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dimanche 27 septembre 2015

(Pr) Dialogue, attention: fragile! - Prédication du 27 septembre

Lectures:  Galates 2, 11-14; Psaume 51, 3-4 + 8-14; Jean 13, 1-9


Dialogue, attention: fragile! À manier avec prudence, ça se casse!

On le sait, le dialogue n’est pas simple. En particulier le dialogue avec des personnes différentes. Celles qui n’ont pas les mêmes idées que moi, pas les mêmes valeurs. Celles qui viennent d’un autre pays; qui appartiennent à une autre culture; à d’autres traditions; d’autres religions...

Le dialogue n’a jamais été facile. C’est déjà ce qu’ont vécu Pierre et Paul, au temps des grands débats sur les païens, dans les premières années de l’Eglise. Et on voit Pierre qui se fait “savonner les oreilles” par son impétueux compagnon, fondateur du christianisme. Ils avaient manqué de transparence. Pas assez communiqué, dirait-on en 2015. Alors, tout à coup, c’est l’explosion de colère!

Le dialogue n’a jamais été facile. Mais aujourd’hui, il est spécialement semé d’embûches. Parce que nous vivons dans une société de plus en plus imprégnée de peurs; de méfiance; de repli.

L’ouverture très brusque de chaque recoin de pays à la planète entière (ce qu’on nomme la mondialisation) éveille beaucoup de craintes: on a peur de perdre ses propres biens, on a peur de perdre la sécurité dont on jouit. On se méfie de l’autre, qu’on ne connaît pas. On est tout de suite sur la défensive. Difficile dans ces conditions de pouvoir se rencontrer vraiment, et avec respect.

Il semble que notre (relative) prospérité nous rende plus fragiles, plus inquiets de la perdre. C’est un peu la fable du savetier et du financier de La Fontaine. Le savetier, pauvre, chante du matin au soir, tandis que son voisin est paralysé par l’angoisse de perdre. Jusqu’au jour où le cordonnier devient riche. À partir de ce moment, il cesse de chanter et d’être heureux...

Aujourd’hui, le dialogue est plus difficile que jamais. Car la notion économique de concurrence a pénétré jusque dans nos sphères privées. Si bien que le prochain est perçu de plus en plus comme un concurrent...
 


Pire encore: l’individualisme de notre temps nous a fait sortir des rapports sociaux anciens, eux qui nous donnaient un sentiment de sécurité. La famille élargie; le village, la commune; les sociétés locales... la paroisse même: tous ces réseaux humains s’éloignent et s’estompent, ou bien s’étiolent; et ils nous enlèvent du coup des protections vitales, et des solidarités essentielles.

Nous nous sentons plus fragiles, et donc, par conséquent, nous avons davantage de peine à aider les autres. À nous soucier de leur bien-être.

Alors, nous essayons de nous protéger, par des assurances. Par des normes légales, qu’on multiplie. Par des substituts de famille ou d’équipe, qui parfois nous donnent l’illusion d’une sécurité...euh, éphémère!

Cette tendance au repli ne nous aidera pas, nous le sentons confusément. Au contraire, elle va nous pousser toujours plus dans le sens de la solitude et de la méfiance.

Ce que nous dit l’évangile, face à ces dérives modernes, c’est: Courage! Résiste! Et dialogue!

Courage! Résiste! Et dialogue! Car tu n’es pas seul. Christ est toujours là pour te rapprocher des autres (pour les faire tes prochains!). Lui, Jésus, quand ses disciples ont peur, quand ils n’osent plus communiquer, lorsqu’ils sont tentés par le repli, la trahison ou le reniement, que fait-il? Il ne leur savonne pas les oreilles, non: il leur lave les pieds! “T’inquiète pas, tu comprendras plus tard!”

Dialoguer, c’est accepter de faire le premier pas parce que Jésus l’a déjà fait, pour moi. C’est ouvrir ses oreilles, et son coeur, sans attendre que l’autre s’intéresse à moi. Comme Jésus, qui a pris l’initiative, avec nous! Avec toi!

