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mercredi 28 mai 2025

(SB, Vu, FA, Ci) Ancien et nouveau "Testament"

Benoit Grimonprez 

 CONTRESENS BIBLIQUE
Parler d'ancien et de nouveau "Testament" est un contresens !
Dans la Torah, l'Alliance conclue entre Dieu et les hommes se dit בּרית [BeRiT] [= "pacte" : ce terme était en usage pour désigner les traités établis entre Etats]. Il s'agit donc d'un engagement réciproque.
Quand il a fallu traduire l'hébreu en grec, on a choisi le terme διαθηκη [diathèkè]. Composé à partir du verbe τιθημι [tithèmi] [= "placer", "poser", "ranger"], διαθηκη [diathèkè] signifiait d'abord "disposition", "arrangement". Mais il finit par prendre le sens particulier de "dispositions testamentaires".
Διαθηκη [diathèkè], à son tour, fut traduit en latin par TESTAMENTUM. Purement juridique, ce terme désignait à l'origine une "prise à témoin [TESTIS]" et a évolué vers le sens exclusif de "testament" [= acte par lequel une personne dispose des biens qu'elle laissera en mourant"].
Malheureusement "faire son testament" [acte individuel et unilatéral] n'a pas grand chose à voir avec "faire alliance" [engagement collectif et réciproque].
Dans l'acte de traduction et de transmission, le contresens nous guette à chaque instant
Benoit Grimonprez 
🙁

lundi 4 novembre 2024

(Pr, FA, SB, Vu) Les mystères de l’Apocalypse. Prédication du 4 novembre 2024


Introduction aux lectures:

Apocalypse. Mot galvaudé, traité à toutes les sauces. Si souvent synonyme de catastrophe, de déchainements violents, d’anéantissement final.

Pourtant, en grec, apocalypse signifie «ouverture», ou «révélation». 

Écoutez cet extrait de l’introduction que donne à ce livre biblique la traduction en français courant :

«Ce livre se compose en grande partie de visions et de révélations. Il les exprime dans un langage symbolique et imagé, que les croyants, familiers de l’Ancien Testament, pouvaient plus facilement comprendre, alors qu’il restait mystérieux pour les autres lecteurs. (…)

L’affirmation centrale du livre est claire : en opposition au triomphe momentané des forces du mal, la victoire totale et définitive sera remportée, pour Dieu et pour les siens, par Jésus. (…) 

Les lecteurs d’aujourd’hui comprendront mieux ce livre difficile s’ils n’y cherchent pas les détails d’un avenir catastrophique. L’intention de l’auteur n’est pas de faire peur aux croyants (ni de décrire exactement ce qui viendra), mais de leur donner du courage dans les temps difficiles».

 

Lectures: Apocalypse 4, 1-11; Apocalypse 5, 1-10; Psaume 4, 2-9



Prédication

Le livre de la Genèse, qui raconte la Création, souligne un fait curieux: chaque fois qu’il invente quelque chose, Dieu dit que c’est très bon. Même quand il crée l’être humain! Ça vous étonne?

D’autres pages de la Bible sont plus réservées à ce sujet. Elles soulignent plutôt que notre espèce est aussi capable du pire. Car, oui, le Livre sacré est à notre image, et il décrit les faces sombres de l’humanité autant que les côtés ensoleillés!

L’Apocalypse appartient à la catégorie des plus pessimistes, vous l’avez deviné sans peine. C’est bien normal: elle a été composée dans une époque troublée, tissée de violences, d’injustices et de persécutions pour les chrétiens. Oui, un peu comme aujourd’hui!

En ce temps-là, ce sont les Romains qui tiennent le couteau par le manche. Les légions italiennes sèment la terreur au nom d’un empereur qui demande qu’on s’agenouille devant lui. Quiconque refuse est massacré sans pitié.

En particulier ce sont les disciples du Christ qui sont persécutés. Pourquoi? Parce que l’évangile est une force de résistance supérieure aux autres religions ou philosophies. Et une force de résistance qui donne des boutons de fièvre aux despotes, eh bien il faut l’abattre, ça ne rate jamais!

Dans ces temps opaques, il y a près de 2000 ans, un chrétien écrit un livre mystérieux qu’il nomme l’Apocalypse. Ce n’est pas le premier, loin de là. À cette époque, des quantités d’apocalypses sont rédigées, soit par des juifs soit par des chrétiens. Il y en a plusieurs centaines! La plupart ne sont pas dans la Bible.

Apocalypse veut dire «révélation»; ou «ouverture». L’auteur veut nous dire que, dans un sens imagé, Dieu ouvre dans l’Apocalypse un paquet fermé, caché. Et dans ce paquet, les croyants trouvent des réponses à leurs questions. Ou bien ils trouvent des consolations. Ou ils trouvent quelque chose qui donne un sens à leur vie, au milieu de leurs souffrances.

Leurs questions? Vous les devinez. «Pourquoi la violence a-t-elle le dessus? Pourquoi Dieu laisse-t-il tous ces gens qui croient en lui se faire massacrer par les djihadistes... euh pardon, par les Romains?»...

L’Apocalypse dite de Jean essaie de répondre à ces questions. Ou plutôt, de dire comment Dieu y répond. Nous verrons tout-à-l’heure qu’il y a là une nuance fondamentale. Elle le fait de manière imagée et codée, comme toutes ses semblables. Elle s’exprime par le biais de symboles, d’images, de chiffres; de fantasmagories. Mais on peut voir trois différences importantes entre notre Apocalypse et les autres. Trois différences qui vont correspondre aux trois dernières parties de cette prédication.


Première différence (montrer le «livre»): le livre qui donne les réponses, ce livre est fermé. Il y a sept sceaux qui empêchent de l’ouvrir. Impossible! Et on nous dit que personne de chez personne n’est capable de le desceller et d’en permettre la lecture.

Ainsi donc, les explications à nos mystères, elles restent cachées. Personne sur la terre, vraiment personne, ne peut donner des réponses justes aux questions des victimes, aux «pourquoi». C’est essentiel.

Il y a des quantités de gens qui croient savoir répondre à toutes ces interrogations. Ceux qui ont le pouvoir pensent détenir aussi le savoir. L’Empereur de Rome, par exemple.

Mais non. Sur terre, personne ne peut. L’Empereur de Rome pas plus qu’un autre. Seul un extraterrestre en est capable! Quelqu’un qui vient d’ailleurs, celui que notre Apocalypse appelle l’Agneau. L’Agneau, c’est une figure cachée du Christ, vous l’avez compris.

