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vendredi 24 décembre 2021

(Pr) Prédication du 24.12.21, 16h - “Atterrissage à risque”

Lectures bibliques: Esaïe 9, 1-6 ;  Luc 2, 1-14   (Jean 1, 6-9 + 14; Matthieu 2, 1-12)


J: Noël est une fête de haut en bas: c’est le ciel qui descend sur la terre! Cette nuit, nous célébrons Dieu qui a choisi de quitter ses hauteurs bienheureuses pour venir chez nous. À notre niveau. Dieu qui atterrit parmi nous.

G: Dieu atterrit, et aussi: Dieu amerrit!

J: Dieu amerrit, et Dieu apèrit!

G: Comment ça, Dieu apèrit??? Qu’est-ce que ça veut dire?

J: Eh bien, quand Dieu amerrit, cela veut dire qu’il se pose sur une mer. Ou: sur une mère. S’il apèrit, cela signifie qu’il se pose aussi sur un père.

G: Ah! Moi, j’avais entendu: Dieu, a, péri, en trois mots: Dieu est mort.

J: Mais oui! Car c’est bien là le sens de Noël. L’incarnation veut nous dire, sur la croix, cette parole d’amour, la plus belle qui soit: Dieu vient nous habiter. Au risque d’y laisser sa vie.

G: Donc attention:

J:  Atterrissage dangereux! 

G: Atterrissage pas sage!

J: Et: atterrissage “passage”! Cet évènement nous entraîne, à notre tour, sur des chemins neufs. Un peu comme la Pâque d’Israël, traversée de la Mer des Roseaux, qui conduit vers une toute nouvelle vie de foi et d’espoir!

(bref silence, ~ 3 secondes)

G: En se posant sur les mères...

J: - et sur les pères!

G: ...Dieu nous donne la vie autrement! Il nous donne une vie risquée, fragile, aventureuse. Une vie où la Lumière parfaite du Ciel passe par nos minuscules fenêtres humaines...

J: ...nos carreaux défraîchis!

G: Davantage vitrages que vitraux!

J: Ou... nos meurtrières!

G: En se posant sur les mères, Dieu nous prend comme partenaires de sa création: il pro-crée avec nous! Il prolonge sa création en s’associant aux nôtres.

J: À sa place, je ne sais pas si j’aurais osé...

G: En effet: dès la naissance du Christ, la violence est au rendez-vous; les ratés se multiplient; les échecs se dessinent: souvenez-vous du massacre des Innocents par Hérode,
  
Le Massacre des Innocents, Art Painting by Nicolas Poussin


J: ...de l’hostilité de tant de contemporains de Jésus, qu’ils soient Juifs ou Romains...

G: ...comme pour nous dire que la crèche et la croix sont faites du même bois.

J: Quel contraste, dites, avec les Noëls de nos rêves: paisibles...

G: ...tendres et doux...

J: Quel contraste aussi avec nos cadeaux, nos repas, nos rites... Nos voeux... Tout y est si prévisible et sûr!

G: Mais il ne s’agit pas de nous culpabiliser que notre vie soit empreinte de trop de sécurité!?!

J: Au contraire, je crois que ce contraste est bien à l’image de celui de la Nativité, ce Dieu qui transcende notre épaisseur humaine! Ce Dieu qui naît dans les marges de l’histoire, sous un petit dictateur sanguinaire, dans un pays colonisé en fièvre de libération. C’est toujours la collision entre le Ciel et la terre, entre deux mondes apparemment incompatibles, qui détonnent l’un face à l’autre. Deux réalités que tout oppose, mais qui pourtant parviendront à se croiser,

G: À s’entre-féconder,

J: À se métisser l’une l’autre,

G: À s’enrichir chacune des possible de l’autre,

J: À se tendre des passerelles,

G: Pour que le Ciel touche la Terre, et les humains qui y espèrent.

 
pixabay

  (bref silence, ~ 3 secondes)


J: Dieu atterrit, et amerrit, au plus profond de nos contradictions; de nos égoïsmes; de nos peurs; de nos hostilités...

G: Au plus profond de nos inhumanités.

J: Et là, en arrivant, celui que nous appelons le Tout-Puissant ne bouleverse rien, pourtant. En apparence, en tout cas; il se fond dans notre décor. Il se coule dans notre réalité. Un homme parmi les hommes. Un démuni au milieu des démunis.

G: Sa naissance est au fond l’indicatif de ce que sera toute sa vie. Né au cours d’un déplacement forcé... indésirable à l’hôtellerie...

J: ... Accueilli finalement dans une mangeoire pour animaux...

G: Sa vie durant, il n’aura pas d’endroit où reposer sa tête. Pareil aux nomades, ses ancêtres, il vivra continuellement dans le provisoire, sans sécurité...

J: Sans sécurité autre que celle du Ciel, la seule que personne ne pouvait lui enlever.

G: Il avancera toujours, comme pour nous dire que notre quotidien, si banal qu’il paraisse, est à chaque fois un chemin qui conduit vers Dieu.

J: ... Une porte qui ouvre sur l’inespéré.

G: Car c’est ce quotidien-là qu’il est venu sauver.

J: Celui des plus faibles, des sans-grade,

G: ... Celui des perdants.
 
www.fotocommunity.fr
J: Voyez les bergers: des hommes à qui n’appartiennent ni les troupeaux ni les terres... eh bien, ce sont eux les premiers informés de la Grande Nouvelle qui va tout changer pour tous!

G: L’enfant de Noël, c’est finalement  vous, c’est moi; c’est chaque être humain qui lève les yeux vers le ciel, et se rend compte que sa vie a mille autres dimensions que celles où il s’enferre parfois.

J: Nous en avons tous besoin: une trouée de lumière dans notre nuit. Une bouffée d’espérance dans ce monde impitoyable pour les petits.

G: Nous en avons tous besoin: nous avons si peu de prise sur la grande histoire qui se joue sans nous.

J: Nous avons si peu de prise sur les événements qui pourtant déterminent notre vie.

G: Ballottés, tirés à hue et à dia...

J: Impuissants, trop souvent; subissant...

G: Mais Jésus, lui aussi, a vécu cela. Exactement cela. C’étaient les autres qui tiraient les ficelles,

J: En apparence.

G: C’étaient les autres qui tissaient les toiles pour l’attraper,

J: En apparence.

G: C’étaient les autres qui faisaient jouer leur propre intérêt,

J: En apparence.

G: Et puis, peu à peu, s’est révélé l’incroyable: par tous ces petits riens, ces mains ouvertes au quotidien, parce qu’il s’est donné tout entier, sans jamais calculer, eh bien, l’univers a basculé. La victoire a changé de côté. Celui que tous croyaient perdu, fichu...

