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dimanche 22 septembre 2024

(Pr) Prédication du 22 septembre 2024 Le Kadénec, ou Dieu nous cherche

Lectures bibliques: Esaïe 65, 1-2; Matthieu 13, 44-46  

Il était une fois, en Bretagne, près de la mer, un petit garçon nommé Gaël. Son père était pêcheur, comme presque tout le monde là-bas à cette époque. Gaël rêvait, lui aussi, de s’embarquer tous les matins, très tôt, quand le jour n’est pas encore levé, pour aller pratiquer le métier de ses ancêtres. Mais un incident allait orienter sa vie tout différemment.

À l’âge de dix ans, Gaël est considéré comme un grand. Dès ce moment, il peut accompagner son père sur le bateau. Tout fier, tout excité, il embarque, et il est très heureux d’aider à la  manœuvre
et à préparer les filets.

Ce premier jour de sa nouvelle vie, quand la nuit se dissipe, est un instant magique. Gaël ne se lasse pas de contempler la mer, les poissons, les oiseaux, tout cet univers fascinant qui désormais est le sien, aussi.

Mais soudain, il appelle: «Papa, qu’est-ce que c’est, cette grosse bête qui a l’air de venir vers nous?»

Son père regarde dans la direction que lui indique Gaël, mais il ne voit rien. «Mon fils, tu as rêvé. C’était peut-être l’ombre d’un nuage sur les vagues.» Mais le garçon insiste: «Mais non, je le vois bien, il est à une centaine de mètres, et il s’approche.»

Le père alors comprend: «Malheur, mon enfant, c’est un Kadénec. C’est un monstre dont parlent nos vieilles légendes. On dit qu’il choisit sa proie, un jeune pêcheur, et ne la lâche plus. Seule sa victime peut le voir, il reste invisible pour tous les autres. Il poursuit celui qu’il a choisi jusqu’à ce qu’il l’attrape, et l’entraîne avec lui au fond de la mer, où il le noie.»

Tout effrayé, Gaël, supplie: «Mais qu’est-ce que je peux faire pour lui échapper?» «Eh bien, dit le père, il n’y a qu’une seule solution: rester sur la terre ferme. Là, il ne pourra jamais t’atteindre.»

Gaël se met à pleurer. Il se réjouissait tant de pouvoir aller pêcher, lui aussi! Il va devoir apprendre un autre métier, faire sa vie de manière toute différente.

Les années passent. Gaël est devenu marchand. Il achète les poissons aux pêcheurs et les revend dans sa boutique ou au marché. Mais toujours il a la nostalgie de la mer, son existence lui paraît bien fade, de ne vivre sa passion qu’au travers des récits de ses fournisseurs et de ses proches. Dès qu’il le peut, il va sur le rivage contempler les vagues, puissantes, écouter les oiseaux qui crient, sentir le parfum merveilleux de l’eau, des algues, des poissons… Et toujours, quand il regarde vers le large, il voit le Kadénec qui va et vient à quelques centaines de mètres de lui, et qui a l’air de l’attendre.

Devenu vieux, Gaël est de plus en plus intrigué par ce monstre, incroyable d’obstination, qui ne semble s’intéresser qu’à lui seul. Il est à la retraite maintenant, un de ses fils a repris son commerce, et les autres sont devenus pêcheurs, bien sûr, sur les traces de leurs ancêtres.

Lorsqu’il sent que les années se sont accumulées sur ses épaules et que sa vie touche à sa fin, Gaël prend sa décision: il ira sur la mer, y finir ses jours. Il affrontera le Kadénec, il essaiera de le tuer pour qu’il ne poursuive pas d’autres jeunes marins.

Alors il achète un bateau muni d’un gros harpon, celui qu’on utilise pour la chasse à la baleine. Il dit adieu aux siens, et s’embarque.

Au large, il voit le Kadénec qui fonce vers lui. Gaël l’attend, et quand le monstre est assez proche, il lui tire dessus.

Touché à mort, l’animal mobilise ses dernières forces pour venir à quelques mètres de l’homme. Et dans son dernier souffle, il lui murmure: «Malheureux! Tu m’as tué. J’ai cherché à te rejoindre toute ta vie pour t’apporter un trésor. Je voulais te rendre riche et heureux. Mais maintenant, c’est trop tard. Nous allons mourir tous les deux, et ce trésor restera inutile. Adieu, Gaël.» Et le Kadénec disparaît. À tout jamais.

 
Dino Buzzati dans les années 1950

Ce conte est une adaptation libre d’une nouvelle du romancier italien Dino Buzzati, un texte qui m’accompagne depuis quelque 50 ans.

À sa lecture, je me suis dit que, pour beaucoup de nos contemporains, Dieu est un peu comme le monstre de notre histoire. Il voudrait à tout prix nous rejoindre, il est là, près de nous, il nous attend, inlassable. Mais nous le fuyons parce que nous en avons peur. On nous a raconté tant d’histoires terribles à son sujet!

Pourtant, en réalité, Dieu ne veut que notre bonheur. Il ne souhaite que nous offrir le trésor d’une vie riche et heureuse. Mais ça nous effraie trop.

Savez-vous: même ce qu’il nous demande, comme de partager avec les autres ou de pardonner à qui nous fait du tort, même cela, si nous le mettons en pratique, même cela nous offrira une vie plus heureuse, plus légère, libérée des ornières où nous sommes trop souvent enfoncés par notre égoïsme, ou par notre colère, ou par nos rancunes. Fréquemment, ça nous fait peur de nous engager sur ce chemin-là; où ça nous paraît impossible; ou trop pénible.

Alors, nous nous éloignons. Et lui, sans nous forcer, sans nous contraindre, lui il ne peut que nous attendre. Patiemment, il reste là, disponible, en espérant tellement que nous nous approchions! «J’ai constamment tendu les mains à des gens qui n’en voulaient rien», affirme-t-il dans le livre d’Esaïe.

«J’ai dit: ‘Je suis là, j’arrive’», note-t-il encore. Et l’expression que l’hébreu utilise ici («hinnéni») est celle qu’un soldat crie quand il est appelé: il répond «Présent!»

Imaginez une recrue dans la cour de la caserne. Au moment de l’appel, personne n’a mentionné son nom. Les autres sont déjà partis à leurs tâches, mais notre soldat est toujours là, au garde-à-vous, et il crie «Présent!», «Présent!» au milieu de l’indifférence générale. Il serait ridicule, vous pensez bien!

Voilà comment Dieu se comporte: il est ridicule de nous répondre «Présent!», «Je suis là», quand nous ne l’avons pas appelé. Mais il affronte ce ridicule, tant il a envie de nous rejoindre.

Malheureusement, comme le héros de la nouvelle, trop souvent, ce n’est qu’à l’heure de notre mort que nous osons aller vraiment au-devant de lui. Mais il est bien tard!

Pourtant, contrairement à Gaël, il n’est jamais complètement trop tard, j’en suis convaincu. Même si nous sommes sur notre lit de mort, Dieu peut toujours nous donner des richesses qui nous permettront de nous sentir plus heureux et libres.

Mais ça, vous le savez! Je sais en effet que je prêche à des convaincus!


 

Pour conclure en souriant, je vous propose un excellent sketch de Raymond Devos: «L’homme existe». Comme un écho à mes réflexions et à celles de Dino Buzzati.

Passant devant une libraire, j’ai lu dans la vitrine ce titre : «Dieu existe, je l'ai rencontré !»


