
Benoit Grimonprez
CONTRESENS BIBLIQUE

![]() |
Benoit Grimonprez |
Bonjour, et merci d’être venus vivre ce culte !
C’est l’histoire d’un résistant pendant l’occupation allemande, lors de la guerre de 39-45. Il possède un perroquet, qui bien entendu répète ce qu’il entend le plus fréquemment, c’est-à-dire (puisqu’il vit chez un résistant) « mort aux Boches » ! Ça fait bien rire le résistant et ses amis.
Mais un jour, un officier allemand vient dans sa maison pour un contrôle. En entendant le perroquet, le nazi se fâche. Il sort et annonce qu’il reviendra le lendemain. Si l’oiseau répète encore une fois la phrase, il tuera le résistant et son volatile.
Notre homme a alors une idée : il échange son perroquet contre celui du curé. Et quand l’officier allemand revient, surprise : l’oiseau ne dit rien.
Étonné, le nazi s’approche de la cage et lui fait : « Alors, tu ne dis plus ‘mort aux Boches’ ? ». Silence. Par provocation, l’Allemand répète plus fort : « mort aux Boches ? ». Ce à quoi l’oiseau réagit en disant : « Dieu vous entende, mon fils » !
J’aime cette jolie manière de retourner la violence contre celui qui veut la faire subir aux autres ! N’est-ce pas aussi ce à quoi l’Évangile nous invite ?
Bienvenue…
Jean-Jacques Corbaz, août 2024
L’un des passages les plus poignants de la littérature russe… Allons-y, papa
Anton Tchekhov écrit dans l’un de ses récits :
À l’arrêt d’autobus, un vieil homme et une jeune femme enceinte attendaient ensemble.
L’homme ne cessait de fixer le ventre rond de la femme, intrigué. Puis il osa lui demander doucement :
— Vous êtes à combien de mois ?
La jeune femme semblait ailleurs, perdue dans ses pensées. L’inquiétude se lisait sur ses traits fatigués. D’abord, elle ne répondit pas. Puis, après quelques secondes de silence, elle murmura :
— J’en suis à la vingt-troisième semaine...
— C’est votre premier enfant ? demanda-t-il.
— Oui, répondit-elle d’une voix à peine audible.
— Il ne faut pas avoir peur, ajouta le vieil homme. Tout ira bien, vous verrez.
Elle posa la main sur son ventre, regarda droit devant elle, les yeux brillants, luttant contre ses larmes.
— J’espère… répondit-elle.
Le vieil homme reprit :
— Il arrive parfois que l’on se laisse submerger par des inquiétudes qui, au fond, ne le méritent pas…
— Peut-être…, souffla-t-elle tristement.
Il la regarda avec plus d’attention, plus de compassion.
— Vous semblez traverser une période difficile. Votre mari… n’est-il pas avec vous ?
— Il m’a quittée, il y a quatre mois.
— Pourquoi ?!
— C’est compliqué…
— Et vos proches ? Votre famille, des amis ? Personne pour vous entourer ?
Elle inspira profondément.
— Je vis seule avec mon père… Il est malade.
Un long silence. Puis le vieil homme demanda :
— Est-il toujours ce pilier que vous aviez connu dans votre enfance ?
Des larmes coulèrent sur les joues de la jeune femme.
— Oui… Même ainsi.
— Même dans son état ? Que lui arrive-t-il ?
— Il ne se souvient plus de qui je suis…
Elle prononça ces mots au moment même où arrivait l’autobus.
Elle se leva, fit quelques pas… Puis, se ravisa, revint vers le vieil homme, lui prit doucement la main, et dit avec tendresse :
Allons-y, papa.
Anton Tchekhov
Jonas et Noé - Comme si rien n’avait changé - 19 mai 2025
Lectures: Éphésiens 2, 12-17; Jean 8, 3-12; 2 Corinthiens 5, 14-20
Il était une fois… deux poissons rouges, que les enfants avaient nommés Jonas et Noé. On ne leur demandait que deux choses, à ces gentils animaux de compagnie: tourner en rond dans l’eau tiède de leur aquarium; et avaler la nourriture colorée qu’on leur distribuait régulièrement. Une vraie vie de pacha, calme à souhait!
Jusqu’au jour où quelqu’un introduisit dans l’aquarium une plaque de verre, qui sépara Jonas de Noé. Finies les douces promenades à deux! Ils pouvaient encore se voir, mais impossible de se rejoindre. Après s’être plusieurs fois «cassé le nez» contre la plaque de verre, ils durent se résigner. Depuis ce moment, on les vit tourner en rond tristement, Jonas à droite, Noé à gauche.