Dialoguer, ce n’est pas demander à l’autre d’être fraternel; non: c’est vivre la fraternité avant d’en parler, et c’est toujours recommencer, quand elle est difficile à vivre (ce qui arrive souvent, que le dialogue se bute ou s’enlise dans les conflits). Toujours recommencer, car c’est ainsi que Jésus agit pour nous, et mille fois plus encore!

Dialoguer, c’est considérer l’autre comme égal à moi-même. Si Dieu fait briller son soleil sur les bons comme sur les méchants, c’est qu’il nous appelle à poser, nous aussi, un regard sur autrui dépourvu de discrimination ou d’exclusion.

Dialoguer, c’est commencer à reconnaître Dieu dans la personne que je rencontre. Et c’est donc, du coup, commencer à me connaître moi-même. À me connaître, et à me re-connaître comme aimé de Dieu, d’un amour brûlant, infini; d’une passion que même la mort n’arrêtera pas!
 


Je termine là cette première partie de prédication. Car il est temps de passer à la pratique!

Rassurez-vous, je ne vais pas vous faire dialoguer ici, au cours de ce culte! Je ne vais pas non plus vous inviter à vous laver les pieds les uns des autres (j’entends quelques “ouf” dans la nef!!). Non, je vous propose plutôt de découvrir comment certains dialogues, fragiles, ont pu s’épanouir, et porter des fruits. Ou tout au moins commencer à ouvrir à une authentique fraternité.


1° D’abord, le MCDA. Je vous ai déjà parlé de cette association, qui organise chaque année un tournoi de foot amical. MCDA, ça veut dire “Musulmans et Chrétiens pour le Dialogue et l’Amitié”. Beau programme, qui dit bien l’essentiel: se rencontrer, cultiver des relations fraternelles, plutôt que de porter les uns sur les autres des jugements préconçus. Notre Eglise encourage fortement ce genre d’actions, qui font du bien à toutes les parties. Car les musulmans, eux aussi, ont parfois des préjugés sur nous, bien entendu!


2° Le dialogue fraternel et empreint de respect, c’est aussi ce qui anime la Maison de l’Arzilier, à Lausanne. Un espace dédié à la rencontre et aux échanges interreligieux; donc avec les autres  formes de spiritualité, les autres religions. Merci de prêter attention aux manifestations que la Maison de l’Arzilier organise, et de lui faire de la publicité! C’est à travers de telles initiatives que la paix du Christ grandit, dans notre pays, et sur notre terre.

3° Le dialogue que l’évangile encourage ne concerne pas seulement les relations avec d’autres religions. Dieu nous invite à nous rapprocher également des personnes qui vivent près de chez nous, qui pensent presque comme nous; mais qui ont besoin de signes d’amitié. Vous le savez. C’est ce que veulent promouvoir les réseaux que met en place “Villages solidaires”, organisme qui réunit “Pro Senectute”, les communes et les paroisses.

“Villages solidaires” organise un café-rencontre ouvert à tous chaque mercredi de 10h à 11h à la Maison des Terroirs (à Grandson). Ainsi que le “Réseau Coucou”, qui met en relation des personnes isolées avec des bénévoles. Quant à notre paroisse, nous organisons l’”Accueil des Tuileries” le premier samedi du mois à la salle de la chapelle des Tuileries, entre 9h30 et 11h30: rencontres intergénérationnelles entre personnes âgées et enfants, chacun faisant du bien aux autres par sa seule présence!

4° Enfin, mon invitation au dialogue implique, vous vous en doutez, la prière communautaire que nous allons vivre tout à l’heure, en conclusion de la cène. Chacun(e) est encouragé(e) à rédiger une ou deux phrases de prière sur le billet que vous avez reçu à l’entrée. Si vous êtes d’accord de partager cette demande ou cette louange, merci de prendre avec vous votre billet. Ou bien vous le lisez vous-même pendant le temps qui sera réservé à cela, et que j’indiquerai. Ou bien vous le déposez sur la table de communion; dans ce cas, votre texte sera lu par le pasteur ou par la marguillière. Ou bien encore vous le gardez pour vous, et pour Dieu, qui lit dans les coeurs... et même dans les poches fermées!