Ça alors ! Ça m'a stupéfait !


Pas que Dieu existe, la question ne se pose pas !


Mais que quelqu'un l'ait rencontré avant moi, voilà qui me surprend ! 

Parce que, savez-vous, j'ai eu le privilège de rencontrer Dieu, juste à un moment où je doutais de lui !
C’était dans un petit village de Lozère abandonné des hommes,
il n'y avait plus personne.


En passant devant la vieille église, poussé par je ne sais quel instinct, je suis entré... 

Et, là, j'ai été ébloui... par une lumière intense... insoutenable !


C'était Dieu... Dieu en personne… Dieu qui priait !


Je me suis dit : «Mais qui prie-t-il ? Il ne se prie pas lui-même ? Pas lui ? Pas Dieu !»


Mais non ! Il priait l'homme ! Il me priait, moi !


Il doutait de moi comme j'avais douté de lui !
Il disait : - Ô homme ! si tu existes, donne-moi un signe de toi !


Alors j'ai dit : - Mon Dieu, je suis là !


«Oh!» Il a dit : «Miracle ! Une humaine apparition !»


Je lui ai dit : «Mais mon Dieu... comment peux-tu douter de l'existence de l'homme, puisque c'est toi qui l'as créé ?»

Il m'a dit : «Oui... mais il y a si longtemps que je n'en ai pas vu un ici, dans mon église… que je me demandais si ce n'était pas une vue de l'esprit !»

Je lui ai dit : «Te voilà rassuré, mon Dieu !»


Il m'a dit : «Oui ! Je vais pouvoir leur dire à tous, là-haut : ‘L'homme existe, je l'ai rencontré !’»

Raymond Devos en 1980

  

Amen
 

Jean-Jacques Corbaz (d’après une nouvelle de Dino Buzzati, «Le K»)

  

dimanche 15 septembre 2024

(Pr, Ré, Hu) À l'heure de Dieu: Jeûne de faire?

Prédication du Jeûne Fédéral, 9 et 15 septembre ‘24: "Vivre amicalement avec qui?"

 

Introduction aux lectures:

Le Jeûne Fédéral est une fête qui nous invite le plus souvent à deux sortes de choses: d’une part la reconnaissance envers Dieu pour ce qu’il nous donne; et d’autre part la solidarité avec les autres, qui en est la conséquence. Aujourd’hui, je vous propose (mais vous n’avez pas trop le choix!), je vous propose d’explorer une troisième dimension: l’invitation à prendre soin d’une créature que parfois nous avons tendance à négliger. Je veux parler de nous- même!


Lectures: Matthieu 6, 5-6, 24-27; Matthieu 18, 12-14; Luc 12, 32-34


L’autre jour, je rencontre un ami dont le patron soigne une tumeur cancéreuse plutôt inquiétante. “Comment il va?” je demande.

“Eh bien, nettement mieux, répond mon ami. Le traitement est efficace, ça lui fait du bien. Il a retrouvé ses forces, quel plaisir! On peut presque dire qu’il est redevenu comme avant.”

Et puis mon ami se reprend et ajoute: “En fait non, il n’est plus comme avant. Maintenant, il prend le temps de vivre. Il joue avec ses petits-enfants, il leur fait découvrir les beautés de la nature. Il pense moins au travail, on dirait que sa maladie lui a fait retrouver un nouveau goût de vivre, et des autres valeurs. Il passe plus de te
mps avec c
elles et ceux qu’il aime, et moins dans son entreprise.”
 


Ces mots m’ont fait réfléchir. Comme pour ce patron avant son cancer, souvent notre société, notre style de vie nous poussent à travailler, à produire, à faire plutôt qu’à être. À avoir plutôt qu’à aimer. Et il est bien dommage que ce soient souvent des maladies ou des accidents qui nous fassent revoir nos priorités.

Sur une montre qu’on m’a offerte il y a quelques années est gravé ce texte: «Prends le temps de vivre amicalement avec toi-même». Il s’agit du début de la règle de la communauté protestante de Reuilly, en France. Et c’est surtout une belle injonction pour nous, gens stressés du 21è siècle, à l’occasion de ce Jeûne Fédéral.

«Prends le temps de vivre amicalement avec toi-même». C’est également une conséquence logique des promesses de l’évangile, en particulier telles que les ont développées et mises en valeur les Réformateurs comme Luther et Calvin: Dieu nous aime gratuitement, comme nous sommes, sans nous demander de faire ceci ou cela pour mériter sa tendresse. Il nous sauve par grâce, par libre choix. Ce ne sont pas nos actes, nos oeuvres, qui nous permettent d’entrer au Paradis, non: c’est le pardon divin, attesté sur la croix. Depuis que Jésus est mort pour nous, notre Jugement Dernier a déjà eu lieu. Nous sommes sauvés depuis 2000 ans!
  

Vous voyez sans doute la logique: si Christ nous accorde le Bon Dieu sans condition (je veux dire: le Paradis gratis pro Deo!), alors nos vies peuvent être mieux libérées du souci de faire, de produire; de rentabiliser et d’amasser.

Elles peuvent, mais ce n’est pas automatique, hélas! Et nous le savons bien:  ce n’est surtout pas facile du tout. Parce que ce siècle, qui s’est tant éloigné des valeurs chrétiennes, nous contamine dangereusement. Matérialisme; rendement; paraître; avoir... Dominer les autres… Qu’est-ce qu’il est difficile de résister à ces virus qui se propagent partout, insidieusement! Et pour cela, aucun masque n’a la moindre efficacité!

Il faut énormément de caractère, de volonté, pour ne pas nous laisser entraîner à courir avec la foule derrière le «faire»- (le «faire» qui repasse sans cesse! - veuillez m’excuser, je n’ai pas pu résister à ce jeu de mot)!

Pour garder nos priorités, pour mieux tenir bon, il est utile de relire souvent l’Évangile. De s’arrêter. De respirer. De prier! De jeûner aussi, mais pas forcément au sens de se priver de nourriture, plutôt de faire une pause dans notre manière de vivre... et dans notre manière de courir! Important aussi de méditer souvent le verset «Ne vous inquiétez pas du lendemain».

Quand Jésus dit «Pour prier, ferme ta porte», je le comprends ainsi comme un appel à s’éloigner du monde, de ses pressions et de ses fausses priorités. Quand tu veux te rapprocher de Dieu, écarte-toi du tumulte, des désirs d’avoir, et rends-toi disponible à Celui qui n’est que gratuité, douceur et paix.


C’est ainsi que ce Jeûne Fédéral nous invite à cultiver assidûment notre relation avec l’Évangile. L’Évangile qui est une force de résistance à cette mode insidieuse qui voudrait nous faire croire que le bonheur s’achète; que plus on possède et plus on est épanoui; et que plus on fait, et meilleur on est.

Compétition sociale... Repli sur une identité, par peur des autres... Violence... Fuite… Crainte d’échouer… Angoisse en pensant à l’avenir… Tous ces maux de notre époque, si nous voulons les éviter, nécessitent un antidote fait de relation sereine avec le Ciel; de contemplation; de prise de distance d’avec ce qui nous agresse. Puissions-nous y travailler en nous-même. Du coup notre Terre deviendra plus vivable!