J: En apparence,
 
G: Eh bien, c’est lui le gagnant, le triomphant.
  
J: Et, plus encore, plus fort encore, il arrive à partager sa victoire avec tous...

G: Avec nous tous!

J: Chacune, chacun, nous bénéficions de ses lauriers. Au bout du compte, il n’y aura que la mort qui se retrouvera pomme avec le bour!

(bref silence, ~ 2 secondes)

G: Alors, amis de ce monde, gardons courage!

 J: Redressons la tête!

G: Ayons confiance!

J: Puisque l’enfant de Noël, c’est  vous, c’est moi; c’est chaque être humain qui lève les yeux vers le ciel,

G: Alors, de tous nos souffles imperceptibles,  

J: De toutes nos mains ouvertes au quotidien,

G: Quand nous parvenons à donner sans calcul, nous permettons à Dieu de régner sur cette terre.

J: Nous pouvons faire de cette vie un cadeau de Noël.

G: Sachons-le: rien n’est petit, mesquin, insignifiant dans notre humanité. Car ce sont ces petits gestes,

J: En apparence,

G: Ce sont ces petits gestes qui rendent le monde moins inhumain... Qui le transforment et qui le sauvent.

J: Dites: et si, en percevant notre rayonnement, les autres pouvaient sentir un peu de Dieu qui passe? ... Qui ... atterrit...

G: Ne croyez-vous pas qu’ils diraient “merci”?

J: Amen !

     

Jean-Jacques Corbaz
  

jeudi 23 décembre 2021

(Hu, Bi, Ré) Noël ne s'intéresse pas

Dessin: Trinco

Vous connaissez peut-être déjà cette anecdote: à la porte de l'église, M. le pasteur a placé une affichette qui dit:
"Pour tous ceux qui ont des enfants et qui ne le savent pas encore, il y a une garderie pendant le culte"!

Eh bien, je me dis que, pour Noël, c'est exactement le contraire!

Car Noël ne s'intéresse pas à ceux qui ont des enfants et qui ne le savent pas encore; au contraire!
Noël s'intéresse à Celui qui a un enfant,
- et qui le sait,
- et qui voudrait tant que nous le sachions avec Lui,
- et qui n'a qu'un désir, c'est de partager sa joie avec nous!

Davantage même: Noël nous dit que Dieu a un enfant, et que ce bien aimé, c'est chacun(e) de nous,
- même si nous ne le savons pas encore!

Et puis, Noël nous dit enfin que Dieu ne veut pas mettre les plus petits à l'écart, dans la garderie.
Non, Il souhaite nous rassembler, toutes et tous, autour de lui, pour la fête.
Pas à la garderie, mais à la crèche!

Jean-Jacques Corbaz


lundi 6 décembre 2021

(Pr) Se laisser arbitrer, dit Michée. Ça fait fondre!

 Prédication du 6 décembre 2021   Le «chemin nouveau» de Dieu

Lectures bibliques: Michée 4, 1-5; Apocalypse 21, 1-6; Jean 8, 3-12


Dans quatre jours, le 10 décembre, c’est la journée mondiale des droits humains. Et à cette occasion, nous sommes invités à réfléchir, à prier, et même à agir en faveur de personnes victimes de graves violations de ces droits. Donc à devenir, aujourd’hui, des saint Nicolas pour tant de ces gens emprisonnés, voire torturés de manière arbitraire dans notre monde où règnent tant d’injustices.

Des récits de personnes humiliées, dont on ne respecte pas les droits élémentaires, j’en ai entendu des milliers. Vous aussi, sans doute. Ça nous fait mal d’en prendre connaissance. Assez! Suffit!
  

Parfois donc, pour nous protéger, nous nous bouchons les oreilles. Nous refusons de voir la réalité, tant elle est insoutenable. Nous fuyons. C’est quand même plus agréable de regarder «Qui veut gagner des millions»!

Si vous agissez ainsi, ne vous sentez pas coupables! C’est NORMAL! C’est humain de fermer les yeux, quand le monde autour de nous est trop injuste. Et surtout, quand en même temps nous nous sentons impuissants à le changer. Normal.

Quand nous éprouvons ces sentiments, Dieu nous propose un chemin. - Attention, je n’ai pas dit une baguette magique! Un chemin: «Venez, montons à la montagne du Seigneur, il nous montrera ses chemins, et nous marcherons sur ses routes».

Il y aura des pas à faire, et encore des pas. Un long cheminement. Comme un apprentissage; ou un pèlerinage; ou une exploration.
 

Cette marche que Dieu nous propose aura, pour nous, trois caractéristiques, que je voudrais développer brièvement:

1) D’abord, la logique de ce chemin est une logique d’arbitrage. D’arbitrage et pas de force: «Il sera juge, il arbitrera les peuples», dit Michée. Et vous vous souvenez peut-être de ce que nous disions du juge lors du culte du mois dernier.

Dieu rendra la justice de manière bienveillante et non-violente. On pense à Salomon, bien sûr, mais surtout à Jésus dans l’épisode de la femme adultère que nous avons entendu tout-à-l’heure. Une manière pacifique de régler les conflits, en évitant du mieux possible qu’il y ait des perdants. Une justice subordonnée à l’amour, en somme, et au pardon! Un arbitrage de paix.


2) Seconde balise sur le chemin où Dieu nous appelle: celle de la promesse. D’une promesse folle, où la paix règnera de manière parfaite, selon cette belle image: «Ils feront fondre leurs épées et leurs lances pour en forger des charrues et des faucilles». C’est-à-dire que l’humanité quittera les activités guerrières pour se tourner vers des activités nourricières; bienfaisantes; guérissantes!

Certains diront: «Foutaises! C’est impossible!». Mais si vous êtes venus ce matin pour vivre ce culte, j’imagine que ce n’est pas votre cas!

D’autres nuanceront: «C’est une promesse qui se réalisera à la fin des temps, et que nous espérons. Ce n’est pas pour ce monde-ci!»

Pour moi, cette espérance a surtout valeur de mise en confiance. Ici-bas. Elle veut me donner du courage pour résister à ce monde si rempli d’injustices. Elle est destinée à me stimuler pour rester solide et debout, dans la tourmente. Comme des vitamines pour passer l’hiver!

Donc, pas seulement «Tiens bon, et attends que ça passe». Mais aussi: «Lutte de toutes tes forces contre ces microbes de violence, d’écrasement et d’humiliations. C’est à toi de te battre contre ces virus porteurs de mort, et de haine. Et si tu luttes, tu verras alors que, bien avant toi, Dieu luttait déjà!»
 
