photos de mon baptême et de ma confirmation, tout au bas de ce document!


b) 1945-46

La guerre est à peine achevée. Arnold Corbaz reprend l’exploitation. Plus entreprenant que ses prédécesseurs, il a besoin d’agrandir le domaine. Pour cela, il loue plusieurs parcelles de terrain dans la région.

Il veut aussi développer la ferme. La vente d’une forêt lui permet de mettre en chantier d’importantes modifications. Il démonte le pressoir et élargit l’écurie à vaches, faisant reconstruire les murs moins larges (voir à l’intérieur, vers le robinet, la différence avec l’ancienne cave). Une cave à betteraves est créée à l’emplacement où se trouve aujourd’hui la citerne à mazout, donnant à ce qui reste du vieux pressoir la forme d’un L inversé. Arnold y installe un établi, avec tous ses outils. On y entreposera les cloches des vaches. Et des clapiers à lapins et cobayes occupent l’extrémité ouest de ce local, qu'on continuera d'appeler "pressoir".

La ferme en 1965, avec le boiton

Le toit du rural est porté au niveau actuel, rejoignant celui de l’habitation à l’époque. La voûte de la cave est abattue et la grange agrandie à l’angle nord-ouest. On construit alors le “pont” de grange en amenant de la la terre pour former une surface plane devant la porte; cette dernière devient bien plus haute et large, à un battant coulissant, permettant ainsi aux chars d’entrer. Le sol est bien sûr mis au même niveau à l’intérieur comme à l’extérieur, à l’exception de l’emplacement de la nouvelle chambre à coucher des parents, actuellement le salon, qui fait comme un cube de béton au sud-est de la grange. Une petite trappe, fermée par un panneau de bois, communique avec la cave à betteraves et un plus grand trou est créé au-dessus de la fourragère pour descendre le foin. Une grosse échelle permet le passage des bipèdes (et des chats!).

Enfin, le chemin devant la maison est élargi pour arriver avec un char devant la fourragère, dont la porte est refaite, coulissante (auparavant, elle était à deux battants).

L’habitation aussi subit quelques modifications. Apparaît la chambre dont nous venons de parler, avec une porte donnant sur le fond du corridor, tout près de celle de l’escalier du galetas, soit à l’emplacement aujourd’hui occupé par la cheminée de salon. Armand et Rose, qui jusque-là dormaient dans la pièce du rez inférieur, donnant sur le sud, s’installent dans cette nouvelle chambre. Arnold, qui dormait d’abord au salon du premier, puis dans la chambre non chauffée derrière la cuisine (celle de la tante jusqu’à sa mort, en 1933), déménage dans celle du bas.

On crée aussi à ce moment un local accolé au mur est de la maison pour y installer de nouvelles toilettes avec enfin l'eau courante ainsi que l’escalier qui y conduit depuis le premier étage. On peut accéder depuis la fenêtre de la cuisine à la “terrasse” formée par le toit de cette annexe, d’où la vue est superbe: il n’existe alors ni l’entrée actuelle, ni le garage, ni la maison de “la marraine”, ni la construction du “terrain à Max” (aujourd'hui Grieshaber), ni la villa Paschoud et ses grands arbres... Les maisons les plus proches sont en ce temps-là la propriété Burnier, au sud de “l’avenue” et ses voisines; la ferme de la Péraulaz; ainsi que celle des Cuennet, du côté de Champ-Maffrey.

En 1948, retour de la marraine et mariage d’Arnold. En 1949, construction de la carrée (maison de Marlyse). En 1952, achat du premier tracteur du domaine, un Meili. Jusqu’alors, c’étaient des vaches qui tiraient les chars! En 1954, achat de la ferme et du terrain aux Cardinaux.

1950. Edith, Jean-Jacques et Marlyse

 
c) 1957-58

La nouveauté de cette série de travaux s’appelle chauffage central. D’abord très modeste, à bois et charbon. La chaudière se trouve dans l’annexe des toilettes, où se situe aujourd’hui la machine à laver le linge. Puis elle est transférée dans la cuisine en bas.

La “chambre-derrière” du premier étage servait alors de frigo en hiver et de réserve en toute saison. Comme elle est enfin chauffable, Jean-Jacques s’y installe. Car jusque-là, les trois enfants dormaient dans la “chambre-devant”, actuelle salle à manger. Marlyse et Claudine déménageront peu après dans la pièce sud du rez inférieur. On ajoute à la cuisine un boiler qui permettra de disposer d’eau chaude de façon continue.