Vous voudriez ouvrir ce livre? Vous voudriez que je l’ouvre? Non, impossible. Il restera fermé. Ni vous ni moi ne sommes capables, ou «dignes» d’accéder aux réponses ultimes. Mais nous savons qu’elles existent, même si elles nous sont inaccessibles pour l’instant. Souvenez-vous en: nous savons qu’elles existent.

Deuxième différence avec les autres apocalypses de l’époque: c’est à propos du héros, celui qu’on appelle ici «le fort», «le lion de Juda», «le fils de David». Eh bien dans les autres apocalypses, on voit le SuperHéros arriver en pleine puissance, il venge les croyants massacrés, il élimine les méchants sans pitié. Il démolit les adversaires de Dieu. Bref, il fait trois fois plus de mal que ceux qu’il combat n’en ont commis!

Jésus n’agit pas ainsi, vous l’avez compris. Il est «le lion de Juda», «le fort», «le descendant de David», oui, mais il a l’apparence (vous vous souvenez?),   il a l’apparence d’un agneau. Et davantage encore: d’un agneau égorgé.   Jésus ne vient pas détruire les méchants qui nous massacrent ou nous terrorisent; il vient souffrir avec nous, comme nous. Il est solidaire de tous les égorgés de la terre.

Et c’est vraiment ce qu’il a fait: en acceptant de mourir crucifié, il nous donne la plus belle preuve de solidarité pour nous. La plus belle manière de nous dire «je t’aime». De nous aider à vivre.

Et puis, il nous donne le plus fort enseignement de ce dont nous parlions il y a quelques mois, un enseignement éminemment moderne: que la violence ne se soigne pas par la violence. Toute agression ne fait qu’augmenter la haine. La seule façon de guérir ce monde des violences qui le meurtrissent, c’est l’amour, et encore l’amour; et le pardon; et le respect. Dire «stop» à la terreur, à la vengeance, et à la haine. Trouver une attitude autre, vous vous souvenez? Tendre une autre joue.




Troisième différence avec les nombreuses apocalypses de l’époque: Dieu! Les autres apocalypses décrivent Dieu en long et en large, comment il est lumineux, et puissant, et cuirassé, et chamarré... Ici, on nous parle presque uniquement du trône du Père céleste; et de tout ce qui entoure son siège royal.  Mais Dieu, lui, on n’en parle pas. On ne nous dit jamais comment il est, à quoi il ressemble.

Pourquoi? Eh bien, parce qu’il y a cette interrogation qui nous coince. Cette question qui nous reste en travers de la gorge, et que vous connaissez bien: «Si Dieu règne sur ce monde, alors pourquoi laisse-t-il faire toute cette violence que nous subissons, tout ce mal, ces injustices?»

À cette interrogation, nous l’avons dit déjà, personne ne peut donner une réponse exacte et parfaite, aujourd’hui comme hier. Le livre (montrer) restera fermé. Dieu est invisible, il nous échappe. Nous sommes incapables de comprendre; à l’image d’un petit enfant qui ne peut pas s’expliquer pourquoi il doit aller au lit avant son grand frère... Ici, j’aime le dire, ici-bas nous sommes au pays des «pourquoi». Mais là-haut, vers Dieu, un jour nous accèderons au royaume des «parce que».

Mais attendez avant de sortir de ce lieu de culte! Souvenez-vous d’un détail, dans le passage que nous avons lu. Un détail «essenciel» (sic) ! La vision de l’Apocalypse dont nous parlons, où se passe-t-elle? Le prophète qui la décrit, où situe--t-il la scène? Eh bien, au Ciel. Et pas sur la terre.

Et là, au Ciel, c’est une vision de paix totale, de bonheur, de douceur. Toute interrogation trouve une réponse parfaite. Il y a des coupes de parfum, des chants; la réconciliation.

Alors ce qui est ouvert, ce qui est révélé, oui, ce qui est annoncé, c’est que la douceur et la sérénité sont au Ciel, d’accord; mais qu’elles ne sont pas complètement séparées de nous pourtant. Car le point fondamental, il est ici: on nous dit que les prières des croyant.e.s sont ces parfums qui nous relient au monde parfait de Dieu.

Donc, dans la prière, dans l’espérance, les chrétiens contemplent déjà ce bonheur à venir. Ils peuvent commencer déjà à le vivre ici-bas. De même que, quand je reçois une invitation pour une fête, je commence à en vivre la joie;  ça me donne du plaisir, déjà!


Au fond, ce que nous dit l’Apocalypse de Jean, c’est que Dieu ne règne pas sur ceux qui terrorisent, sur ceux qui égorgent les autres. Dieu règne sur celles et ceux qui prient, qui espèrent; sur celles et ceux qui contemplent déjà la paix du Ciel, la douceur qu’il nous prépare pour la vie éternelle.

Dans notre vie spirituelle, ouvrons donc nos yeux sur ces réalités, cachées mais que la foi nous permet d’entrouvrir! Quand nous sommes proches de l’Agneau qui nous sauve, nous pouvons discerner le vrai bonheur, déjà. Et en témoigner, en rayonner autour de nous. Si nous savons en reconnaître les signes, nous devenons des hirondelles qui annoncent le printemps du Christ; qui l'anticipent; qui l'aident à advenir!

Sachez-le, nous dit l’Apocalypse d’un bout à l’autre: le dernier mot de l'histoire appartiendra à Dieu. Amen


Jean-Jacques Corbaz


Après l’interlude:

Apocalypse. Si souvent synonyme de catastrophe, de déchaînements violents, d’anéantissement final.

S’il y a catastrophe, dans la Bible, quand elle parle d’apocalypse, cette catastrophe ne vise que les systèmes totalitaires qui prétendent asservir l’homme. À Antiochus, à Néron, comme plus tard à Hitler ou Staline, elle redit sans cesse : «Tu n’es pas éternel. Tu vas t’effriter, regarde ton bel édifice comme déjà il se lézarde.»

Mais aux croyants, et plus largement à toute personne, surtout aux victimes et aux persécutés, elle tient un tout autre langage. L’Apocalypse leur demande, parfois avec tendresse, de tenir debout; de garder courage et sérénité; de veiller. Elle leur dit que Dieu a mis toute son espérance en eux; et que dans le monde ils sont témoins des signes du renouveau, des signes du monde neuf que Dieu fait naître au milieu de nous.

Si nous savons les recon-naître (et vous savez que naître ne se fait jamais sans douleur!), si nous savons les reconnaître, nous pouvons devenir nous aussi les hirondelles qui bien sûr ne font pas le printemps de Dieu, mais qui l’annoncent, qui l’anticipent, qui l’aident à naître.