3) Troisième repère sur notre chemin: je dirais: le respect des autres. Je suis étonné que ce passage ne se termine pas par quelque chose comme «Et tous se convertiront au Seigneur». Non, chacun.e va marcher, à son pas, selon ses valeurs humaines (qui sont toutes relatives et provisoires)!

Tous viennent vers Dieu pour se laisser arbitrer, et conduire vers la paix. Pas de conquête, personne ici-bas ne possède la Vérité absolue! Belle parole oecuménique pour cheminer vers Noël avec toute la Terre, ne pensez-vous pas?

D’ailleurs, ce superbe passage ne se trouve pas à la fin du livre de Michée. Pourtant, cela aurait été si beau, de terminer par cette vison de paix mondiale!

Or justement, ce n’est pas le dernier mot, comme la solution finale à tous nos problèmes. Non, quand je marche, je dois savoir que je rencontrerai encore des obstacles; que parfois, la violence et l’injustice reprendront le dessus, près de moi; et même en moi, bien sûr! Michée lui aussi aura encore des mots guerriers après ces paroles magnifiques d’espérance… et euh, nous aussi!
  

Avent de l’année 2021. Dieu vient. Ses promesses nous sont adressées, à nous aussi, face à notre monde mal fichu. Chaque fois que nous disons une parole qui reflète celles de Dieu; chaque fois que nous accomplissons un geste qui prolonge ceux du Christ, eh bien nous aidons les humains à mieux vivre la réconciliation offerte à Noël. Nous contribuons à éclairer un peu mieux la nuit. Nous réchauffons l’hiver, à notre mesure. Et donc, nous aidons les autres à le faire, eux aussi.

Bâtisseurs de l’amour de Dieu, nous agrandissons l’abri qu’il propose aux blessé.e.s de la vie.

Alors, bonne route! Ou: bon chemin! Amen


Jean-Jacques Corbaz  



lundi 8 novembre 2021

Nous serons jugés. Mais c'est une bonne nouvelle!

Prédication du 8 novembre 2021   Le «jugement» de Dieu

Lectures bibliques: Romains 3, 21-24; Jean 3, 16-17; Luc 7, 1-10


Nous serons tous jugés, dit le Nouveau Testament (NT). Dieu nous jugera.

Pour beaucoup de gens, cette proclamation est difficile à entendre. Puisque le Père céleste est amour, et pardon… comment peut-il nous juger? Cette image du tribunal n’est-elle pas périmée, est-ce qu’elle ne dépend pas surtout des représentations que les gens avaient il y a 2000 ans?

D’autres réagissent différemment. On en voit qui utilisent le jugement de Dieu comme une menace, pour effrayer et faire obéir. Ou alors, dans un système de pensée où il y a les bons d’un côté et les mauvais de l’autre (et où, comme par hasard, celui qui parle fait toujours partie des bons!).

Il a a encore une troisième difficulté. Elle vient du fait que nous n’aimons pas beaucoup être jugés (ou jaugés). Ainsi, lors d’un examen, bien des gens perdent une partie de leurs moyens. Le seul fait de savoir qu’on va nous interroger, nous examiner, nous noter: cela nous rend nerveux et nous angoisse. Alors, quand c’est Dieu, vous pensez!!
 


Pour l’apôtre Paul, si nous sommes jugés, c’est par Jésus Christ. Par quelqu’un donc qui est Dieu, mais qui est aussi pleinement homme! Quelqu’un qui est né dans le dénuement des plus petits; qui a annoncé la proximité du Père pour les faibles et les souffrants; qui s’est approché avec amour des malades; qui a rendu leur dignité à ceux qui étaient méprisés; pardonné aux pécheurs… tout cela au nom de son Dieu.

C’est lui aussi qui a été livré à la violence des hommes; abandonné par ses amis; lui qui s’est retrouvé seul; qui a eu peur de la mort; et qui a été crucifié parce que les gens pensaient que Dieu ne pouvait pas avoir son visage: il était trop proche; pas assez céleste.

Pourtant c’est lui enfin que Dieu a relevé du tombeau; trois jours après sa mort, il est entré dans une vie nouvelle, rayonnante, lumineuse. Pour dire à tous que c’est bel et bien ainsi que Dieu veut être compris: proche et bienveillant; amical et bienfaisant; voulant le rétablissement et la «remise debout» de chacun(e). Ici déjà.
  
Si c’est lui notre juge, alors n’est-ce pas un signe clair que nous n’avons pas à craindre d’être jugés? N’est-ce pas un appel à regarder au «jugement» avec la confiance des enfants qui sont sûrs que leur Père ne peut pas vivre autre chose que le pardon et la tendresse?

Puisqu’il nous jugera par Jésus Christ, Dieu ne fera pas autre chose que ce qu’il a toujours fait. Le jugement divin sera comme la mise en lumière de tout ce qui, en nous, est bon, juste et vrai. «Qu’est-ce qui, dans ta vie, balisait un chemin vers plus de proximité avec Dieu? donc avec les autres? et par conséquent aussi avec   toi-même?» «Ce que tu as fait, ce que tu as dit, que tu as pensé, tout cela a-t-il contribué à te faire grandir, à te remettre debout? à faire grandir ou guérir les autres?»

Vous savez, les écrits du NT sont forcément marqués par les images en vogue en ce temps-là. Pour l’apôtre Paul, une des représentations religieuses les plus fortes vient du judaïsme pharisien dans lequel il a été élevé, et qui l’a fortement influencé. Je veux parler du juridisme, c’est-à-dire des catégories du droit et de la justice.

Vous l’avez deviné, le grand thème du jugement vient de là. Ce thème est important non seulement chez Paul, mais aussi dans les évangiles, et, bien sûr dans l’Ancien Testament (AT).

Pourtant, ce n’est de loin pas la seule famille d’images pour décrire Dieu et sa relation avec nous. Il y a les images autour de la guérison; celles autour de la libération; celles des sacrifices, bien sûr; celles sur le grand registre de l’amour; celles sur parler et écouter…

Par conséquent, on ne peut pas restreindre nos rapports avec Dieu à l’image juridique de la loi et du jugement. Il faut une variété d’images différents pour dire le mieux possible un Dieu si grand et si complexe! De même qu’il faut une grande série de photos prises depuis divers endroits pour essayer de représenter une montagne!

On ne peut pas restreindre nos rapports avec Dieu à l’image juridique de la loi et du jugement. Notre religion, c’est-à-dire notre relation à Dieu, n’est pas uniquement réglée par une loi! Elle est vivante, elle bat dans notre coeur. Pour exprimer notre rapport au Divin, je me dis parfois que les catégories juridiques sont aussi peu essentielles que les dispositions légales à propos du mariage le sont pour évoquer l’amour dans un couple!
  