Puissions-nous aussi créer ou favoriser davantage de lieux et d’occasions où nos contemporains puissent vivre ce travail intérieur de rapprochement avec le Christ, notre Prince de la Paix. Et vous savez que «prince» veut dire d’abord «premier». Celui qui précède les autres! Jésus est donc au premier rang des personnes à avoir trouvé la paix en elles-mêmes, et il veut nous entraîner sur ce chemin.

 


Et si nous n’avons pas le temps d’ouvrir notre Bible ou de nous joindre à un groupe de méditation ou de prière, si nous sommes trop pressés, je nous encourage à au moins graver quelque part bien en vue (sur notre montre, sur notre agenda, nos calendriers... sur notre coeur) je nous encourage à graver en lettres d’or ces mots tout simples:
“Prends le temps de vivre amicalement avec toi-même”.
Amen                                          

Jean-Jacques Corbaz 

 

(Pendant l'interlude, on se passe la montre:)

 

 

 
(après l’interlude, ce texte que j’aime, et qui aborde notre thème sous un angle à peine différent:)


Un plombier britannique compte traverser l'Atlantique à la rame...


La nouvelle a pu vous échapper, cachée qu'elle était dans un cahier secondaire du journal. C'est pourtant une nouvelle importante. Une nouvelle qui nous dit que l'homme s'ennuie. Rien de moins.

Le dimanche matin, il boit son café et lave sa voiture, mais que voulez-vous qu'il fasse d'autre le dimanche après-midi sinon traverser l'Atlantique à la rame ?

Dieu a créé l'homme pour le défi, pour le record, pour le parcours du combattant, pour le dépassement. Disons-le, Dieu a créé l'homme pour l'impossible.

Or, qu'est-il arrivé ? On l'a vu, l'homme, après avoir bien répondu à la volonté de Dieu au tout début, après s'être épuisé à frotter des pierres pour faire du feu, après avoir mené vaillamment quelques guerres de cent ans et gagné quelques trophées dans la boue, l'homme a inventé la serviette de plage, la crème à bronzer... et il a inventé aussi les athlètes professionnels pour gagner des trophées dans la boue à sa place.

Mais, le voilà maintenant qui s'ennuie, parce que ce n'est pas pour ça que Dieu l'a créé. Je vous l'ai dit, nous sommes faits pour le défi.

Attendez-vous donc à rencontrer de plus en plus de plombiers sur l'Atlantique... Et si par malchance vos lavabos sont bouchés, patience : sachez qu'un plombier moyennement en forme met environ quatre mois pour traverser l'Atlantique à la rame.

Pierre Foglia, La Presse (Montréal), 2.7.1988  


 



vendredi 23 août 2024

(Hu, Co) Anecdotes vécues par JJC pasteur

J’ai plaisir à vous conter de brèves anecdotes vécues, qui m’ont fait sourire… ou sursauter! J’ai modifié quelques noms par souci de discrétion.



Le pasteur de Palézieux
Chaque mois, nous pratiquions un «échange de chaire» avec la paroisse voisine, ce qui nous permettait de ne pas avoir à préparer une prédication cette semaine-là. C’est ainsi que, de «Palouze», j’étais devenu un familier des voisins d’Oron-Châtillens, tout proches, en particulier des organistes, concierges d’église et lecteur-trices.

Or il arriva qu’un certain dimanche, mon collègue Jean de Benoit étant indisponible, un remplaçant fut mandaté par l’Eglise cantonale, un pasteur retraité. Arrivé à la sacristie de Châtillens, il y est reçu par la toute brave concierge, Simone. Et il se présente: «Bonjour, je suis le pasteur de Palézieux!»
Stupeur de l’accueillante, qui réplique: «Mais non, je le connais bien, le pasteur de Palézieux, il est nettement plus jeune que vous…»
Le remplaçant s’appelait Etienne de Palézieux!

Raciste, moi?
La scène se déroule pile au même endroit: la sacristie de Châtillens. Cette fois, c’est moi qui viens célébrer le culte. M’accueillent Simone, donc, ainsi que le lecteur, Jeannot, un jeune paysan des Tavernes à peine plus âgé que moi.
Le tutoiement était encore rare en ce temps-là. Je serre donc la main de Jeannot: «Bonjour Monsieur!». Et lui de répliquer: «Vous êtes raciste?»
J’en ravale ma chique, moi qui commence à être bien connu pour des positions plutôt progressistes et qui ai vécu une année au Cameroun pour mes études. Vraiment inattendu.
Je balbutie: «Mais pourquoi dites-vous ça?». Et lui de sourire: «Parce que vous tutoyez les jeunes de Palézieux, et pas ceux des Tavernes!»
«OK, alors volontiers! Salut Jeannot!»

Le «do»
Cette chorale répétait un morceau difficile. Les messieurs en particulier avaient de la peine à respecter le bon tempo.
Finalement, le directeur trouve la parade: «J’invite les soprani à rester plus longtemps sur le ‘do’, pour que les ténors puissent entrer plus facilement»!

Le candidat
J’avais sollicité un ami afin d’étoffer la liste de candidats pour l’élection au Grand Conseil. Je savais qu’il était connu et apprécié dans tout le district, et que c’était donc une bonne pioche pour le parti. Chance, il accepte. Merci, Max!
Peu après, je le rencontre et lui demande comment ça va. «Ben, il y en a beaucoup qui ont peur de ne pas être élu. Moi, j’ai plutôt peur d’être élu!»
Élu, il le sera, effectivement. Et brillamment.

Berthe et le thé de St-Gall
Cette paroissienne âgée était très attachante. Veuve depuis longtemps, elle se débrouillait plutôt bien dans son intérieur.
À chacune de mes visites, elle me servait du thé. Et toujours le même commentaire: «Vous verrez, il est bon! Il vient de St-Gall, je le commande par la poste!»
Sauf qu’avec les années, les gestes préparatoires devenaient… disons aléatoires! Elle mettait chauffer l’eau avec un plongeur, et il me semblait qu’à chacune de mes venues, elle retirait l’objet de plus en plus tôt. De bouillante, l’eau est devenue peu à peu simplement chaude, puis tiède… Et le thé de plus en plus fade, bien entendu. Je dégustais le breuvage en souriant intérieurement.
Lors de ma dernière venue, dix jours avant sa mort, l’eau était carrément froide. Elle avait oublié de brancher le plongeur. Comme pour anticiper une fin de vie devenue inéluctable.
Adieu, Berthe! Que l’eau de là-haut vous soit pleine de bon thé!

Repose en paix

Un entretien pour préparer un service funèbre. La défunte m’est inconnue, habitant une autre paroisse pour laquelle je suis de permanence pendant les vacances de mes collègues.
J’accueille les trois fils, que je ne connais pas davantage. Afin de les mettre à l’aise, je dis avec empathie: «J’imagine que vous êtes très tristes».
«Ah non, font-ils. C’était une charogne de bête!» Et de m’expliquer à quel point elle leur avait pourri la vie, du début à la fin… Aïe! Donc pas d’éloge funèbre, Monsieur le pasteur!
Pour une fois, ces fils ont fait mentir la chanson de Brassens: «Les morts sont tous des braves types»!

