Sur la Bible et la foi, erreurs fréquentes et points de friction
1. Noël et la naissance de Jésus
Les évangiles n’ont pas un statut de livre d’histoire. Ces textes ont été rédigés entre 70 et 100 ans après la naissance de Jésus, et ils nous parlent bien davantage du Christ de la foi (donc du Jésus imaginé, célébré, cru) que de l’homme de Nazareth.
La conception virginale, par exemple, est une affirmation polémique, née dans un temps difficile: les chrétiens étaient persécutés par les Romains à cause de leur refus de rendre un culte à l’Empereur. Or, ce dernier se prétendait dieu parce qu’Auguste, le premier empereur romain, aurait été le résultat d'une visite nocturne à sa mère par Jupiter, donc il serait fils de dieu! En réaction à cette croyance, l’évangile de Luc affirme alors que Jésus est fils du Dieu unique, issu d'une rencontre de Marie avec l'ombre du Créateur (l'ombre du Père représente, dans la culture israélite, sa présence agissante). Mais Luc est le 3ème à écrire la vie de Jésus, et les deux premiers, Marc puis Matthieu, considèrent que le père du Christ est bien Joseph!
Il faut savoir aussi qu'en hébreu le mot “ben” (fils) n'indique pas forcément, comme dans notre culture, une filiation où l'on est engendré, mais aussi le fait d'appartenir à un ensemble: les "fils d'Israël" désignent les membres du peuple d'Israël. Dans les deux premiers évangiles, c'est cette conception (si j'ose dire!) qui prévalait: Jésus s'était montré progressivement (pour Marc) ou dès sa naissance (pour Matthieu) d'une "étoffe" divine. Mais il ne l’était pas avant.
Une précision encore: Jésus ne s’est jamais autoproclamé fils de Dieu. Ce sont les croyants, plusieurs années après sa mort, qui l’ont fait. Dans les évangiles, quand il parle de lui-même, Jésus utilise toujours le terme étrange pour nous de “Fils de l’Homme”; il s’agit dans la tradition juive d’un être divinisé envoyé par Dieu pour juger l’humanité.
2. Le jugement, la morale, attention!
Ce “jugement” n’a rien à voir avec l’idée que la majorité de nos contemporains s’en fait. Il ne s’agit pas de trier entre les bons et les mauvais, et d’envoyer les seconds rôtir en enfer. Absolument pas! Il s’agit pour Jésus de proclamer avec force des paroles d’amour, oui, de non-violence, c’est essentiel, et aussi je dirais de respect des autres, d’empathie (même si le mot n’existait pas encore) et de pardon. Aucune morale! Mais plutôt une affirmation: d’abord, Dieu t’aime. Son jugement, c’est de ne pas te condamner. Alors, tu seras heureux en cultivant cet amour, cette liberté; cette absence de violence, de haine, d’exclusion et de condamnation, envers toi et envers les autres!
Une précision encore à propos de la morale. La Bible n'est pas un livre de recettes utilisables directement, qui nous dise ce qu'il faut faire ou non aujourd'hui. Plus de 2000 ans nous séparent de son époque, les temps ont changé. Dans certains passages, l'Ancien Testament légitime l'esclavage ou la polygamie, voire l'inceste et, bien sûr, la domination de l'homme sur la femme; de plus, le passage de Genèse 19, 4-8 trouve manifestement que le viol de deux jeunes filles est moins grave que le viol des règles de l'hospitalité. Personne n'aurait idée aujourd'hui de dire que telle est la volonté de Dieu...
Les préceptes moraux trouvés dans les lettres de Paul, eux aussi, sont souvent liés au contexte précis de l’époque, leur application est délicate. Lus à la lettre, ils pourraient même soutenir des horreurs: l’esclavage, la lapidation des enfants irrespectueux, l’obéissance aux autorités même les plus tyranniques et racistes, l’interdiction aux femmes de prêcher dans une église malgré la mission que le Christ donne à Marie-Madeleine d’annoncer sa résurrection à ses frères...
3. Sciences et religions
Des conflits entre sciences et religions naissent quand des croyant(e)s prennent la Bible pour ce qu’elle n’est pas; qu’ils l’interprètent de manière fondamentaliste, faisant passer leur conception étriquée de la foi chrétienne avant le contenu du message de Jésus. Alors que ce dernier prêche tout le contraire de l’intégrisme!
Au contraire. L’évangile, la vie et les paroles de Jésus, nous montrent une voie où les maîtres mots sont l’ouverture; le respect de l’autre, surtout quand il est différent; la non-violence fondamentale, absolue; la liberté de chacun(e); la confiance qui lutte contre les peurs et les asservissements que cette peur génère; le pardon, qui vise à éviter de se pourrir la vie avec les blessures du passé...
