Comme on parle beaucoup ces temps
des relations homosexuelles, autour de la récente décision de notre
Eglise que vous savez, je publie le texte de la prédication que
j'ai donnée en juin, au moment où la question n'était pas encore à
l'ordre du jour.
J'avais choisi ce thème à la demande d'un paroissien, qui a fait son "coming out" lors du temps de discussion qui a suivi.
Ce
partage après le culte s'est déroulé de manière très sereine et pleine
de respect. Un autre paroissien a pu dire qu'il avait été agressé
sexuellement par un homme quand il était enfant... Beaucoup d'émotion,
mais partagée positivement et accueillie avec pudeur et empathie.
Dimanche 17 juin: Dimanche des réfugiés, des gens qui se battent pour vivre dignement...
Dimanche 17 juin: Votation d'EXIT, des gens qui se battent pour mourir dignement...
Intéressant... Comment ces deux thèmes sont-il éclairés par l'Evangile? Comment planter les graines de l’espérance pour tous les exilés du monde?
Nous n'allons pas en parler directement, ce matin. Mais, comme annoncé, je vous propose de nous intéresser encore à un autre besoin de dignité qui est d'actualité: celui des homosexuels - mais on devrait plutôt dire: de celles et ceux qui vivent des relations d'attirance et d'amour avec des personnes de même sexe, ce qui est légèrement différent.
“L'homosexualité”: Genèse 19, 4-8 - Lévitique 20, 9-13 - 1 Corinthiens 6, 9-12 - Jean 8, 3-11
C'est avec un peu d'appréhension que j'aborde, aujourd'hui, ce sujet difficile, cette question délicate. Il y a beaucoup de souffrances derrière ce thème. Mais puisque c'est la dernière fois que je préside dans notre paroisse un culte suivi d'un temps de discussion, je m'y lance en souhaitant que nous puissions en parler, tout-à-l'heure, avec respect les uns des autres et confiance. Merci d'avance!
En effet, le débat est souvent piégé, surtout chez les chrétiens. Certains, lisant la Bible à la lettre, se réfèrent aux condamnations bien connues, et dont nous avons entendu les principales; ces gens affirment que les condamnations bibliques sont valables aujourd'hui exactement comme autrefois. D'autres s'efforcent de montrer que ces passages bibliques ne parleraient pas de l'homosexualité en général, mais seulement de certaines pratiques des Cananéens lors de leurs orgies.
Or, ces deux attitudes oublient un fait important. La Bible n'est pas un livre de recettes utilisables directement, qui nous dise ce qu'il faut faire ou non aujourd'hui. Plus de 2000 ans nous séparent de son époque, les temps ont changé. Dans certains passages, l'Ancien Testament légitime l'esclavage ou la polygamie, voire l'inceste et, bien sûr, la domination de l'homme sur la femme; de plus, notre passage de la Genèse trouve manifestement que le viol de deux jeunes filles est moins grave que le viol des règles de l'hospitalité. Personne n'aurait idée aujourd'hui de dire que telle est la volonté de Dieu... ...
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Savez-vous que la Bible, d'ailleurs, ne parle jamais d'homosexualité! En effet, le terme a été inventé au 19è siècle. Il s'agira donc d'être prudents en ouvrant l'Ecriture sainte, et de chercher à bien comprendre ce qu'elle nous dit, sans confondre avec les préoccupations de notre époque.
Premier point: la pensée de l'Ancien Testament a été largement inspirée par deux cultures: celle de Mésopotamie et celle d'Egypte. Or, toutes deux tolèrent les relations homosexuelles. Sauf s'il y a violence, lorsque les deux partenaires ne sont pas consentants, ou que l'un est un enfant (pédérastie).
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Dans la Bible maintenant, il faut savoir que la question des relations homosexuelles n'est jamais abordée pour elle-même: elle apparaît toujours à propos d'autre chose, comme un élément secondaire. Les deux seuls passages de l'Ancien Testament qui interdisent explicitement les relations homosexuelles sont chaque fois dans le Lévitique. Ils condamnent les rapports entre hommes, mais ne parlent jamais de ceux entre femmes. Etonnant!
Ces versets du Lévitique ont été rédigés sous la domination perse, aux 6è ou 5è siècle avant JC. Ils reflètent la sévérité des Perses à l'égard des relations homosexuelles, nettement plus forte qu'en Mésopotamie. D'autre part, ces versets sont l'oeuvre de prêtres juifs. Et ces derniers marquent toujours un grande méfiance à l'égard de la sexualité en général, -sauf quand elle a pour but la procréation. On comprend donc bien pourquoi, dans cette optique, les relations homosexuelles sont condamnées. Elles le sont à côté d'autres formes de sexualité qui troublent l'ordre des choses, comme l'adultère, les incestes, les relations pendant les règles des femmes, voire... la zoophilie!
Les prêtres qui rédigent le Lévitique ont comme priorité d'éviter le chaos. Chaos qui, pensent-ils, a causé la défaite contre Babylone, puis l'Exil. Pour éviter que Dieu ne nous punisse une nouvelle fois, se disent-ils, il faut impérativement "resserrer les boulons" en matière de comportement, et manifester clairement la sainteté du Seigneur à travers notre pureté, nous son peuple.
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Quelques mots maintenant sur les gens de Sodome et Gomorrhe. Vous avez entendu un bref passage qui témoigne de leur tentative d'agression sur des voyageurs à qui Loth avait offert l'hospitalité. Agression homosexuelle, sans aucun doute. On a donc souvent invoqué ce passage pour montrer que Dieu condamne toute homosexualité.