Dans le rural, on modernise aussi: l’ancienne cave est supprimée; l’écurie et la fourragère sont agrandies, elles utilisent dorénavant toute la largeur de la ferme. Nouvelles crèches, en ciment, au nombre de neuf, et “astral” (système pour en ouvrir ou fermer l’accès aux vaches). À l’angle sud-ouest de l’ancienne cave voûtée est créé un emplacement pour la paille, avec une trappe supplémentaire permettant de la faire descendre depuis la grange.

En 1958-59, le boiton est agrandi et rénové. On y crée une écurie à génisses. Ces dernières logeaient jusqu’alors dans la ferme Cardinaux, côté est. Le fond de la fourragère de ce bâtiment pour les génisses sert à entreposer les pommes de terre. Marlyse, Jean-Jacques et Claudine y passeront de nombreuses heures en toute saison à dégermer et trier les patates, entre celles qui sont bonnes à garder ou à vendre; celles que nous allons consommer rapidement; celles qu'on va donner aux cochons; et les pourries, qu'il faut jeter!
C’est dans ces années également qu’est démoli le toit de la fontaine.

En 1961, vente d’une vigne, à “La Jaque”. Arnold achète sa première automobile, une Opel, ainsi que “L’Edelweiss”, le chalet de La Forclaz; en effet, les enfants toussent et ont besoin d’un changement d’air. Ce seront les premières vacances, à la montagne, d’abord à quatre, puisque le chef de famille doit rester pour le bétail et les travaux -les paysans alors ne prennent aucun congé- puis à trois avec des copains, de plus en plus nombreux...
Le garage de la ferme est construit en 1962 sur la partie est du jardin d’en haut. À cette époque, le chemin des Pierrettes est goudronné pour la première fois, achevant un réseau routier enfin indépendant des intempéries. On pourra dire qu’Albert Noé de Corsy est exaucé, 210 ans après!

1960, retour de cueillette de narcisses. L'emplacement du futur garage est à gauche. Rose, Armand, Jean-Jacques, Arnold, Marlyse, Claudine, Edith et le cousin Roger Corbaz. On voit l'ombre de la future maison de Marlyse.

 
d) 1966

En 1965, l’autoroute A9 est en gestation. Pour en permettre la construction, Arnold Corbaz doit vendre une parcelle en Converney qui se trouve sur le futur tracé (à la sortie est du tunnel de Belmont). L’argent obtenu permettra de rénover la ferme de manière importante.

Construction d’un volume adossé au mur est pour y créer l’entrée, en agrandissant l’annexe est vers le sud. Nouveaux escaliers. Le toit de l’habitation est surélevé de 90 cm, et quatre chambres à coucher sont créées à l’étage nouveau. Celle des parents, ainsi que la salle de bain, se trouvent au-delà du mur mitoyen, dans un espace pris sur la grange, tout comme les toilettes et la douche du premier. Un hall et l’escalier de bois remplacent la chambre-derrière et la moitié du corridor. On perce d’une voûte le mur entre la salle à manger et l’ancienne chambre des parents, celle-ci devenant le salon. Et on installe le chauffage à mazout.

Tout le monde dort maintenant dans les combles: la famille au cours des âges se rapproche sans cesse du ciel! La chambre du rez inférieur devient le bureau d’Arnold. Le galetas a beaucoup diminué dans l’opération, mais il est débarrassé d’une foule d’objets inutiles accumulés au fil des ans. Quelques témoins du passé resurgissent pourtant, comme cette bassinoire en cuivre, où l’on mettait des braises pour chauffer les lits dans des chambres qui ne connaissaient pas d’autre forme de chauffage.

- en 1969-70, d’autres terrains sont vendus: Klingler, Delaloye (deux villas au nord de l’actuelle route de Converney, qui n’existe pas encore), Huguenin. Ce qui permet la transformation du vieux rural des Cardinaux en petit locatif, La Péraulaz (1970-71).