Apocalypse: révélation. Révélation de toute l’affection que Dieu a pour nous, au milieu de nos détresses : «Ne crains pas, dit Dieu. N'aie pas peur, car je suis avec toi» (Esaïe 43). 


Jean-Jacques Corbaz


P.S. Voir le document plus général sur l'Apocalypse, qui donne quelques indications sur les codes, les chiffres ou les nombres, les couleurs et autres difficultés de ce livre biblique pas comme les autres:  
http://textesdejjcorbaz.blogspot.ch/2012/11/lapocalypse-revelation-que-le-dernier.html



Envoi: le mystère de Dieu

Ce que nous comprenons des paroles de Dieu, c'est beaucoup moins que ce qui nous échappe. Ses paroles sont comme une source où chacun peut se désaltérer, mais que personne ne peut épuiser.

Réjouis-toi donc d'avoir pu apaiser ta soif, mais ne te désole pas que la richesse de la source te dépasse. Ne t'attriste surtout pas d'être incapable d'épuiser cette richesse: mieux vaut que la source étanche ta soif plutôt que ce soit ta soif qui épuise la source.

Si elle n'est pas tarie, tu pourras y boire encore, chaque fois que tu auras soif. Mais si, en te rassasiant, tu épuisais la source, ta victoire deviendrait ton malheur!

Remercie pour ce que tu as reçu, et ne t'en fais pas pour ce qui n'est pas utilisé. Dieu a truffé sa parole de richesses multiples, pour que chacun puisse y contempler un trésor, selon ce qu'il aime…  (d‘après Saint Ephrem de Nisibe)



jeudi 11 avril 2024

(FA, Vu) Pour intercéder plus efficacement

Lorsque nous intercédons, il n’est pas très utile de demander à Dieu «aide-moi» en évoquant très brièvement la question. L’exaucement, l’accomplissement de la prière commence déjà en décrivant le problème concerné devant Dieu, avec Dieu. En le décrivant dans sa complexité, dans ses cheminements logiques et illogiques. En tâchant de confronter au mieux notre préoccupation «terrestre» avec la beauté de Dieu. C’est de cette confrontation que viendront (et non «jailliront»!) les premiers éléments de réponse. 

Il sera bon de pratiquer cela non seulement pour le fond de la question, mais également pour le comment, la manière d’y arriver, et les détails. Plus nous parviendrons à examiner devant Dieu nos sujets de préoccupation, mieux ils seront éclairés par son Esprit, voire éclaircis, transcendés, dépassés, rendus nouveaux.

Mais je ne devrais pas parler de problèmes seulement. Nous vivrons plus librement si nous réussissons à présenter à Dieu petit à petit chaque élément de notre existence pour qu’il y soit illuminé par son amour passionné pour nous. Afin qu’il entre en communion avec son Esprit. Et moi avec, bien entendu!


Jean-Jacques Corbaz, le 25 février 1974      


mercredi 10 avril 2024

(Bi, FA, Vu) Qui connaît Dieu?

L’abeille connaît-elle la fleur? Pourtant, elle en vit. Et la fleur elle aussi dépend de l’abeille.

De même ma relation avec Dieu! J’en sais si peu de chose. Mais ce peu me permet de vivre: Dieu est amour et pardon, espoir et passion.

Être conscient de ces limites me rend humble, mais me libère aussi de tout perfectionnisme vain, de toute désespérance. De tout sentiment d’échec.

Car qui sommes-nous pour décider ce qu’est Dieu? Même les apôtres, les plus grands témoins, ont pu se tromper. Influencés par le milieu où ils vivaient. Incapables d’être universels et définitifs. 

C’est pourquoi le salut est pour toute personne qui s’en remet à Jésus Christ, même si nous ne comprenons pas tout. Surtout si nous ne comprenons pas tout! Qui pourrait tout comprendre? 

Croyez ceux qui cherchent la vérité, doutez de ceux qui la trouvent.


Jean-Jacques Corbaz, 1972      

vendredi 5 avril 2024

(Bi, FA, Vu) Dire «Christ est ressuscité»



Dire «Christ est vivant», «Jésus est ressuscité», c’est dire avant tout qu’il vit en nous: que «sa» communauté n’est pas bloquée par le désespoir de sa mort, mais qu’elle y trouve au contraire des forces vives; que les croyants, dans leur dynamisme vivant, continuent de rendre vivant leur Seigneur, sa parole, ses actes.


Jean-Jacques Corbaz, mars 1978   


mercredi 3 avril 2024

(Vu, FA, SB) L’amorale morale

«Dans une religion où la chair est maudite» (Simone de Beauvoir).

Tu es dure, Castor, mais tu n’as pas tout à fait tort. Surtout quand on sait que face à toi sévissait encore fort un catholicisme rigoriste. Tout en reconnaissant que les Réformés n’ont pas toujours été mieux inspirés!

Comment en est-on arrivé là? Aujourd’hui, j’ai envie de dessiner deux regards sur le même écueil.

D’abord, la forme et le fond. Quand des missionnaires évangélisent (ou pis: veulent imposer une foi), il est nettement plus facile d’annoncer et surtout de contrôler la forme que le fond. Avant de former des chrétiens libérés en Christ et vivant son pardon, on promeut, voire parfois impose une morale sociale, et plus encore familiale et sexuelle. De plus, se voyant porteurs d’un message qu’ils considèrent comme supérieur, les missionnaires ont fâcheusement tendance à considérer leurs normes éthiques, voire leurs coutumes, comme supérieures aussi à celles des évangélisés. C’est parfois le cas, bien sûr (sacrifices humains, violences familiales…) mais pas toujours (individualisme, matérialisme, non-respect de la nature…)!

Dieu, que le 20è siècle a mis long à advenir! Il a fallu de fortes secousses de la société pour que les Eglises lâchent un peu de lest et laissent davantage de responsabilités à leurs ouailles. Mais nous sommes encore loin de considérer les croyants comme des adultes quant à leur éthique.

Deuxième regard, «tu dois faire comme moi». Certains grands hommes (mais étaient-ils vraiment grands?), certains mystiques profonds ont cru que s’ils pouvaient s’abstenir volontairement de certaines choses par la foi, par leur énergie intérieure, tout le monde pouvait (ou devait) en faire autant. On a fini ainsi par légiférer sur ces abstentions volontaires, ce qui est un comble!

Par exemple, les missionnaires arrivant en Afrique se sont presque toujours empressés d’interdire de fumer et de consommer de l’alcool, cela avant même d’annoncer la bonne nouvelle de la libération et l’amour. Et pourtant, eux-mêmes parfois étaient incapables de s’en abstenir, ce qui est le sommet de la contradiction!