Aujourd’hui, il est important de bien distinguer ce qui est contingent, c’est-à-dire lié aux valeurs de l’époque où le texte a été rédigé (par exemple la croyance aux esprits, les connaissances médicales), de ce qui est essentiel, qui nous est donné par les lignes convergentes des évangiles, soit justement les maîtres mots que nous venons de rappeler dans le § précédent. Les progrès des sciences bibliques nous le permettent.
Souvenons-nous bien que la Bible a été écrite par des hommes "inspirés" par des événements qu'ils avaient vécus. Mais il n'est jamais dit que Dieu ait rédigé lui-même ou dicté nos textes fondateurs. La Bible n’est pas un Coran, absolutisé, mais un reflet des espoirs et des quêtes de l’humanité.
Un exemple? Dans le récit de la création (Genèse 1), on nous dit que le soleil est créé le... quatrième jour. Alors, qu’est-ce qui délimitait les jours d’avant? On voit que le rédacteur ne prétend en aucun cas faire de l’histoire ou de la science. Il introduit un élément anachronique pour éviter que les lecteurs ne prennent son récit au premier degré!
4. La résurrection
Je termine par la question centrale, évidemment celle de la résurrection. Et là, sa portée est essentielle pour la foi! Tout le Nouveau Testament, tout l’élan de la 1ère Eglise sont sous-tendus par cette annonce complètement incroyable: Christ est revenu à la vie!
Et là, je pèse mes mots: c’est effectivement incroyable. Ne l’oublions jamais: humainement, c’est inconcevable, l’événement de Pâques! Le coeur de la foi est une proclamation qui va complètement à l’envers du sens commun. Et qui pourtant est essentielle. Cette annonce de la résurrection est inaccessible au “monde”, comme le dit l’évangile de Jean; elle n’est accessible qu’à ceux qui aiment le Christ, ceux qui laissent cette tendresse d’En-Haut habiter dans leur coeur.
Et je re-pèse mes mots: Christ est revenu à la vie, disais-je. Le Seigneur de l’Eglise, le Fils de Dieu de notre foi a été relevé du tombeau, signe de la promesse qui est aussi pour chacun(e). Mais qu’est-ce qui est arrivé au corps de Jésus, l’homme de Nazareth? Ses os sont-ils montés au ciel, lors de l’Ascension? Les évangiles nous disent que le ressuscité traverse des murs ou des portes fermées à clé... Son corps est-il resté sur terre, dans un tombeau? Ça me paraît vraisemblable. Ou encore est-il devenu autre chose, qui échappe à notre compréhension humaine?
Pour moi, cela n’enlèverait rien à ma foi, ma foi au ressuscité, si on venait à me prouver scientifiquement qu’on a retrouvé le corps de Jésus. La Bonne Nouvelle de l’évangile, il est impossible d’en rendre compte parfaitement dans nos langues humaines, dans nos raisonnements d’ici-bas. Elle ne s’arrête donc pas à de telles précisions terrestres.
Le fait que nous célébrons à Pâques, ce n’est d’ailleurs pas un miracle qui aurait ramené un homme de la mort à la vie. Ce n’est même pas la découverte du tombeau vide, comme je l’ai dit parfois. Le fait indéniable que nous célébrons à Pâques, c’est le surgissement d’une vitalité nouvelle des disciples, qui leur a permis de changer le cours de l’histoire. Ce n’est pas tant Jésus, mais ses continuateurs, qui ont été ressuscités!
Au fond, j’ai envie de répéter ce que disaient les mystérieux personnages, lors de l’Ascension: ne restez pas les yeux fixés sur l’événement, à en chercher le comment et le “c’est-y-possible ou pas?”. Mais remplissez-vous surtout le coeur de cette promesse: le Christ vit, il est une surprise toujours renouvelée. Depuis Pâques, il rayonne d’une présence que même la mort n’a pas pu altérer. Sachez-le bien: Dieu est amour, un amour plus fort que toute mort... toute torture... toute souffrance... tout désespoir. Avec lui, au plus profond de vos échecs, vous pouvez marcher sur des chemins de victoire; de sécurité; de paix.
Ne croyez-vous pas que ce message-là peut faire beaucoup de bien dans nos vies?
Jean-Jacques Corbaz
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Commentaire de Julien Leuthold, que je publie de sa part:
RépondreSupprimerSalut Jean-Jaques,
Merci pour ce joli texte qui permet de faire le point entre les croyances et le texte véritable de la Bible. C'est vraiment intéressant de comparer les différents evangiles et les remettre dans leur contexte et leur ordre chronologique. Ton texte permet de prendre un peu de recul, que l'ont a pas à moins d'étudier les mêmes passages des evangiles. Moi qui suis plutôt un sceptique curieux, j'apprécie beaucoup ces coups de projecteurs! Merci.
Julien Leuthold