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lundi 5 décembre 2022

(Pr, Hi) L'épée et le chapelet

Prédication du 5 décembre 2022    Un autre saint Nicolas: von Flüe!

Lectures bibliques: Esaïe 2, 2-5; Matthieu 5, 1-9


Ce matin, je vous invite à découvrir un personnage étonnant, Nicolas. Peu de gens en savent davantage que quelques clichés à son sujet!

Il naît le 21 mars 1417, donc 100 ans avant la réforme de Luther. Son nom de famille est «Leoponti», mais il sera connu sous celui de son village, qui s’appelle «Flüeli», dans le demi-canton d’Obwald. Donc Nicolas de Flüe.

En ce temps-là, l’Europe vit des années difficiles; le monde du moyen Âge bascule et s’effondre. Beaucoup de conflits divisent les villes, et les campagnes; les autorités politiques, et religieuses. Ces dernières s’accrochent souvent au pouvoir qu’elles ont exercé pendant des siècles, et aux privilèges qu’elles en retiraient.

L’Europe se construit (déjà!), autour des passages à travers les Alpes, dont la Suisse centrale et le fameux Saint-Gothard. Mais les cantons helvétiques, en ce temps-là, sont aussi différents et désunis que les membres de l’Europe aujourd’hui. Voire davantage, puisqu’ils se font la guerre entre eux!! Les conflits ont des causes économiques; débouchés commerciaux; crises d’énergie qui menacent (re-déjà!!). Le tout habillé d’antagonismes religieux… Vous voyez qu’il n’y a rien de très nouveau sous le soleil!

Dans ce monde en crise, Nicolas de Flüe ne craindra pas de s’engager. Ce n’est pas un homme qui fuit les conflits, bien au contraire! Mais il s’engagera toujours pour chercher la paix et la réconciliation.

Appelé sous les drapeaux, il sert l’armée comme officier. Et il se bat comme il prie, avec ardeur, tenant d’une main son épée et de l’autre son chapelet - et cela sans jamais que la première n’oublie le second! 
Statue de Nicolas, Boncourt

Aux heures de pause, au lieu de boire ou rigoler avec les autres, Nicolas se retire dans une église ou un endroit tranquille pour méditer et prier. Cela lui donnera la force de ne jamais perdre de vue ce qu’il a reçu comme mission de la part de Dieu. Il fait le moins possible de dommages à l’ennemi, cherchant du mieux qu’il peut à le protéger! Etonnant, ce militaire pacifique!

Courageux au combat, il reste toujours compatissant envers les vaincus. Il encourage ses troupes à se modérer dans la victoire, et à éviter les pillages, les destructions, les incendies… Un jour, il va même éteindre de ses mains le feu que ses supérieurs avaient fait bouter à un couvent où les Autrichiens s’étaient réfugiés. Il a bien failli perdre la vie lors de cet épisode!

Une fois la paix revenue, ses qualités font de lui un homme recherché et sollicité pour sa sagesse et ses conseils, tel un Salomon! On l’appelle pour les affaires les plus délicates. Lui qui n’a qu’un désir, c’est de vivre de manière cachée pour se consacrer à Dieu, à la prière et à sa famille; lui qui n’a aucune envie d’exercer une charge publique, il finira par accepter les responsabilités de juge et de conseiller cantonal.

Et imaginez: quand le tribunal qu’il préside donne tort à un habitant, il l’invite chez lui et lui fait un cadeau pour le consoler!

Ce n’est pourtant pas un homme de compromission: il refusera toujours de transiger avec la vérité et la justice. Il démissionnera de ses fonctions de juge à cause des partialités de ses collègues, qu’il ne supporte pas.

Il va également s’opposer aux prêtres de sa paroisse, parce qu’ils demandent une dîme beaucoup trop lourde pour les petits paysans, ou parce qu’ils abusent de leur pouvoir. Et toujours il garde une foi profonde et une pratique religieuse infatigable: eucharistie, prière, jeûne lui sont une véritable colonne vertébrale, un soutien fort.

Nicolas de Flüe n’est pas un réformateur, pas même un précurseur. C’est bien plutôt un homme de service et de réconciliation.

À 30 ans, il épouse Dorothée, qui n’a que 14 ans! Ils auront 10 enfants; et sa femme jouera un rôle déterminant, positif, dans tout ce qui va se passer. Elle accepte avec joie la personnalité hors normes de Nicolas, et elle le soutiendra en toutes circonstances, même lorsqu’il décidera de se retirer seul, loin de sa famille. Dorothée restera toujours sa grande confidente, et l’amour les unira toujours, y compris quand Nicolas vivra en ermite, au Ranft. Par la prière partagée, la foi, fervente, la recherche de la justice et de la paix, leur communion ne se dissipera jamais.


La maison où Nicolas vivra avec sa femme

Plus le temps passe, plus Nicolas éprouve le besoin impérieux de la solitude, pour accomplir sa foi. Plus il avance dans la vie, et plus il progresse dans la spiritualité, plus il a soif de Dieu et se sent appelé à tout abandonner. C’est une réelle souffrance qui s’empare de lui, et qui le mène à la dépression. Jusqu’au jour où il finit par accepter cette étrange vocation. Avec l’accord de Dorothée et de ses grands enfants, il quitte tout, ne gardant que trois choses: une robe de pèlerin tissée par sa femme, un bâton et son chapelet. Il demande profondément pardon à sa famille, il les bénit, puis s’en va.

