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mardi 29 juillet 2014

(Ci) Les âges de la vie

"Nous sommes tous des gens du voyage. Et ce voyage est la vie. 
Nous traversons l'un après l'autre des pays où les perspectives et les aventures ne se comparent pas entre elles, où change jusqu'à la perception que nous avons des êtres, des choses, du temps et de l'espace. (...)

Une révélation guette celui qui avance le cœur et les yeux ouverts- sans précipitation et tant qu'il se peut sans regret. 
Après s'être vu dépouillé en chemin de ce qu'il avait un temps possédé, le voilà bientôt, à sa grande surprise, comblé d'autres biens dont il ne soupçonnait jusqu'alors, ni l'existence ni le prix.
Il apprend- et sa reconnaissance n'a pas de bornes- que rien ne lui est ôté en cours d'existence, sans qu'autre chose d'aussi précieux ne lui soit donné en contrepartie. "

Christiane Singer. "Les âges de la vie"

 

dimanche 27 juillet 2014

(Pr) 27.7.14 - "Tu te mettras tout nu..."

Lectures bibliques: 2 Rois 5, 1-19; Luc 13, 22-24; Esaïe 55, 1-3

Bien des gens aiment voir, à la TV, un illustre chef d’Etat... qui se prend les pieds dans un tapis! Ou un prince, ou une star, qui se fait pincer en flagrant délit d’ivresse au volant. Car voilà un grand personnage... qui se révèle soudain comme tout le monde. Humain, faillible.

C’est ce que montre au premier regard notre histoire de Naaman. Naaman, c’est le général en chef de la Syrie, pays ennemi d’Israël en ce temps-là. Il est l’un des personnages les plus importants de l’époque. Il a gagné la guerre, c’est un héros.

Et pourtant. Ce favori du roi a une faille. Il souffre de la lèpre. Une terrible maladie, qui ronge le corps. Et pire encore: qui nous met au ban de la société. Vous savez qu’en ce temps-là, les lépreux sont des parias. Interdiction d’avoir le moindre contact avec eux!

Bien sûr, la maladie de Naaman n’en est qu’à son début. Il la cache soigneusement. Mais il sait qu’un jour, bientôt, le pot-aux-roses va se découvrir. Et qu’alors, ce sera la fin de sa gloire. Et même la fin tout court, pour lui.

Comme tant de personnes riches atteintes dans leur santé, Naaman cherche à se guérir, par tous les moyens. Et il a des moyens importants. Argent, influence... Mais c’est par une petite fille, une esclave dont on ignore même le nom, -bref, presque rien- qu’il entend parler d’Elisée, le prophète; Elisée dont le rayonnement s’étend bien au-delà de Samarie, sa ville.

Le célèbre général part pour Israël, en mettant tous les atouts de son côté. Les atouts des puissants. Il demande à son souverain une lettre de recommandation pour le roi d’Israël, qui est devenu une sorte de vassal des Syriens... Ensuite, il emporte le nerf de la guerre: des sommes faramineuses, impossibles à traduire en monnaie d’aujourd’hui: 300 kg d’argent, 60 kg d’or... De quoi s’acheter des palais rutilants!

Et c’est ainsi qu’il se présente à la cour de Samarie, devant le roi d’Israël. Mais, un peu comme les mages à Noël, il n’imagine pas une seconde que c’est ailleurs qu’il devrait chercher. Du côté des petits.

Alors, imaginez: le pauvre roi de Samarie, en lisant la lettre de son supérieur, se met à paniquer. Mais comment accéder à cette demande? Il déchire ses habits en signe d’impuissance et de deuil. Le roi n’a pas le pouvoir de guérir de la lèpre, il n’est pas Dieu!

Naaman, dans son déploiement d’atouts puissants, Naaman a oublié une chose: c’est que la petite esclave lui avait parlé d’un prophète. Pas d’un roi. D’un pro-phète, c’est-à-dire d’un homme qui parle de la part de Dieu. Qui parle avec ses mots , mais également avec ses actes. D’un qui rayonne de la présence du Seigneur, mais pour les AUTRES.

Elisée est tellement prophète même qu’il a tout compris. C’est lui qui vole au secours de son roi: “Eh bien, tu n’as qu’à me l’envoyer, ce général!”

