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dimanche 25 février 2018

(Pr) Carême, ne pas nous priver!

Prédication du 25 février 18, Villars, «Les vraies valeurs - le bonheur»

Lectures: Luc 12, 13-21; Amos 8, 4-7;  2 Corinthiens 4, 14-18


Vous connaissez la chanson de Gilles: “Le bonheur est chose légère, que toujours notre coeur poursuit, mais en vain, comme la chimère, on croit le saisir, il s’enfuit”.
  


Chers amis, chers paroissiens: qu’est-ce qui vous rend heureux, vraiment? Qu’est-ce qui est le plus important pour vous?

On nous a tant seriné que “l’argent ne fait pas le bonheur, mais... qu’il y contribue”...

Alors bon, je ne vous apprends rien, la Bible nous invite à garder de la distance par rapport aux valeurs matérielles. Et chacun(e) le sait: notre fortune, nos mérites, nos achats, nos titres de gloire, voire nos médailles olympiques... tout cela est bon, voire agréable, mais nous ne les emporterons pas avec nous, au jour de notre mort. Nous ne les emporterons pas au paradis, au sens littéral!

Vous le savez, bien sûr. Tout le monde le sait. Tout le monde le dit.

Mais pourquoi alors tant de gens vivent-ils exactement le contraire? Comment se fait-il qu’aujourd’hui une immense majorité de gens soient obnubilés par les valeurs matérielles, au point de tout penser, tout juger, tout évaluer en termes économiques? Notre société semble incapable de voir autre chose que ce qui se monnaie de manière sonnante et trébuchante. Même le monde politique est devenu secondaire face au commerce et à la finance. Une seule règle, une seule priorité: faire du bénéfice.

Et la morale, l’éthique, dans tout ça? "Mais mon vieux,
c’est du passé, c’est dépassé, c’est démodé, une antiquité!! On ne fait plus de sentiment, quand on peut faire de l’argent..."
  


Pourtant, voilà que ce système est en train de révéler ses limites: par le chômage, d’abord, bien sûr; par toutes les personnes qui sont rejetées dans la bordure, larguées par une société qui ne sait plus qu’en faire... car les assistés coûtent cher!

Le système montre ses limites aussi par la dépression, et par les multiples formes de “casse” que nous connaissons, comme le burn-out, lorsque le corps ou l’esprit ne peuvent plus résister aux pressions de la vie quotidienne. Lorsque les personnes humaines se sentent obligées de répondre aux demandes d’efficacité et de rentabilité qu’elles reçoivent plutôt que de respecter leurs limites physiques ou psychologiques.

Et voilà, encore, que le vide spirituel est en train de nous exploser à la figure, avec la multiplication des sectes, et des fanatismes de toutes sortes. Avec ces groupes qui se rassemblent autour d’un gourou, en quête désespérée de sens à leur vie.  Avec ces gens qui se font plumer comme des pigeons parce qu’ils essaient de fuir notre monde trop matérialiste. Tragique!

Hier c’était l’Ordre du temple solaire, et aujourd’hui le djihad. Il n’y aurait pas toutes ces victimes si, chez nous, tant de personnes soi-disant éclairées n’avaient pas jeté l’évangile aux oubliettes pour s’intéresser en priorité au cours de l’aluminium ou aux mille façons de s’enrichir sans fatigue!?!
  
Chappatte
Et vous voyez que, là, nous sommes concernés. Tous. En tant qu’Eglise, en tant que croyants libérés en Christ, nous avons à mieux dire, et à mieux vivre les vraies valeurs de notre foi. À mieux les chanter, à mieux les danser dans notre quotidien!