Il y a une autre famille d’images à propos de Dieu dont il faut parler: c’est celle du salut. Cette catégorie vient du domaine de la santé: être sauvé, c’est pouvoir vivre encore, en étant délivré, délié, de ce qui nous entravait. Dieu rétablit notre santé spirituelle. Comme un médecin. Et les nombreuses guérisons accomplies par Jésus montrent l’importance de ce thème.

Alors, pensons au rôle du médecin, pour nous: nous lui parlons de ce qui ne va pas, nous détaillons nos faiblesses. Et lui, il écoute; il pose des questions; puis il fait des analyses; il tente de comprendre ce qui cause la douleur; il trie parmi les symptômes pour poser un diagnostic et prévoir un traitement.

Au fond, ce travail ne ressemble-t-il pas à celui du juge? Perspicacité; enquête; écoute; attention; mise en perspective des évènements; trier parmi les interprétations et les arguments divers; puis choisir et prendre la meilleure décision en vue du mieux à atteindre.

On voit que ces deux catégories de pensées (l’image du médecin et celle du juge) s’éclairent l’une l’autre, et se complètent. Le thème du jugement est précisé, nuancé par celui du Dieu qui guérit. Nous comparaissons devant le Père céleste, il nous examine, il détecte ce qui en nous fait mal; mais son but n’est pas de nous passer au crible d’une loi qui condamne, comme le croyaient les juifs de l’AT (et, plus encore, les pharisiens du 1er siècle!). Non, le but de Dieu, c’est de nous rétablir spirituellement, de nous remettre sur pieds, donc de nous relever. En d’autres termes, de nous ressusciter!

Et tout ce que je viens de dire vous suggère peut-être ceci, qu’on a peu mis en évidence dans l’Eglise: c’est que le jugement (j’en parle au présent), le jugement n’est pas un acte isolé, à la fin de notre vie, destiné à nous faire entrer au Paradis - ou pas. Non, ce travail d’examen et de rétablissement, il commence ici-bas déjà! Dieu nous invite dès notre âge le plus tendre à entrer dans cette relation de mise en lumière et de guérison; cette relation qui sera achevée en plénitude lorsque nous rejoindrons, dans son Royaume, la Source de la Vie.
   

D’ici-là, nous pouvons donc marcher avec confiance en compagnie de ce Père majuscule: par le culte; par la méditation de l’évangile et la prière; par les relations communautaires; par l’amitié et l’entraide; par la générosité, de soi ou de ses biens; par le développement de notre confiance; par la culture de la paix… en un mot par notre religion, Christ nous invite à laisser nos existences devenir meilleures au soleil de la justice d’EnHaut.

Nous sommes tous jugés, dit le NT. La lettre aux Romains affirme que c’est une Bonne Nouvelle!

J’en suis convaincu.
Amen


Jean-Jacques Corbaz  



dimanche 7 novembre 2021

(Bi) contre le stress


Paolo Mariani

La potion

Qui trouvera un remède efficace contre le stress? Contre la fatigue, la déprime ou la tension qui nous pourrissent la vie?

Il n'y a pas de potion miracle, ça se saurait. Mais il existe un chemin de prévention et de guérison. On l'appelle prise de distance, ou méditation, ou prière. On la pratique sur toute la terre, dans toutes les religions. Voire chez les athées. Mais la foi nous y aide, c'est sûr.

Prenez quelques minutes chaque jour. Pas besoin de beaucoup plus, surtout au début. Sortez de vos préoccupations, fermez la porte aux soucis qui vous étouffent. Et là, cultivez des pensées agréables. Des souvenirs heureux. Mettez-vous en contact avec des présences sécurisantes, bienfaisantes. Peu importe que ce soit Dieu ou telle personne qui a eu sur vous un effet positif. Un saint ou quelqu'un qui ensoleille votre vie.

Essayez, vous verrez, c'est étonnant. Votre quotidien s'enrichira en sérénité. Et ce calme retrouvé vous donnera envie de prolonger ces oasis.

Quelques minutes chaque jour, disais-je. Certains ajoutent, en souriant: moi, c'est une heure par semaine!


JJ Corbaz


 

dimanche 17 octobre 2021

(Bi, Hu) La soupe au Noir


La scène s’est déroulée à Berne.
Dans un restaurant self-service, une honorable dame de 75 ans choisit un bol de soupe et va s’installer à une table.
- Zut, se dit-elle, j’ai oublié le morceau de pain.
Elle se lève, prend son pain, retourne à sa place… et trouve un homme de couleur attablé devant sa soupe. Et qui est même en train de la manger !
- Alors ça, se dit-elle, c’est la meilleure ! Mais c’est sans doute un pauvre homme. Je ne lui ferai pas de remarque, mais tout de même je ne vais pas me laisser complètement faire…
Elle s’empare d’une cuillère, s’assied en face de la personne et, sans dire un mot, puise également dans le bol de soupe.
Et l’homme et la femme mangent ensemble, à tour de rôle et en silence.
Puis il se lève… va chercher une confortable assiette de spaghettis à la bolognaise et la dispose entre eux, devant la gentille dame, avec deux fourchettes.
Et ils mangent tous les deux, toujours sans rien dire.
Puis l'homme se lève pour partir.
- Au revoir, fait la dame paisiblement,
- Au revoir, répond le monsieur avec une douce lueur dans les yeux.
Il donne l’impression d’un homme qui est heureux d’avoir fait une bonne action.
Il s’en va, et la dame le suit des yeux.
Du même coup, elle voit sur la table d’à côté un bol de soupe qui semble avoir été oublié
 
Jean-Jacques Corbaz
 

jeudi 16 septembre 2021

(Co, Pr) Narration du 13.9.21 - L’horloge de St-Paul

La tac-tic du vainqueur


Lectures: 2 Timothée 4, 1-8; Jean 3, 13-17 

 

Depuis tout petit, Daniel a la passion des horloges. Démonter, réparer; voire améliorer, inventer... Par chance, il a trouvé du travail dans ce secteur d’activité. Avec le temps il est devenu chef d’atelier dans une fabrique du Jura. Et si son métier le passionne, il y a pourtant un jour de la semaine où Daniel s’intéresse à tout autre chose: c’est le dimanche. Il aime aller au culte... chanter... retrouver des amis...

 

Un jour, à l’église, le pasteur prêche sur les lettres de Paul à Timothée. Il parle du temps, dont la conception change énormément d’une époque à l’autre. Au moment où ces épîtres ont été rédigées, précise M. le ministre, on s’interrogeait beaucoup sur le futur, autour de la question: “pourquoi le Christ ne revient-il pas sans tarder pour établir son Royaume, et supprimer le mal, et l’injustice?” Le Jugement dernier dont parle l’apôtre, c’est ce retour promis de Jésus, qui va rétablir le bien, la joie, la paix. Cela de manière absolue et éternelle. Mais pourquoi donc cela n’arrive-t-il pas? demandent les gens à l’époque. Vivons-nous un temps “mort”, ou un retard de Dieu?