Quelle morale, quelles attitudes enseigne donc l’Evangile sur ces sujets? Une lecture non fondamentaliste des textes bibliques montre que la réponse est complexe, beaucoup plus complexe que ce qu’on a longtemps cru ou laissé croire. 

Pourtant, envers et contre tout, ou mieux: par-dessus tout, une grande chose demeure pour le message chrétien: le commandement nouveau est celui de l’amour, et c’est ce «commandement» (nouveau dans sa forme, pas dans son intention) qui fonde toute notre éthique chrétienne. Ce commandement d’amour prévaut toujours à toutes les injonctions formelles, à toutes les lois. Il se base sur la vie, la mort et la résurrection de Jésus.

C’est cela, et cela seul qui nous permet de devenir femmes ou hommes de communion en vue de bâtir le demain des hommes, dans sa complexité, dans sa multiplicité et dans son dynamisme incessant. Savoir être attentifs au monde qui est et à celui qui vient.


Jean-Jacques Corbaz, le 17 avril 1974       


vendredi 22 mars 2024

(SB, Vu, FA) Fils de Dieu, depuis quand?

Jésus était-il fils de Dieu de toute éternité, ou l’est-il devenu? Les chrétiens du 2è et du 3è siècle, puis même ceux de la fin du 8è siècle, ont abondamment discuté de cette question, qui leur semblait essentielle (c’est le cas de le dire!). Certains pensaient que Dieu avait adopté l’homme Jésus; on les appelait adoptianistes. D’autres affirmaient que le fils de Marie était Dieu dès sa naissance, voire avant; c’étaient les docètes.

De violentes controverses ont opposé les deux clans. On a pu voir ainsi s’écharper haineusement les disciples du Prince de la paix, hélas! L’adoptianisme finira par être condamné par l’Eglise comme contraire à l’orthodoxie. Mais cette doctrine resurgira fréquemment.

Pourquoi? Parce que les évangiles ne sont pas sur ce sujet d’une clarté qui nous permette de trancher définitivement.

Une lecture attentive de la christologie du Nouveau Testament (NT) montre que la messianité de Jésus et son caractère de fils de Dieu remontent toujours plus haut dans le temps au fur et à mesure qu’on s’éloigne de sa vie terrestre.

Pour Paul, cela semble dater de la résurrection: «En tant qu'être humain, il était descendant du roi David; mais selon l'Esprit saint, il a été manifesté Fils de Dieu avec puissance quand il a été ressuscité d'entre les morts» (Romains 1, 3-4).

Pour Marc, un peu plus tard, on distingue un cheminement via les trois phases du schéma d’intronisation égyptien: (1°) révélation à l’intéressé, qui a lieu lors de son baptême: «Tu es mon fils bien-aimé, je mets en toi toute ma joie» (Marc 1, 11); puis (2°) révélation à ses disciples à la transfiguration: «Celui-ci est mon fils bien aimé, écoutez-le!» (Marc 9, 7); et enfin (3°) reconnaissance de sa divinité par le peuple, lorsqu’il meurt sur la croix: «Cet homme était vraiment le fils de Dieu!» (Marc 15, 39). Marc est donc clairement adoptianiste.

Chez Matthieu, Marie est «enceinte par la puissance du Saint-Esprit» (Matth. 1, 18). Mais la qualité de fils de Dieu de Jésus n’est révélée qu’à Joseph (Matth. 1, 20-21)! La messianité de Jésus remonte donc ici à sa naissance, ce que souligne l’adoration par les mages. 

Luc, légèrement plus tardif encore, introduit ce qu’on nommera l’annonciation, donc la révélation à Marie qu’elle accouchera d’un enfant «qu’on appellera le fils du Dieu très haut» (Luc 1, 30-35). Il fait donc remonter la messianité de Jésus au minimum à sa naissance, voire peut-être à sa conception.

Enfin, Jean, le dernier à rédiger un évangile du NT, affirme qu’elle date du «commencement» de toutes choses (Jean 1, 1-15). Il développe donc une christologie de la préexistence.

Cela ne veut pas dire bien sûr que ce sont les témoins les plus anciens qui ont raison, si tant est qu’on puisse avoir «raison» plus qu’un autre! Tout au plus on peut voir que nous avons là une divergence des témoignages dont il est important de tenir compte.

Peut-être cela traduit-il en cinq évangiles ce qu’un seul ne pouvait dire (encore que celui de Marc en constitue une bonne tentative!): Jésus est devenu fils de Dieu (rappelons-nous que dans l’Ancien Testament le roi depuis David était appelé fils de Dieu) au long de tout son ministère. Il s’est manifesté comme Oint au fils de ses actes concrets de révélation, qui culminent dans les évènements de  Vendredi saint et Pâques.

Autrement dit, il était fils de Dieu potentiellement depuis le début, mais il l’est devenu effectivement à travers tous ses actes.


Jean-Jacques Corbaz, Yaoundé, le 11 novembre 1974       


(SB, Vu, FA) Remettre Paul en question


Remettre l’apôtre Paul en question, c’est bien joli, mais c’est risqué! Se tromper avec Paul, on est encore excusé (sinon aux yeux de Dieu, du moins devant les hommes!), parce qu’on est en bonne compagnie. Mais se tromper contre Paul, alors là, on a mauvaise mine!

Une parole biblique cependant veut nous donner courage: l’image de la sentinelle d’Ezechiel, responsable du sort de tout le peuple parce qu’elle voit, car elle veille, tandis que les autres dorment (Ez. 33). 

Toutes ces questions de doctrine sont terriblement difficiles et confuses, à moins de se cantonner dans un littéralisme qui nous simplifie - ô combien! - la tâche. Une consolation là encore: dans ce brouillard où nous peinons à voir où mettre les pieds, Jésus est venu lui-même. Il a eu des difficultés, mais il a frayé un chemin, il nous montre la voie à suivre. À nous de tenter de distinguer encore son geste à travers 2000 ans d’histoire et de brume!


Jean-Jacques Corbaz, Yaoundé, le 11 novembre 1974 

     

mercredi 20 mars 2024

(Bi, Re, FA) Tout autre et tout l'autre

On dit volontiers que Dieu est le Tout-Autre. Et c’est vrai, et c’est bien dit.

Mais il est en même temps le «Tout-l’autre». C’est-à-dire tout ce qui nous entoure, la globalité de l’univers. Autrui au sens très large, l’humanité, la création, le vide et le plein. Autrement dit, tout ce qui n’est pas moi.