 


Dialogue, attention: fragile! Mais si important, pourtant. Que l’Esprit du Christ nous soutienne sur de tels chemins de vérité. Et qu’il nous encourage à soutenir ces efforts, au Proche-Orient et ici, et partout. Courage! Résiste! Et dialogue!

Amen                                          

Jean-Jacques Corbaz






 

(après l’interlude):

J’aime beaucoup le journaliste Pierre Foglia, qui écrit dans le quotidien “La Presse” de Montréal. Ecoutez un de ses billets, sur le racisme. Ça date de 1988, l’Albanie a changé, mais pour moi l’essentiel n’a pas une ride.

Un titre dans “La Presse” l’autre jour: “Les Italiens deviennent-ils racistes?” Même jour, autre page, autre titre: “Montréal est une ville où règne la ségrégation ethnique et raciale”.

Cela ressemble à un concours. Les Italiens moins que les Québecois. Les Américains, c’est épouvantable. Et gnagnagna.

Et les Papous, hein, les Papous d’après vous? Eh bien mon vieux, racistes jusqu’au trognon les Papous, si vous voulez savoir. Comme nous, comme les Italiens, comme tout le monde.

Le degré de racisme d’un peuple? Il est le même partout. Sauf qu’il se multiplie par le taux de chômage et le taux d’immigrants dans le pays. C’est facile.

Le pays le moins raciste au monde actuellement c’est l’Albanie. Chômage: zéro. Immigration: six. Il s’agit de six Chinois venus suivre un stage de planche à voile en 1962 et gardés depuis en résidence surveillée...

Résultat? Les Albanais sont les gens les moins racistes de la terre. Ils aiment tout le monde, à part peut-être les Chinois qui font de la planche à voile. Ils aiment les Tamouls, les Turcs, les Italiens, les Juifs, les Noirs, tout le monde, vous dis-je; pour autant bien sûr que ce monde-là fasse l’effort d’être staliniste et ne prétende pas entrer en Albanie.

Est-il autre chose que vous vouliez savoir sur le racisme?

Pierre Foglia








 

dimanche 20 septembre 2015

(Ci) Résister



Résister aujourd'hui : contre les fondamentalismes.
Contre l'autoritarisme.
Contre le racisme.
Contre la peur.
Contre le manque d'amour.
Contre l'ignorance, le manque de culture et l'injustice.
Pour être libre, insoumis, et le droit à être ce que l'on veut.
Pour croire ce que l'on a choisi : être un hérétique librement sans peur et toujours dans le réspect de l'hérésie de l'autre.
Résister pour mieux vivre Ensemble et créer le monde aujourd'hui et demain.

Bon dimanche de résistance ...
Fraternellement. 


Stéphane Pahon



(Hu) Etrangers?

Mmmmmmmmmh, j'aime!


dimanche 13 septembre 2015

(Pr, Co) Comme Syrien n'avait changé... Narration du 13.9.15

Narration du 13.9.15  -  « L’aveugle de Damas » 
 
Lecture biblique: Esaïe 42, 5-12 + 14-16

A Damas, le Grand Boulevard est au centre-ville. C’est l’avenue chic de la capitale. On y voit les boutiques les mieux garnies, les restaurants les plus huppés, les hôtels 5 étoiles... les meilleurs magasins... les banques...

C’est là que mon ami Daniel se trouvait, l’autre jour. Il y a observé une scène étrange, devant la boutique “Aux trésors d’Orient” (vous savez, les bijoux, les foulards, les parfums exotiques!).
 


En face de Daniel, un groupe étonnant est arrivé: une dizaine d’hommes armés jusqu’aux dents, à pied, qui portaient, ou plutôt qui soutenaient, guidaient quelqu’un qui semblait être leur chef. Ce drôle de gaillard tâtonnait; visiblement, il était aveugle. Et pas depuis bien longtemps, il avait l’air tout désemparé. Le visage hagard, les habits pleins de terre... Etrange équipage!

Le groupe est entré dans la boutique juste devant Daniel, qui allait acheter un cadeau pour sa fiancée. C’est Lévy, le propriétaire, qui était au comptoir. Un dur en affaires, celui-là. Bref! Il a levé un regard méfiant sur ces hommes en piteux état: “Messieurs? Vous désirez?”

