Quand j'étais au collège, notre prof de sciences était plein d'idées, mais il vivait parfois dans la lune. C'est ainsi qu'un jour, il nous annonce fièrement que nous allons disséquer ensemble une grenouille. Il sort de sa poche un petit cornet et l'ouvre, sous nos yeux émerveillés, écarquillés. Il en sort, ô stupeur, ...un sandwich! "Mais alors, l'avons-nous entendu murmurer, surpris, mais alors, qu'est-ce que j'ai mangé dans le bus?"
C'est un étonnement tout aussi grand que connaissent les enfants de 7 à 107 ans quand on leur explique le véritable sens de Pâques. On a tant parlé de cette fête comme une histoire pour les petits; on s'est tellement centré sur les lapins en chocolat ou les oeufs teints que son sens profond s'est évanoui au fond de nos cultures ou de nos mémoires.
Qui se souvient que Pâques, c’est d'abord un renversement des valeurs? Car l'étonnante vie de Jésus, son approche de la mort sans peur, son respect absolu de la non-violence, son amour pour chacune et chacun, même pour ses bourreaux: tout cela montre que cet homme de Nazareth n'a pas été vaincu par le supplice de la croix. Qu'au contraire, c'est lui qui sort la tête haute de cet affrontement. Dans sa logique dite «spirituelle», c'est lui le vainqueur!
Ses premiers disciples ont traduit cela par «il est ressuscité», il est sorti vivant de la tombe. Pas facile de mettre des mots sur de tels constats. Surtout en ce temps-là!
Malgré sa mort, il est libre! Aujourd'hui encore, il nous montre le chemin d'une telle liberté.
Pâques, c’est donc une conviction fragile qui vient, très discrète, petit à petit ébranler le pouvoir de la souffrance, et des tyrans, et de la mort: Jésus, homme de Dieu, vit encore après la tombe, dans l’Esprit de ses disciples. Ses apprentis-apôtres vont manifester, par leur rayonnement et leur liberté intérieure, que ce Dieu faible est plus fort que la Grande Faucheuse, et que tout Pouvoir. La fin tragique de la Croix n’est pas une défaite face aux Romains, c’est la victoire de la non-violence et de l’amour des autres.
Aujourd’hui encore, 2000 ans après: ce qui emprisonne; ce qui détruit; ce qui terrifie; ce qui réduit en esclavage; ce qui ratatine ou résigne; tout cela est contesté, miné de l’intérieur par cette force paisible. Cette immense tendresse qui toujours chante la vie!
Pâques? C’est, chaque année, la fête de cette liberté. La célébration que cette puissance d’espoir est aussi pour nous. Sachez-le, cette conviction fragile peut repeindre nos existences et nos luttes en couleurs de joie.
Dire «joyeuses Pâques», c'est ainsi se souhaiter, les uns aux autres, de vivre de cette vie-là; de mieux goûter à ces valeurs de respect d'autrui, de résistance aux violences et au matérialisme, de courage, de don de soi, bref, à cette étonnante liberté. C’est une offre fabuleuse de courage et d’espoir. Poser un lapin à la mort sous toutes ses formes! Le Ressuscité nous donne un avenir: aucun échec, aucune résignation ne peut être pour nous le dernier mot de l’amour de Dieu.
Joyeuses Pâques!
Amicalement avec vous
Jean-Jacques Corbaz
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