La maison continue d’évoluer. En 1970, Arnold Corbaz arrête l’exploitation du domaine agricole pour se consacrer à la vigne et à l’Association viticole de Lutry, dont il est à la fois le président et le gérant. Il n’y a donc plus de vaches à l’écurie. La partie nord de la fourragère est aménagée en carnotzet. Autre nouveauté, une “loggia” est créée dans la grange, dans le prolongement du salon. La fosse à purin est transformée en piscine en 1975. Le puits est remis en valeur, ainsi que le coin de la fontaine.

Benjamin, Didier, Arnold et Jean-Jacques dans la cuisine des Pierrettes

- en 1972, parallèlement à la construction de l’autoroute A9 est créée la nouvelle route de Converney, perpendiculaire au chemin des Pierrettes.


- en 1975, construction du second locatif “Es Grands Champs”, route de Converney 43.

- en 1976, Marlyse et Bernard Matthey-Doret se marient. Le grand-père Armand Corbaz étant décédé en 1975, ils viennent habiter dans la villa de la marraine, après quelques rénovations. 
En 1982, ils l’agrandiront du côté est.

À propos de notre aïeul, signalons encore, avec un petit sourire, que sa femme lui disait fréquemment, à lui qui était en mauvaise santé: "Mon pauvre Armand, qu'est-ce que je deviendrai quand tu ne seras plus là". Pourtant, il lui a survécu 7 ans, nous épatant tous par sa résilience! "La roue tourne. C'est la vie", affirmait-il devenu veuf. Ajoutant parfois malicieusement: "Je m'étais marié avec une Rose, mais avec le temps j'ai vu qu'elle avait des épines!" 😄
Rose et Armand devant chez eux vers 1966
Il était contemplatif et se laissait vivre. Enfant, paraît-il, il pouvait passer des heures à regarder les lapins dans leur clapier! Pas du tout proactif, économe, il aurait vécu de presque rien. Pendant les 7 ans où il venait dîner chez nous chaque jour, il arriva qu'un dimanche nous avions oublié de déverrouiller notre porte d'entrée. Ce que constatant, il rentra chez lui sans même sonner. Ne le voyant pas arriver, nous sommes allés le chercher. "Pourquoi n'as-tu pas appelé?" - "Oh, j'ai pensé qu'il n'y avait pas de dîner aujourd'hui."
Plein d'humour, presque toujours de bonne humeur, il était d'une grande gentillesse. 
 
Grand-Maman était bonne aussi, mais d'une tout autre manière: généreuse et plutôt dépensière, elle gavait ses petits-enfants de chocolats, de plus en plus gros au fil du temps! Grâce à elle, j'ai perdu pendant de nombreuses années toute envie d'en manger, tant elle m'en avait nourri! 
 
Coiffée de son éternel chignon, comme beaucoup de femmes de sa génération (surmonté d'un chapeau à voilette à l'occasion des sorties du dimanche), elle a développé avec l'âge une pilosité faciale, en clair une barbe, qu'elle devait raser régulièrement, sinon elle piquait fort! Nous lui amenions tous les deux jours le rasoir électrique de notre père à cet effet.

Listons encore les habitants de la ferme des Pierrettes:
Edith Corbaz y habite jusqu'en 2010, année où elle déménage à Converney 43. 
Luc Matthey-Doret et famille de 2010 à 2014.
Cyril Corbaz et famille de 2014 à 2016.
Julianne Corbaz et famille depuis 2016.

 
Edith, Marlyse, Didier au jardin d'en bas
 
Quelques notices étymologiques, qui concernent de près ou de loin notre famille

Un rocher qui attirait l’attention ou un pierrier près de la maison suscitait en pays germanophone les noms Steiner, Zumstein, Amstein ou Steinmann, équivalents de nos Delapierre et Deppierraz. Le vrai nom du pierrier était Gand, d’où les Gander, Gantner et Indergand. En Suisse romande, les voisins d’un gros rocher s’appellaient soit Dussex, soit Rochat ou Rochaix. Quant aux Duperrex, Perrey, Perriraz et Perroset, ils côtoyaient un pierrier ou un sol où la roche affleure.

En règle générale, la terminaison –acum (iacum après un nom en –ius) est devenue –ay /-y en France du Nord en Suisse romande, et -ac dans le Midi. Le pendant alémanique est –ach. Mais en Rhénanie, -iacum s’est mué en –ich.