Je sais, ça n’est pas facile. Mais nos contemporains déboussolés ont besoin de modèles -pas modèles au sens d’exemple parfait, bien sûr, mais au sens de référence, d’exemple parmi d’autres. Nos contemporains ont besoin de voir, de sentir (j’ai presque envie de dire de humer, de palper) des chrétiens authentiques, que leur espérance transforme, rende plus légers, plus souriants, plus chaleureux, et moins suffisants. Bref, des antidotes à cette morose course au fric qui n’amuse que la toute petite minorité qui gagne à ce jeu-là!

Il est ici, l’enjeu pour nous, en ce début de siècle; la mission qui nous est proposée pour cette année, et les suivantes! Que les disciples du Christ deviennent plus visibles, plus colorés, plus joyeux! “Un chrétien triste, a-t-on dit, est un triste chrétien”!

Si l’Eglise passe à côté de cette mission-là, j’ai bien peur que ce ne soit une dé-mission!

Savons-nous encore défendre nos valeurs? Pas les armes à la main, évidemment, mais savons-nous encore nous enthousiasmer pour nos valeurs spirituelles, et, du coup, contribuer à enthousiasmer les autres?

Dans 24 Heures d’hier, un psychiatre qui a beaucoup travaillé sur cette question du bonheur dit des choses qu’on pourrait croire tirées de l’évangile: “les résultats de notre étude montrent que le secret du bonheur (...) ne réside pas dans un compte en banque ou un statut social, mais dans le succès de nos relations affectives, dans la qualité des contacts que l’on entretient avec les autres
. Le bonheur vient aussi du “sentiment que l’on mène une vie qui a du sens”. (1)
 

Depuis dix jours, nous vivons le temps du Carême, de la Passion. Seriez-vous d’accord de faire un essai? Non pas prendre le sac et la cendre pour nous rabaisser, bien sûr, mais plutôt nous alléger. Elaguer dans notre vie ce qui nous sépare de l’appel de l’évangile. Faire des choix, pour que notre quotidien se débarrasse des valeurs matérielles qui entravent notre mission. Peut-être acheter moins, et vivre plus proches des autres. Cultiver nos relations, nos affections, nos amours... Laisser davantage de place à nos richesses humaines: tendresse, patience, accueil... sourire et paix... Laisser davantage de place, aussi, à la nature et aux trésors qu’elle offre à nos yeux, à nos oreilles, à nos odorats (c’est bientôt le printemps!).

Donc non pas nous priver, mais bien au contraire: nous combler de ce qui nous rend heureux!

D’accord? Allez, je vous fais un prix: un modeste bonheur du Bon Dieu, à l’essai pendant 40 jours. Bien sûr, c’est gratuit! Amen                                          


Jean-Jacques Corbaz 



(1)  Dr Théodore Hovaguimian, 24 Heures des 24-25 février 2018, p. 24


jeudi 22 février 2018

(Ci, Ré) Christ ne nous offre pas le ciel

Guilhem Lavignotte  

"Le Christ ne nous offre pas le ciel, il nous offre le salut. Le salut c’est être délivré de tous ses enfermements pour toujours progresser dans la vie avec le Christ comme dans un cœur à cœur pour voir avec ses yeux, toucher avec ses mains, entendre avec ses oreilles.

C’est cela le salut qu’il nous offre comme il était au commencement, comme il est et comme il sera pour les siècles des siècles. Le Christ ça n’est pas un paradis ou un ciel à gagner. Son salut est une liberté qu’il nous offre dès à présent et qui ne finit pas. Mais vous pouvez l’appeler le ciel si vous voulez, mais sachez que ce ciel commence ici et qu’il est déjà offert."

dimanche 4 février 2018

(Pr, Hu) Entre Dieu et le rire, quel rapport?

Prédication du 4 février 18, Ollon, 10h «Dieu et humour?!»

Lectures: Psaume 2, 1-4; Jean 9, 24-40; 1 Corinthiens 1, 27-29 



Le philosophe grec Aristote disait ”le rire est le propre de l’homme”. On peut en conclure avec un clin d’oeil que le rire n’est pas sale! Voire peut-être qu’il nous nettoie! Qu’il purifie l’esprit, et l’âme!