Mariage mixte
C’est l’histoire d’Evelyne et Raymond, elle catholique (d’une famille très engagée et conservatrice) et lui protestant. Et lui paysan. Il me téléphone un soir pour m’annoncer leur mariage, et nous prenons rendez-vous pour préparer la fête.
Le jour dit, je les attends à la cure. Mais au lieu de ma porte, c’est mon téléphone qui sonne.
Au bout du fil, le père de Raymond, notable du village. «Mon fils ne viendra pas, ce mariage n’aura pas lieu».
Aïe! Bien sûr, il se révèle que les dissensions confessionnelles sont à la base de ce refus. Je repense à l’histoire de Claire et de Louis, dans le même cas (Claire et Louis qui s’aiment, mais qui ont dû vieillir loin l’un de l’autre à cause de l’interdiction parentale. Avec l’âge, Claire est devenue sourde, et presque en même temps, Louis a perdu la vue. Logique: Louis ne pouvait plus voir clair, et Claire avait perdu l’ouïe!).
Mais Evelyne et Raymond, eux, trouvent rapidement une solution! Ils se débrouillent pour que l’amoureuse tombe enceinte. Dès lors, les parents n’osent plus s’opposer à «régulariser la situation», comme on dit en ce temps-là.
Le jour de la cérémonie religieuse, le père de Raymond reste un peu bloqué, ou peut-être intimidé, devant la chapelle catholique où nous allons bénir le couple. C’est l’heure de commencer, et il ne se décide pas à entrer. Je le prends alors par le bras et lui dis gentiment: «Venez, Monsieur Rochat, vos enfants vous attendent.»
Le mariage est béni par le prêtre et le pasteur, comme c’est souvent le cas alors. Et si la cérémonie a lieu dans une chapelle catholique, les enfants seront baptisés protestants. Jolie manière d’éviter qu’il y ait des perdants!
La morale de l’histoire, c’est que l’oubli d’une pilule peut faire avancer l’œcuménisme bien davantage que certains colloques spécialisés!

«Je me donne à toi»
Amour-sourire par contre, que de la bonne humeur, pour bénir l’union de Paulette et Jean-Luc. Elle aussi enceinte, et ça commence à se voir et se savoir. Une telle situation est fréquente autour de 1980, mais il y a toujours une petite gêne «morale» quand même, dans ce village paysan et plutôt conservateur.
Les mariés avaient choisi une formule en usage dans l’Église catholique, échanger les promesses sous forme de dialogue. Entre autres, chacun dit à l’autre «Je te reçois comme époux/se et je me donne à toi».
Au moment où Paulette, d’une voix émue, mais ferme, arrive au «je me donne à toi», son père, pince-sans-rire, ajoute mezzo voce, mais on l’entend dans toute l’église: «C’est déjà fait!»

Aloïs
Je me souviendrai toujours d’Aloïs, paysan qui avait perdu et sa femme et ses enfants, et qui s’accrochait à sa ferme comme un naufragé à sa planche. Malgré tous ses deuils, c’était un homme debout. Ses sourcils broussailleux faisaient front dans les orages, tel un chêne erratique au milieu des roseaux.
Lorsque, à passé 90 ans, il a dû être hospitalisé, il n’a tenu bon que pour retrouver son domaine. Mais voilà, les médecins avaient décidé que sa santé ne lui permettait plus de vivre seul. Placement à l’EMS du village voisin, pas le choix.
C’était en janvier. Il avait neigé, une belle couche de près de 50 cm recouvrait tout. À peine entré à la «Maison de repos», il demande à retourner chez lui, juste pour prendre quelques affaires personnelles. On lui accorde un taxi. Mais arrivé devant sa ferme, Aloïs paie et renvoie le chauffeur. Puis il empoigne une pelle et commence à dégager la place devant son habitation! Cinquante centimètres, donc.
On l’a retrouvé le lendemain, tout froid. Il avait voulu mourir chez lui. Exactement trente-trois-mille jours après y être né.
Aloïs: respect!

Les concierges

«Nous avons été concierges de l’église pendant 50 ans!» disait fièrement tante Clara. Un tel attachement s’explique-t-il par la hotte de bois qu’Ernest, le frère-chef, venait chercher dans le bûcher paroissial pour son propre fourneau? On m’a dit que c’était le seul travail qu’on l’ait vu faire. Les autres, il les commandait à ses frères et soeur, surtout Albert, le doux, qui obéissait si bien.
Cet attachement s’explique-t-il par la prise électrique à laquelle Roger, le troisième frère, venait brancher son rasoir le dimanche matin à l’heure des cloches, pour économiser son courant?
S’explique-t-il par l’amour du nettoyage? Pas sûr. En 20 ans d’usage, leur frigo n’avait jamais été tiré pour «poutzer» derrière, si bien que les souris avaient construit leur nid là, dans la tiédeur du moteur. On y trouva même les restes d’un billet de 50 francs disparu il y a belle lurette, à moitié grignoté.
Au divorce d’Albert, Clara, veuve, revint tenir le ménage de ses trois frères, Ernest et Roger étant vieux garçons. Elle remplaça la femme ou la mère jusqu’à la mort d’Ernest. Et là, pour l’amour d’Albert, elle quitta la fonction de domestique pour endosser l’habit de chef de famille! Elle couva son petit frère, plutôt maman que soeur, voire parfois épouse, si bien qu’il ne savait plus rien faire sans elle.
Tante Clara, si franche, si attachante! Quand elle eut une tumeur au sein, à 80 ans passés, le jeune médecin, emprunté, s’emberlificota dans une longue explication pour conclure qu’il valait mieux, si elle permettait, euh… enlever l’organe atteint. Clara ne perdit pas le nord et répliqua: «Pour l’usage que j’en fais maintenant, vous pouvez même m’ôter les deux!»

Le mort vivant
À mon retour de vacances, cette année-là, je rencontre un des organistes de la paroisse, qui sans prévenir m’accueille par ces mots: «Tu as su que j’étais mort?»
Me passent alors dans la tête des images de mon enfance, quand mon père coupait la tête des poules et qu’il les relâchait. Les «dzenoilles» sans tête pouvaient courir encore plusieurs centaines de mètres. Une fois, l’une d’elles était allée jusqu’à la vigne, où nous avons dû la chercher un bon moment! On m’a même raconté qu’un soldat décapité avait lui aussi continué de se battre pendant quelques minutes… Ciel! En serait-il de même pour mon ami?
Tandis que je me remets de ma surprise, l’organiste m’explique. Un avis mortuaire avait paru dans le journal, un parfait homonyme, même nom, même prénom. Aucune mention d’âge ni de domicile, ni de famille.
Plusieurs de ses amis se sont inquiétés. Ils ont essayé de lui téléphoner, plusieurs fois, mais ça ne répondait jamais. Normal: il était au volant sur les routes de France et avait éteint son natel. Et ce n’est qu’à son retour de vacances qu’il a pu dissiper le malentendu.
Le dimanche suivant, il a joué «allegro vivace»!

«Quand je serai morte»
Il me faut dire encore Anne-Claude, qui avec son humour naïf me fait quasi une déclaration d’amour le soir où nous préparons… son mariage! Et d’en rajouter à l’adresse de son fiancé: «Si tu es en retard, je me marie avec Jean-Jacques»!
Anne-Claude que je retrouverai pour baptiser leurs enfants. Puis bien plus tard auprès de ses parents âgés (je les accompagnerai dans leur départ avec EXIT, sous le signe du Cancer). Puis enfin que je reverrai sur ce lit d’hôpital, où le Crabe l’emportait elle aussi. À 62 ans. Me demande de présider le culte de son service funèbre. Me raconte à quel point elle en a bavé ces dernières années de maladie. Mais garde le sourire pour me dire: «Je te téléphonerai quand je serai morte!»