Ainsi, notre relation avec Dieu, et notre justice devant Dieu, c’est notre relation et notre justice face à la globalité de l’univers.


Jean-Jacques Corbaz, le 6 septembre 1974       


vendredi 15 mars 2024

(FA, Vu, Hi) Quand le judaïsme chancelait

Au deuxième siècle avant la naissance de Jésus déjà, on voit que la religion juive est dépassée: la diaspora hellénistique se développe, tandis que la Judée traditionaliste piétine. Le judaïsme devient une force réactionnaire, qui tient à l’écart les juifs des activités hellénistiques en vogue en ce temps-là: arts, politique, rhétorique, science, sport, commerce…

Il faut donc dépasser cette vieille religion pour en enfanter une nouvelle, qui appartienne à son époque. 

Le temps du christianisme était arrivé.


Jean-Jacques Corbaz, Yaoundé, 20 novembre 1974   


(FA, SB, Vu) Parole de Dieu, vraiment? L’inspiration de la Bible

On dit souvent que la Bible est «parole de Dieu». Cette affirmation ponctue la lecture des textes bibliques dans bien des Eglises, notamment chez les catholiques. Mais qu’est-ce que ça veut dire, concrètement? 

Dans les Ecritures saintes, on peut lire des versets qui se contredisent entre eux; ainsi que des affirmations qui sont contraires à ce que nous pensons. Par exemple Exode 35, 2 dit que quelqu’un qui travaille le samedi doit être condamné à mort. Ou Lévitique 19,19: «Ne semez pas dans vos champs deux espèces différentes, et ne portez pas des habits tissés de deux sortes de fil». Parole du Seigneur, vraiment?

On me dira que ces prescriptions appartiennent à l’ancienne alliance, qui ne doit être lue qu’en fonction du Nouveau Testament. Mais que faire alors par exemple de versets comme 1 Corinthiens 16, 22: «Si quelqu’un n’aime pas le Seigneur, qu’il soit maudit»? Parole de Dieu, vraiment?

Comment comprendre ces passages controversés? On jette sa Bible aux orties? Ou on décrète que certains versets de l’Ecriture sont des faux? Ou, comme je l’ai quelquefois lu ou entendu, on se contorsionne pour essayer d’expliquer que non, l’auteur ne voulait pas dire ça?

Dans ces trois cas, on se trompe sur le statut des paroles bibliques, et sur le sens du fameux «Parole du Seigneur». 

Je suis convaincu que les textes saints sont inspirés par Dieu. Mais je suis tout aussi fermement persuadé que cette «inspiration» signifie autre chose que ce qu’on croit souvent. Les mots et les phrases de la Bible n’ont pas été dictés par Dieu comme les musulmans le disent à propos du Coran. Les textes saints résultent d’une rencontre, d’une interaction entre d’une part les hommes et les femmes qui ont rédigé les Ecritures et d’autre part Dieu, qui les a suscitées.

L’inspiration de la Bible n’est pas ponctuelle, c’est-à-dire valable pour un seul point donné (un seul mot, une seul phrase, un seul chapitre…) de façon isolable. Elle ne l’est même pas pour un seul auteur pris individuellement et hors de son contexte historico-littéraire. Même pas pour un évangile comme celui de Matthieu par exemple. Tous sont inspirés parce qu’ils appartiennent à un ensemble inspiré, les Ecritures saintes.

Nous avons besoin de plusieurs évangiles pour exprimer - au mieux - l’Evangile de Jésus Christ, cet Evangile qu’il est impossible de fixer dans nos termes humains imparfaits. Nous avons besoin d’une grande variété de textes pour approcher au mieux la Parole de Dieu, elle qui est transcendante et qui nous échappera toujours partiellement. 

La Bible telle que nous la lisons aujourd’hui est le fruit de toute une histoire où cette Parole s’est mélangée à nos mots humains, à nos phrases limitées, et même à nos raisonnements terrestres, voire à nos préjugés tout immanents. C’est là le miracle des miracles: Dieu a accepté que son Histoire soit mêlée aux histoires des humains, avec toutes les compromissions que cela suppose, toutes les faiblesses et les mythes que cela peut inévitablement engendrer!

En eux-mêmes donc, le livre de la Genèse, l’épître de Jacques ou l’évangile de Matthieu ne sont Parole divine (LA Parole) qu’en tant qu’ils sont situés dans le cadre de l’histoire du salut, enracinés dans les histoires humaines et dynamisés par les interventions de Dieu dans cette histoire. L’histoire du salut est bien le grand terme, la référence suprême de toute pensée théologique (et je précise que faire de la théologie n’est pas réservé à une élite universitaire; chaque fois que vous dites quelque chose même de tout simple sur Dieu, vous faites de la théologie).

Dans ce sens, ce n’est pas l’Eglise qui est infaillible, ni le Pape, comme le disent souvent les catholiques. Ce n’est pas non plus le texte des Ecritures, comme l’affirment les fondamentalistes. L’Eglise comme la Bible sont le résultat d’une compromission de Dieu avec l’imperfection inéluctable des êtres humains.

Ainsi, toute écriture, qu’il s’agisse de ce texte que vous lisez, qu’il s’agisse du Nouveau ou de l’Ancien Testament ou de vos phrases à vous, n’est inspirée qu’en fonction de son rapport avec l’histoire du salut. Et quand je dis «fonction», cela implique qu’elle ne sera jamais parfaitement inspirée. 

Cette histoire du salut commence avec la Création et elle continue aujourd’hui. Mais elle culmine en Jésus, tout spécialement dans sa mort et sa résurrection. Parler de point culminant indique que c’est à ce moment-là que la Révélation est la mieux livrée. Mais il y a eu bien sûr des petits «sommets» à d’autres époques: Abraham, Moïse, les prophètes de diverses périodes; ainsi que les réformateurs (ce qui ne se restreint pas à Luther, Calvin et leurs semblables, car François d’Assise ou Martin Luther King le sont tout autant, et il y en a des centaines!). Mais le sommet des sommets se trouve en Jésus, dans sa croix, même si là également nous avons toujours un certain degré (inévitable, nous l’avons dit) de compromission avec l’humain. 

C’est dire que le canon des textes saints (c’est-à-dire le critère de leur fidélité à Dieu) ne sera ni la date de rédaction ni le style, ni même le contenu ou le fait qu’ils entrent ou non dans nos idées, nos schémas. Mais ce sera l’apostolicité de ces écrits, i.e. leur qualité de remonter au mieux à Jésus, et avant tout à Jésus crucifié.