 
Hartmann
Hartmann est un ancien nom de personne germanique particulièrement machiste. Comme tous ses semblables il se compose de deux éléments. Le premier, hart, exprimait la force (et non pas la dureté comme en allemand moderne). Le second, mann, est l’homme, au sens de personne mâle. Ce nom est également à l’origine du prénom Armand, qui est la variante méridionale d’un Harmand qui servait de nom de baptême en France du Nord.

Hartmann s’est parfois confondu avec un nom semblable, Hermann. Celui-ci associe le terme homme avec le mot hari ou heri, qui désigne l’armée (Heer en allemand moderne). C’est de ce dernier que dérive le prénom italien Ermanno. Tant Hartmann que Hermann sont des patronymes fréquents dans le monde allemand.


Pache, Pasche, Pa(s)choud
Le patronyme Pache ou Pasche renvoie à la variante médiévale d’un mot latin qui survit dans les néologismes français pacte et pactiser. Les anciens Romains possédaient un verbe signifiant «se mettre d’accord» qui a donné d’une part le mot paix (pax) et de l’autre le substantif pactum qui désignait un accord ou une convention. Le pluriel de pactum, pacta, a été interprété plus tard comme un singulier féminin en -a. En ancien provençal la pacha désignait le fait d’avoir quelqu’un pour compagnon, puis a assumé les sens d’accord ou de convention. 

Dans les patois romands le mot se prononçait la patse, transcrit la pache. Ce mot a pris le sens d’accord verbal. A Blonay, le verbe patseyî signifiait faire un accord et le sceller par une poignée de mains. Ailleurs la pache désignait l’engagement d’un domestique ou même les fiançailles. Un dicton courant sur les marchés disait «la pache fait l’attache» - on est lié par l’accord oral.

Si ce terme est devenu un patronyme au moyen âge, c’est sans doute que l’usage commercial du terme s’est doublé d’une notion de droit foncier. La terre appartenait au seigneur. Il pouvait la faire exploiter par ses propres fermiers, mais aussi par des tenanciers selon des modalités diverses (redevances fixes ou proportionnelles aux récoltes, etc.). La pache a dû désigner une de ces formes de contrat, puis le terrain en question et finalement son exploitant. 

Les patronymes Pachoud et Paschoud ont la même signification que Pasche. On leur a simplement ajouté – comme à d’autres noms - une terminaison empruntée aux noms d’origine germanique qui finissaient en –oud / -oux comme Badoux, Genoud, Giroud, etc.

 
Brélaz
Dans les patois romands bréla désigne la chaise à traire qui n’a qu’un seul pied (chez nous, on disait: “botte-cul”). Ce mot semble être emprunté au terme d’allemand médiéval bretel (diminutif de Brett) qui désignait une planchette - et un escabeau dans le nord de la France. Le mot bréla partageait peut-être aussi le sens de planchette. Il existe un lieu-dit La Brélaz en-dessus de Lutry. On peut se demander s’il correspond aux nombreux toponymes nommés Les Planches ou Les Planchettes, qui décrivent une parcelle de bonne terre plus longue que large, en général située près de la maison.

 
Corbaz, Corboz, Corbat
Les patronymes Corboz et Corbaz ont la même origine, mais pas exactement le même sens. Tous deux dérivent de l’adjectif latin curvus, qui signifiait «courbe». Corboz, qui est un masculin, peut désigner un homme voûté, difforme voire bossu. En France du Nord son pendant est Lecourbe. Mais on ne connaît pas de matronyme Lacourbe…

Les Corbaz – un nom féminin en patois – doivent plutôt se référer à un toponyme. Le substantif abstrait «la courbe» n’existait pas au moyen âge. Mais on pouvait dire d’un pré, d’un champ, d’un sentier ou d’un chemin qu’il était courbe. Les deux premiers sont masculins, mais la sinda (sentier) et la vy (chemin) étaient des féminins et pouvaient être à l’origine d’un lieu-dit Corbaz, devenu à son tour le nom d’une famille habitant à proximité.

Le nom du peintre français Gustave Courbet est un diminutif: un petit homme courbé. En Franche-Comté le diminutif –et se prononce et s’écrit –at. Cela explique les Corbat jurassiens et romands en général. Outre-Jura on trouve aussi des Courbin, Courbey, Courbot, etc, ainsi que des Courbu.