Le vieux régent

Alors qu’il avait 105 ans, Jules, le régent sévère d’Echallens, reçut une convocation pour… entrer à l’école enfantine! Explication: l’ordinateur ne tenait compte pour établir ses listes que des deux derniers chiffres de l’année de naissance. Jules, en bon citoyen conscient de l’importance de l’école, se présenta le jour dit au milieu des bambins ayant 100 ans de moins que lui!
Quelques mois plus tard quand, après une mauvaise chute, il appela le médecin, celui-ci diagnostiqua une fracture compliquée. Hospitalisation indispensable. Jules, aussi dur avec lui-même qu’il l’avait été avec ses élèves, refusa net. Le toubib insista, mais aucun argument ne put infléchir la tête de mule. Alors, à bout de patience, le disciple d’Hippocrate finit par lancer: «Dans ce cas, je ne peux rien pour vous. Au revoir Monsieur!». Ce fut Jules alors qui réclama son admission à Saint Loup, dans un grognement mémorable!

La centenaire

Léa, paysanne, avait «pécloté» toute sa vie. Ce qui ne la pas empêchée d’arriver jusqu’à 105 ans elle aussi! Pensionnaire à la maison de repos, elle avait gardé toute sa tête et se déplaçait encore facilement. Elle participait activement aux études bibliques interactives que j’animais au «Château» de Goumoens, lesquelles remplaçaient avantageusement certains cultes, car les résidents s’y endormaient beaucoup moins!
Un jour que je proposais un passage sur une guérison de lépreux, je la vois soudain ouvrir le journal et s’y plonger. Bah, me dis-je, elle a peut-être oublié que nous vivons une étude biblique; à son âge, c’est bien compréhensible. Mais non! Elle cherchait un article qu’elle avait lu le matin et qui parlait justement de la chapelle de la Maladière, longtemps dévolue aux lépreux. Article qu’elle a fini par trouver pour nous le montrer.
Sa surdité, par contre, était devenue légendaire. Quand j’animais le loto des Aînés de la paroisse, dont elle faisait partie, je commençais toujours par dire, pour vérifier si je parlais assez fort: «Madame Bezençon, vous m’entendez?» Elle répondait «oui, oui» de sa petite voix aigüe. Je savais alors que tout le monde pourrait m’ouïr. Ça ne l’empêchait pas toutefois, quasi après chaque nombre crié, de me faire répéter. «Le 37!» disais-je. «Combien?» faisait la voix aigüe. «Le 37, Madame Bezençon!». «Ah, merci!». «Maintenant, le 71!». «Combien?». «Le 71, Madame Bezençon!», «Ah, merci!». J’en ris encore.

Le poème d’amour
Un amour enthousiaste, pur et naïf a toujours porté Camille, une amie de la famille. Un jour, elle me montre, toute fière, un poème de son amoureux pour elle. Je m’en souviens encore par coeur, le voici (vous excuserez le niveau!!):

Fontaine de mon coeur,
Ruisseau de mon bonheur,
Amour toute ma vie
Naissant en une amie,
Car malgré moi je t’aime,
Oui, je t’adore même!
Inondé de malheur
Si tu es loin de moi!
Et je redis «je t’aime».

Elle n’avait pas remarqué que c’était un acrostiche, alors que les initiales de chaque vers étaient pourtant surlignées en rouge! J’ai doublement souri en me souvenant que l’ex de son amoureux était une certaine Françoise… Vous avez dit: recyclage? Là aussi, j’en rigole encore!


Jean-Jacques Corbaz, août 2024  
 


lundi 19 août 2024

(Pr, Li) « Lorsque j’étais œuvre d’art » - Prédication du 19 août et bénédiction

 

Lectures:  Proverbes 30, 7-9; Jacques 2, 1-7; Matthieu 7, 13-18


J’ai choisi de vous parler ce matin d’un roman qui m’a ému et fait réfléchir; il s’appelle «Lorsque j’étais
une œuvre d’art», écrit par Eric-Emmanuel Schmitt.


C’est l’histoire d’un homme, jeune, qui décide d’en finir avec la vie. Il se sent mal aimé, et surtout complètement nul: rien ne lui réussit. Il a l’impression de n’avoir aucune valeur. Le comble, c’est que même dans ses tentatives de suicide, il échoue. Plusieurs fois!

Ses deux frères aînés sont très beaux, et ils accomplissent une carrière facile comme mannequins. Ils deviennent riches sans peine, tandis que notre héros s’enfonce toujours plus. Il souffre de se sentir si quelconque, à côté d’eux.

Lors d’un énième tentamen, il fait la connaissance d’un artiste excentrique et célèbre qui s’appelle Zeus (comme le dieu grec). Zeus est un de ces créateurs experts dans l’art de faire parler de lui, et à qui tout réussit. Peintre et sculpteur, il a de lui-même une opinion tellement élevée qu’il juge avec mépris même les oeuvres de la nature: à côté des siennes, c’est zéro, pense-t-il. Plus mégalo, tu meurs!

Bien sûr, tout le monde s’aplatit devant Zeus, d’autant qu’il est doté d’un pouvoir de persuasion redoutable.

Or donc, Zeus propose à notre héros un singulier marché: plutôt que de s’ôter la vie, eh bien, qu’il la lui donne! Ou plus exactement, qu’il lui donne son corps, d
ans le but que l’artiste le transforme, et en fasse un chef-d’œuvre nouveau, une sculpture vivante! Zeus pourrait ainsi inaugurer une ère révolutionnaire de l’histoire de l’art: modeler un corps humain, avec son génie.

Notre héros finit par accepter. Il signe le contrat, sans se douter de l’évolution intérieure que cette transformation va entraîner.

Dans un premier temps, tout se déroule comme prévu: la sculpture humaine est une réussite, et devant elle tout le monde s’extasie et crie au génie. Expositions, exhibitions... Notre héros est heureux, il est enfin admiré, sur toute la planète.

Pourtant, peu à peu, il se rend compte qu’il n’est traité que comme un objet: son sculpteur lui interdit de parler (!), il est trimballé sans pouvoir donner son avis... En fait, ce n’est pas lui que les gens admirent, c’est la sculpture de Zeus. Ce dernier finit même par le vendre; après d’ailleurs un vol, enfin un prétendu vol organisé par Zeus lui-même, dans le but de faire monter la valeur marchande de son
œuvre!! Toute ressemblance avec certaines pratiques d’aujourd’hui n’est absolument pas fortuite!

Un jour, par hasard, notre héros fait la connaissance d’Hannibal, un autre peintre qui est l’opposé de Zeus: Hannibal est modeste, amoureux de la nature... Il crée des œuvres magnifiques qui reflètent la beauté du monde, sans tapage médiatique ni provocation. Il est étonnamment doué, mais peu connu, et donc pauvre. Et puis, détail surprenant, il est aveugle - tout en continuant de peindre!

Hannibal se lie d’amitié avec notre héros, sans se douter d’ailleurs qu’il a affaire à la sculpture vivante de Zeus dont tout le monde parle (évidemment, à cause de sa cécité). Cet artiste si authentique lui explique ce qu’il ressent en créant, il le fait si bien que notre héros découvre la beauté, et la passion pour la vie. Il se met à comprendre l’art du vieux peintre, et à l’aimer. Il se passionne pour les émerveillements que reflètent les 
œuvres d’Hannibal; il découvre auprès de lui, et auprès de sa fille, dont il tombe amoureux, un désir de vivre, et de donner... Il n’a plus du tout envie de se supprimer.

