Tu as pour moi un lac, si profond,
Tu es pour moi un lac, si bleu,
Si petit,
Mon pays.
Tu as pour moi les gouffres, et le noir
Et le froid
Le regard qui se heurte à plus haut que lui
Qui ne se perd pas dans l’infini.
Tu es pour moi un toit
Un toi,
Mon pays.
Un pâturage vert, un ruisseau caillouteux,
Une grosse ferme assise dans les vagues de sa colline
Un sapin, des sapins,
La forêt,
Le pays.
Un homme, ridé mais vert encore,
Cep accroché au coteau,
Cueillant le soleil à pleins fruits,
Un homme enraciné, chez lui,
Dans mon pays.
*
Tout cela me revient comme voix d’outre-tombe,
Comme vie antérieure,
Tel un rêve,
Chimère qui s’estompe,
Un écho du bonheur.
C’est ainsi que naissent les mythes,
Désirs confus de revenir… au-delà,
C’est ainsi que pleurent les exilés,
Les soirs d’éternel été.
Vivre sans eux? C’est très possible,
Vivre sans eux, mais à regret, mais étranger.
*
Tu es pour moi un lac, si bleu
Y revenir pour m’y noyer.
Tu es pour moi le froid, le feu,
M’y plonger sans pitié.
O mes racines, si belles quand vous êtes éloignées,
Restez hors d’atteinte,
Restez un souvenir vieux, mais splendide,
Ne revenez jamais.
*
Un matin, la tête lourde d’avoir trop tourné,
Le coeur émerveillé,
Un matin, trop lointain pour être limpide,
C’est moi qui reviendrai.
Jean-Jacques Corbaz, Yaoundé, 12 novembre 1974
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