- Shalom! ils ont dit. Salut! Nous sommes de la même religion que toi, Lévy. Pourrais-tu nous loger quelques jours, selon la tradition d’Israël? Notre chef, Saoul, que voici, a été victime d’une étrange aventure, sur la route, pas très loin! Il est tombé, sans s’être encoublé pourtant. On l’a entendu discuter, comme s’il parlait avec Dieu, béni soit son saint nom. Et puis, quand il s’est relevé, il était aveugle. Il nous a dit: “J’ai vu le Seigneur!” - puis il s’est plongé dans un état bizarre; il est comme une poupée de son. Alors, nous l’avons conduit jusqu’ici. Il a besoin de quelques jours de repos, avant de repartir. Peux-tu nous aider, Lévy, au nom du Seigneur d’Israël?
 


Le patron de la boutique n’avait pas l’air enchanté. Son regard restait scotché sur l’espèce de vagabond crotté que ces hommes soutenaient. Visiblement, Lévy était partagé entre deux sentiments: d’une part la fidélité à la tradition juive, c’est-à-dire loger des coreligionnaires de passage; et d’autre part le souci que ces gaillards poussiéreux ne salissent son magasin chic et ne ternissent sa réputation. Mais un mot lui a fait dresser l’oreille: “Saoul? Le pharisien zélé qui combat la secte du Christ? C’est lui?”

- Bien sûr, il n’a pas l’air très vaillant, aujourd’hui, ont dit les autres. Mais c’est lui. LE célèbre Saoul! Et c’est pour ça que nous sommes si fortement armés: nous venions à Damas pourchasser quelques sectaires disciples de Jésus.

Les yeux de Lévy s’arrondirent. (“Tout compte fait, cela pourrait attirer du monde chez moi, un homme si connu! Et si utile à notre religion!”) - “Bien, entrez, mes amis, installez-vous! Que votre chef se repose tant qu’il voudra!”

Daniel est ressorti, son cadeau sous le bras. Mais vous savez comme il est bavard: deux heures plus tard, toute la ville était au courant de l’histoire. Les curieux ont afflué chez Lévy. Mais c’est surtout la brigade anti-terroriste qui s’est manifestée. Les autorités voulaient savoir s’il y avait du danger... Hélas, Saoul n’a rien dit. Ou presque. Il ne faisait que répéter: “J’ai vu le Seigneur, Jésus, qu’on a crucifié à Jérusalem. Il est vivant! Il me pardonne! Il m’aime, malgré tout le mal que je lui ai fait!”
 

Du coup, ses compagnons de route étaient très embarrassés, vous imaginez! Ils ont attendu trois jours: aucune amélioration! Saoul refusait toute nourriture.

Alors, un homme s’est présenté chez Lévy: Ananias. Un bon juif, mais qui aurait, paraît-il, de grandes sympathies avec la secte de Jésus. Plus que ça, même. Bref, Ananias est venu, paraît-il sur l’ordre de Dieu; il a posé les mains sur Saoul, et voilà que notre gaillard a été guéri aussitôt. Fantastique! L’oeuvre du Seigneur, disait-il. Oui, mais: du Seigneur Jésus! Ouyouyouille, le foin que ça a fait, dans toute la ville et ses synagogues! Saoul répétait, dix fois plus fort qu’avant: “J’ai vu le Seigneur, Jésus, qu’on a crucifié. Il est vivant! Il me pardonne! Il m’aime, malgré tout le mal que je lui ai fait!”

Du coup, la ville était divisée en deux, ça se voyait jusque dans le courrier des lecteurs de la Tribune de Damas! Il y avait les juifs, qui criaient au scandale, qui traitaient Saoul de traître, avec toutes sortes de noms d’oiseaux de poubelle! Les plus excités offraient de l’argent pour le tuer, ils parlaient de fatwa, je crois, un nom bizarre, comme ça!

