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dimanche 28 juillet 2024

(Pr) “Du stress, des babouins et de la méditation”


Prédication du 28 juillet 2024


Lectures: Matthieu 14, 5-14 + 22-23; Jean 6, 14-15; Matthieu 6, 5-8


 

Un jour, j’ai vu, sur le programme de la TV, ce titre: “Stress, le tueur silencieux”.

J’ai d’abord cru que c’était une série policière à suspense! Voire le portrait d’un rappeur célèbre... En tout cas, rien qui ne m’attire en particulier!

Et puis, je suis arrivé sur cette émission par hasard, et je suis resté là, scotché devant mon écran. C’était en fait un “Temps présent” sur ce fléau qu’est le stress. Peut-être l’avez-vous vu. Sur le stress et ses ravages, qui peuvent aller jusqu’à la mort (d’où le titre: “Stress, le tueur silencieux”).

C’est vrai qu’il ne fait pas de bruit, ce mal sournois. Composé de fatigue; de pression; d’inquiétude, il pénètre insidieusement dans nos vies, et se révèle terriblement difficile à parer.

Le stress, en fait, c’est le contraire de la paix. Et du bien-être. C’est un état où je me sens fragile, démuni. Impuissant souvent. Un état où je manque de temps, ou de moyens, pour devenir ce que je voudrais être (ou le rester). Ou pour accomplir ce que je voudrais réaliser.

                                         *                       *
 

Et puis, le stress ne nous fait pas seulement nous sentir mal, psychiquement. Il a aussi des conséquences négatives sur la santé, on le sait.

- Il diminue la résistance aux virus; aux bactéries; et à la fatigue...

- Il favorise l’obésité.

- Il accélère le vieillissement du corps.

- Il diminue la mémoire (on connaît bien le fameux stress des examens, qui nous fait effacer des choses qu’on connaît par coeur).

- Et il augmente le risque de dépression.

- Et puis, le pire: le stress peut tuer: soit très lentement; soit aussi brusquement, quand une forte émotion, par exemple la peur, envoie beaucoup de sang d’un coup vers les muscles, et c’est la crise cardiaque ou une rupture artérielle.

                                         *                       *
 

Enfin, le stress a aussi des conséquences sur nos relations avec les autres: il augmente l’agressivité; il favorise l’égoïsme, et pousse au manque d’attention à autrui; il incite à l’isolement, au repli sur soi...

Bien sûr, c’est tout un cercle vicieux qui en découle. Car les conséquences de mon agressivité et de mon isolement me perturbent la vie, immanquablement.

D’où vient-il, ce stress qui nous empoisonne l’existence? Souvent de la peur. Peur pour sa survie, ou pour celle de ses proches. Peur de ne pas être à la hauteur. Sentiment de faiblesse... de petitesse... d’être menacé... Quand on ne peut que subir les évènements...

                                         *                       *


L’émission de “Temps présent” nous parle ensuite d’une étude réalisée sur des populations de babouins. Dans un environnement favorable, ces animaux ont besoin de 3 heures par jour seulement pour se nourrir. Il leur reste donc quelque 9 heures quotidiennes à occuper. Et à quoi s’occupent-ils? Eh bien, à enquiquiner les autres! Donc, à leur créer du stress. Nous y voilyvoilà!

Or, cette étude s’est attachée à mesurer le stress des babouins. En effet, le stress laisse des traces visibles dans les artères et dans le sang. Notamment par l’athérosclérose.

On s’est aperçu de deux choses. D’abord, que le stress varie en fonction de la position sociale: plus on est élevé dans la hiérarchie, et... moins on est stressé (!).

Ensuite, on a observé que les babouins sont victimes de stress à cause de l’attitude agressive des autres, quand ils se font attaquer sans motif apparent. Bien sûr, les plus hauts “gradés” en souffrent beaucoup moins: on ne s’attaque qu’à des plus petits que soi...

N’est-ce pas étonnamment semblable chez les humains?

En poursuivant leur étude, nos chercheurs vont faire deux découvertes importantes:

(1) D’abord, et ça joue un grand rôle, le plaisir fait diminuer le stress. Chez les babouins, le plaisir c’est de se faire épouiller. Comme chez les humains de se faire dorloter, chouchouter, shampouiner...

Chez les singes comme chez les humains, ceux qui prennent du temps pour avoir du plaisir ont beaucoup moins de signes de stress dans l’organisme.

(2) Deuxième découverte: un jour, un groupe de babouins, l’un des plus agressifs, tombe sur de la nourriture avariée. Ils s’empoisonnent. Catastrophe, le tiers de ce groupe décède. Les chercheurs se disent alors que leur étude, en cours, est fichue.

Mais, ô surprise: ce sont les mâles les plus agressifs qui sont morts. Probablement parce que ce sont les moins prudents! Et puis, deuxième étonnement: ce groupe ne périclite pas, mais il se réorganise; autrement! Les survivants se conduisent de manière moins agressive, ils prennent davantage soin des autres, passent plus de temps en épouillage, manifestent davantage d’attention envers leurs congénères.