Quelques semaines s’écoulèrent. Pour des poissons, c’est long! Toute velléité de rencontre s’effaça. Jonas et Noé s’habituèrent à leur nouvelle vie.
Mais voilà qu’un jour que la plaque de verre fut retirée de l’aquarium. Vous vous dites que sur le coup on a vu nos deux poissons… tout heureux de se retrouver? reprendre leurs promenades à deux? Pas du tout. Ils continuèrent de tourner en rond tristement, Jonas à droite, Noé à gauche, comme si rien de nouveau ne s’était passé. La séparation avait été enlevée, mais elle subsistait dans leur tête et dans leur habitude.
Il m’arrive souvent de penser à ces deux poissons en regardant l’humanité. Car il y a tant de gens qui, à l’image de Jonas et Noé, vivent comme si rien ne s’était passé depuis que la violence et le mal, et la séparation ont été introduits dans l’aquarium de leurs vies; de leur famille; de leur société; de leur Église. Qu’elles y sèment la division, la haine, la mort.
Lorsque je vois tellement de gens traîner dans leur sillage de vieilles «rognes» de famille - ou de parti - ou de foi… Lorsque de bons paroissiens m’avouent leur peur d’être damnés, d’aller en enfer… Lorsque j’en vois tant qui tournent en rond dans ce qu’ils croient être leur impuissance… Lorsque le pessimisme ou le désespoir gagnent les cœurs, quand le scepticisme fait croire à la victoire du mal sur la terre… Lorsque je vois tant de gens complètement dépourvus de ressources spirituelles face à l’accident; au handicap; face à la mort… Je me dis: «Comment leur faire comprendre que la plaque de verre a été ôtée au matin de Pâques?»
Les poissons de notre histoire auraient pu reprendre leur ancien circuit, si d’autres poissons leur avaient montré que c’était possible. Par l’exemple!
Jésus l’a fait, pour l’humanité. Il a vécu une liberté intérieure et une paix bienveillante telles qu’elles ont mis en route des hommes et des femmes qui y ont trouvé un appel suffisamment fort pour parcourir le monde afin de chanter cette libération.
Et si nous pouvions, nous aussi, montrer à celles et ceux qui nous entourent qu’ils ont été libérés, en vivant nous-mêmes cette liberté offerte? Enlever les séparations mentales qui nous opposent et nous divisent. Devenir passeurs, ou passerelles, entre les personnes qui nous sont proches ou qui nous sont lointaines. Casseur de barrières spirituelles, danseuses de liberté.
Un joli dessin vu sur un réseau social d’internet.
Dans un pénitencier, deux prisonniers partagent la même cellule. Tous deux, munis de pinceaux, peignent ce qu’ils voient par l’unique fenêtre.
Le premier ne tient pas compte des barreaux et représente le paysage qu’il peut contempler à travers eux : des arbres, un champ, du soleil ; des couleurs. Il sourit.
Le second, au contraire, ne peint que les seuls barreaux sombres, en ignorant la nature qu’il y a derrière. Il est triste.
Question de regard !
Lorsque nous nous heurtons à des difficultés, des souffrances, des obstacles, savons-nous voir plus loin que ce qui nous malmène, et sourire des beautés, même très restreintes, qui veulent nous réconforter ? Ou nous laissons-nous enfermer par la tristesse ?
Je crois que regarder au-delà des barreaux se cultive. Et ma foi, c’est que l’évangile peut nous y aider.
Bonne « culture » !
Jean-Jacques Corbaz, pasteur
Résurrection - appendice??? (T'as la pêche?) - 19 avril 2025
Lectures bibliques: Jean 21, 1-14; Colossiens 2, 6-7; Esaïe 52, 7-10
Un appendice. Pour bien des gens chez nous, la résurrection de Jésus serait un appendice de la foi chrétienne, un aspect secondaire. On croit en Dieu, mais l’évènement de Pâques, c’est si difficile à croire! Dieu, oui, mais la résurrection… euh… c’est seulement pour les très convaincus! Et pour les autres, elle est un peu au libre choix de chacun, peu importe qu’on y adhère ou non.
Chacun sait que l’appendice, on peut l’enlever sans dommage pour l’organisme! Vu ainsi, Pâques ne serait qu’un complément, pas du tout nécessaire, juste pour celles et ceux qui «en veulent» davantage!
