Introduction aux lectures:
Apocalypse. Mot galvaudé, traité à toutes les sauces. Si souvent synonyme de catastrophe, de déchainements violents, d’anéantissement final.
Pourtant, en grec, apocalypse signifie «ouverture», ou «révélation».
Écoutez cet extrait de l’introduction que donne à ce livre biblique la traduction en français courant :
«Ce livre se compose en grande partie de visions et de révélations. Il les exprime dans un langage symbolique et imagé, que les croyants, familiers de l’Ancien Testament, pouvaient plus facilement comprendre, alors qu’il restait mystérieux pour les autres lecteurs. (…)
L’affirmation centrale du livre est claire : en opposition au triomphe momentané des forces du mal, la victoire totale et définitive sera remportée, pour Dieu et pour les siens, par Jésus. (…)
Les lecteurs d’aujourd’hui comprendront mieux ce livre difficile s’ils n’y cherchent pas les détails d’un avenir catastrophique. L’intention de l’auteur n’est pas de faire peur aux croyants (ni de décrire exactement ce qui viendra), mais de leur donner du courage dans les temps difficiles».
Lectures: Apocalypse 4, 1-11; Apocalypse 5, 1-10; Psaume 4, 2-9
Prédication
Le livre de la Genèse, qui raconte la Création, souligne un fait curieux: chaque fois qu’il invente quelque chose, Dieu dit que c’est très bon. Même quand il crée l’être humain! Ça vous étonne?
D’autres pages de la Bible sont plus réservées à ce sujet. Elles soulignent plutôt que notre espèce est aussi capable du pire. Car, oui, le Livre sacré est à notre image, et il décrit les faces sombres de l’humanité autant que les côtés ensoleillés!
L’Apocalypse appartient à la catégorie des plus pessimistes, vous l’avez deviné sans peine. C’est bien normal: elle a été composée dans une époque troublée, tissée de violences, d’injustices et de persécutions pour les chrétiens. Oui, un peu comme aujourd’hui!
En ce temps-là, ce sont les Romains qui tiennent le couteau par le manche. Les légions italiennes sèment la terreur au nom d’un empereur qui demande qu’on s’agenouille devant lui. Quiconque refuse est massacré sans pitié.
En particulier ce sont les disciples du Christ qui sont persécutés. Pourquoi? Parce que l’évangile est une force de résistance supérieure aux autres religions ou philosophies. Et une force de résistance qui donne des boutons de fièvre aux despotes, eh bien il faut l’abattre, ça ne rate jamais!
Dans ces temps opaques, il y a près de 2000 ans, un chrétien écrit un livre mystérieux qu’il nomme l’Apocalypse. Ce n’est pas le premier, loin de là. À cette époque, des quantités d’apocalypses sont rédigées, soit par des juifs soit par des chrétiens. Il y en a plusieurs centaines! La plupart ne sont pas dans la Bible.
Apocalypse veut dire «révélation»; ou «ouverture». L’auteur veut nous dire que, dans un sens imagé, Dieu ouvre dans l’Apocalypse un paquet fermé, caché. Et dans ce paquet, les croyants trouvent des réponses à leurs questions. Ou bien ils trouvent des consolations. Ou ils trouvent quelque chose qui donne un sens à leur vie, au milieu de leurs souffrances.
Leurs questions? Vous les devinez. «Pourquoi la violence a-t-elle le dessus? Pourquoi Dieu laisse-t-il tous ces gens qui croient en lui se faire massacrer par les djihadistes... euh pardon, par les Romains?»...
L’Apocalypse dite de Jean essaie de répondre à ces questions. Ou plutôt, de dire comment Dieu y répond. Nous verrons tout-à-l’heure qu’il y a là une nuance fondamentale. Elle le fait de manière imagée et codée, comme toutes ses semblables. Elle s’exprime par le biais de symboles, d’images, de chiffres; de fantasmagories. Mais on peut voir trois différences importantes entre notre Apocalypse et les autres. Trois différences qui vont correspondre aux trois dernières parties de cette prédication.
Première différence (montrer le «livre»): le livre qui donne les réponses, ce livre est fermé. Il y a sept sceaux qui empêchent de l’ouvrir. Impossible! Et on nous dit que personne de chez personne n’est capable de le desceller et d’en permettre la lecture.
Ainsi donc, les explications à nos mystères, elles restent cachées. Personne sur la terre, vraiment personne, ne peut donner des réponses justes aux questions des victimes, aux «pourquoi». C’est essentiel.