Par ailleurs on ne peut pas exclure qu’un certain nombre de Corboz, Corbaz, Corbat etc. aient une origine bien différente et dérivent du latin corvus, le corbeau (comme le village fribourgeois de Corbières). Car les patois romands ne font pas la distinction entre le O de corbeau et le OU de courbe.
  
Quelques précisions encore, spécifiques aux Corbaz de Belmont. 
Le "Livre d'Or des familles vaudoises" d'Henri Delédevant et Marc Henrioud (rééd. Slatkine, 1979) indique que des Corbaz sont bourgeois de la cité des Cancoires depuis "avant 1457". Cela signifie qu'il s'agit de la première mention connue, mais qu'à cette date il y avait déjà des bourgeois portant ce patronyme depuis un temps indéterminé. En ce temps-là, les documents écrits étaient rares, surtout concernant les familles qui n'exerçaient pas de fonction importante.

Le livre "Belmont-sur-Lausanne hier et aujourd'hui, 850 ans", édité par cette Commune en 2014, remonte un peu plus haut encore. La "giète" de 1427 mentionne un "Johannes Corbat" (sans préciser s'il est bourgeois); puis en 1474 et 1487 on parle d'un "Petrus Corbat". En 1550, sur les 26 sujets du Chapitre de Lausanne soumis à la taille (impôt), il n'y a pas moins de six Corbat: Jehan fils de Collet, Jehan fils de Pierre, Henry, Jehan fils de Jaquet, Pierre fils de Jehan, Jaquemoz fils de Martin.

On voit que l'orthographe du nom (comme des prénoms!) a évolué. Au 18è siècle, un artisan genevois qui a fondu les cloches de Belmont écrit "Corbez" en 1776, puis en 1781, pour le même Pierre Abram, il écrit "Corbax".

Cela ne veut pas dire que nos ancêtres venaient de Franche-Comté ou du Jura; mais plutôt que, la seconde syllabe étant muette, son orthographe n'était pas importante. Dès le 18è siècle, le "az" se généralise.

Relevons encore qu'un des trois quartiers historiques de Belmont, avec le Coin d'en haut" (autour de l'église) et le Coin d'en bas (anciennement "Village d'embas" au haut de la route de la Cita, autour de la "Fricassée) se nomme "Le Coin des Corbaz" - au 18è siècle on disait "Vers chez les Corbaz" -. Des cousins d'Armand y habitaient encore, ainsi que leurs descendants. Mais Armand lui-même et ses parents n'y résidaient pas; leur ferme se trouvait à côté de l'église, à l'emplacement de l'actuelle aire de jeux. Leur maison était paraît-il un ancien couvent (probablement: une maison où vivaient quelques moines dépendant d'un couvent sis ailleurs); un souterrain, qu'Armand a encore exploré, reliait cette ferme à l'église voisine.

Nos armoiries


Chardon
Chardon et sa variante Cardon (Midi et Nord-Ouest de la France) sont des patronymes ambigus qu’on peut interpréter de différentes façons. Et, bien entendu, il est impossible de savoir laquelle correspond dans notre cas. La première hypothèse est celle d’un sobriquet. Le chardon est une plante qui pique dans tous les sens. Donc on aurait pu surnommer ainsi un individu au caractère agressif, piquant ou médisant. Mais le nom pouvait aussi se référer à une personne habitant dans un endroit infesté de ces plantes. 

Il est aussi probable que Chardon ait été un surnom de métier. Au moyen âge le chardon était une plante utile qu’on laissait pousser même dans les villes. On l’utilisait pour peigner et démêler la laine. C’est pourquoi on appelle cette opération «carder la laine». Au moyen âge, on appelait chardonnier ceux qui recueillaient les chardons et les vendaient aux fileuses. Il est imaginable qu’on ait aussi surnommé ces travailleurs du nom de la plante. 

Enfin, le patronyme Chardon peut aussi n’avoir aucun lien avec la plante, mais être une forme à la fois diminutive et tronquée d’un nom de baptême médiéval se terminant en –chard. Par exemple de Richardon, Bouchardon ou Guichardon. Le même phénomème peut expliquer des Chardin, Chardet, Chardeau, etc. et les Cardin du Midi.

Parmi les variantes du nom Chardon on recense des Chardonnet, Chardonneau, etc., et des Cardenet dans le Midi. On trouve des Cardoni en Italie, des Cardoso en Espagne et au Portugal, des Carding en Angleterre et des Distler en Allemagne. Les Disteli suisses, eux, semblent plutôt dériver d’un Jean Baptiste tronqué.