Les premières confessions de foi, d’ailleurs, sont historiques et non spirituelles, autant dans l’Ancien Testament que dans le Nouveau. La première Eglise confesse Jésus Christ comme homme et non comme Dieu. Ce n’est qu’avec les années, et notamment sous l’influence de la gnose, qu’on donne de plus en plus de place à sa divinité, alors que les premiers croyants s’en tenaient aux interventions de Dieu dans l’histoire.

Cette tendance se manifeste encore aujourd’hui et chez nous. Chaque fois que nous prions un Jésus purement angélique, uniquement esprit, nous l’arrachons à l’histoire dans laquelle il s’est enraciné et en faisons un héros mythique. C’est la dérive des enthousiastes de toutes sortes.

La spécificité du christianisme par rapport aux autres religions est justement le fait que tout passe par l’histoire, que le salut ne s’accomplit pas ailleurs que dans l’histoire.


Jean-Jacques Corbaz, Yaoundé, le 9 décembre 1974       


mardi 5 décembre 2023

(Pr, Vu, FA) La lettre aux Ephésiens (1°): sacrée purée de châtaignes!

Prédication du 7 août

Lectures: Ephésiens 1: 7-10; Ephésiens 4: 1-3, 7, 11-16; Jean 15: 9-17


Un jour (où j’étais un peu inconscient, peut-être?), j’ai essayé de lire la lettre aux Ephésiens en entier. Eh ben les amis, j’ai failli abandonner plusieurs fois en route! Ce que c’est ardu, au premier abord! Il m’a fallu longtemps avant de pouvoir mieux la comprendre.

Et c’est là que m’est venue l’image d’une châtaigne: c’est succulent, une onctueuse puée de châtaignes... Oui, mais tout d’abord, le fruit: ça pique! Aïe aïe aïe! Si vous n’avez pas les bons gants (ou de bons outils), vous allez vous faire terriblement mal!
   

Pour la lettre aux Ephésiens, c’est joliment la même chose: si on n’a pas les outils pour la saisir, la comprendre dans son contexte, elle va nous donner bien du mal. Beaucoup de nos contemporains la rejettent, découragés par ses piquants. Par exemple ceux-ci, de piquants, tous versets tirés de la lettre aux Ephésiens:

- “Femmes, soyez soumises à vos maris”
- “Ne vivez plus comme les païens, que leur intelligence mène au néant”
- “Esclaves, obéissez à vos maîtres”
- “Colère, éclats de voix, injures, tout cela doit disparaître”
- “Les païens se livrent à la débauche... à une impureté effrénée”...


Ces versets me font mal, comme des bogues de châtaignes que j’aurais serrées dans mes mains nues. Et j’en viens parfois à me demander si nous ne serions pas un peu inconscients, dans l’Eglise, de donner une bible à nos jeunes catéchumènes qui commencent, à 11 ans; ou à nos mariés, qui parfois ne sont guère plus équipés pour décortiquer pareils passages!

Mais, comme mon rôle de pasteur, c’est justement de vous fournir les outils qui permettent d’aboutir à une délicieuse purée sans vous écorcher les doigts, eh bien, je relève le défi! Avec vous!
   

Premier outil, premier repère. Lisons attentivement les commandements de cette épître: jamais l’auteur ne nous dit “Tu ne feras pas cela parce c’est mal” ou “parce qu’il ne faut pas”.

Non, toujours, il précise: “Tu ne feras pas cela afin de faire croître le corps du Christ”; ou “en vue du bien commun”; ou encore “pour que nous grandissions, tous ensemble, en direction du Christ”... “Ne volez pas, afin de partager avec ceux qui seraient dans le besoin”. C‘est quand même plus agréable, comme perspective. Plus positif!

Il y a aussi, dans la lettre aux Ephésiens, une insistance qui m’impressionne: le nombre de fois où l’auteur encourage ses lecteurs à se supporter les uns les autres, à se réconcilier, à vivre en paix... À bannir le mensonge; la haine; et même, et surtout, l’indifférence!

Les habitants d’Ephèse seraient-ils de mauvais coucheurs, davantage que les autres? Non, ça n’a rien à voir avec leur caractère. Cela a à voir avec la théologie de notre épître, pour qui le comportement des chrétiens entre eux détermine fortement le rayonnement de l’Eglise naissante. Son auteur insiste sur l’importance de nous articuler les uns aux autres, comme les organes d’un corps dont Christ serait la tête.

Nous articuler, c’est-à-dire reconnaître que nous dépendons les uns des autres. En tant que membres de l’Eglise chrétienne, chacun(e) n’a pas pour but son existence propre, sa survie individuelle, non: le but des cellules d’un corps, c’est la croissance et la protection du corps entier!

Sur cette priorité à la communauté, nous aurions je crois des leçons à recevoir des Africains! Voire peut-être des abeilles ou des fourmis!
   

Remarquons encore ceci: dans un corps bien articulé, c’est le cerveau qui orchestre la croissance du tout; mais ce sont les autres parties qui font le travail effectif. Si je grandis, ou si je me muscle, c’est aussi parce que mon estomac et mon intestin y contribuent! - soit des parties pas vraiment nobles ou raffinées.

De même, le Christ nous donne les influx dont nous avons besoin. Mais sans nos efforts à nous, obscurs membres de l’Eglise, eh bien le corps du Ressuscité est entravé dans sa survie et sa croissance.

Voilà pourquoi il est essentiel (la lettre aux Ephésiens dirait même: il est vital) de veiller à nos relations les uns avec les autres, à l’intérieur de la communauté chrétienne. Pour les païens, ça a beaucoup moins d’importance, dans le contexte de l’époque. Mais pour l’Eglise en pleine construction, comme c’était le cas en ce temps-là, alors c’est une question de vie ou de mort de bien huiler toutes les articulations, de soigner nos relations humaines, de les pacifier, pour que le corps entier puisse se développer de manière cohérente et harmonieuse. Nos versets “moralisants“ sont donc en fait des recommandations en vue d’une meilleure efficacité missionnaire.

Voilà quelques piquants d’enlevés, et un peu de châtaigne devenue légèrement plus digeste, j’espère!

   

Allons encore plus loin avec le deuxième outil, deuxième repère. Il y a, dans la lettre aux Ephésiens, six chapitres en tout. Les trois derniers sont un concentré de commandements, de préceptes. Mais il y a d’abord les trois premiers, qui en sont la base, les fondations. Les trois premiers qui nous disent tout ce que Dieu nous donne, gratuitement, comme paix; comme justice; comme pardon. Avant de rien nous demander, c’est Dieu qui offre!