Or, il faut noter trois choses. D'abord, le rédacteur affirme à de nombreuses reprises que les habitants de Sodome péchent tous contre Dieu, gravement. Mais il ne précise jamais en quoi consiste ce péché.
Ensuite, il nous dit avec insistance que c'étaient tous les habitants qui voulaient agresser les hôtes de Loth. Or, il est difficile d'imaginer que tous les gens de Sodome aient été homosexuels...
Enfin, il faut se rappeler que le viol est souvent une arme pour asseoir sa domination sur d'autres peuples (Amnesty International nous le rappelle fréquemment). Dans notre récit de Sodome, si on lit le passage entier sans idée préconçue, on se rend compte que la sexualité n'est pas la cause, mais l'instrument de l'agression sur les hôtes étrangers.
Dans beaucoup d'autres textes de l'Orient ancien, on retrouve également cette volonté d'humilier l'étranger et de marquer son pouvoir sur lui par le viol homosexuel. En Egypte et en Mésopotamie aussi, on avait recours à la sodomie, dans un contexte militaire, dans le but de priver les vaincus de leur honneur et de leur statut d'homme. C'est à mon avis cela, le péché des habitants de Sodome.
Notons encore qu'on trouve quasiment la même histoire dans le livre des Juges, au chapitre 19 aussi.
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Une remarque, maintenant, à propos de la relation entre le futur roi David et Jonathan. Les livres de Samuel emploient des expressions troublantes pour parler des rapports entre les deux hommes; et plusieurs de ces expressions ne s'expliquent que s'il existe un amour érotique entre eux.
Attention, je parle bien d'amour et non de relations sexuelles! C'est là un immense débat qui nous retiendrait jusqu'à midi. Nous n'allons pas nous y engager, mais il est important de le signaler.
David et Jonathan semblent en tout cas dessiner une relation passionnelle d'une proximité comparable aux élans enflammés du Cantique des cantiques. Mais, par ailleurs, ils sont tous les deux mariés et ils ont des enfants. C'est l'occasion de rappeler qu'en ce temps-là l'homosexualité au sens moderne n'existait pas - mais l'attirance pour quelqu'un du même sexe, oui, évidemment.
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Quelques mots maintenant sur le Nouveau Testament. Savez-vous que les évangiles n'abordent jamais la question des relations homosexuelles? Le seul auteur du NT à en parler, c'est Paul, par trois fois. Et toujours de la même manière: pour lui, les relations homosexuelles sont un exemple, parmi d'autres, des désobéissances humaines quant à la volonté de Dieu.
Un exemple, parmi d'autres, disais-je, à côté, vous l'avez entendu, des adultères... des ivrognes... des calomniateurs ou malhonnêtes... des voleurs... des gens immoraux...
Ça fait beaucoup de monde qui est concerné!! Et encore Paul emploie-t-il, pour parler des homosexuels, un terme qui peut désigner toutes sortes de dérèglement sexuels comme la prostitution sacrée, qui était à la mode en ce temps-là. Mais il est très probable que les amours entre hommes étaient concernées.
D'ailleurs, il faut se souvenir que Paul est, de manière générale, opposé à toute relation sexuelle, et qu'il conseille aux chrétiens de ne pas se marier. Pour l'apôtre, la fin du monde est si proche que les manières de vivre traditionnelles sont remises en question! Il s'agit pour Paul d'annoncer le Royaume par une rupture nette avec les usages de l'époque. Vous voyez ainsi qu'il nous est impossible de déduire de ses lettres une éthique pour notre temps.
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Ce trop bref tour d'horizon nous montre que les relations homosexuelles ne sont pas une préoccupation importante dans la Bible, et moins encore dans le Nouveau Testament que dans l'Ancien.
Ce qu'on peut en dire, surtout, réside au fond dans la fin de notre passage de la 1ère lettre aux Corinthiens: "Tout est permis, mais tout n'est pas utile"... Vous pouvez dire que tout est permis, mais c'est à vous de réfléchir si votre conduite fait du bien ou du mal aux autres... Il n'y a pas de catalogue ni d'absolus pour notre comportement; il s'agit toujours de rechercher l'avancement du Règne de Dieu et le bien d'autrui.
D'autant plus, précise l'apôtre, d'autant plus que tous nos actes sont placés sous la bienveillance fondamentale de Dieu, qui nous pardonne, qui nous purifie du péché, qui nous rend justes malgré nos fautes... Ce que répètent inlassablement les évangiles, qui sont sur ce sujet infiniment plus bavards qu'à propos des relations homosexuelles.
"Personne ne t'a condamnée? dit Jésus. Moi non plus, va en paix, mais ne t'éloigne plus de la volonté de Dieu". Pour moi, c'est cette parole-là qui est essentielle, à propos des relations homosexuelles comme de tout autre sujet brûlant. Tendresse. Respect des autres différents. Appel bienveillant à grandir dans l'amour de Dieu. Sans jugement ni condamnation. Et là, je crois que je parle autant d'Exit dans les EMS, autant des Réfugiés et requérants d'asile que du thème de cette prédication.
Qu'en pensez-vous, vous-mêmes? Je me réjouis de vous entendre, tout-à-l'heure, autour d'un café! ... ... Amen
J-J Corbaz
Merci à Thomas Römer et Loyse Bonjour: "L'homosexualité dans le Proche Orient ancien et la Bible", Labor et Fides
Voir aussi, de Th. Römer:
http://chenedemamre.com/2013/01/13/thomas-romer-lhomosexualite-dans-la-bible/
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