 

Pour Paul, pas du tout! Au contraire, explique le pasteur: nous vivons “un temps de projet”. Une phase où les croyants sont appelés à annoncer l’Evangile sur toute la terre, avec insistance et persuasion. Comme un temps de germination qui précède la moisson. Mais cette mission n’est pas seulement confiée à quelques apôtres, choisis. Non, c’est la responsabilité de tous les chrétiens, derrière Paul, qui est lui-même parvenu au bout de sa course.


Chacun(e) est invité(e) à porter la tendresse du Christ, et en rayonner. Comme des relayeurs à qui le Fondateur aurait passé le témoin. Comme des coureurs portés par la perspective de la victoire: la perspective de la couronne de lauriers, à l’image de celle des athlètes sur le podium des Jeux Olympiques. Puisqu’ils ont reçu le témoin avec beaucoup d’avance, le succès les attend, c’est certain.

 

M. le ministre compare la course de l’apôtre à la marche d’une aiguille sur une horloge. Le cadran des premiers chrétiens n’est pas du tout le même que le nôtre, aujourd’hui, dit-il. Qu’est-ce qui nous fait avancer, en notre temps, 2000 ans après le Nouveau Testament? (...) Et là, soudain, ça fait “TILT” dans l’esprit de Daniel. Il imagine une belle pendule qui figurerait la vie chrétienne. On  pourrait en construire une, se dit-il...

 

Après le culte, selon une sympathique tradition, les paroissiens prennent un café. On discute. Daniel,   tout enthousiaste, propose au pasteur de réaliser une horloge qui illustre la prédication sur Timothée.

 

Euh... M. le ministre est d’abord hésitant, mais, après tout, pourquoi pas? Dimanche prochain, rendez-vous à l’après-culte, avec le modèle!

 

Lundi soir, en rentrant du travail, Daniel décide de s’y mettre. Il regarde la liste des textes bibliques que le pasteur lui a transmise. Aïe, il y en  a beaucoup... L’horloger se plonge dans sa Bible: pas facile! Les passages sont si différents les uns des autres. Comment les classer, dans quel ordre? Quand il s’endort, Daniel est riche de davantage de questions que de réponses... 


Mardi soir, les choses lui apparaissent plus clairement.  Il va mettre au centre le Christ. Ou plutôt non, mieux, il va y mettre l’apôtre Paul. Car les lettres à Timothée sont entièrement braquées sur sa personne. Par exemple, au début, Paul écrit: “Jésus est venu dans le monde sauver les pécheurs, dont je suis, moi, le premier. Cela afin qu’en moi, le premier, Christ démontre sa générosité comme exemple pour tous ceux qui vont croire en lui, en vue d’une vie éternelle” (1 Tim. 1, 15-16).

 

Bon, se dit Daniel, ça joue. Mais maintenant, il ne faut pas que l’apôtre reste toujours figé sur le même temps.   Il avance. Donc, Paul sera l’aiguille des heures. Je vais inscrire son nom dessus... Oh! Mais non! Paul devrait plutôt être l’aiguille des minutes. Parce qu’à force de tourner elle fait avancer celle des heures, qui serait    la nôtre. Ou mieux encore, Paul devrait être l’aiguille des secondes, qui entraîne les deux autres...

 

Mercredi soir surgit encore une question: où placer le Christ dans cette horloge? C’est lui qui devrait entraîner le mouvement... Oui! C’est clair: la place du Christ est dans le moteur: c’est de lui que vient la force qui nous anime... Alors, Daniel inscrit le nom de Jésus sur le ressort de sa pendule.

 

Jeudi soir, notre horloger a bien avancé. Sur le cadran, au-dessus du “12” de midi, il peint un podium digne des Jeux Olympiques! Ce podium symbolise l’endroit où seront remises les couronnes de la victoire.

 

Mais vendredi soir, Daniel n’est plus vraiment satisfait. Car il devrait y avoir dans sa pendule plusieurs aiguilles, mais qui avancent à peu près à la même vitesse: puisqu’il n’y a pas de chrétiens de catégories différentes, il n’y a ni juif ni grec, ni esclave, ni homme libre. Le pasteur l’a bien dit: derrière Paul, nous sommes tous appelés à porter la tendresse du Christ. Et pas certains davantage que d’autres.

 

En relisant les deux épîtres, ah, une idée. Oui! Je me réjouis de voir ce que les autres en penseront!

 

Samedi soir, Daniel contemple son ouvrage. Mais, est-ce que ça va fonctionner? Un petit essai: tic-tac, tic-tac-tic, c’est bon!

  


C’est ainsi que dimanche, lors de l’après-culte, on se presse autour de l’horloger de St-Paul. Lequel donne toutes les explications en mettant en route sa pendule. “Vous voyez, j’y ai disposé neuf aiguilles qui représentent les chrétiens. Ces aiguilles sont toutes reliées entre elles, en enfilade, par une minuscule chaînette. Comme les chaînes de la prison de l’apôtre, ajoute-t-il. L’aiguille de Paul se trouve sur le chiffre 9... vous voyez son nom, là. Et les autres, sur le 8, le 7, et ainsi de suite, représentent les croyants de tous les siècles. Celle de Paul est entraînée directement par le moteur, le Christ... Et nous, qui le suivons, nous sommes mis en marche par le mouvement de l’apôtre, qui nous précède. Cela grâce aux chaînettes qui nous relient à lui. Ainsi, indirectement, c’est le Christ qui nous fait avancer, derrière les chrétiens des temps passés...

 

Magnifique! s’écrie un catéchète. Et quel boulot! Il faudra que tu viennes montrer ton œuvre à mon groupe. M. le pasteur se dit très intéressé, lui aussi. Bien qu’un peu déçu de ce que son idée de la course de relais ait été abandonnée. Héhé, rigole un plaisantin, on n’allait quand même pas vivre une course de relais contre la montre!

 

Chacun y va de son commentaire, sur un ton plus léger. On parle joyeusement, et avec plaisir. “Mais à propos d’heure, c’est bientôt celle d’aller dîner, s’écrie Sylvain. C’est tellement passionnant qu’on en oublierait le temps qui passe.”

  

“Justement, dit M. le ministre, voilà encore une réponse à nos questions: ce qui nous fait avancer, ce n’est pas seulement ce qui est déjà passé; c’est aussi ce qui est à venir. La promesse d’un bon repas, ou le fait de savoir que quelqu’un que j’aime m’attend à la maison... C’est un peu comme la couronne de victoire qui stimule les premiers chrétiens, ce retour du Christ pour rétablir le bonheur et la paix.”