Il y a des quantités de gens qui croient savoir répondre à toutes ces interrogations. Ceux qui ont le pouvoir pensent détenir aussi le savoir. L’Empereur de Rome, par exemple.
Mais non. Sur terre, personne ne peut. L’Empereur de Rome pas plus qu’un autre. Seul un extraterrestre en est capable! Quelqu’un qui vient d’ailleurs, celui que notre Apocalypse appelle l’Agneau. L’Agneau, c’est une figure cachée du Christ, vous l’avez compris.
Vous voudriez ouvrir ce livre? Vous voudriez que je l’ouvre? Non, impossible. Il restera fermé. Ni vous ni moi ne sommes capables, ou «dignes» d’accéder aux réponses ultimes. Mais nous savons qu’elles existent, même si elles nous sont inaccessibles pour l’instant. Souvenez-vous en: nous savons qu’elles existent.
Deuxième différence avec les autres apocalypses de l’époque: c’est à propos du héros, celui qu’on appelle ici «le fort», «le lion de Juda», «le fils de David». Eh bien dans les autres apocalypses, on voit le SuperHéros arriver en pleine puissance, il venge les croyants massacrés, il élimine les méchants sans pitié. Il démolit les adversaires de Dieu. Bref, il fait trois fois plus de mal que ceux qu’il combat n’en ont commis!
Jésus n’agit pas ainsi, vous l’avez compris. Il est «le lion de Juda», «le fort», «le descendant de David», oui, mais il a l’apparence (vous vous souvenez?), il a l’apparence d’un agneau. Et davantage encore: d’un agneau égorgé. Jésus ne vient pas détruire les méchants qui nous massacrent ou nous terrorisent; il vient souffrir avec nous, comme nous. Il est solidaire de tous les égorgés de la terre.
Et c’est vraiment ce qu’il a fait: en acceptant de mourir crucifié, il nous donne la plus belle preuve de solidarité pour nous. La plus belle manière de nous dire «je t’aime». De nous aider à vivre.
Et puis, il nous donne le plus fort enseignement de ce dont nous parlions il y a quelques mois, un enseignement éminemment moderne: que la violence ne se soigne pas par la violence. Toute agression ne fait qu’augmenter la haine. La seule façon de guérir ce monde des violences qui le meurtrissent, c’est l’amour, et encore l’amour; et le pardon; et le respect. Dire «stop» à la terreur, à la vengeance, et à la haine. Trouver une attitude autre, vous vous souvenez? Tendre une autre joue.
Troisième différence avec les nombreuses apocalypses de l’époque: Dieu! Les autres apocalypses décrivent Dieu en long et en large, comment il est lumineux, et puissant, et cuirassé, et chamarré... Ici, on nous parle presque uniquement du trône du Père céleste; et de tout ce qui entoure son siège royal. Mais Dieu, lui, on n’en parle pas. On ne nous dit jamais comment il est, à quoi il ressemble.
Pourquoi? Eh bien, parce qu’il y a cette interrogation qui nous coince. Cette question qui nous reste en travers de la gorge, et que vous connaissez bien: «Si Dieu règne sur ce monde, alors pourquoi laisse-t-il faire toute cette violence que nous subissons, tout ce mal, ces injustices?»
À cette interrogation, nous l’avons dit déjà, personne ne peut donner une réponse exacte et parfaite, aujourd’hui comme hier. Le livre (montrer) restera fermé. Dieu est invisible, il nous échappe. Nous sommes incapables de comprendre; à l’image d’un petit enfant qui ne peut pas s’expliquer pourquoi il doit aller au lit avant son grand frère... Ici, j’aime le dire, ici-bas nous sommes au pays des «pourquoi». Mais là-haut, vers Dieu, un jour nous accèderons au royaume des «parce que».
Mais attendez avant de sortir de ce lieu de culte! Souvenez-vous d’un détail, dans le passage que nous avons lu. Un détail «essenciel» (sic) ! La vision de l’Apocalypse dont nous parlons, où se passe-t-elle? Le prophète qui la décrit, où situe--t-il la scène? Eh bien, au Ciel. Et pas sur la terre.
Et là, au Ciel, c’est une vision de paix totale, de bonheur, de douceur. Toute interrogation trouve une réponse parfaite. Il y a des coupes de parfum, des chants; la réconciliation.