Et voilà. Naaman peut enfin toucher au but. Devant la modeste demeure d’Elisée, il s’annonce. Tout va se régler très vite, maintenant.

Euh ben... Pas tout à fait! Le héros syrien avait déjà été terriblement humilié par la lèpre, mais il n’en a pas fini avec son orgueil. Car Elisée ne se dérange même pas pour venir l’accueillir! Il ne fait qu’envoyer quelqu’un lui dire d’aller se tremper 7 fois dans le Jourdain.


Quel mépris! Pour un personnage aussi important, qui vient d’accomplir un si long voyage! Et les règles sacrées de l’hospitalité, Elisée? Naaman attendait sans doute une cérémonie fastueuse, des rites, des gestes d’incantation... Mais: rien! Notre grand général, vexé, veut repartir aussi sec (si j’ose dire!). “Les rivières de chez moi valent tout autant que celle de Samarie. Assez pétouillé, je rentre.”

Mais Dieu est patient. Et tenace. Il s’est manifesté une première fois par la fillette sans nom, prisonnière en Syrie, qui avait parlé d’Elisée. Puis une seconde fois quand le prophète est intervenu en personne auprès de son roi. Maintenant, troisième fois, c’est par la bouche des serviteurs de Naaman qu’il se manifeste, serviteurs d’ailleurs tout aussi anonymes que la petite juive: “Maître, disent-ils, si cet homme t’avait demandé d’accomplir des rites difficiles, tu aurais accepté, n’est-ce pas? Alors, pourquoi ne pas essayer ce geste tout simple, comme il te le conseille? Tu risques quoi?”

Alors, le grand général consent. Il s’abaisse... On peut imaginer qu’il se déshabille entièrement pour plonger dans le Jourdain. Nu, au propre comme au figuré. Dépouillé de son uniforme. Privé des signes extérieurs de sa puissance. Et surtout, il ne peut plus cacher, ainsi, la terrible maladie qui le ronge. Sa fragilité est exposée à tout venant.

Cette nudité, c’est la seule manière quand on veut se présenter devant Dieu. Puisque le Seigneur lui-même ne se montre à nous qu’ainsi: pauvre et vulnérable. Image du baptême, bien sûr! Comme pour annoncer déjà ces gens qui se tremperont dans l’eau vive, pour s’associer à leur Sauveur, lui qui a plongé dans la mort à Golgotha, pour en ressortir, rayonnant, au matin de Pâques!

Naaman, guéri, peut renaître, comme un petit enfant. Renaître à la santé, bien sûr. Mais surtout, renaître à une vie spirituelle autre. Une vie spirituelle dépouillée, elle aussi, des fausses valeurs de gloire, de puissance et d’apparence. Le vrai Dieu n’est pas celui de la victoire et des richesses, celui qu’il célébrait en Syrie. Le vrai Dieu n’est pas non plus celui de la cour royale et des appuis princiers, qu’il avait cherché à Samarie. Le vrai Dieu, il se tient discrètement, fragile, au ras du gazon. Ou plutôt au ras des eaux de la rivière, dans laquelle il faut être nu pour plonger.

Pour nous aujourd’hui, comme pour Naaman, cette simplicité de Dieu peut surprendre. Voire faire problème! Cette gratuité choque parfois, elle est si contraire aux valeurs du monde! Pour accéder à Dieu, ce serait si naturel de devoir accomplir de grands sacrifices! Or, le seul sacrifice qui nous est demandé, c’est d’accepter que tous nos efforts sont inutiles. Nos mérites, ils ne valent plus rien. Comme des jetons périmés.

Vous voyez, nous dit le livre des Rois: la petite esclave était plus riche que le puissant général en chef. Dépouillée de tout, loin de son peuple; mais reliée à Israël, et à Dieu. Forte de sa relation avec le Père qui connaît ceux qui n’ont rien, et qui leur répond.


Voilà pourquoi Elisée n’accepte pas les richesses du général, en cadeau. Ce que nous avons un peu de peine à comprendre, bien sûr! Mais il faut que Naaman se rende compte de cette totale gratuité de Dieu. Qui est d’autant plus proche de nous que nous sommes vulnérables et vrais. Donc:  nus.