 

 “Le passé... L’avenir... conclut Daniel... Mais pour moi, c’est aussi le présent qui me fait avancer. La force de ce groupe d’amis que je retrouve le dimanche... Le plaisir que je ressens à fabriquer quelque chose qui est utile... Et la richesse de nos échanges, qui se complètent, quand chacun apporte dans la discussion un point de vue différent, reçu dans le respect. C’est ça, pour moi, être à l’heure de Paul et du Christ. Merci, les amis!"

Amen

 

 Jean-Jacques Corbaz

 

 

mercredi 1 septembre 2021

(Bi, Hu) Le plombier

Un plombier britannique compte traverser l'Atlantique à la rame...

La nouvelle a pu vous échapper, cachée qu'elle était dans un cahier secondaire du journal. C'est pourtant une nouvelle importante. Une nouvelle qui nous dit que l'homme s'ennuie. Rien de moins.

Le dimanche matin, il boit son café et lave sa voiture, mais que voulez-vous qu'il fasse d'autre le dimanche après-midi sinon traverser l'Atlantique à la rame ?

Dieu a créé l'homme pour le défi, pour le record, pour le parcours du combattant, pour le dépassement. Disons-le, Dieu a créé l'homme pour l'impossible.

Or, qu'est-il arrivé ? On l'a vu, l'homme, après avoir bien répondu à la volonté de Dieu au tout début, après s'être épuisé à frotter des pierres pour faire du feu, après avoir mené vaillamment quelques guerres de cent ans et gagné quelques trophées dans la boue, l'homme a inventé la serviette de plage, la crème à bronzer... et il a inventé aussi les athlètes professionnels pour gagner des trophées dans la boue à sa place.

Mais, le voilà maintenant qui s'ennuie, parce que ce n'est pas pour ça que Dieu l'a créé. Je vous l'ai dit, nous sommes faits pour le défi.

Attendez-vous donc à rencontrer de plus en plus de plombiers sur l'Atlantique... Et si par malchance vos lavabos sont bouchés, patience : sachez qu'un plombier moyennement en forme met environ quatre mois pour traverser l'Atlantique à la rame.

Pierre Foglia, La Presse (Montréal), 2.7.1988



lundi 23 août 2021

(Pr) La foi au Christ, ça ne casse pas des briques?! Voire...

 

    Prédication du 23 août 21, "Les 4 vandales" 

    Marc 2, 1-12; 2 Timothée 2, 8-10; Psaume 41, 2-4 

 

C’est l’histoire de quatre vandales. Qui cassent un toit. Mais c’est mon histoire, et c’est la vôtre aussi!

Ce jour-là, la maison de Simon est pleine de monde, à craquer. Car Jésus est là, et les foules accourent.

Or voici qu’arrivent quatre hommes qui portent un de leurs amis, paralysé, sur un brancard de fortune. Puisque l’attroupement les empêche d’accéder à Jésus, ces quatre gaillards ont une idée étonnante. Comme un coup de poker. Sans s’embarrasser des convenances, ils hissent leur compagnon sur la terrasse de la maison, qui fait office de toit, aussi. Là, ils ouvrent un trou, et y font descendre le paralysé jusqu’à Jésus.


J
aime cette histoire, en particulier parce qu’elle est riche de symboles. De symboles bien différents de ceux du récit de Jean, que nous avons lu il y a deux semaines.

Evidemment, je préfère que ce soit le toit de Simon qui ait été percé plutôt que le mien! :-) D’ailleurs, le climat et le style des habitations n’est pas le même.

Mais quelle est la première réaction de Jésus, à cet acte de vandalisme? Il admire la foi des quatre hommes, nous dit l’évangile. Non seulement il les félicite, mais encore il discerne, dans leur geste, un acte de foi. Un mouvement religieux!

Et on pourrait, en continuant la lecture de ce passage, méditer longuement sur le pardon des péchés, sur la nouveauté fabuleuse de l’enseignement du Christ à son sujet, et sur la conception étriquée qu’avaient en ce temps-là les scribes de la religion. Par rapport à eux, Jésus amène une conception bien plus libératrice: Dieu aime chacun(e), passionnément; Dieu pardonne chacun(e), sans condition. C’est un absolu, il n’y a pas d’exception! 


On pourrait méditer longuement sur le pardon des péchés. Je l’ai déjà fait. Vous aussi sans doute! Mais aujourd’hui, j’aimerais m’arrêter avec vous sur ce trou dans le toit, qui est pour Jésus un signe de foi.

Au fond, ce dont témoignent les quatre amis, c’est de leur volonté totale, sans concession, de mettre leur copain handicapé dans la proximité de Jésus. Ils ne se laissent arrêter par rien, ni par la foule, ni par les barrières architecturales.

Leur foi, c’est de crever le toit. Grâce à ce trou, un grabataire a été remis debout; un mort-vivant a été ressuscité.

Ainsi, il a fallu casser, percer, pour que la Vie majuscule puisse se frayer un passage; et pour provoquer une rencontre qui sauve. Vous le voyez, ce passage de l’évangile ne laisse pas indemne. Il a fallu que la foi des brancardiers les transforme en casseurs; qu’elle prenne le visage de l’obstination et du culot, voire qu’elle les amène à commettre un acte de l’ordre du délit!

Et c’est ce trou dans le toit qui va conduire Jésus à, lui aussi, crever une paroi! Il percera un mur plus épais que la terrasse de Simon quand il pénètrera à l’intérieur de cet homme, qui était muré dans son infirmité, emprisonné dans les impasses de la religion juive de son temps. 


  

Jésus ouvre une brèche essentielle quand il prononce ces mots, inouïs (inouïs au sens propre: jamais entendus, puisque seul Dieu, pensait-on, seul Dieu avait le pouvoir de déclarer cela): “Mon fils, tes péchés te sont pardonnés”. Autrement dit: tu es délivré de ce qui t’enchaînait, de ce qui t’empêchait de vivre!

J’aime cet Evangile qui ouvre des brèches, qui force des portes, qui crée des passerelles pour que nous puissions rejoindre Dieu, et ainsi nous rejoindre nous-mêmes. Et nous rejoindre les uns les autres!

Des trous dans nos vies opaques, étanches, bétonnées. Des fissures dans les systèmes humains que trop souvent nous érigeons pour nous protéger de l’autre; de l’aventure; de l’inconnu... nous protéger de Dieu même, peut-être? Oui, je crois que ça arrive. Les pharisiens en sont un exemple.

