Prédication du 24.12.24 - 16 h - C'est qui, Auguste?
Lectures bibliques: Luc 2 : 1 - 20 - Psaume 2 : 1 – 7
J: Une histoire du paradis, il y a quelque 2000 ans. Le Seigneur Dieu, au milieu de ses anges, leur annonce une grande nouvelle: il a décidé d’avoir un enfant!
G: Murmures approbateurs des chérubins, séraphins et autres « facteurs » divins.
J: Quel jour, poursuit le Père, quel jour vous semble le plus favorable pour cet heureux événement? Que pensez-vous du 25 décembre?
G: Ah non, répond l’ange chargé du calendrier. Impossible! Ce jour-là, il y a déjà un immense bastringue sur Terre. J’ignore ce qu’on y fête, mais c’est sûr: la date est prise!!
(bref silence)
J: Alors, Noël: est-ce la célébration de Dieu, ou celle des hommes? Qui vraiment y fêtons-nous?
G: La question se pose, sans aucun doute. Elle s’est même posée dès le début. Car le récit bien connu de la naissance de Jésus dans l’évangile de Luc veut dénoncer de telles confusions: entre gloire de Dieu et gloire des hommes; entre divinité du Christ et pouvoirs humains.
J: Ce chapitre de Noël, on pourrait l’intituler: « Les sept différences entre Dieu et l’empereur Romain ». Tout entier, il a pour but de marquer ce qui oppose César-Auguste et le Christ.
G: Auguste, premier empereur de Rome, alors au faîte de sa gloire; fondateur de cette lignée de tout-puissants; exemple type du pouvoir qui asservit, qui va conduire à la folie!
J: « En ce temps-là parut un édit de César-Auguste, ordonnant un recensement de toute la terre... »
G: L’empereur décrète. L’empereur ordonne.
J: Tandis que Dieu, lui, propose. Il arrive démuni de signes extérieurs de puissance, tout petit, fragile...
G: Un recensement, à l’époque, c’est d’abord le moyen de mesurer sa puissance militaire et fiscale. Il annonce des guerres et de nouveaux impôts. Souvenez-vous du roi David, qui avait aussi ordonné un dénombrement d’Israël, pour asseoir son autorité. Il s’était attiré la colère divine, puisque cet acte représentait en fait une mainmise sur le peuple: David s’appropriait ce qui appartenait à Dieu seul.
J: L’empereur veut connaître la force de son armée, et les ressources de ses sujets. Il compte ses richesses potentielles...
G: Petit clin d’œil: si Noël, pour beaucoup d’entre nous, est étroitement lié aux oranges et aux mandarines, eh bien, en fait d’agrumes, ce récit de Luc nous montre les provinces conquises pressées par Rome comme des citrons!
J: Jésus, lui, nous arrive dans le dénuement; la pauvreté. Une mangeoire à bétail, parce qu’il n’y avait plus de chambre disponible.
G: Dieu fait exactement le contraire d’Auguste.
J: Il ne compte... que sur nous!
G: L’empereur fait venir à lui les gens: pour le recensement, chacun doit se déplacer dans sa « commune d’origine ». Trajet à pied, fatigue, temps perdu... au service de Sa Majesté!
J: À l’inverse, c’est Dieu qui bouge: il ne nous demande pas d’aller, c’est lui qui nous rejoint. À notre service!
G: César et son Empire sont au sommet de leur puissance.
J: Tandis que Dieu est au plus profond du dénuement. Nouveau-né sans abri. Sans sécurité. À la merci des hommes.
G: Au temps où Luc rédige son évangile, Rome fait courir une légende: Auguste serait né de façon merveilleuse, miraculeuse. Sa mère était vierge, et elle aurait été enceinte, non des œuvres de son père, mais de celles d’un dieu.
J: Et c’est comme pour répondre à cette prétention, et lui clouer le bec, que Luc annonce l’origine divine de Jésus. Seul le Christ est fils du Très-Haut, Dieu véritable. L’empereur n’est qu’un imposteur!
G: Déjà avant le Christ, on donne les qualificatifs de « Sauveur de tous les hommes » et « Seigneur » au tyran de Rome. Ses descendants obligeront leurs sujets à les adorer comme dieux!
J: Au fond, Auguste se divinise; il s’élève pour se faire l’égal d’un dieu.
G: Tandis qu’à Noël, le Très-Haut, lui, s’abaisse; il se fait l’égal d’un homme!
(bref silence)
J: Dernière touche sur le tableau: le recensement de Rome met en branle toute la terre connue. Se crée un gigantesque mouvement de déplacement.
G: Comme pour dire encore que l’empereur, sans le savoir, annonce Jésus. Car l’événement majuscule, celui qui va bouleverser le monde, c’est cette naissance en apparence dérisoire, inaperçue au milieu du tourbillon de César. C’est elle qui va changer la face des choses...
J: Et des gens !
G: C’est elle qui va mettre en marche le monde entier, vraiment.
J: Il y a bien sûr plusieurs inexactitudes historiques dans ce récit: Quirinius et Hérode n’ont jamais été au pouvoir en même temps. Le premier recensement mondial n’a eu lieu qu’en 75, soit 45 ans après la mort du Christ. Et les femmes comme Marie ne faisaient pas le déplacement avec leur conjoint, surtout si elles étaient enceintes jusqu’aux sourcils!
G: Mais peu importent ces détails. Car Luc ne fait pas de l’histoire, il prêche!
J: Il nous parle de Dieu à travers les événements qu’il raconte à sa manière, à l’exemple des savants de son temps. Par cette façon de présenter Noël, l’auteur nous suggère donc trois choses:
G: D’abord, que cet événement se déroule sous un horizon mondial, universel même, à l’exemple du fameux recensement.
J: Ensuite, que la puissance de Dieu n’a rien à voir avec celle d’Auguste et de l’Empire Romain. Elle en est même le contraire. C’est le pouvoir de celui qui se donne, et s’abaisse. Qui se met au service des autres.
G: Enfin, Luc annonce que cette naissance est le point de départ d’une aventure extraordinaire, bien plus extraordinaire que toutes les conquêtes romaines: dans ce qui démarre « en ce temps-là » se joue l’essentiel de notre vie. Notre salut.
J: Comme les bergers sont mis en marche par l’annonce des messagers de Dieu,
G: De même, l’évangile de Noël nous appelle à « bouger », à nous mettre en route pour « voir » le Christ et le louer. 2000 ans après l’histoire de Bethléem, saurons-nous découvrir ce Dieu à l’opposé des valeurs du monde? Saurons-nous le trouver, là où il est: dans une mangeoire peu ragoûtante, sous une apparente banalité? Saurons-nous l’adorer, nous émerveiller de sa proximité?
J: Cette surprise sera-t-elle notre cadeau de Noël?
G: Cette année encore, Dieu vient.
J: Il ne sait, même, pas faire autre chose. Il ne veut régner que par la persuasion et l’amour. Il ne veut gagner notre adhésion que dans la faiblesse.
G: L’adoreront quelques bergers des steppes, voleurs de poules et mal civilisés...
J: Il est à notre merci. Depuis la paille de la crèche jusqu’au bois de la croix, et aujourd’hui encore, dans notre quotidien, nous tenons sa vie dans le creux de notre main. Comme déjà César-Auguste.
G: Comme Hérode et Pilate.
J: Nous avons tout pouvoir sur lui.
G: En ce Noël 2024, comment allons-nous l’accueillir?
Amen
Jean-Jacques Corbaz
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