Oui, c’est parce que, d’abord, Dieu nous sauve et nous réconcilie; c’est parce que, d’abord, il nous organise dans le corps de l’Eglise qu’il nous appelle, ensuite, à vivre une éthique en harmonie avec ce cadeau. On est loin d’une morale autoritaire et paternaliste: il s’agit de mettre ensemble nos existences au diapason, au rythme des musiques du Ciel!

Remarquons d’ailleurs que nos traductions (ou nos préjugés)trahissent parfois le texte grec. Ainsi, au verset 26 du chapitre 4, on peut lire: “Si vous vous mettez en colère, ne péchez pas”. Et on comprend souvent que la colère est mauvaise pour Dieu. Alors que le texte original dit, littéralement: “Mettez-vous en colère, mais ne péchez pas; que le soleil ne se couche pas sur votre ressentiment”. Il n’est donc absolument pas interdit de se fâcher (c’est même conseillé, c’est en tout cas normal!). L’essentiel est, toujours, de se réconcilier, de vivre le pardon, sans attendre; de ne pas laisser monter une mayonnaise qui pourrirait la vie communautaire.

Ne pas nous séparer des autres... et donc de Dieu!

À tous les virages, nous nous retrouvons donc face à cette absolue priorité: la cohésion du corps entier, de l’Eglise universelle. Il ne s’agit pas seulement de solidarité; mais de la manière de gérer les désaccords, les tensions, les débuts de conflits, qui sont inévitables dès que quelques-uns sont ensemble...

Cherchez toujours l’unité, avant tout! La paix et l’harmonie sont souvent menacées quand on grandit, quand on change. Préservez-les pour rester en communion avec Dieu! Il ne sert à rien d’avoir raison tout seul, sans tenir compte des autres. La vérité sans amour (ou sans humilité), n’est plus vérité! Avoir raison sans amour, c’est avoir tort!
   

Tel est donc le fil conducteur, le repère majuscule que la lettre aux Ephésiens nous propose; le sens qu’elle dessine pour nos vies communautaires. Et si aujourd’hui, au 21è siècle, la situation de l’Eglise est bien différente, je crois que cette insistance d’il y a 2000 ans peut nous être bénéfique, à nous aussi.

Bien sûr, nous ne vivons plus un temps de forte croissance; mais dans les mutations que nous traversons, la nécessité de rester unis me semble tout aussi primordiale. Et puis, en notre siècle qui exalte tellement l’individualisme et la réussite personnelle, ne pensez-vous pas que les exhortations de la lettre aux Ephésiens sont de nature à nous aider à marcher vers l’essentiel? À un moment où la survie de la foi est menacée (la survie d’une foi évangélique et responsable), il me semble vital de soigner nos relations internes, entre nous chrétiens.

Oui, c’est ma conviction: la purée de châtaignes de la lettre aux Ephésiens est un fortifiant bienfaisant pour les chrétiens d’aujourd’hui, si prompts à critiquer leurs soeurs et frères; si souvent à dresser des barrières, à maintenir à distance; à se moquer, à rabaisser les autres ou à se croire supérieurs.

Avec cette lettre curieuse, pourrons-nous remonter à la source de la paix?

... À suivre, bien sûr!


   


--> dimanche prochain, deuxième épisode: des images (de corps) qui partent dans tous les sens, mais qui nous aident à comprendre ce verset étonnant: “Imitez Dieu”!!?!  

 
Puis 

dimanche 21 août, troisième et dernier épisode, sur la question du mystère: qui est Dieu, quel est son plan pour nous?

- et si vous avez le temps et l’envie, je vous encourage à lire et à méditer la lettre aux Ephésiens; mais avec des gants bien solides! 
                   


Jean-Jacques Corbaz 



(Pr, Vu, FA) La lettre aux Ephésiens (2°): sacrée purée de pois!

Prédication du 14 août   (suite de la prédication du 7 août)

"La lettre aux Ephésiens (2°): sacrée purée de (châtaignes) pois!"

 

Ephésiens 1: 17-23; Ephésiens 2: 7-10; Ephésiens 5: 1-2; Jean 13: 1-5


Je disais, dimanche passé, que la lettre aux Ephésiens est terriblement rebutante au premier abord. J’en arrivais à penser qu’il faut être un peu inconscient, dans l’Eglise, pour donner une bible à nos jeunes catéchumènes ou à nos mariés, qui souvent n’ont pas beaucoup d’outils pour comprendre de tels passages dans leur contexte...

Ça nous pose la question: pourquoi Dieu nous parle-t-il de manière aussi obscure? Serait-il un brin sadique? Ou farceur? Est-ce qu’il se plairait à jouer à cache-cache?
   


Vous connaissez probablement quelques éléments de réponse à cette interrogation: s’il est impossible d’expliquer simplement la transcendance, cela tient d’abord au fait que Dieu nous dépasse d’une distance infinie! Face à lui, face à ses mystères, nous sommes plus désarmés qu’un homme des cavernes devant un ordinateur; nous sommes plus petits qu’une mouche face à un être humain.

Expliquer Dieu à une personne d’intelligence moyenne comme vous et moi, c’est aussi ardu que de sensibiliser une souris à la nécessité de la recherche médicale!

Mais je m’égare un peu. Et c’est d’ailleurs ce qui nous permettra de saisir un second élément de réponse à nos pourquoi. Et, du coup, de mieux réaliser comment fonctionne la lettre aux Ephésiens.

Car cette lettre n’est pas un traité méthodique, comme par exemple l’épître aux Romains. Elle n’est pas un écrit composé tranquillement dans un bureau et bien structuré. Non, c’est plutôt une prédication plus ou moins improvisée, à partir d’éléments bien connus. Un peu comme une improvisation en jazz, qui développe des thèmes précis, mais qui les agence, les oriente, les anime selon la fantaisie du moment.

L’auteur de la lettre aux Ephésiens, probablement un disciple de Paul, une ou deux générations après l’apôtre, improvise donc. C’est presque un pot-pourri des “best-sellers” de Paul, de ses versets les plus connus. Avec juste un point commun pour les accrocher l’un à l’autre, comme des wagons... ou comme la comptine de notre enfance: “J’en ai marre, marabout, bout de ficelle, selle de cheval...”.

Donc, l’obscurité de notre épître vient de la manière dont elle a été composée (soit, en termes savants, de son genre littéraire). C’est un pasteur qui prêche; et, comme tout pasteur, il a de la peine à garder le fil!

Et c’est ce qui explique, d’ailleurs, la tragique mésaventure du fameux verset que même les incroyants connaissent par coeur. Je veux parler de “Femmes, soyez soumises à vos maris”.