Et voilà donc que retentit pour nous, ce matin, un appel vieux de 20 siècles; mais toujours ô combien actuel. Et jamais, certes, jamais réalisé pleinement. L’appel pour nous, auditeurs de cette Parole, d’ouvrir nos esprits craintifs, nos préjugés, de créer des brèches dans les systèmes d’exclusion de nos sociétés.

Quels sont aujourd’hui les toits à percer, dans nos Eglises? Dans nos villes et nos villages? Ici, à Plein Soleil? Voire en nous-mêmes? Quel béton empêche les paralysés de 2021 d’accéder à la parole du Christ qui libère?

Et aussi, qui sont les brancardiers de notre temps? Ceux qui ont assez de foi pour abattre les toits dont nous avons cru qu’ils nous protégeraient des idées surprenantes de Dieu, ou des imprévus? Ceux qui ont assez de culot pour croire au salut des handicapés de la vie?

En tout temps, Dieu suscite de tels porteurs... d’espérance! Mais il nous dit aussi que c’est l’affaire de chacun(e), que c’est notre appel, notre vocation à tous, de frayer un chemin pour la présence lumineuse d’En Haut! 


Avez-vous remarqué? Au paralysé, Jésus ne demande pas de croire. C’est la foi des porteurs qui lui permet de guérir. Grâce à ces quatre hommes, l’Evangile est présent, pertinent, agissant. Pour le grabataire, il n’y a pas de recrutement, pas de prosélytisme. C’est à travers la foi de quelques-uns que d’autres sont amenés à la Source de la liberté.

Eh bien sachez-le, c’est toujours cela qui est important, dans nos Eglises, dans nos villages, dans nos lieux de vie, comme ici à Plein Soleil. C’est cela qui compte. Que la foi agissante et le culot d’un petit nombre permettent à d’autres d’être mis au contact du Dieu qui redonne une nouvelle jeunesse.

Ce qui compte, chez nous, ce n’est pas tant le succès auprès de tous. Cessons de regretter qu’il n’y ait pas davantage de chrétiens engagés, ici. Mais prions pour que la poignée de convaincus ose, comme ces quatre casseurs de l’évangile, devenir porteurs qui conduisent à la parole du Christ. Créateurs de brèches, où s’engouffre la Vie céleste.

N’est-ce pas justement cela, une Eglise? Des gens reliés ensemble qui se portent les uns les autres, et qui se permettent mutuellement d’accéder au Dieu libérateur?
Amen 

 

Jean-Jacques Corbaz 

 

 

dimanche 15 août 2021

(Hu) Papillon

Le vicomte Zygène de la Filipendule était toujours à l'heure pour courir les jupons: il papillonnait légèrement, passant de Rose à Véronique, de Violette à Marguerite... À tel point que ses amis disaient en souriant: "Il est sinoc, Zygène"... "Il ne manque pas d'air"!

 

Zygaena filipendulae

JJC







mardi 13 juillet 2021

(Po) Pupilles (Levez les yeux)
















 

Pupilles



Gens!
Humanité blessée, meurtrie, superbe,
Peuples saignés, brisés, et pourtant toujours debout,

Gens de Gaïa,
Un par un, ou mille et mille,

Je vous regarde au fond des yeux
J’y vois vos vies, vos mains ouvertes,
Votre espoir étonnement vert,
Votre musique

Terriens de la Planète Bleue,
Croyants, non-croyants, chercheurs ou agnostiques,
Qui pressentez être soeurs ou frères,
Et que c’est là votre salut,

Levez les yeux:
Le ciel commence à vos prunelles,
Plongez-y,
N’écoutez que votre coeur,
Et pas vos peurs

Votre soif de l’Autre
Est une porte,
Votre souffle guérit,
Vos pleurs fécondent

Votre regard est l’avenir du monde.

 

Jean-Jacques Corbaz, sept. 2013

 

 

dimanche 11 juillet 2021

(Pr) «Possédés… délivrés!»: mieux que la Reine des Neiges!

Jésus, maître des esprits impurs

Je vous invite à lire le récit du premier miracle de Jésus dans l’évangile de Marc (alors que dans celui de Jean, il s’agit des noces de Cana). Notre passage est difficile, et nous allons essayer de le comprendre. Il est important, car il constitue comme un titre pour l’ensemble de l’évangile de Marc (en termes savants, on appelle cela un récit «programmatique», procédé courant à l’époque biblique).

Lectures: Marc 1, 21-28; Deutéronome 15, 12-15 + 18; Galates 5, 1


Est-ce que vous croyez aux démons, aux mauvais esprits?

- Bien sûr, répondront certains, puisque la Bible en parle.

- Mais non, diront d’autres, c’est une conception dépassée: les gens d’alors croyaient que c’étaient des démons; en fait, c’étaient des maladies mentales!

C’est ainsi qu’un passage biblique comme celui que nous venons d’entendre nous emmène sur des fausses pistes. Parler des démons empêchera les uns de croire en Dieu, parce qu’ils pensent que l’évangile se base sur des notions périmées. Tandis que les autres se sentiront appelés à chercher les esprits mauvais d’aujourd’hui avec ardeur, persuadés qu’il faut imiter Jésus et nous aussi pratiquer des exorcismes…

Dans les deux cas, on passe à côté de ce que l’évangile veut nous dire avec ce récit. Marc n’invite pas ses lecteurs à «croire aux démons», cela pour une raison bien simple: à l’époque, tout le monde y croit! On pensait que la terre était plate, posée sur des piliers, et que sous la terre grouillaient toutes sortes d’esprits mauvais, qui cherchaient à posséder les humains.
 

Que cette croyance soit juste ou fausse, cela n’intéresse pas l’évangile. Ce qu’il veut nous faire comprendre, c’est avant tout que Jésus est plus fort que ces démons, toutes ces forces souterraines qui gâchent la vie de tant de personnes, hier comme aujourd’hui. Qu’on appelle cela épilepsie ou esprit impur (et sans doute demain l’appellera-t-on autrement), qu’on appelle cela épilepsie ou esprit impur importe peu; ce qui intéresse l’évangile, c’est que Jésus est sans discussion vainqueur de ces forces souterraines, mauvaises.

Marc ne décrit pas le démon; c’est donc que l’important n’est pas là. Mais il y a, par contre, trois détails sur lesquels l’évangile insiste étonnamment. Le premier, c’est le fait que ce miracle a lieu dans une synagogue, le lieu de prière des juifs.

Marc racontera ensuite bien d’autres guérisons dans des maisons ou sur les places publiques. Mais le premier démon que Jésus va chasser, il le rencontre dans un lieu considéré par les juifs comme pur, justement là, dit même la Bible.