Malheureusement, il ne s’appartient plus. Il s’est livré à Zeus dans cet étrange marché; à Zeus et puis à ceux qui l’ont ensuite acheté. Il va même être mis aux enchères publiques, et... acquis par l’État... Et donc entreposé dans un musée!

Notre héros essaie alors d’obtenir un statut de fonctionnaire, mais le musée s’y oppose: car pour eux il est un objet, qu’ils ont payé, et c’est tout! On finit par organiser un immense procès dans le but de déterminer son statut: humain ou marchandise? Et, à cause du contrat qu’il a signé en faveur de son créateur, ce sont les arguments du musée qui l’emportent. Il n’est qu’un objet, rien de plus.

La solution viendra finalement de Zeus, grâce à la fille du vieux peintre. Celle-ci découvre que l’artiste mégalomane a commis autrefois un meurtre, bien caché. Sous la pression de la fille d’Hannibal, Zeus déclare que notre héros n’est pas son
œuvre; que c’est une imitation, un faux!

Du coup, le jeune homme est jeté au rebut, avec les ordures du musée. Mais donc il recouvre la liberté, puisqu’il n’appartient plus à personne! Il peut enfin se marier avec la fille du vieux peintre, et se consacrer à faire connaître l’
œuvre de l’aveugle, qui lui a ouvert les yeux.

Hannibal atteindra finalement la célébrité, mais seulement après sa mort. Il sera reconnu comme le plus grand créateur de sa génération, tandis que Zeus va peu à peu tomber dans l’oubli.
 


J’ai été touché par ce roman, qui pour moi pose des questions essentielles. Par exemple:
- qu’est-ce qui fait ma vraie valeur?
- quelle importance a pour moi le regard des autres?
- l’être et le paraître (comme nous y invite aussi la lettre de Jacques)...
- quelles sont pour moi les vraies richesses?
- réussir sa vie, c’est quoi? ...

Cela fait beaucoup d’interrogations, que je vais laisser à votre méditation, pendant le silence, puis le jeu d’orgue qui vont suivre. Beaucoup d’interrogations, auxquelles je joins encore des questions sur l’appartenance: à qui es-tu? (comme on disait quand nous étions petits)... Qui a des droits sur toi?

Ceux qui sont entre les mains de managers, de pygmalions de toutes sortes: les sportifs (avec le problème du dopage); les artistes; les vedettes en herbe; acteurs, chanteurs... pour tous ces gens: où s’arrête le pouvoir des autres sur eux? qu’est-ce qui fait leur véritable richesse? (donc celle qui ne se monnaie pas de façon sonnante et trébuchante).
 



Pour conclure, j’ai envie de vous partager quelques lignes de ce roman, dans les dernières pages:
 

«Le vieux peintre, Hannibal, nous a quittés dans son sommeil, avec autant de discrétion qu’il en avait mis à vivre. Depuis, sa cote s’est envolée, les amateurs l’ont découvert, les critiques le reconnaissent. (... ) Il s’est éteint presque pauvre, riche de l’estime de quelques-uns, entouré par notre amour et notre confiance. Suis-je pour quelque chose dans sa découverte? Il est présomptueux de le penser. Toujours est-il que j’ai passé des années à écrire des articles sur lui, expliquer les émotions que me donnaient ses toiles, raconter comment il a changé ma vie. (...) Avec lui, avec ma femme, mes enfants, j’ai l’impression d’avoir mon rôle. Des êtres ont besoin de moi, des vivants comme des morts. Qu’ai-je d’irremplaçable? Ça. Mes pensées. Mes soucis. Mes attachements. Mes amours. ...
 

«J’ai découvert que l’univers est beau, plein, riche, si j’accepte, moi, d’être médiocre, vide, pauvre. Hannibal fut mon père, pas seulement mon beau-père, car il sut, en un instant, me charger du désir de vivre en me donnant le sens de l’émerveillement. ...
 

«Jeune, j’ai voulu que la beauté soit en moi, j’ai été malheureux. Maintenant, je sais qu’elle est partout autour de moi, je l’accepte. Et je dis merci.»

Amen                                         


Jean-Jacques Corbaz



Bénédiction finale: 

Aux yeux de Dieu, chacun(e), nous sommes une œuvre d’art! Ce qu’il a de plus précieux! Du petit enfant, devant qui tous s’extasient, jusqu’à la personne très âgée qui se sent une charge pour les autres; toutes et tous, nous sommes le Trésor du Père, sa beauté majuscule. Allons dans la paix, Dieu nous bénit, le Père, le Fils et le Saint-Esprit. Amen

 

Jean-Jacques Corbaz


lundi 12 août 2024

(Po) La paix du soir…

La paix du soir a encore frappé…
Comme par hasard, sous un ciel étoilé,
Dans le bleu-noir la lune brillait
Berçait d’espoir mon
cœur en paix.

Que souhaiter? Rien au monde
Une lumière, un stylo, du papier,
Une flûte pèlerine, vagabonde,
Et la terre où poser mes pieds.

Je suis à nouveau en été,
Un soir, ainsi, je mourrai, apaisé,
En pleine nature, vivant, sans regrets,
Comme à chaque fois je m’envolerai.


Jean-Jacques Corbaz, Yaoundé, 22 novembre 1974   


(Po) Campagne, mon pays

Je dirai le pays lourd et lent de ma terre,
Je le dirai pour y trouver le repos.
Je le dirai si calme, sans hâte, sans folie,
Je le dirai longtemps, fort et vrai, mon pays.

Je dirai la campagne éparpillant ses fermes,
Fermement accrochées aux collines, au coteau,
Ses chemins serpentant et collés à la terre,
Je le dirai aimant, généreux, mon pays.

Je dirai le pays qui porte le village
Groupé vers les fontaines aux longs bassins carrés,
Avec ses chars de foin qu’on rentre avant l’orage
Je le dirai l’été, si chaud, mon pays.

Je dirai le pays qui façonne les gens,
Rythmé par les saisons, porteur de tant de vie,
Ses vols d’oiseaux, ses bourgeons, ses enfants,
Je le dirai gonflé d’espoir, mon pays.

Je dirai ma campagne, une bouche, un visage,
Riche et rond, c’est un sein qui nous parle d’amour,
Ses bêtes et ses fruits, et ses champs, ses labours,
Je le dirai fécond, puissant, mon pays.

Je dirai le pays que je ne sais chanter,
Mes mots maladroits, mon amour, humble hommage,
Mes racines, sa glaise lourde à mes souliers,
Je le dirai discret, mais mien: mon pays.


Jean-Jacques Corbaz, 4 juillet 1974   

 

(Co, Po) Adieu mon gars


Il était tard déjà. Une brume nonchalante montait du sol un rien trop humide. Une nuit moite mais froide semait l’inquiétude dans les moindres recoins de cette campagne immobile. 

 

Il était tard, et tu marchais sur la route désertée. Sans doute rentrais-tu de quelque assemblée où les cigarettes avaient noirci le plafond bas; où les mains s’étaient serrées plusieurs fois; où les coeurs avaient tenté de s’ouvrir.

 

Il était tard, tu marchais, lentement. Peut-être rêvais-tu à ce rayon de lune entrevu avant - ou encore avant. Peut-être dormais-tu déjà un peu. Peut-être pensais-tu aux tiens qui somnolaient bien au chaud.