Lorsque le riche Syrien entre pleinement dans cette relation spirituelle, dans cette religion, il peut partir en paix. Il n’offre plus rien. Au contraire, c’est lui qui demande. Il sollicite humblement de pouvoir emporter chez lui un peu de terre d’Israël... Dans la culture d’alors, la terre d’un pays est symbole, savez-vous, de la présence de son Dieu. La terre d’Israël, c’est la possibilité de rester relié au Seigneur, à travers les rites juifs de l’époque, les sacrifices.

Et puis, Naaman va demander une seconde chose. Car il se rend compte qu’il ne pourra pas vivre une foi totalement exempte de compromis, au palais de Damas: au bras de son roi, il devra bien s’incliner devant la divinité locale.

Alors Elisée l’assure d’avance du pardon de Dieu. Promesse étonnante, en regard de tant d’autres manifestations d’intolérance que porte l’Ancien Testament. Promesse qui est bien sûr prophétique, encore, des ouvertures de l’Evangile: comme le dira le Christ, ce ne sont pas les gestes extérieurs qui sont importants. C’est bien notre qualité intérieure de relation au Seigneur.

Comme dans beaucoup de miracles qu’accomplira Jésus, bien plus tard, on le voit clairement ici: la guérison du corps symbolise mille fois plus qu’une santé retrouvée; la religion n’est pas un “truc” pour guérir, qui marcherait à tous les coups. Elle est surtout rétablissement d’une relation d’amour avec le Créateur; elle est une confiance échangée qui réconcilie avec la vie; avec soi-même; voire avec le monde et les gens qui nous entourent. Donc avec Dieu! Une réconciliation qui peut produire dans nos existences des effets prodigieux! Comme pour Naaman.

C’est ainsi qu’il peut s’en aller, en paix. Guéri non seulement de sa lèpre; mais surtout de son orgueil. De sa confiance démesurée dans sa force et ses richesses. Il repart avec son or et son argent, qui lui sont inutiles désormais. Il a appris l’humilité.

Derrière la caravane du grand général et de ses serviteurs, tout derrière, après les trésors et les beaux habits... on peut voir deux mulets, chargés de terre. De la terre ordinaire, banale, de Palestine. Signe que, pour Naaman: tout a changé! Amen

Jean-Jacques Corbaz  

mardi 22 juillet 2014

(Bi) pour cet été, si...



Une suggestion pour cet été, si voyage, visite ou découverte sont au menu: que vous alliez près ou loin, pourquoi pas vous rendre le dimanche à un culte ou une messe? Vous pourrez ainsi faire connaissance d'une Eglise, probablement différente de la vôtre, et dont les membres seront heureux de vous expliquer les particularités. Echanges, enrichissement, dialogue fraternel. Je vois déjà notre Père à tous sourire de bonheur!

Si vous osez cette rencontre, SVP transmettez les salutations amicales de votre Eglise. Vous manifesterez ainsi notre fraternité universelle. Et puis, vous reviendrez avec des salutations à ramener à votre propre communauté. C’est là le coeur de Terre Nouvelle: appartenir à la famille des enfants de Dieu, présente partout dans le monde. Se sentir davantage reliés. Pour se faire des amis, c'est encore mieux que Facebook!

À toutes et tous bon été... si vous en trouvez un derrière un nuage!!

Jean-Jacques Corbaz

dimanche 13 juillet 2014

(Pr) “Amour et reproches: comme toi-même?” - 13.7.2014

Lectures: Lévitique 19, 17-18; Galates 6, 1-2; Jean 15, 9-13

“Tu aimeras ton prochain comme toi-même”: tarte à la crème du christianisme? Rengaine moralisante? Banalité poussiéreuse? Monsieur le pasteur, changez de disque, SVP!

Et le pasteur dit “non”! Non, ce n’est pas ce que vous croyez, si vous pensez qu’aimer son prochain comme soi-même, c’est être gentil, peut-être? Ou avoir des sentiments d’affection, de tendresse, à l’exemple de Jésus? Pourquoi pas se laisser flageller ou tondre par les autres, sans rien dire, et “tendre l’autre joue”, selon le mot de l’évangile?

Alors asseyez-vous, bouclez votre ceinture et partons ensemble à  l’aventure! À la découverte de l’amour du prochain.