Blague à part, Aristote voulait souligner que le rire (ou, de manière plus générale, l’humour) est un élément essentiel pour le genre humain. Mais serait-il essentiel aussi pour les questions dernières que nous nous posons, celles sur le sens de la vie, celles sur notre finalité humaine? Autrement dit, les questions spirituelles, au sens religieux du terme, ont-elles quelque chose en commun avec les traits d’esprit, les réparties spirituelles, au sens humoristique cette fois?

Le fait que ce soit le même mot pour les deux domaines indique en tout cas un lien!


Première piste de réponse: le recul. Trop souvent, l’être humain prend les choses au premier degré. Il subit les évènements le nez dans le guidon, sans beaucoup réfléchir à ce qui donne à sa vie un sens, une direction, une vérité profonde. L’humour peut souvent permettre ce recul indispensable; il peut nous proposer une échelle des valeurs qui redonne une juste proportion aux malheurs de l’existence ou à ce qui nous fait peur, notamment. C’est ce qu’enseignait déjà Confucius: “Celui qui ne parvient pas à regarder la réalité de loin, eh bien il verra les ennuis de près!”

Les humoristes d’aujourd’hui, les clowns, les comédiens utilisent abondamment ce ressort. On pourrait citer presque toute l’oeuvre de Fernand Raynaud, par exemple. Vous vous souvenez de cet étranger qui avait été chassé parce qu’il “venait manger le pain des Français”. Depuis son départ, pourtant, au village “on n’a plus de pain du tout: car il était boulanger”!

En prenant ainsi à rebrousse-poil nos manies, nos préjugés, les humoristes montrent le décalage entre nos vies et ce qu’elles pourraient être (ou devraient être). Par surprise, ils nous interrogent sur nos vraies valeurs, et sur ce qu’elles changent ou non, sur nos actes. Pour moi, c’est une démarche hautement spirituelle, Devos ou Raynaud ont été d’excellents moralistes.

Citons encore ce mot du cinéaste Woody Allen, passé maître dans de tels décalages comiques entre les problèmes de fond et les soucis de surface: “Le doute me ronge: et si tout n’était qu’illusion? Et si rien n’existait? Dans ce cas, j’aurais payé ma moquette beaucoup trop cher!”
  


Deuxième piste: l’humour peut même aller jusqu’à poser la question de Dieu; ouvrir à la foi.

Cette affirmation étonne certains, qui pensent que le comique se moque du sacré, et que la religion est quelque chose de sérieux. C’est ce que devait se dire cette dame qui achetait de la lecture pour une amie hospitalisée. La libraire lui demande si elle envisage un livre religieux; l’autre lui répond: “Oh mon Dieu non! Elle va déjà beaucoup mieux!”

Pour moi, le rire nous rappelle nos limites, nos impossibilités. Donc il nous redit qu’il y a, dans la foi, cette instance supérieure, Dieu, qui dépasse, qui transcende nos épaisseurs humaines, et qui nous promet de nous recréer à neuf, ressuscités, dans un monde de perfection cette fois, lorsque nous verrons face à face!

C’est au fond toute la collision entre le fini et l’infini qui se joue dans l’humour; la collision entre la perfection et l’imperfection. J’aime ainsi ce sketch de Raymond Devos où il renverse le slogan “Dieu existe, je l’ai rencontré”. L’humoriste raconte qu’il a vu le Seigneur alors que ce dernier était en plein doute: dans son église, Dieu ne voyait plus personne, et il en arrivait à douter de l’existence de l’homme! Apercevant Devos, le Créateur s’écrie: “Oh, miracle! Une humaine apparition!” Puis il remonte au ciel  tout heureux pour y annoncer: “L’homme existe, je l’ai rencontré”!
   