Dans cette perspective, on est souvent tenté de dire que ce seraient les disciples qui auraient «fabriqué» de toutes pièces la résurrection de Jésus, pour se consoler (ou pour se «venger») de l’échec de Vendredi saint. Un montage pour ne pas perdre la face, en somme.
Mais non! Au contraire! Ce n’est pas l’Église qui a fait Pâques, pour sauver les apparences. Mais c’est Pâques qui a fait l’Église! C’est Pâques qui est le cœur, l’essentiel de la foi. Sans la résurrection de Jésus, eh bien l’Église, communauté chrétienne, n’existerait pas aujourd’hui.
En effet, voyez ce que font les disciples, après la mort de leur maître, dans ce récit qui est peut-être le plus ancien compte-rendu d’une apparition du Ressuscité: ils traînent dans leurs villages de Galilée, le moral dans les chaussettes (...sauf qu’ils n’ont pas de chaussettes!). Jacques dit: «Qu’est-ce qu’on fait?»... Silence... Simon Pierre hésite: «Bon, ben, si personne n’a une idée, moi je vais pêcher». Et les autres l’accompagnent, bien plus par désœuvrement que par goût du poisson - ou du travail!
Le chemin que nous trace le récit de cette apparition passe par un renouvellement de notre vocation personnelle. Car tout le passage est truffé d’allusions aux appels des disciples, comme «Je vous ferai pêcheurs d’hommes» et «suis-moi». Et puis le nom de Nathanaël, qui n’apparaît qu’ici et dans la vocation des 12, chez Jean. Sans oublier la mention de Cana, où a eu lieu le tout premier miracle de Jésus, selon le quatrième évangile.
Revenir aux sources. Mais pas comme les sept, par désœuvrement; je dirais presque par régression. Non, revenir aux sources pour y puiser de l’enthousiasme des débuts, cet élan, ce bonheur de la jeunesse qui nous fait faire des choses presque insensées! Pour que Christ ressuscite notre vocation, à nous aussi! Qu’il nous donne la «pêche» comme aux premiers temps de notre foi de jeune homme, de jeune fille!
Oui, si Pâques 2025 pouvait nous faire retrouver la passion avec le Christ, qui est vivant aujourd’hui, qui nous accompagne, et que nous pouvons rencontrer, sur les chemins ordinaires de la vie! Si nous pouvions l’entendre, ce printemps, nous dire, comme au temps d’Esaïe: «Ruines de Jérusalem, lancez des cris de joie!»
Comme l’exprime la lettre aux Colossiens: «Poursuivez votre route dans le Christ tel que vous l’avez reçu; soyez enracinés et fondés en lui, affermis ainsi dans la foi qu’on vous l’a enseignée, et débordants de reconnaissance...
Vous avez été ramenés de la mort à la vie avec le Christ. Alors, recherchez les choses qui sont au ciel, là où le Christ siège à la droite de Dieu. Car vous êtes morts, et votre vie est cachée avec le Christ en Dieu. Votre véritable vie, c'est le Christ, et quand il paraîtra, alors vous paraîtrez aussi avec lui en participant à sa gloire.» Amen
Jean-Jacques Corbaz
Et si la Résurrection, c’était surtout un changement de regard sur la mort ? Et donc sur la vie ?
Les disciples de Jésus, il y a 2'000 ans, ont petit à petit discerné que la mort peut être une victoire et non une défaite.
Et nous, aujourd’hui ?
J-J Corbaz
Pâques? C’est mille fois plus que la nature qui revit, les lapins et les œufs. Et les congés…
Pâques, c’est une conviction fragile qui vient, très discrète, petit à
petit ébranler le pouvoir de la souffrance, et des tyrans, et de la
mort: Jésus, homme de Dieu, vit encore après la tombe, dans l’Esprit de
ses disciples. Ses apprentis-apôtres vont manifester, par leur
rayonnement et leur liberté intérieure, que ce Dieu faible est plus fort
que la Grande Faucheuse, et que tout Pouvoir. La fin tragique de la
Croix n’est pas une défaite face aux Romains, c’est la victoire de la
non-violence et de l’amour des autres.
Aujourd’hui encore, 2000 ans après, ce qui emprisonne; ce qui
détruit; ce qui terrifie; ce qui réduit en esclavage; ce qui ratatine ou
résigne; tout cela est contesté, miné de l’intérieur par cette force
paisible. Cette immense tendresse qui toujours chante la vie!