Arnold, Arnaud, Arnoux, Erni, Arndt, Nolde
Arnold est un ancien nom de personne vieux-germain. Comme tous les autres, il se compose de deux éléments. En l’occcurence il associe l’aigle (arin, arn-) avec la notion de pouvoir (wald, voir le verbe moderne walten, régner). Arnwald s’est simplifié en Arnold en allemand et en Arnaud en français. 

De prénom, il est aussi devenu patronyme lors de l’apparition des noms de famille. On trouve des variantes telles que Arnault, Arnaudy et Arnoty, mais également des Arnou ou Arnoux qui peuvent aussi dériver d’un Arnwulf germanique (aigle et loup). Il existe par ailleurs en France des formes tronquées Naud ou Naudin qui se confondent avec des variantes de Renaud.

Arnaud a donné des Arnal ou Arnau dans le Midi et en Catalogne, des Arnáldez en Espagne, des Arnaldi et Arnoldi au sud des Alpes et des Arnold ou Hornett en Grande Bretagne. 

Chez les Alémaniques on trouve des Arnold, mais aussi des formes plus familières telles qu’Aerni et Erni. Outre-Rhin le compactage a donné des nom tels qu’Arendt, Arndt, Arendtsen voire Arns. Inversément le maintien de la seule terminaison a produit des Nolde et Nölte. La combinaison d’Arn avec l’adjectif bald (hardi) ne survit qu’en italien dans le patronyme Arnaboldi.


Blanc, Blanchard, Canut, Bianchi, Wyss, White
Quand au moyen-âge le simple nom de personne (devenu l’actuel prénom) n’a plus suffi pour désigner des individus devenus plus nombreux, on leur a ajouté un surnom. Et un des critères les plus simples pour les distinguer était de mentionner la couleur de leur chevelure. C’est pourquoi on trouve une foison de patronymes qui dérivent des adjectifs noir, blanc, gris, roux, brun, rouge, blond, jaune, fauve… Sans parler des chauves, bien entendu. Tous ces termes pouvaient se combiner avec diverses terminaisons - diminutives ou autres - ce qui a créé une foule de noms supplémentaires.

Un jeune homme qui avait les cheveux blancs – et encore plus un albinos – devait frapper tout particulièrement les esprits. On trouve donc de nombreuses personnes dont le nom de famille est Blanc ou Leblanc, et plus rarement un dérivé tel que Blanchet, Blanchot, Blanchon ou Blanquin. Sans parler des Blanjean, Blanpied et Blandamour… Blanchard peut être une forme plus ou moins péjorative de Blanc, mais aussi un prénom germanique alliant la brillance et la force.

Un autre adjectif - d’origine latine - s’appliquait aussi aux cheveux blancs: chenu. Il explique les patronymes Chenu, Chenuz et Chenudeau, et dans le Midi et au Nord les Canu, Canut, Lecanu et Lecanuet. Canut était aussi le surnom des ouvriers de la soie à Lyon, mais l’essor de cette industrie est postérieur à la formation des patronymes.

L’Italie fourmille de Bianchi, Bianchini, Bianchetti, etc., l’Espagne de Blanco et le Portugal de Branco. Dans le domaine allemand on trouve des Weiss, Wyss, Weissmann ou Weisshaupt (tête blanche), des Witt(e) dans le Nord et des De Witt chez les Néerlandais. Quant au monde anglo-saxon, il a ses White, Whitman et les Finn de l’Irlande gaélique.

Blanc a la particularité de pouvoir se référer soit à la couleur des cheveux, soit à celle d’une peau exceptionnellement pâle. Ce patronyme trouve encore ses pendants dans le polonais Bialy.
 

Conne, Kuhn, Cuénod
Les noms Cone, Conne, Conus dérivent tous d’un ancien nom de personne médiéval français qui se prononçait Cone ou Conon, selon qu’il était sujet ou non de la phrase. Conon de Béthune était un trouvère célèbre. Le nom est d’origine germanique et se rattache à la racine kuon, qui signifiait audace ou hardiesse (kühn en allemand moderne).