 

Il était tard, tu marchais lentement. Personne ne saura jamais pourquoi c’est ce moment-là que choisit le clocher du village pour sonner minuit. À peine d’ailleurs t’es-tu posé la question, alors. L’air vibrait lourdement, bronze infini roulant dans la nuit.

 

Il était tard, minuit, et tu marchais lentement. Les trois bières que tu avais bues devaient ralentir ta réflexion. Ou était-ce la nuit? Le froid? Le brouillard?

 

Comme une torpeur, un cafard imprévu t’agressa vers le ruisseau caché dans les arbres. Il était encore plus tard. Peut-être déjà trop tard?

 

L’envie de t’arrêter, de t’asseoir ou te coucher. Elle a dû venir juste après. Sans doute as-tu cherché une grosse pierre, un tronc offert, quelque chose, quoi, où t’accrocher. Sans doute as-tu cherché et n’as-tu pas trouvé.

 

Tu avais encore du chemin à faire. Mais avais-tu envie d’avancer? Et même, avais-tu envie d’arriver? N’étais-tu pas déjà arrivé?

 

Un bruit furtif a dû te faire sursauter, venant des herbes hautes, au fond, là-bas. Et tu as ri ensuite au-dedans de toi. Ri jaune. 

 

La nuit. La grosse nuit, encombrante comme un quémandeur importun. Nuit trop vieille, aigre grand-mère à héritage qui refuse de mourir. Pour vous embêter.

 

Il était vraiment tard. Pourquoi donc s’attarder? Tu voulais pourtant t’arrêter, mais tu ne pouvais pas. Cette énergie qui se dissolvait dans la nuit, sucée, rongée, écrémée. 

 

Une ferme isolée dormait non loin de la route. Se coucher dans le foin, dormir, oublier. Mais à un kilomètre de chez moi à peine? Mais s’il y a un chien? Si on me surprend? 

 

Alors, bravement, tu as continué. Bien des soirs encore, tu passeras sur ce chemin - ou sur un autre. Tu faibliras, et puis tu poursuivras. 

 

Je t’ai perdu de vue maintenant, mais je sais que tu continues. Qui dira la bravoure de celui qui marche sans arrêt dans la vie et sa banalité?

 

Mais entre nous, dis-moi, la vraie bravoure n’est-ce pas, une fois, de s’arrêter?

 

Adieu, mon gars!  

 


Jean-Jacques Corbaz, 6.10.1976   


(Po) Moutons

Un troupeau de moutons
Propres et uniformes
Stationne au-dessus de ma tête
Dans la nuit toute neuve,
Voilant la lune qui les abaisserait,
Suivant l’étoile du berger.

Un long vol de moutons
Sages et doux
Appelle ma main pour quelle caresse
Mais ce sont mes yeux qui vous font l’amour.

Devant mon visage renversé
S’étale un tapis ouaté
Comme fait pour l’aspirer.

                 *

Un tapis de neige vu à la loupe
Se moule quelques mètres au-dessus de ma tête
Et j’oublie qu’il est renversé.

Pas de hâte, pas de peine,
La création vous met au repos
Récupérez, la laine en bas.

Demain, quand j’ouvrirai mes volets,
Me direz-vous ce que vous êtes devenus:
Quelques oiseaux difformes, pauvres et nus,
Lambeaux perdus d’une baleine,
Ou noirs cafards couvant l’orage?

Restez, ô mes moutons, mon troupeau.


Jean-Jacques Corbaz, Ndoungué, 21 avril 1975    


(Po) Nuit d’été

Nuit d’étoiles
Nuit de mille étoiles
Étoiles du ciel
Étoiles du lac
Étoiles des villes
Mille étoiles.

Souffle d’étoiles
Souffle frais de ma nuit d’été
Souffle du lac
Souffle des sapins
Souffle de vie.

Nuit d’été
Fleurs d’été dans la nuit
Nuit de fleurs sans un bruit
Nuit d’été.

Fleurs d’été
Odeur d’été dans le noir
Odeur de fleurs de l’espoir
Fleurs de paix.

Grillons d’été
Vers luisants, étoiles des prés
Nuit sereine, qui annonce juillet.

Mille étoiles
Mille étoiles du monde en mai
Mille étoiles pour me bercer
Un seul souffle de paix.

Et dans mon
cœur
un amour allumé
Un amour merveilleux dont je ne sais l’objet.


Jean-Jacques Corbaz, 19 mai 1974   


dimanche 28 juillet 2024

(Li) Bénédiction - Comment le fleuve tranquille

Comment le fleuve tranquille peut-il calmer le torrent impétueux ?

Tout simplement : en se tenant plus bas !

C’est ainsi que Dieu nous fait du bien, lui aussi. Qu’il nous apaise. En se tenant plus bas que nous, il nous élève !

À tous, il nous offre sa paix. Il nous bénit, le Père, le Fils et le Saint-Esprit. Amen


 

Jean-Jacques Corbaz, juin 2010       

 

(Pr) “Du stress, des babouins et de la méditation”


Prédication du 28 juillet 2024


Lectures: Matthieu 14, 5-14 + 22-23; Jean 6, 14-15; Matthieu 6, 5-8


 

Un jour, j’ai vu, sur le programme de la TV, ce titre: “Stress, le tueur silencieux”.

J’ai d’abord cru que c’était une série policière à suspense! Voire le portrait d’un rappeur célèbre... En tout cas, rien qui ne m’attire en particulier!

Et puis, je suis arrivé sur cette émission par hasard, et je suis resté là, scotché devant mon écran. C’était en fait un “Temps présent” sur ce fléau qu’est le stress. Peut-être l’avez-vous vu. Sur le stress et ses ravages, qui peuvent aller jusqu’à la mort (d’où le titre: “Stress, le tueur silencieux”).

C’est vrai qu’il ne fait pas de bruit, ce mal sournois. Composé de fatigue; de pression; d’inquiétude, il pénètre insidieusement dans nos vies, et se révèle terriblement difficile à parer.

Le stress, en fait, c’est le contraire de la paix. Et du bien-être. C’est un état où je me sens fragile, démuni. Impuissant souvent. Un état où je manque de temps, ou de moyens, pour devenir ce que je voudrais être (ou le rester). Ou pour accomplir ce que je voudrais réaliser.

                                         *                       *
 

Et puis, le stress ne nous fait pas seulement nous sentir mal, psychiquement. Il a aussi des conséquences négatives sur la santé, on le sait.

- Il diminue la résistance aux virus; aux bactéries; et à la fatigue...

- Il favorise l’obésité.

- Il accélère le vieillissement du corps.

- Il diminue la mémoire (on connaît bien le fameux stress des examens, qui nous fait effacer des choses qu’on connaît par coeur).

- Et il augmente le risque de dépression.

- Et puis, le pire: le stress peut tuer: soit très lentement; soit aussi brusquement, quand une forte émotion, par exemple la peur, envoie beaucoup de sang d’un coup vers les muscles, et c’est la crise cardiaque ou une rupture artérielle.

                                         *                       *
 

Enfin, le stress a aussi des conséquences sur nos relations avec les autres: il augmente l’agressivité; il favorise l’égoïsme, et pousse au manque d’attention à autrui; il incite à l’isolement, au repli sur soi...

Bien sûr, c’est tout un cercle vicieux qui en découle. Car les conséquences de mon agressivité et de mon isolement me perturbent la vie, immanquablement.