Première surprise: ce n’est pas Jésus qui a inventé la formule. Ni les 10 commandements de Moïse. La plus ancienne mention, dans la Bible, de “Tu aimeras ton prochain comme toi-même”, c’est ce passage du livre du Lévitique que nous avons ouvert ce matin. Un texte qui a été rédigé probablement pendant l’Exil à Babylone, dans un temps où les déportés vivaient une situation désespérante. Nous y reviendrons.

Deuxième surprise: “Tu aimeras ton prochain comme toi-même” ne nous est pas donné comme une morale, ou une manière de savoir-vivre, Mais plutôt comme la conséquence d’une bonne gestion des conflits! Je m’explique. Le passage commence par ces affirmations inattendues (traduction la plus fidèle possible): “Tu ne laisseras pas de haine dans le secret de ton coeur à l’égard de ton frère, tu n’hésiteras pas à lui faire des reproches afin de ne pas te charger d’un péché envers lui. Tu ne te vengeras pas toi-même et tu ne garderas pas de rancune contre tes compatriotes. C’est ainsi que tu aimeras ton prochain comme toi-même. Je suis le Seigneur”.

Avant donc de nous parler d’aimer, la Bible nous demande d’exprimer nos reproches, de réprimander! On nous avait pourtant bien appris que ce n’est pas gentil de gronder, de chicaner, de blâmer! Et pourtant, selon ce passage du Lévitique, aimer son prochain, c’est d’abord lui adresser des réprimandes, sans hésiter, si nous en avons sur le coeur!

Faire des reproches à son prochain, c’est encore se rapprocher de lui. Et vous avez bien entendu qu’il y a la même racine dans ces trois mots. Reproches, prochain, se rapprocher: il y a toujours l’adjectif “proche”.

Troisième surprise: ce commandement de réprimander son frère (ou sa soeur) n’est pas une bonne action, à bien plaire, un petit “plus” facultatif pour bons élèves, Non, ce commandement nous est donné (je cite le Lévitique) “afin de ne pas te charger d’un péché envers lui”! “Tu n’hésiteras pas à le réprimander afin de ne pas te charger d’un péché envers lui”. Purée! La Bible sort vraiment l’artillerie lourde, sur ce verset! S’abstenir de dire nos reproches, c’est un péché!?

Pour bien comprendre cela, il faut se souvenir que le péché, dans l’Ancien Testament (AT), ce n’est ni une mauvaise action parmi les autres, ni la porte de l’enfer. Dans l’AT, le péché, c’est tout ce qui nous sépare de Dieu. Tout ce qui nous sépare de Dieu, et, par conséquent des autres humains. Oui, le péché, c’est une rupture de relation avec Dieu et avec l’humanité où il nous appelle à vivre en communauté.

Si donc je garde mes reproches par-devers moi, si je laisse mes ressentiments macérer sans les exprimer, je coupe ma relation avec mon prochain, et du même coup (!) avec Dieu. Haïr en secret, c’est refuser de rencontrer l’autre, c’est fuir la relation avec ce frère. Au contraire, dire mes réprimandes, c’est permettre au lien de se reconstituer. Vous voyez que nous sommes très proches de la notion de paix dans l’AT; le shalom, la paix qui n’est pas l’absence de conflit, mais le fait de vivre en relation. La paix, c’est, au milieu des conflits, de se tendre la main. Et de se dire ce qu’on a sur le coeur.

Et la petite phrase qui conclut ce passage (je cite): “Je suis le Seigneur”, eh bien elle n’est pas là pour faire joli; ni pour donner un air plus pieux à ces exigences. Mais elle souligne que ces commandements viennent de Dieu, et que Dieu s‘engage lui-même dans leur mise en pratique. Les appliquer, c’est vivre notre relation avec Dieu, c’est ne pas pécher, donc ne pas nous couper de lui.

Résumons. Les réprimandes que nous avons sur l’estomac, Dieu nous demande de ne pas les laisser tourner en rancunes ou vengeances sournoises. Au contraire, n’hésitons pas à adresser des reproches à notre prochain, pour nous rapprocher de lui; et du même coup pour nous rapprocher de Dieu. Autrement dit, des réprimandes constructives! Vous imaginez le slogan sur les panneaux d’affichages de la SGA: “Des reproches au prochain, ça rapproche”!