Ce terme entre dans le composé allemand Konrad qui associe la hardiesse et le bon conseil et était très populaire au moyen âge. Ce nom est à l’origine de nombreux nom alémaniques raccourcis tels que Kuhn, Kühn, Kunz, Künzli, Kuoni, Cueni ou Kurt. Les Haut-Valais a ses Kuonen. Le nom entier survit dans les noms Konrad et Kundert. Konrad est devenu Corrado en italien et est arrivé jusqu’en Russie sous la forme Kondratiev.

Il existe enFrance des diminutifs de Cone tels que Connet, Connez, Connot ou Connesson. En Suisse romande dominent les formes qui ont conservé le U tels que Cuénod, Cuénoud, Cuennet ou Cuénin.


 

Creux, Crot, Croset, Crausaz
Tous ces patronymes sont des noms d’habitat. Les ancêtres de ceux qui les portent devaient habiter dans une maison à proximité d’un creux. D'origine celtique ou encore plus ancien, le mot creux se dit crâo en patois. C’est de lui que dérivent les patronymes Creux, Crot, Cropt, ainsi que le diminutif Croset et les formes féminines Crausaz, Decrausaz, De Crausaz et Decreuse. Les Crottaz, et Crottier en revanche, se réfèrent à une grotte (un mot tiré du latin crypta, la crypte, le G actuel étant un emprunt à l’italien).

Dans le midi de la France on trouve des Cros, Crozet, Ducros et Delcros. Les pendants alémaniques sont variés. Selon la taille et la forme du creux, on a des Locher, Wanner, Gruber, Hohler, Furrer ou Inderkummen. 

En pays romand, les habitants de fermes isolées se mettaient volontiers à l’abri du vent. A voir la rareté des patronymes qui évoquent une colline (notre dernier billet), ils étaient bien moins nombreux que les Alémaniques à s’installer sur des hauteurs. Ils devaient préférer les creux, comme en témoignent les nombreux patronymes tels que Creux, Cros, Cropt, Croset et, au féminin, Crausaz, Decrouzat, De Crousaz, Decreuze.  Les Crottier et Crottaz, eux, avoisinaient une grotte ou une caverne, tout comme les Tannaz, Barmaz et Balmat. Et les Dupertuis vivaient près d’un trou..


Ceux qui partaient libérer Jérusalem étaient appelés Croisés. Il existe des familles Croisé dans l’ouest de la France, et des Crouzat dans le Midi. D’autres patronymes restent ambigus. Les premiers Croisier, Crosier, Crozier etc. étaient-ils des pèlerins, des vendeurs de crucifix ou des porte-croix lors des processions? Ou habitaient-ils simplement près d’une croix, d’une croisée de chemins, voire d’un creux? De même le nom ibérique Cruzado pouvait se référer à une petite monnaie homonyme. Idem avec le Kreuzer dans les pays germaniques, où toutefois le terme Kreuziger semble avoir été réservé aux vrais Croisés.


Cordier
Cordey est un nom de métier – en l’occurrence une profession disparue, celle du cordier qui fabriquait des cordes. Cordey est le pendant de Cordier dans les régions orientales du domaine français. Il transcrit le cordâi du patois. Ailleurs, on trouve aussi des Cordié, Cordet, Cordeix, etc. (mais Corday est un nom de localité). 

Les pendants italiens sont Cordari et Funari. Mais en espagnol, où cordero désigne l’agneau, l’artisan était surnommé Cuerda (corde). Les correspondants anglo-saxons sont Roper et Rooper. En allemand la corde se dit Seil ou Strick, ce qui explique les Seiler et les Stricker, ce dernier pouvant aussi descendre d’un homme qui posait des pièges à lacet.


Bolomey
Un de nos lointains ancêtres du moyen-âge a dû être surnommé Bolomey en raison d’un défaut physique. En patois, boloma désigne une grosseur, une tumeur ou l’excroissance d’un arbre. Bola signifie la boule et la terminaison –oma a été ajoutée par analogie à d’autres mots de sens semblable qui se terminent en –ma, comme droûma (gonflement, tumeur ou chancre du sapin). Bolomâi était donc l’homme affecté d’une tumeur voyante.

Bolomey - Du latin bulla, boule, patois boloma, excroissance, occitan bouloum, tas, monceau. Variantes: Bolomay, Bolomet, Bolomier, Boulmier. Les patronymes Boulade et Bouladier sont aussi issus de boule, dans le sens de porteur de massue ou de canne à noeud pour se battre (vieux français boulade ). Boulanger, Boulangey et Boulenger viennent du vieux français boulenc, fabricant de pain, fournier (du germanique bolla, froment, apparenté au latin pollen, farine).