Le lieu de sa première retraite est vite découvert. Quelques hommes le supplient de revenir au village. Mais un songe finit par révéler à Nicolas un endroit bien plus caché, dans la gorge obscure du Ranft. Il s’y construit une cabane de branchages entourée d’épais taillis.

Une fois encore pourtant, ceux qui le cherchent réussissent à le trouver. Mais, convaincues par sa motivation et sa foi, les autorités de son canton décident de lui bâtir, là, une petite habitation et une chapelle. Il y vivra jusqu’à la fin de ses jours, dans le jeûne et la prière. Aujourd’hui encore, cet ermitage subsiste. Une planche nue en guise de lit, et une pierre du torrent comme oreiller: c’était vraiment le confort minimum!!

La renommée de cet étrange croyant se répand, jusqu’à l’étranger. Des princes et des rois, et même le Pape (Paul II) le soutiennent. Jusqu’à l’archiduc d’Autriche, naguère son ennemi. Et c’est ce rapprochement qui permettra que la paix soit signée entre la Confédération et Vienne!

Ainsi, peu à peu, cet homme qui s’est retiré du monde, et qui ne fait aucun bruit, devient si lumineux, si rayonnant qu’il attire des visiteurs en nombre. On vient parler avec lui, lui soumettre des difficultés. Il y a aussi des pèlerins, des curieux… Bref: la foule!

Une renommée de sainteté se répand rapidement. Même des théologiens, des évêques, des savants cherchent auprès de lui force et réconfort. On pourrait presque croire que le passage d’Esaïe que nous avons lu a été écrit pour lui. Les nations qui viennent le consulter, l’arbitrage, la promotion de la paix…

Nicolas reste en toute occasion ce chrétien exigeant et sans compromission. Quand les plus grands lui demandent conseil, il ne craint pas de leur rappeler leurs responsabilités, avec franchise et indépendance.
 

 

En Suisse, Nicolas de Flüe est surtout connu pour sa médiation lors du Convenant de Stans. Avant même les guerres religieuses, comme le Sonderbund, les cantons s’entre-déchirent, surtout entre la ville et la campagne, les cantons ruraux et ceux plus citadins. Rappelons que nous sommes avant la Réforme de Luther!

Une guerre terrible éclate, où certains Etats confédérés en arrivent même à faire intervenir l’Autriche, l’ancien ennemi commun! Aucun arbitrage ne parviendra à calmer l’incendie.

En 1481, la Diète (c’est-à-dire l’Assemblée des représentants de tous les cantons) se réunit à Stans. La situation apparaît sans issue. Le curé du lieu court vers Nicolas et ramène du Ranft un message de l’ermite, message dont on a hélas perdu la teneur. Mais cette lettre est efficace: une heure plus tard, le calme et la paix sont revenus sur les Confédérés! Un pacte est conclu, c’est le Convenant de Stans. Ce pacte règlera les relations entre les cantons, et il restera en vigueur jusqu’en 1798, donc 317 ans!

D’autres médiations, moins connues, seront tout aussi efficaces, et cela dans toute l’Europe centrale. Nicolas ne sait ni lire ni écrire, mais il marquera son temps comme aucun autre! D’ailleurs, quand j’étais enfant, l’expression «Nicolas de Flüe» était synonyme de médiateur, de conciliateur.

Pour lui, la miséricorde vaut mieux que la justice, elle est le meilleur ciment qui puisse lier les Etats. L’esprit de conquête, l’appât du gain ne font qu’égarer les gens  et engendrer les conflits. Nicolas ne connaît pas d’autre chemin que celui des Béatitudes: heureux les pauvres… les doux… les miséricordieux… les artisans de paix… ceux qui ont le coeur pur… ceux qui ont soif de justice…

En 1487, à l’âge de 70 ans, Nicolas rend son dernier souffle, entouré de son curé et de sa femme. Il est pleuré par toute l’Europe, et sera canonisé. Il devient pour tous Saint Nicolas de Flüe. Mais si peu de ses paroles ont pu traverser les siècles jusqu’à aujourd’hui!
 

La chapelle du Ranft  
Il ne nous appelle pas à faire comme lui, à quitter femme et enfants pour ne vivre que de prière. Mais certainement à une forme spirituelle de décroissance. Je crois qu’aujourd’hui plus que jamais, son exemple nous invite à réfléchir à nos priorités, et à notre cohérence: comment ma foi au Christ change-t-elle ma vie, et mes actes? Comment mieux promouvoir la paix et la réconciliation?

Faute de pouvoir conclure avec un message qui viendrait de lui, je vous propose quelques lignes de Frère Roger, de Taizé, cet illustre Vaudois qui partage avec Nicolas bien des soifs intérieures: «Le pardon est ce qu’il y a de plus neuf dans l’Evangile. L’Evangile apporte un renversement: le Christ ne condamne ni ne punit jamais. Sans pardon, quel avenir pour notre personne humaine? Sans pardon, sans réconciliation, quel avenir pour les chrétiens divisés, quel avenir pour la famille humaine sur la terre?» (Roger Schütz)
Amen


Jean-Jacques Corbaz  



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