Troisième piste: l’humour met en question nos idées toutes faites dans le domaine religieux aussi! Nous oublions trop souvent qu’on ne possède jamais la vérité, que c’est elle qui nous éclaire. Dans la foi, rien n’est jamais acquis: on n’est jamais chrétien, on le devient toujours, disait Kierkegaard.

L’humour peut donc mettre le doigt sur nos faux sérieux qui nous éloignent du Christ, lui qui “n’avait pas de lieu où reposer sa tête”.  Il rappelle que la foi doit constamment lutter contre les fausses évidences, les dogmes sclérosés, les banalités qu’on récite... C’est ce qu’a découvert ce pasteur qui parlait avec un paysan des récoltes, terriblement maigres cette année-là. “Il faut prier, mon cher!” disait le ministre. Et l’autre de rétorquer: “La prière ne sert à rien. C’est du fumier, ici, qu’il faudrait!”

  


Quatrième chapitre: l’humour est tout spécialement utile lorsque c’est l’Eglise elle-même qui se prend trop au sérieux! Quand la foi devient une institution, souvenons-nous que cette institution est humaine et imparfaite! Le rire est un bon antidote contre le cléricalisme, ou quand l’Eglise se prend pour son propre but, à l’image des pharisiens dans l’évangile de Jean.

C’est comme une fois y avait Ouin-Ouin qui se fait “attraper” par le pasteur, parce qu’il ne l’a plus revu au culte depuis... oh, bien longtemps. “Monsieur Ouin-Ouin, vous ne croyez donc plus en Dieu?” “Ben, le Dieu du ciel que oui, répond l’autre. Mais c’est son personnel au sol qui ne m’inspire plus trop confiance”! ... C’est vrai, et c’est bien dit. Nous, le “personnel au sol”, pouvons faire obstacle à la foi. Et nous avons besoin de cet humour-là pour nous le rappeler.

Un pasteur et un chauffeur de taxi arrivent en même temps devant la porte du paradis. Or, le ministre est envoyé au purgatoire, tandis que l’autre est directement accueilli au Ciel.  Le pasteur rouspète, bien sûr, mais il s’entend répondre: “Tu sais, il a plus de mérite que toi! Quand tu prêchais, les gens dormaient. Mais quand lui les conduisait, eh bien, ils... priaient”!”
  

Cinquième et dernière piste (et c’est une piste d’envol plutôt qu’une piste d’atterrissage)! Je lis dans la Bible que Dieu lui-même a de l’humour. Par la manière dont il échappe à nos mainmises, à nos tentatives de le mettre de notre côté. Dieu se rit de nos prétentions humaines, dit le Psaume 2. Il transcende, il dépasse toujours nos définitions, nos lois terrestres, nos récupérations de sa sainteté.

C’est un pasteur qui voit avec colère qu’on lui vole des raisins de sa treille, pendant la nuit. Alors, il y met un panneau où il écrit: “Dieu voit tout”. Le lendemain, les dernières grappes ont disparu; et une main anonyme a rajouté sur la pancarte: “Dieu voit tout... mais il ne dénonce pas!!”

Dieu n’est pas le gardien de notre morale, il échappe à nos emprises. C’est nous qui sommes appelés à entrer dans sa vérité, qui toujours dépasse les nôtres de plusieurs kilomètres!
  

Voilà quelques réflexions que j’avais envie de partager avec vous, ce matin, sur le rire dans sa relation avec Dieu. Bien sûr, il ne s’agit pas de “sanctifier” n’importe quel humour. Il y a des comiques tellement peu spirituels! Mais je me demande si l’humour, dans son ouverture à l’inattendu, n’est pas l’un des véhicules privilégiés de la liberté de Dieu, et de celle du chrétien. Liberté qui, vous le savez, est un fruit éminent du Saint-Esprit. Car “là où est l’esprit du Seigneur, écrit Paul, là est la liberté”. Amen                                          


Jean-Jacques Corbaz