En hommage à Frère Roger, qui aurait 100 ans aujourd'hui, ces lignes qu'il a écrites à la fin de sa vie:
« Je vous laisse la paix, je vous donne ma
paix » : quelle
est cette paix que Dieu donne ?
C’est d’abord une paix intérieure, une paix du cœur. C’est
elle qui permet de porter un regard d’espérance sur le monde, même s’il est
souvent déchiré par des violences et des conflits.
Cette paix de Dieu est aussi un soutien pour que nous
puissions contribuer, tout humblement, à construire la paix là où elle est
menacée.
Une paix mondiale est si urgente pour alléger les
souffrances, en particulier pour que les enfants d’aujourd’hui et de demain ne
connaissent pas l’angoisse et l’insécurité.
Dans son Évangile, en une fulgurante intuition, saint Jean
exprime qui est Dieu en trois mots : « Dieu est amour. »
Si nous saisissons seulement ces trois mots, nous irons loin, très loin.
Qu’est-ce qui nous captive dans ces paroles ? C’est
d’y trouver cette lumineuse certitude : Dieu n’a pas envoyé le Christ sur
la terre pour condamner quiconque, mais pour que tout être humain se sache aimé
et puisse trouver un chemin de communion avec Dieu.
Mais pourquoi les uns sont-ils saisis par l’étonnement
d’un amour et se savent aimés, ou même comblés ?
Et pourquoi d’autres ont-ils l’impression d’être peu
considérés ?
Si chacun le comprenait : Dieu nous accompagne jusque
dans nos insondables solitudes. À chacun il dit : « Tu comptes
beaucoup à mes yeux, tu as du prix pour moi, et je t’aime. »
Le savons-nous assez ? Dieu nous fait tellement
confiance qu’il a pour chacun de nous un appel. Quel est cet appel ? Il
nous invite à aimer comme il nous aime. Et il n’y a pas de plus profond amour
que d’aller jusqu’au don de soi-même, pour Dieu et pour les autres.
Qui vit de Dieu choisit d’aimer. Et un cœur décidé à aimer
peut rayonner une bonté sans limites.
Pour qui cherche à aimer dans la confiance, la vie
s’emplit d’une beauté sereine.
Qui choisit d’aimer et de le dire par sa vie est amené à
s’interroger sur l’une des questions les plus fortes qui soient : comment
soulager les peines et les tourments de ceux qui sont proches ou
lointains ?
Mais qu’est-ce qu’aimer ? Serait-ce partager les
souffrances des plus malmenés ? Oui, c’est cela.
Serait-ce avoir une infinie bonté du cœur et s’oublier
soi-même pour les autres, avec désintéressement ? Oui, certainement.
Et encore : qu’est-ce qu’aimer ? Aimer, c’est
pardonner, vivre en réconciliés. Et se
réconcilier, c’est toujours un printemps de l’âme.
Dans le petit village de montagne où je suis né, vivait près de notre maison une famille nombreuse, très pauvre. La mère était morte. Un des enfants, un peu plus jeune que moi, venait souvent chez nous, il aimait ma mère comme si c’était la sienne. Un jour, il apprit qu’ils quittaient le village et, pour lui, partir n’allait pas de soi. Comment consoler un enfant de cinq ou six ans ? Il n’avait pas le recul nécessaire.
Peu avant sa mort, le Christ assure les siens qu’ils
recevront une consolation : il leur enverra l’Esprit Saint qui sera pour
eux un soutien et un consolateur, et il demeurera toujours avec eux.
Dans le cœur de chacun, aujourd’hui encore il
murmure : « Je ne te laisserai jamais seul, je t’enverrai l’Esprit
Saint. Même si tu es au profond du désespoir, je me tiens près de toi. »
Accueillir la consolation de l’Esprit Saint, c’est
chercher, dans le silence et la paix, à nous abandonner en lui. Alors, si des
événements parfois graves se produisent, il devient possible de les dépasser.
Chercher réconciliation et paix suppose une lutte
au-dedans de soi-même. Ce n’est pas un chemin de facilité. Rien de durable ne
se construit dans la facilité. L’esprit de communion n’est pas naïf, il est
élargissement du cœur, profonde bienveillance, il n’écoute pas les soupçons.
Pour être porteurs de communion, avancerons-nous, dans
chacune de nos vies, sur le chemin de la confiance et d’une bonté du cœur
toujours renouvelée ?
Sur ce chemin, il y aura parfois des échecs. Alors,
rappelons-nous que la source de la paix et de la communion est en Dieu. Loin de
nous décourager, nous appellerons son Esprit Saint sur nos fragilités.
Et, tout au long de l’existence, l’Esprit Saint nous
donnera de reprendre la route et d’aller, de commencement en commencement, vers
un avenir de paix. [1]
[1] Ces quatre derniers paragraphes retranscrivent les
paroles que frère Roger a dites à la fin de la rencontre européenne de
Lisbonne, en décembre 2004. Ce sont les dernières paroles qu’il a prononcées
publiquement.
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