En effet, l’auteur de la lettre aux Ephésiens développe une longue réflexion sur l’Eglise. Dans ce mouvement, il reprend le thème de la réconciliation et de l’humilité nécessaires entre croyants (dont nous avons parlé dimanche passé). Et là, trait de génie, il dit: “Soumettez-vous les uns aux autres, à cause du Christ”.

Puis, pour faire comprendre le sens de cette soumission, il donne des exemples bien connus à l’époque: les femmes à leur mari; les esclaves à leur maître; les enfants à leurs parents... Ce ne sont pas des commandements qui seraient au centre de la réflexion; c’est un constat destiné à éclairer le sujet. Et le sujet, c’est toujours l’Eglise, et la soumission réciproque initiée par le Christ.

Savez-vous, entre parenthèses, que le mot Eglise revient neuf fois dans la lettre aux Ephésiens, et que sur ces neuf, six sont contenus dans le seul paragraphe sur les rapports entre femmes et maris?

Alors, avant de refermer la parenthèse, je vous en supplie, cessons de lire ces mots sur les épouses comme l’expression d’une volonté de Dieu, alors que ce ne sont que des comparaisons basées sur la vie de l’époque; des exemples dont le but est de faire comprendre un peu du mystère de l’Eglise, un peu du mystère de Dieu.
   


Bon. Lettre obscure... pot-pourri... mal ficelé... Vous me direz que tout cela ne vous avance pas beaucoup, pour mieux saisir ces relations mystérieuses entre Dieu et nous. Alors, écoutez bien: ce ne sont pas des maladresses, qui défigureraient le message. Non, c’est voulu!

Je veux dire: c’est la meilleure manière que Dieu puisse utiliser, pour se dire un peu à nos esprits limités. Car le Créateur majuscule ne peut pas être décrit dans une construction logique pour les humains. C’est impossible. Il nous échappera toujours, largement!

Alors, ce discours un peu fouillis nous parle, en lui-même. Il nous raconte une espèce d’histoire sur le mystère de Dieu. Ce mystère que personne ici-bas ne pourra percer clairement, mais que nous sommes appelés à approcher, toujours mieux. Mais humblement, modestement. Mais pas à pas.

Pour comprendre la transcendance de Dieu, nous sommes donc comme des marcheurs en montagne, qui tâtonnent dans un épais brouillard. Et parfois (merci!), la purée de pois se lève un peu, et on profite de vite faire le point, voir où on est, et où s’avancer; jouir de la vue... Mais déjà la grisaille revient, s’épaissit, et nous reprenons nos tâtonnements, juste éclairés par la brève embellie de tout-à-l’heure.
  
 

Puisque tout dans la lettre aux Ephésiens tourne autour de l’Eglise, corps du Christ, voyons ce que donne cette manière de raconter Dieu sur ce thème précis. L’épître développe plusieurs images (accrochez-vous, c’est étonnant).

D’abord, la lettre aux Ephésiens affirme que le Ressuscité est la tête de ce corps, et nous les membres.

Ensuite, on nous dit Dieu a tout mis sous les pieds du Christ. Tout, c’est-à-dire ce monde où nous vivons, et le monde à venir. Nous sommes donc à la fois dans le corps et sous ses pieds!

Mais ce n’est pas fini. À l’instar de l’évangile de Jean, que nous venons d’entendre, ou de la lettre aux Philippiens, notre épître nous dit que le Christ se place sous nos pieds, pour nous servir, comme le dernier des esclaves...

Essayez de vous représenter tout ça: bonne gymnastique! C’est impossible, en une seule image. Rien qu’avec cette métaphore du corps, il faut trois représentations différentes pour décrire les relations entre Christ et l’Eglise.

Et cette multiplicité est nécessaire pour ne pas trop simplifier, et caricaturer Dieu. Pour nous éviter de croire qu’une seule image pourrait refléter fidèlement les subtiles nuances du Créateur.

Trois images pour décrire Dieu, qui est “Trin”, soit Père, Fils et Saint-Esprit! Dieu, qui est à la fois la tête de l’Eglise;  et en même temps dans son corps; et également, en Jésus abaissé, qui est sous ses pieds!

Et justement, dit l’épître, puisqu’il s’est mis sous nous: alors, mettons-nous sous les autres. Donc “sous-mettons”-nous aux autres!

C’est dans ce sens que la lettre aux Ephésiens ose dire ces deux mots effarants (et j’espère que vous avez sursauté en les entendant tout-à-l’heure); ces deux mots effarants: “Imitez Dieu”!

Donc non pas devenir parfaits, ou capables de tout connaître, ou de régner partout, non. Mais: comme Dieu s’est placé sous les pieds des hommes, par amour, pour les servir, alors vous aussi! Travaillez à créer avec les autres des relations qui s’inspirent de Lui, et qui s’accordent sur Lui.

Mais attention: ne faites pas de la soumission un ordre moral ou un absolu, bien entendu! La soumission sans amour, c’est une déviance, ça ne vaut pas un clou!

Vous voyez que rien n’est simple, et que le brouillard submerge souvent nos esprits limités.

Pourtant, avant de succomber au découragement, redisons-nous le plus souvent possible: il ne nous est pas demandé de décrypter les mystères de Dieu, et de tous les comprendre; il nous est demandé d’y progresser avec confiance, sachant que, même dans la purée de pois la plus épaisse, nous ne sommes jamais perdus.

Nous ne sommes jamais perdus parce que Dieu nous a sauvés, en Jésus; nous ne sommes jamais perdus parce que Dieu nous a trouvés, en Jésus, et qu’il nous conduit, mystérieusement, par son amour, au port où nous serons en pleine sécurité.

“Cela ne vient pas de vous, c’est le don de Dieu”, précise la lettre aux Ephésiens.

Au fond, cette épître nous invite, je crois, à penser à la vie et à Dieu comme notre promeneur en montagne qui, une fois rentré au chalet, revoit toute sa marche dans la “peuffe” et dit mystérieusement “merci” d’être arrivé sans accident.
   

On m’objectera que, dans la vie chrétienne, nous ne sommes pas encore au bout du chemin.

Mais pourtant, le Nouveau Testament nous assure que Jésus Christ a déjà remporté la victoire, pour nous; et que nous sommes en absolue sécurité. Déjà!

Encore un mystère, impossible à saisir! Bien sûr! Nous sommes à la fois en marche, et à la fois à l’abri de tout danger, dans la Maison du Père.

Pas besoin de tout comprendre. Juste de dire “merci” et... “amen”!


--> dimanche prochain, troisième épisode, pour approfondir la question du mystère: qui est Dieu, quel est son plan pour nous? 
                  


Jean-Jacques Corbaz