Matthey et Mathez sont des variantes jurassiennes et franc-comtoises de Mathieu - un nom que devait porter un de vos lointaines ancêtres à l'époque où les gens se contentaient d’un nom unique. Comme Mathieu était un des quatre évangélistes, ce nom était très populaire au moyen-âge, puis délaissé ensuite.

Ailleurs en France on trouve des patronymes Mathé, Mathier, Mathiez, etc. Matisse a la même origine. Outre-Rhin on tombe sur des Mattias, Theis, Thyssen, etc., dans les pays anglo-saxons des Matthews, en Italie des Mattei et Maffei, et en Espagne des Mateos et Macias


Cardinaux
Anciennement Cardinalis, Chardinaul, Cardino. Surnom ironique, issu du latin cardinalis, vieux français chardenal, patois cardenau, cardinal. Un chapeau de cardinal dans certaines armoiries familiales. Cardenaux est une variante du patronyme originaire de Bussigny-sur-Oron et Blonay (VD).
Cardinet est un diminutif du prénom Richard, du germanique Rickhard, "fort et puissant", vieux français Ricardin


Chavonin
Du patois tsavonna, extrêmité de terrain (d’où le lieu-dit Chavonnes), latin caput, tête, patois tsavon, bout. Le patronyme Chavan vient du patois tsavouan, chat-huant, hibou (celtique cavannu).


Chessex, Chesaux
Anciennement Chosel, Chessel, Chessey. Du village vaudois de Chessel, nom issu du latin casa, maison, casale, maisonnée. Le dérivé patois tsèsau, vieux français chésal, a laissé les patronymes Chesaux, Cheseaux et Chezeaux (anciennement Casali, Chesal, Chesaul, Chesaulz), avec en Haut-Valais une germanisation Hofstetter (= établissement agricole). Nombreux lieux-dits romands Cheseaux, Chesalles, Chéserex, Chesières, Chézard.


Curchod
Anciennement Curchodi dans les Vallées vaudoises du Piémont. Est-ce un dérivé du patois et vieux français culchaud, cuchaud, curchaud, sensuel? Ou un diminutif de cruche (vieil allemand kruka, vase à anse), qui a donné aussi Cruchaud, Cruchet et Cruchon (une cruche dans les armoiries)?


Jean-Jacques Corbaz, 2007 puis complété en 2012, 2017, 2019, 2020...




Quelques images encore:


Arnold enfant

 




Edith


Armand Corbaz   














Mathilde Blanc, future Mme Bessat












Mathilde Blanc, ou déjà Bessat?

















 

Henri et Mathilde Bessat
 

Rose Bolomey
Rose Bolomey

 

Armand, Rose et Arnold

Au milieu, Armand Corbaz

 

































 
De g. à dr. Denise Bolomey, future Mme Flotron; et Rose Bolomey, future Mme Chautemps

























Probablement Adèle Corbaz-Cuchod, mère d'Armand

  
 
 
 
 
 
 
 














Le poulailler à l'est de la ferme



























Le poulailler à l'ouest!



















Baptême de Jean-Jacques, nov. 1950. Escalier de l'entrée et boîte aux lettres. Marlyse et les 4 grands-parents. Voyez l'évolution de la barrière du "jardin d'en haut" (ci-dessous et chapitre 6, année 1939).
 

Confirmation de J-J, 1966. Même lieu. J-J, Aloïs Hennard, Armand Corbaz, Louis Cuénoud,  Arnold Corbaz, Nadine Hennard, fille d'Aloïs. Voyez l'évolution de la barrière du "jardin d'en haut" (ci-dessus et chapitre 6, année 1939).


Confirmation de J-J, 1966. Aloïs Hennard, J-J, Nadine Hennard.



































J-J, Claudine, Marlyse, Arnold devant l'escalier d'entrée. Au fond, le gros tilleul au N-E de la maison de Marlyse




























J-J devant l'entrée en chantier. 1967



































Marlyse. Derrière elle, le chemin des Pierrettes




























Et pour finir, un vénérable ancêtre devant notre ferme. De qui s'agit-il?