Et puis, il y avait les autres: surtout des païens, Syriens de souche; et quelques juifs rattachés à la secte du Christ. Ceux-là parlaient d’amour, de lumière intense, de présence de Dieu. Ils disaient que Saoul avait repassé par le chemin de Jésus: vous savez, trois jours sous la terre, et puis, on a dit que Dieu l’avait... ressuscité; oui, ramené à la vie! Vous croyez que c’est possible?
 

Moi... je ne sais plus, maintenant. Et si Saoul avait raison? Si c’était réellement ce Jésus, vivant, qu’il avait vu?

Pourquoi je me pose la question? C’est vrai, je ne vous l’ai pas encore dit. Depuis qu’il a retrouvé la vue, Saoul parle, parle, comme s’il voulait rattraper ces trois jours de silence... ou ces trente ans d’obéissance à la loi des pharisiens? Il fait des discours puissants, étonnants. Il dit:
“J’étais aveugle, pendant trente ans, j’étais aveugle, je me suis trompé! Je croyais qu’on pouvait imposer la vérité de Dieu par la force, par les persécutions, ou les menaces... Je croyais surtout que je pouvais me rendre juste moi-même, en obéissant à la loi de Moïse. Et tout à coup, sur le chemin de Damas, j’ai rencontré une personne qui n’est faite que d’amour et de pardon. Ce n’était plus des connaissances, ce n’était plus des règles, des commandements, ce n’était plus une religion... c’était la relation avec une personne. Avec un Dieu qui n’est que bonté et lumière; et qui veut nous habiter de sa tendresse; et qui veut vivre en nous.

Saoul ajoute: “Je me suis fait baptiser pour le laisser diriger ma vie. Dorénavant, je sais que je n’ai plus peur de mériter ou de ne pas mériter d’être sauvé. Son amour est infiniment plus grand que tout ce qui pourrait m’éloigner de lui. Son amour est infiniment plus grand aussi que tout ce qui pourrait m’éloigner des autres. Devant cette présence incroyable, les belles et grandes idées tombent par terre, comme je suis tombé là-bas, sur la route. La religion, ce n’est plus des choses à faire ou à ne pas faire; c’est une amitié, d’une puissance fabuleuse, passionnée, qui est pour vous, aussi!”
 

Voilà. Je vous ai tout raconté de cette étrange histoire de Saoul. Si vous venez chez moi, à Damas, je vous montrerai le Grand Boulevard, et la boutique de Lévy, “Aux trésors d’Orient”. Et peut-être, je vous emmènerai dans une communauté de disciples de Jésus. Ils sont étonnants... Je n’arrive pas encore à me décider: me faire, moi aussi, baptiser? J’ai comme le pressentiment que ça peut m’emmener loin. Trop loin?

Amen

                             Jean-Jacques Corbaz



dimanche 6 septembre 2015

(Pr, SB, Vu) Dent pour dent, perdant!

Prédication du 6 septembre, « Oeil pour oeil... La vengeance »

Lectures:  Matthieu 5, 38-39 + 43-45; Lévitique 24, 17-20



Il y a quelques années, un attentat à la bombe a été commis en Iran. Au bilan de cette terrible tragédie: 13 morts, et une centaine de blessés.

Les auteurs ont été retrouvés peu après. Et condamnés, selon la loi coranique, à la peine de mort.

Précisions étonnantes pour nous Européens: la sentence a été exécutée en public, sur les lieux même de l’attentat. De plus, avant l’exécution capitale, ceux qui avaient été blessés par la bombe ont eu le droit de se venger personnellement de leurs souffrances. Ils ont pu frapper les terroristes, à une condition: ils ne devaient pas leur infliger de blessure plus grave que celle qu’ils avaient eux-mêmes subie. Le droit de crever un oeil pour celui qui avait perdu un oeil. Le droit de casser une dent pour une dent fracturée. Le droit de couper un bras pour celui qui avait dû être amputé de son bras...

C’est la loi du “donnant-donnant”. Celle qu’on appelle, d’un mot savant, la loi du talion: telle blessure pour telle blessure, oeil pour oeil, et dent pour dent.

