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dimanche 19 octobre 2014

(Co, Pr) Le match. Elie l'emporte, Elie s'emporte!

Narration du 19 oct. 2014
«Le match. Elie l'emporte, Elie s'emporte!» - 1 Rois 18


Lectures: Esaïe 30, 8-11; Luc 9, 51-56; Ephésiens 5, 8-11


Résumé de l’épisode précédent. En quel Dieu croyons-nous? L’étonnante aventure d’Elie essaie de répondre à cette question, pas simple du tout. Qui est-il? Quel Dieu adorons-nous?

L’histoire avait commencé lorsque le Seigneur YHWH avait envoyé Elie devant Achab, le roi d’Israël, principal responsable de la mode des idoles. En effet, sa femme, Jézabel, était païenne, adepte de Ba’al.

Elie avait accusé: “Le pays entier adore les faux dieux, Ba’al et Ashéra. YHWH, le vrai Dieu, en est ulcéré. Il va donc faire cesser la pluie. Il ne tombera plus une goutte d’eau en Israël!”

Achab n’avait rien répondu. Elie s’était caché, d’abord près d’un torrent, puis à l’étranger, à Sarepta, en Phénicie. Toujours, YHWH avait veillé sur lui. Il l’avait nourri, et s’était montré un Dieu de vie, un père qui aime ses enfants les plus fragiles, les plus démunis. La veuve et l’orphelin avaient bénéficié de cette bénédiction.

Et puis soudain, Dieu avait parlé, à nouveau. Il avait dit à Elie: “Lève-toi, retourne vers Achab, car je vais faire revenir la pluie!”

Elie avait donc quitté Sarepta, et s’était mis en marche vers Israël. Et c’est là que nous le retrouvons, sur le chemin, en direction de Samarie.

Partout où il passe, le paysage est désolé, la terre craquelée, les arbres morts, les oueds asséchés. Ça et là, des cadavres d’animaux, et des ossements; et partout, le “zonnement“ insupportable des mouches. Elie croise des groupes d’enfants, de vieillards, les joues creuses, les yeux enfoncés dans les orbites. Ils vont, le ventre vide, poussés par la faim et la soif sur les chemins de l’errance.

Sur la route, Elie voit aussi des poteaux sacrés dédiés aux Ba’als; panneaux colorés alléchants, qu’il découvre avec stupeur, puis colère! On peut y lire:
Demandez le salut!
Qualité de vie au Club Eden!
Corps de rêve grâce à BodySlim!
Assurances pour le bonheur éternel!

Et, un peu plus loin:

Vous qui cherchez la paix du coeur, la vérité, la guérison, le succès, nous vous invitons ce soir aux jeux des Ba’als!

Ces panneaux New-Age qui jalonnent la route d’Elie traduisent l’aspiration des gens: l’attente d’une vie réussie et tranquille, le désir d’être aimé et reconnu, le besoin de stabilité et de sécurité. Chacun(e) souhaite le bonheur, le paradis sur terre.

Tout en avançant, Elie voit encore de temps en temps des restes d’autels de YHWH à moitié en ruines. Ils lui rappellent ceux qui avaient jalonné la route d’Abraham. On peut y lire:
La mort, c’est être séparé de Dieu.
La vie, c’est vivre de Dieu
Tu es libre de choisir, de dire Oui ou de dire Non.
Vivre la vie que Dieu te propose est un chemin de risque sur lequel tu rencontreras l’inattendu.

Elie sent monter en lui une sainte colère contre cette ordure de Jézabel, qui pousse à l’adoration des faux dieux. Colère aussi contre le peuple qui se laisse entraîner sans discernement. Tout en marchant, il se met à crier: “Dieu, mon Dieu, où es-tu? Réponds-moi, Seigneur, réponds-moi!”


Tout-à-coup, Elie tombe sur Ovadya, le chef du palais. Effrayé, Ovadya se met à genoux devant Elie et s’écrie: “Que fais-tu? D’où viens-tu? Ça fait trois ans qu’on te cherche! À cause de ta parole malheureuse au roi, il n’est pas tombé une goutte d’eau de tous ces trois ans. Les gens risquent la mort, c’est la catastrophe!”

Ovadya conduit Elie au roi. Et dès qu’il aperçoit le prophète, Achab hurle:
- Ah, te voilà, porte-malheur d’Israël, oiseau de mauvais augure! C’est ta faute, cette sécheresse!

- Non, répond Elie. Ce n’est pas moi, le porte-malheur, c’est toi. Toi et le peuple qui avez abandonné le Seigneur pour suivre les Ba’als. Ecoute, voici ce que nous allons faire: rassemble tout le peuple autour de moi, sur le Mont Carmel. Je leur parlerai. Et la pluie alors reviendra.

Aussitôt, Achab envoie des messagers dans tout le pays. Et le peuple s’interroge: c’est qui, cet Elie, qui commande à la pluie? Certains sont pleins de violence: cette catastrophe, ces gens en danger de mort, c’est de sa faute. Tuons-le! Certains paniquent: si Elie est revenu, que va-t-il nous arriver, maintenant? D’autres encore se taisent; leur lassitude est si grande, ils ont tant souffert, que peut-il leur arriver de pire?