Pâques? C’est, chaque année, la fête de cette liberté. La célébration
que cette puissance d’espoir est aussi pour nous. Cette conviction
fragile peut repeindre nos vies et nos luttes en couleurs de joie.
On
essaie?
Jean-Jacques Corbaz
Bonjour, et merci d’être venus vivre ce culte !
C’est l’histoire de Jojo qui pleure devant le maître d’école.
« M’sieu, ya Popaul qui m’a dit ‘Va au Diable’ ! »
« Ah, fait le prof. Et qu’est-ce que tu as fait ? »
« Ben, je suis venu vers vous ! »
Chers amis en Christ, sachez-le : Dieu, lui, ne nous envoie jamais au Diable !
Souvenez-vous toujours de ceci : Dieu est amour, et il nous sauve gratuitement, quelle que soit notre conduite.
Bienvenue auprès de lui, donc ! Son souhait, c’est d’être pour nous un maître accueillant et bienfaisant !
Jean-Jacques Corbaz, janvier 2025
Le texte qui suit va peut-être surprendre, voire choquer. C’est une fiction, mais il se base sur des études exégétiques très sérieuses (dont mon ancien prof de NT Bernard Jay) qui me font penser que ce récit pourrait être porteur d’autant de vérité que les évènements tels que rapportés dans les évangiles. Il rejoint d’ailleurs par moments l’Évangile de Judas récemment découvert. En tout cas, il nous oblige à sortir de nos représentations traditionnelles et à nous interroger: comment aurions-nous agi nous-mêmes, à la place du héros de cette histoire?
Un jour, nous avons entendu parler de Jehan. Un pur, lui aussi, qui vivait au désert, et que de nombreux croyants allaient écouter. Il n’avait pas sa langue dans sa poche, celui-là. Galvanisait ses auditeurs en annonçant que Dieu allait intervenir pour établir son royaume en toute vérité, sans souillure et sans oppression.
C’est dans un temps ainsi tendu que Jésus nous a surpris. Avec aplomb, comme s’il annonçait un exploit, souriant, il nous a déclaré que nous allions fêter la Pâque à Jérusalem.
Quoi? Mais la ville est une poudrière, en ces jours d’exaltation et de nationalisme exacerbé. Les Romains armés jusqu’aux dernières molaires, les chefs juifs et les pharisiens qui cherchent un moyen de nous éliminer… Folie! On va tous se faire massacrer.
Mais lui répétait, sûr d’une force intérieure qui contrastait avec ses bras si maigres: «Paix! Vous verrez, sans violence, je serai plus fort.».
Nous y sommes allés. Partagés entre pétoche et excitation, comme à la veille d’une attaque dangereuse. Je sentais revenir en moi les frissons du guérillero. Mais là, nous n’avions pas de plan.
Quand nous sommes entrés dans Jérusalem, c’était le délire! Une foule enflammée acclamait Jésus et lui faisait un accueil royal. «Gloire à Dieu, le tout-puissant!» criait-on. «Béni soit le roi, l’envoyé du Très-Haut!». Plusieurs agitaient des branches, et déployaient leurs manteaux sur le chemin où nous marchions, comme un tapis rouge.
Et lui, assis sur un âne, me glissait à l’oreille: «Tu as déjà vu un roi sur un baudet? Ah non! Ânon!» en souriant.
Mars. Temps de la Passion (c’est l’autre nom du Carême). Temps du Christ souffrant qui nous invente un regard neuf sur la vie. Passion signifie souffrance.
Mars, temps de l’espoir, en somme. Temps du cri des femmes et des hommes, lui qui atteste la douleur, mais aussi la vie qui veut tenir. À l’extrême, temps de la révolte que sous-tend l’espérance.
Les malades nous apprennent à vivre. «L’autre jour, dans le lit, à l’hôpital, c’était moi». Leur fragilité, Sa fragilité, fenêtre ouverte sur mon humanité. Où placer ma réussite? Dans une santé acquise, mais qui s’enfuit au premier courant d’air? Ou dans cette descente au coeur de l’humain, dans le partage incessant et l’espoir?
Les malades nous apprennent à vivre. Nos peurs de la mort. Nos angoisses d’échouer. Les malades nous réconcilient avec notre fragilité. Le Christ souffrant et abaissé nous apprend à aimer.
Jean-Jacques Corbaz
Lectures bibliques: Un passage plutôt difficile: 2 Pierre 1, 3-10; Jean 15, 8-12