Et ce n’est pas pour rien que cet esprit est qualifié avec insistance d’impur dans la version originale, en grec. Voyez, nous dit Marc avec un clin d’oeil, voyez les prêtres d’Israël, tellement à cheval sur la pureté, sur le respect tatillon de la loi pour ne pas se souiller, ces soi-disant spécialistes n’arrivent même pas à préserver leur lieu le plus pur, la synagogue! Et ce qu’ils échouent à réaliser, Jésus l’accomplit sans effort!
  
Deuxième détail bien souligné: Jésus par son miracle enseigne. Cette guérison n’est pas présentée comme une preuve que Jésus est fils de Dieu, ni comme un geste d’amour ou de pitié. Elle est un enseignement (le mot revient trois fois en deux phrases!). Christ parle, et l’esprit impur obéit. Pas de mise en scène, ni de gestes mystérieux ou spectaculaires: la Parole seule, nue, suffit.

Et les convulsions du malade seront le signe, comme dans tous les récits d’exorcisme, que le démon quitte la personne possédée. Avant cela, l’esprit impur tente de discuter, mais le Christ le force au silence et impose sa volonté. Jésus enseigne, et il le fait avec autorité, au contraire des chefs juifs, souligne l’évangile.

Les maîtres de la loi ont à l’époque un pouvoir énorme sur le peuple, ils régissent tous les aspects de la vie: le religieux; l’économique; le social; et même le sexuel! Mais ils sont incapables de libérer les humains des forces mauvaises qui les asservissent.

Jésus, au contraire, passe aux actes: il délivre ce possédé dans la synagogue. Mais voyez, c’est le début d’un autre drame: en donnant la liberté aux autres, le fils de Dieu se met à dos le pouvoir en Israël, il le ridiculise. Jésus prépare la haine qui éclatera à Vendredi saint! Il signe       son arrêt de mort. En donnant la liberté aux autres, le Christ du même coup va perdre la sienne! Et voilà pourquoi encore il est à l’opposé des maîtres de la loi, qui eux font tout pour accroître leur pouvoir.

Jésus enseigne, et il le fait en se donnant. Ce n’est donc pas une parole sur Dieu, mais une parole de Dieu. Il prêche par l’exemple!
  
Troisième détail. L’esprit impur demande: que me veux-tu? Littéralement: «de quoi te mêles-tu?». Il y a chez Marc une certitude à la base: les forces mauvaises et le Christ ne peuvent que s’opposer. Le combat de Jésus avec les maîtres de la loi, c’est la même opposition: Dieu en lutte contre les puissances qui nous asservissent. Et qui en est vainqueur.

Le sujet de ce passage, ce n’est donc ni l’existence des démons (il n’en dit rien) ni le contenu des paroles de Jésus  à ses disciples (on ne les cite jamais); mais la libération.

Ce récit d’exorcisme est avant tout un moyen par lequel l’évangile de Marc veut nous toucher, profondément, pour nous dire quelque chose d’essentiel: que Dieu est une force de liberté, qu’il veut nous désaliéner, c’est le but de la mission du Christ sur terre.

Ce récit ne parle pas tellement à notre intelligence (et c’est sans doute pourquoi il est si difficile à comprendre!), ce récit ne parle pas tellement à notre intelligence, il la heurte plutôt: il s’adresse au coeur, à l’irrationnel, aux émotions qui vibrent en nous, un peu comme l’épisode de la tempête apaisée. Il ne cherche pas à décrire, à prouver; il veut ouvrir nos coeurs, nos rêves à une dimension nouvelle! À sa force de liberté!

Ainsi, nous rejoignons nos préoccupations d’aujourd’hui. En 2021, il n’y a plus guère de personnes qu’on qualifie de possédées du démon, mais il y a toujours autant d’aliénés. Pas seulement au sens de «fou»; mais plus généralement de gens asservis, appauvris, sortis d’eux-mêmes par des forces destructrices. Nous le sommes tous un peu, possédés au sens propre: esclaves d’une drogue, légale ou non; prisonniers de nos TV, de nos bagnoles, de nos ordinateurs; de nos jeux… Ou encore esclaves de l’image que nous voudrions montrer de nous-mêmes; ou de notre recherche de pouvoir, comme les maîtres de la loi; prisonniers de nos colères, de nos rancunes, de notre passé ou de celui des autres; de nos habitudes; orgueil, vengeance, manies, esprit mouton, tout ce qui nous sort de nous-mêmes.
 
Avez-vous remarqué? L’esprit impur parle tantôt en «je», tantôt en «nous». Combien de nos contemporains sont aussi possédés parce qu’ils n’osent pas être eux-mêmes, et ne savent pas dire «je»?

Le Christ veut nous redonner la liberté, ou davantage de liberté. Et nous faire retrouver notre propre identité. La TV, la bagnole, l’ordinateur ne sont pas bien sûr des démons,  ils ne sont pas mauvais par définition (même la colère!). Ils ne le deviennent que si nous nous laissons posséder par eux; s’ils nous font perdre notre liberté, notre identité.

Combien se laissent posséder par l’argent, alors que ce serait plutôt à nous de le posséder!
  


Lorsque j’étais étudiant au Cameroun, nous aimions chanter une chanson qui disait «Tout est fait pour la gloire de Dieu… Tout dépend de ce que tu en fais!» Les jeux, le foot; le chant, la communauté; la vie; et toi; et moi; même le pouvoir: «Tout est fait pour la gloire de Dieu… Tout dépend de ce que tu en fais!»

Mais comment reconnaître quand on est victime d’une telle aliénation? Peut-être justement quand elle nous fait dire, comme le possédé de l’évangile: «De quoi te mêles-tu, fils de Dieu?»

Tous, peu ou beaucoup, nous sommes possédés par des forces inhumaines. Est-ce que nous savons présenter nos difficultés à Jésus en lui demandant son aide, ou bien le maintenons-nous à une prudente distance? Si nos contemporains se rendaient compte qu’il est bon de venir au culte non par devoir, mais pour laisser Jésus nous restituer notre identité profonde, et nous rendre à notre vocation de liberté!

Ce lieu de culte, ce matin, n’est pas une synagogue. Et Jésus ne nous appelle pas à devenir exorcistes. Ce lieu de culte,   et notre foi chrétienne veulent permettre aux hommes, aux femmes et aux enfants d’aujourd’hui d’entrer plus profondément en relation avec la parole et l’enseignement du Seigneur, qui seuls peuvent «libérer, délivrer», comme le chante la Reine des Neiges!

«Dieu fait de nous, en Jésus Christ, des hommes libres.
Il vient en nous, par son Esprit: qu’il nous délivre!» 

Amen
 


Jean-Jacques Corbaz