Ce système nous paraît cruel, il est pourtant en vigueur dans l’Ancien Testament. Nous l’avons entendu, le livre du Lévitique le prône, de même que d’autres passages de l’Exode ou du Deutéronome. Et c’est Jésus qui va s’en distancer, dans le Sermon sur la montagne, et qui va demander de renoncer à la vengeance.

Avant de nous révolter contre la barbarie de certains textes de l’AT, je vous invite à réfléchir quelques minutes.
 


Vous savez probablement que les sociétés primitives, dites “tribales”, fonctionnaient toutes selon un autre principe, celui de la “vendetta”: la vengeance qui se répercute à l’infini d’un clan à l’autre, à chaud le plus souvent. La gravité des actes augmentait au fur et à mesure des répliques. C’était la fameuse spirale de la violence. On en arrivait souvent, pour un coup de poing sur le nez, à casser un bras, puis à commettre un meurtre (c’est un peu la “morale” de certaines bandes de jeunes aujourd’hui encore...).

Dans un tel contexte, vous réalisez que la loi du talion est un progrès. La peine infligée au coupable ne doit pas être plus grave que le mal qu’il a fait: pas plus d’une dent pour une dent, et ainsi de suite. Ce système a donc pour but de limiter la vengeance, et non de l’encourager. ...

Mais aujourd’hui, dans nos sociétés dotées de police et de tribunaux relativement efficaces, qui rendent la justice à partir d’un code pénal précis et détaillé, la situation est bien différente. Nos lois prévoient des peines, non d’abord pour venger les victimes, mais surtout pour corriger les délinquants et favoriser leur réhabilitation dans la société; pour prévenir la violence et limiter au maximum les risques de récidive.

Il est intéressant de voir que nos lois modernes s’inspirent de l’enseignement de Jésus dans le Sermon sur la montagne! Lui qui remplace le “oeil pour oeil” par cette demande étrange d’aimer ses ennemis; de ne pas se venger; de prier pour ceux qui nous font du mal...

Pas faciles du tout à mettre en pratique, ces principes du Christ! À l’image du Sermon sur la montagne entier, nous avons là une éthique exigeante, énorme, presque utopique!

Car évidemment, notre passage ne concerne pas que la violence physique et les agressions. Vous qui m’écoutez ou me lisez en ce dimanche, je ne vous imagine pas trop dégainer la mitraillette ou faire le coup de poing pour riposter à une attaque qui vous aurait blessé. Mais nous sommes toutes et tous tentés, parfois, de répondre à une injure par une autre injure; de prolonger une mesquinerie subie par une autre; un coup tordu, une rancune... Dur dur de résister à ce genre de tentation!
 


Trois précisions à ce sujet. D’abord, les exégètes soulignent que cet enseignement s’adresse aux disciples de Jésus; ce ne sont pas des principes pour Monsieur et Madame Tout-le-monde. Ce sont des exigences qui soulignent la nécessaire rupture, totale, des croyants de la première Eglise par rapport à la société de leur époque; assez exactement comme aussi le fameux “Laisse les morts enterrer leurs morts” dont nous avons parlé avec le groupe de partage biblique mercredi dernier. Exigences de rupture totale. Aujourd’hui, dans un monde chrétien, ou du moins recouvert d’un vernis de christianisme, la donne n’est plus la même!

Deuxième remarque: cette éthique n’est pas une loi; ni une morale! N’en faisons pas un commandement qui, en cas de contravention, nous ferait sanctionner par Dieu. Le Nouveau Testament a rejeté le principe de la punition divine. Nous vivons sous le régime de la grâce.

Et c’est d’ailleurs exactement cette dimension du pardon qui motive le Sermon sur la montagne: Car “oeil pour oeil”, c’est un principe qui bloque le coupable dans sa faute. Quand la main du voleur a été coupée, comment voulez-vous que le pardon agisse et libère?

Le Dieu de l’évangile, au contraire de celui du Coran ou de certains passages de l’AT, ne veut pas la mort du pécheur... mais qu’il change de vie, et qu’il vive! J’aime cette boutade de Martin Luther King: “Oeil pour oeil... et le monde finira aveugle!”
 