Résultat: le stress général de ce groupe diminue fortement. Les animaux prennent du temps les uns pour les autres, l’atmosphère y est plus agréable, et tous sont en meilleure santé!

(3) Une conséquence encore va étonner les chercheurs: on sait que, chez les babouins, les adolescents mâles quittent leur groupe pour rejoindre celui de leur femelle. Or, ceux qui entrent dans ce clan plus paisible sont certes en décalage pendant quelques semaines; mais ils apprennent ensuite les usages de leur nouveau groupe; ils les assimilent sans peine. De sorte que leur stress à eux aussi diminue beaucoup, ils deviennent à leur tour plus calmes, moins agressifs... et en meilleure santé!

Je me demande s’il n’en va pas de même pour nous humains. Je pense, par exemple, à certaines communautés monastiques. Et en particulier au superbe film “Des hommes et des dieux”. Où des moines, menacés d’une mort certaine, trouvent dans leur communion la force de tenir le coup, avec courage!

Les humains pourraient-ils donc apprendre, comme les babouins, et réussir à changer de manière de vivre, pour devenir plus paisibles, et meilleurs?!

Résumons ce qui diminue le stress:
- une position dominante!
- le plaisir;
- le sentiment d’avoir de la valeur;
- l’attention que nous avons pour les autres et, évidemment, celle que nous recevons...

Précisons bien que, quand je parle de position dominante: il n’y a pas qu’une seule hiérarchie, pour nous humains. Il y a:
- celle du travail;
- du club sportif ou de loisirs;
- de la famille;
- de l’Eglise...

Si je suis le dernier au boulot, je peux ne pas être stressé parce que je suis le roi de la fanfare ou du foot; le leader du parti; ou l’animateur apprécié d’un groupe paroissial... Je vous laisse compléter en fonction de vos situations à vous!
   


                                      *                       *
 

De tout ce qui précède, il ressort, à mon sens, l’importance pour nous de trouver trois sortes de pistes:
- (1) d’abord, trouver des lieux où j’aie du plaisir et de la valeur (entre parenthèses, c’est peut-être aussi pour ça que les croyants sont en meilleure santé que la moyenne, puisque c’est ce que montrent plusieurs autres études?!);
- (2) ensuite, il sera bon de trouver des relations où je sois attentif aux autres, et où d’autres soient attentifs à moi;
- et enfin (3), trouver des espaces de temps où je puisse laisser tomber mon stress: temps de méditation, de culte, de prière... Vous connaissez peut-être ce mot de Luther: “Aujourd’hui, j’ai tellement à faire qu’il me faudra prier pendant au moins deux heures!” - à méditer, comme on dit!! 

Et vous savez comme moi l’effet bénéfique d’un plaisir, d’une jubilation; parce qu’on a résolu un problème difficile, parce qu’on est aimé ou qu’on découvre des horizons nouveaux: ça augmente nos capacités de manière étonnante!

                                          *                       *


Deux remarques encore.

D’abord, ne pensons pas que tout stress est mauvais. Nous en avons besoin! Sans stress du tout, notre vie serait trop morne, et nous le fabriquerions spontanément, comme les babouins. Surtout pour les plus jeunes, nous aimons braver le danger. “No risk, no fun”, disent-ils (pas de risque, aucun plaisir!).

Comme toujours, selon l’expression de Paracelse “rien n’est poison, tout est poison: c’est la dose qui fait le poison”. Et vous savez: le stress que je choisis moi-même est bien moins nuisible pour ma santé! ...

Dernière chose. Nous l’avons entendu, Jésus a connu le stress. Pas seulement à sa mort, à Vendredi saint; mais toute sa vie.

Le stress à travers l’opposition des chefs juifs. À travers la haine de ceux que lui, Jésus, dérangeait, dont il contestait les valeurs et les traditions.

Jésus a connu le stress:
- à la mort de Jean-Baptiste;
- quand on veut l’enlever pour en faire le roi d’Israël;
- aux Rameaux, lorsque la foule le prend pour un chef militaire et royal...

- à Gethsémané, bien sûr…

Or, dans les évangiles (à part Vendredi saint, bien entendu!), dans les évangiles on voit que, chaque fois qu’il subit le stress, Jésus se retire dans la méditation et le silence. Il s’extrait de ce qui le menace. Il s’écarte.

Il balise ainsi pour nous un chemin d’hygiène, de santé spirituelle, voire de santé tout court: savoir (et oser!) nous retirer, prier dans notre chambre, bien fermée (comprenez: en éloignant les causes du stress).

Il nous encourage également à créer des lieux où nos contemporains, surmenés, puissent trouver une telle paix! 

Ce n’est pas toujours facile, bien sûr! Jésus a promis de nous donner la paix intérieure, la sérénité. Mais il ne nous a jamais promis la facilité, ni l’existence morne des ossements desséchés. Les ossements desséchés, oui, car eux seuls sont totalement destressés! Amen.



   
                                                             Jean-Jacques Corbaz 

 
                                    

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