D’où vient-il, ce stress qui nous empoisonne l’existence? Souvent de la peur. Peur pour sa survie, ou pour celle de ses proches. Peur de ne pas être à la hauteur. Sentiment de faiblesse... de petitesse... d’être menacé... Quand on ne peut que subir les évènements...

                                         *                       *


L’émission de “Temps présent” nous parle ensuite d’une étude réalisée sur des populations de babouins. Dans un environnement favorable, ces animaux ont besoin de 3 heures par jour seulement pour se nourrir. Il leur reste donc quelque 9 heures quotidiennes à occuper. Et à quoi s’occupent-ils? Eh bien, à enquiquiner les autres! Donc, à leur créer du stress. Nous y voilyvoilà!

Or, cette étude s’est attachée à mesurer le stress des babouins. En effet, le stress laisse des traces visibles dans les artères et dans le sang. Notamment par l’athérosclérose.

On s’est aperçu de deux choses. D’abord, que le stress varie en fonction de la position sociale: plus on est élevé dans la hiérarchie, et... moins on est stressé (!).

Ensuite, on a observé que les babouins sont victimes de stress à cause de l’attitude agressive des autres, quand ils se font attaquer sans motif apparent. Bien sûr, les plus hauts “gradés” en souffrent beaucoup moins: on ne s’attaque qu’à des plus petits que soi...

N’est-ce pas étonnamment semblable chez les humains?

En poursuivant leur étude, nos chercheurs vont faire deux découvertes importantes:

(1) D’abord, et ça joue un grand rôle, le plaisir fait diminuer le stress. Chez les babouins, le plaisir c’est de se faire épouiller. Comme chez les humains de se faire dorloter, chouchouter, shampouiner...

Chez les singes comme chez les humains, ceux qui prennent du temps pour avoir du plaisir ont beaucoup moins de signes de stress dans l’organisme.

(2) Deuxième découverte: un jour, un groupe de babouins, l’un des plus agressifs, tombe sur de la nourriture avariée. Ils s’empoisonnent. Catastrophe, le tiers de ce groupe décède. Les chercheurs se disent alors que leur étude, en cours, est fichue.

Mais, ô surprise: ce sont les mâles les plus agressifs qui sont morts. Probablement parce que ce sont les moins prudents! Et puis, deuxième étonnement: ce groupe ne périclite pas, mais il se réorganise; autrement! Les survivants se conduisent de manière moins agressive, ils prennent davantage soin des autres, passent plus de temps en épouillage, manifestent davantage d’attention envers leurs congénères.

Résultat: le stress général de ce groupe diminue fortement. Les animaux prennent du temps les uns pour les autres, l’atmosphère y est plus agréable, et tous sont en meilleure santé!

(3) Une conséquence encore va étonner les chercheurs: on sait que, chez les babouins, les adolescents mâles quittent leur groupe pour rejoindre celui de leur femelle. Or, ceux qui entrent dans ce clan plus paisible sont certes en décalage pendant quelques semaines; mais ils apprennent ensuite les usages de leur nouveau groupe; ils les assimilent sans peine. De sorte que leur stress à eux aussi diminue beaucoup, ils deviennent à leur tour plus calmes, moins agressifs... et en meilleure santé!

Je me demande s’il n’en va pas de même pour nous humains. Je pense, par exemple, à certaines communautés monastiques. Et en particulier au superbe film “Des hommes et des dieux”. Où des moines, menacés d’une mort certaine, trouvent dans leur communion la force de tenir le coup, avec courage!

Les humains pourraient-ils donc apprendre, comme les babouins, et réussir à changer de manière de vivre, pour devenir plus paisibles, et meilleurs?!

Résumons ce qui diminue le stress:
- une position dominante!
- le plaisir;
- le sentiment d’avoir de la valeur;
- l’attention que nous avons pour les autres et, évidemment, celle que nous recevons...

Précisons bien que, quand je parle de position dominante: il n’y a pas qu’une seule hiérarchie, pour nous humains. Il y a:
- celle du travail;
- du club sportif ou de loisirs;
- de la famille;
- de l’Eglise...

Si je suis le dernier au boulot, je peux ne pas être stressé parce que je suis le roi de la fanfare ou du foot; le leader du parti; ou l’animateur apprécié d’un groupe paroissial... Je vous laisse compléter en fonction de vos situations à vous!
   


                                      *                       *
 

De tout ce qui précède, il ressort, à mon sens, l’importance pour nous de trouver trois sortes de pistes:
- (1) d’abord, trouver des lieux où j’aie du plaisir et de la valeur (entre parenthèses, c’est peut-être aussi pour ça que les croyants sont en meilleure santé que la moyenne, puisque c’est ce que montrent plusieurs autres études?!);
- (2) ensuite, il sera bon de trouver des relations où je sois attentif aux autres, et où d’autres soient attentifs à moi;
- et enfin (3), trouver des espaces de temps où je puisse laisser tomber mon stress: temps de méditation, de culte, de prière... Vous connaissez peut-être ce mot de Luther: “Aujourd’hui, j’ai tellement à faire qu’il me faudra prier pendant au moins deux heures!” - à méditer, comme on dit!! 

Et vous savez comme moi l’effet bénéfique d’un plaisir, d’une jubilation; parce qu’on a résolu un problème difficile, parce qu’on est aimé ou qu’on découvre des horizons nouveaux: ça augmente nos capacités de manière étonnante!

                                          *                       *


Deux remarques encore.

D’abord, ne pensons pas que tout stress est mauvais. Nous en avons besoin! Sans stress du tout, notre vie serait trop morne, et nous le fabriquerions spontanément, comme les babouins. Surtout pour les plus jeunes, nous aimons braver le danger. “No risk, no fun”, disent-ils (pas de risque, aucun plaisir!).

Comme toujours, selon l’expression de Paracelse “rien n’est poison, tout est poison: c’est la dose qui fait le poison”. Et vous savez: le stress que je choisis moi-même est bien moins nuisible pour ma santé! ...

Dernière chose. Nous l’avons entendu, Jésus a connu le stress. Pas seulement à sa mort, à Vendredi saint; mais toute sa vie.

Le stress à travers l’opposition des chefs juifs. À travers la haine de ceux que lui, Jésus, dérangeait, dont il contestait les valeurs et les traditions.

Jésus a connu le stress:
- à la mort de Jean-Baptiste;
- quand on veut l’enlever pour en faire le roi d’Israël;
- aux Rameaux, lorsque la foule le prend pour un chef militaire et royal...

- à Gethsémané, bien sûr…

Or, dans les évangiles (à part Vendredi saint, bien entendu!), dans les évangiles on voit que, chaque fois qu’il subit le stress, Jésus se retire dans la méditation et le silence. Il s’extrait de ce qui le menace. Il s’écarte.

Il balise ainsi pour nous un chemin d’hygiène, de santé spirituelle, voire de santé tout court: savoir (et oser!) nous retirer, prier dans notre chambre, bien fermée (comprenez: en éloignant les causes du stress).

Il nous encourage également à créer des lieux où nos contemporains, surmenés, puissent trouver une telle paix! 

Ce n’est pas toujours facile, bien sûr! Jésus a promis de nous donner la paix intérieure, la sérénité. Mais il ne nous a jamais promis la facilité, ni l’existence morne des ossements desséchés. Les ossements desséchés, oui, car eux seuls sont totalement destressés! Amen.



   
                                                             Jean-Jacques Corbaz