Alors ce qui est ouvert, ce qui est révélé, oui, ce qui est annoncé, c’est que la douceur et la sérénité sont au Ciel, d’accord; mais qu’elles ne sont pas complètement séparées de nous pourtant. Car le point fondamental, il est ici: on nous dit que les prières des croyant.e.s sont ces parfums qui nous relient au monde parfait de Dieu.
Donc, dans la prière, dans l’espérance, les chrétiens contemplent déjà ce bonheur à venir. Ils peuvent commencer déjà à le vivre ici-bas. De même que, quand je reçois une invitation pour une fête, je commence à en vivre la joie; ça me donne du plaisir, déjà!
Au fond, ce que nous dit l’Apocalypse de Jean, c’est que Dieu ne règne pas sur ceux qui terrorisent, sur ceux qui égorgent les autres. Dieu règne sur celles et ceux qui prient, qui espèrent; sur celles et ceux qui contemplent déjà la paix du Ciel, la douceur qu’il nous prépare pour la vie éternelle.
Dans notre vie spirituelle, ouvrons donc nos yeux sur ces réalités, cachées mais que la foi nous permet d’entrouvrir! Quand nous sommes proches de l’Agneau qui nous sauve, nous pouvons discerner le vrai bonheur, déjà. Et en témoigner, en rayonner autour de nous. Si nous savons en reconnaître les signes, nous devenons des hirondelles qui annoncent le printemps du Christ; qui l'anticipent; qui l'aident à advenir!
Sachez-le, nous dit l’Apocalypse d’un bout à l’autre: le dernier mot de l'histoire appartiendra à Dieu. Amen
Jean-Jacques Corbaz
Après l’interlude:
Apocalypse. Si souvent synonyme de catastrophe, de déchaînements violents, d’anéantissement final.
S’il y a catastrophe, dans la Bible, quand elle parle d’apocalypse, cette catastrophe ne vise que les systèmes totalitaires qui prétendent asservir l’homme. À Antiochus, à Néron, comme plus tard à Hitler ou Staline, elle redit sans cesse : «Tu n’es pas éternel. Tu vas t’effriter, regarde ton bel édifice comme déjà il se lézarde.»
Mais aux croyants, et plus largement à toute personne, surtout aux victimes et aux persécutés, elle tient un tout autre langage. L’Apocalypse leur demande, parfois avec tendresse, de tenir debout; de garder courage et sérénité; de veiller. Elle leur dit que Dieu a mis toute son espérance en eux; et que dans le monde ils sont témoins des signes du renouveau, des signes du monde neuf que Dieu fait naître au milieu de nous.
Si nous savons les recon-naître (et vous savez que naître ne se fait jamais sans douleur!), si nous savons les reconnaître, nous pouvons devenir nous aussi les hirondelles qui bien sûr ne font pas le printemps de Dieu, mais qui l’annoncent, qui l’anticipent, qui l’aident à naître.
Apocalypse: révélation. Révélation de toute l’affection que Dieu a pour nous, au milieu de nos détresses : «Ne crains pas, dit Dieu. N'aie pas peur, car je suis avec toi» (Esaïe 43).
Jean-Jacques Corbaz
P.S. Voir le document plus général sur l'Apocalypse, qui donne quelques indications sur les
codes, les chiffres ou les nombres, les couleurs et autres difficultés
de ce livre biblique pas comme les autres:
http://textesdejjcorbaz.blogspot.ch/2012/11/lapocalypse-revelation-que-le-dernier.html
Envoi: le mystère de Dieu
Ce que nous comprenons des paroles de Dieu, c'est beaucoup moins que ce qui nous échappe. Ses paroles sont comme une source où chacun peut se désaltérer, mais que personne ne peut épuiser.
Réjouis-toi donc d'avoir pu apaiser ta soif, mais ne te désole pas que la richesse de la source te dépasse. Ne t'attriste surtout pas d'être incapable d'épuiser cette richesse: mieux vaut que la source étanche ta soif plutôt que ce soit ta soif qui épuise la source.
Si elle n'est pas tarie, tu pourras y boire encore, chaque fois que tu auras soif. Mais si, en te rassasiant, tu épuisais la source, ta victoire deviendrait ton malheur!
Remercie pour ce que tu as reçu, et ne t'en fais pas pour ce qui n'est pas utilisé. Dieu a truffé sa parole de richesses multiples, pour que chacun puisse y contempler un trésor, selon ce qu'il aime… (d‘après Saint Ephrem de Nisibe)