Troisième précision, “l’autre joue”. J’en parlais l’année dernière: le Nouveau Testament, écrit en grec, exprime là quelque chose d’intraduisible en français. Pour dire “autre”, il y a en grec deux mots: “allos” et “heteros”. “Heteros”, c’est l’autre parmi deux choses, ou deux personnes; quand il n’y a que deux possibilités. “Allos”, c’est l’autre parmi plus de deux objets ou personnes.

Or, dans “tendre l’autre joue”, pour “l’autre”, ce n’est pas “heteros” qui est employé par l’évangile (alors qu’on n’a que deux joues, pourtant); ce n’est pas “heteros”, c’est “allos”. Présenter l’autre joue, c’est donc tendre une autre joue, une joue différente. C’est réagir d’une manière nouvelle, qui aide à sortir du cercle vicieux de la violence.

Vous l’avez tous expérimenté: de répondre à l’agressivité par l’agressivité, ça engendre l’escalade de la violence. Mais à l’opposé, un mot, un geste, un acte à contre-courant peut tout changer; désamorcer l’agression, dés’armer la haine.

Rompre la symétrie. Encore faut-il beaucoup de courage et d’à-propos. Et de force intérieure, pour résister à la tentation de la colère qui monte! C’est en cela, et en cela seulement, que nous osons nous demander les uns aux autres, selon les termes de l’évangile, d’être parfaits comme l’est notre Père céleste. C’est-à-dire non pas de nous abstenir de toute faute -c’est impossible, évidemment- mais, avec Dieu, de tout imaginer, de tout mettre en oeuvre pour désamorcer la violence, la sortir des mécanismes qui la font se reproduire et se multiplier à l’infini...

Et ça, vous l’imaginez bien, c’est exactement le contraire de la passivité! Il ne s’agit pas de se laisser frapper sans répondre; mais de mettre en action un amour, un respect, une espérance dont nous ne sommes capables que parce que Dieu nous les donne, d’abord, en Jésus-Christ.

Ainsi, l’attitude chrétienne dans un conflit, ce n’est ni céder ni riposter avec les mêmes armes. L’attitude chrétienne, c’est rompre la symétrie, en puisant nos forces dans celles de Dieu.  En effet, vous vous en rendez bien compte, si Dieu ne nous avait pas “tendu une autre joue”, en Christ, face à nos péchés, si Dieu nous avait donné la réciproque, eh bien, nous serions morts!

Voilà le chemin nouveau que Jésus nous appelle à parcourir, derrière lui. Savoir que la violence existe, en moi, en nous; et tout faire pour la maîtriser en cherchant toujours à regarder l’autre avec une passion qui s’inspire de celle de Dieu pour lui. Et pour moi. Vouloir son bien, et non me venger.
 

Pour conclure, écoutez ce beau passage de Charles Baudoin, cité dans une brochure des Editions Ouvertures (“Tu es venu de loin...” p. 31). Il est tout aussi utopique que le Sermon sur la montagne! J’aime comme il renverse la notion de vengeance.

“Oeil pour oeil, dent pour dent. Pour chaque enfant qu’ils assassinent en riant, comme un homme ivre, je chercherai un enfant pauvre, un enfant malade, et je l’aimerai, et je lui rendrai la joie de vivre.

Oeil pour oeil, dent pour dent. Pour tous les yeux qu’ils crèvent, j’essuierai des larmes. Aux morsures de leur rage, là-bas, je répondrai ici par des baisers, et ce sera mon arme.

Oeil pour oeil, dent pour dent. À tous les gestes de mort dont je suis entouré, je répondrai par autant de paroles de vie, et je les sèmerai dans les âmes que la douleur a labourées.

Oeil pour oeil, dent pour dent, et l’amour pour la haine, ce sera là mon talion. Ce sera ma vengeance et ma volupté, ce sera ma joie de protestation, d’entêtement et de rébellion.

Obstinez-vous, et je m’obstinerai. Répondez, et je riposterai. Acharnez-vous, j’aurai le dernier mot pourtant.

Oeil pour oeil, dent pour dent! Oeil pour oeil, dent pour dent!”

Charles Baudoin



Amen                                          

Jean-Jacques Corbaz