 

Si vous n’êtes pas trop fatigués, j’aimerais ajouter deux ou trois choses. (Rassurez-vous, je n’ai pas de réprimandes à vous exprimer!). J’ai envie de faire encore quatre remarques.

1° Première remarque. J’ai fait une allusion à “tendre l’autre joue”; est-ce que ça ne dit pas exactement le contraire de notre passage? Eh bien non. J’ai beaucoup étudié ce verset, et je suis convaincu, avec de nombreux théologiens aujourd’hui, qu’il ne veut pas dire “se laisser frapper et encore frapper”, mais qu’il signifie “tendre une joue autre, différente, sortir de la relation “frappeur-frappé”; briser le cercle vicieux de la violence. Je reviendrai sur cette question avec une exégèse de ce verset dans quelques semaines. *

2° Deuxième remarque: il y a aimer et aimer. Nous entendons fréquemment ce verbe comme l’expression d’un sentiment. Mais un sentiment, ça ne se commande pas! Il est parfaitement inutile d’exiger qu’on aime. L’AT, quand il parle d’aimer, pense à l’autre aspect du mot: se comporter, concrètement, comme des gens qui s’aiment. La Bible ne nous demande jamais des inclinations, des émotions, des élans spontanés vers notre prochain. Elle nous invite à une conduite, à des gestes, des attitudes d’amour - ce qui est tout autre chose!

3° Troisième remarque, le prochain. Vous allez me dire “mais on ne peut pas aimer le monde entier comme cela. On s’y épuiserait!” - Et vous aurez mille fois raison.
Le livre du Lévitique s’adresse aux juifs en Exil, disions-nous. Dans un temps de grand désespoir, il s’agit de resserrer les liens du peuple déporté. On demande d’aimer les frères, les prochains, les compatriotes. L’AT ne demande pas de vivre ces “reproches qui rapprochent” avec tout le monde, mais à l’intérieur seulement d’Israël.

Ouf, pensez-vous! Cependant, n’oublions pas que Jésus, dans l’évangile, a étendu Israël au monde entier. C’est l’Eglise, universelle, qui est le nouveau peuple saint! Donc rien n’est simple, avec Dieu! Heureusement que le Christ, sur la croix, a donné sa vie par amour total pour nous, qui aimons si imparfaitement. Ne l’oublions jamais.

 
4° Dernière remarque: “comme soi-même”. Savez-vous qu’on trouve l’expression “aimer comme soi-même” dans un édit du roi d’Assyrie (donc un païen!) en 670 avant JC. Soit avant la rédaction du livre du Lévitique! Moralité: si Jésus n’a rien inventé sur ce chapitre, l’AT non plus. Nous avons affaire à une expression courante déjà dans l’antiquité. Et cette expression voulait dire, en général, que les sujets d’un roi, à la guerre, devaient être prêts à donner leur vie pour leur souverain; ils montreraient ainsi qu’ils aiment leur roi comme eux-mêmes.

Dans le Lévitique, comme plus tard dans l’évangile, il ne s’agit pas de se battre, bien sûr. Mais nous recevons aussi une exigence de nous conduire à l’égard des autres sans penser à soi d’abord. Pourtant, il faudrait une seconde prédication pour dire haut et fort aujourd’hui qu’il est parfois plus difficile de s’aimer soi-même que d’aimer autrui... À méditer...

Conclusion. “Tu ne laisseras pas de haine dans le secret de ton coeur à l’égard de ton frère, tu n’hésiteras pas à le réprimander afin de ne pas te charger d’un péché envers lui. Tu ne te vengeras pas toi-même et tu ne garderas pas de rancune contre tes compatriotes. C’est ainsi que tu aimeras ton prochain comme toi-même. Je suis le Seigneur”. La possibilité de haïr n’est pas niée. Il est normal d’en vouloir à une autre personne. Mais c’est le silence qui est coupable. C’est le silence qui nous coupe du prochain et de Dieu. Ce qui détruit, ce n’est pas la haine, mais c’est de ne pas l’exprimer. C’est de la laisser croupir, et macérer. Et tourner en rancune, ou vengeance mesquine.

Parler pour renouer le lien. Reprocher pour se rapprocher du prochain. Et de Dieu. Aimer, c’est se battre pour préserver ces relations-là. Amen

Jean-Jacques Corbaz



* “Tendre l’autre joue”: je développerai cette exégèse le 17 août 14