La nouvelle se répand, de ville en ville, de village en village. Et des foules se mettent en route. Qui poussés par la curiosité; qui par l’espoir que puisse cesser la famine; qui par soumission au roi tout-puissant...

Arrivé au Mont Carmel, Elie voit rassemblés les 450 prophètes du Ba’al et les 400 prophètes d’Ashéra. Ils sont propres, bien nourris, en bonne santé; un clergé sûr de lui, en tenue d’apparat. Et en face, une foule fatiguée, meurtrie, avec des tuniques usées, aux couleurs fanées; ils ont le visage maigre, les yeux creux. Des enfants pleurent et s’accrochent aux habits de leur mère. De ci de là, des animaux efflanqués traînent, à la recherche désespérée d’une touffe d’herbe.



Elie sent bouillonner sa colère. Ses yeux lancent des éclairs. Il vocifère, bras tendus vers la foule: “Mais enfin, jusqu’à quand balancerez-vous d’un pied sur l’autre? Si c’est YHWH qui est Dieu, suivez-le! Et si c’est Ba’al, adorez-le!”

Le peuple ne répond pas. En face, les prophètes de Ba’al ont un sourire narquois.

“Mais répondez!” crie Elie. Silence...

Le peuple ne répond pas, parce qu’il ne veut pas choisir. Parce qu’il ne peut pas choisir. Deux dieux protègent mieux qu’un seul, pas vrai? Et puis, la vie est ainsi faite que chacun des dieux y joue son rôle, impossible d’en éliminer un sans tout remettre en cause, sans tout bouleverser...

Ce silence fait souffrir Elie davantage encore. Les larmes aux yeux, il crie: “Mon Dieu, où es-tu? Réponds-moi. Réponds-moi!”

Et cette fois, sa décision est prise: c’est à YHWH de relever le défi. Alors, se tournant vers le peuple, Elie annonce: “On va voir qui est le vrai dieu. Je vous propose un match! Un test! Voici la règle du jeu: chaque camp va prendre un taureau, le préparer et l’installer sur un autel, mais sans y mettre le feu. Puis chacun à son tour priera son dieu. Et le dieu qui enverra le feu sur le taureau, ce sera le vrai dieu.



Le peuple semble se réveiller. Il scande: “D’ac-cord, d’ac-cord!”. Un peu partout, des paris s’organisent: “Je mise tant sur Ba’al!” - “Et moi tant sur YHWH!”

Les prophètes du Ba’al préparent tout dans les règles: l’autel, le taureau; du bois bien sec. Ils commencent leurs prières, la foule se tait peu à peu. Tous observent, et attendent. Les prophètes crient: “Ba’al, Ba’al, réponds-nous! Ba’al, envoie le feu!”

Un sourire sur les lèvres, Elie regarde la scène: “Votre dieu, il dort. Ou bien il est sourd, plus fort! Ou alors il est en vacances!”

La foule s’amuse, et répond: “Il-dort, il-est-sourd. Plus-fort!”

Les prophètes redoublent de cris. Ils vont jusqu’à se lacérer, se déchirer la peau pour essayer d’attirer l’attention de leur divinité... Le temps passe. Et le feu ne vient pas. La foule s’agite, et les prophètes s’inquiètent. Elie sourit.
 

“À mon tour! hurle-t-il. Regardez!”

Etonné, le peuple le voit prendre douze pierres plates pour reconstruire l’autel. Les plus âgés se souviennent des douze tribus d’Israël, et du Dieu de leurs Pères, qu’ils ont quelque peu délaissé. Elie fait creuser un fossé autour de l’autel, et ordonne de verser douze jarres d’eau sur le bois. L’eau ruisselle, ça sent le mouillé. Toute cette eau gaspillée, après trois ans de sécheresse...

Arrive l’heure du couchant. L’heure de l’offrande. Dans le silence, Elie se met à prier: “Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob,  Seigneur Eternel, fais qu’on reconnaisse aujourd’hui que c’est toi qui est notre Dieu, à tous. Ecoute-moi, et ramène vers toi le coeur de ton peuple”.

La foule, silencieuse, écoute et attend.

Soudain, un éclair éblouissant, un fracas formidable! Le feu embrase le bûcher. En un instant, tout est consumé, le bois, le taureau. Et l’eau.

La foule effrayée se prosterne, dans un grand respect: “C’est YHWH qui est Dieu! C’est YHWH qui est Dieu!”

Elie, euphorique, tout plein de sa victoire, hurle: “Attrapez les prophètes, ne les laissez pas s’enfuir!” Et ivre de son succès, il les égorge tous, 850! Il les égorge, un à un!

Il ordonne ensuite au roi de monter au sommet du Carmel. Au loin, on entend un roulement de tonnerre. Elie, tout excité, impatient, court derrière Achab.

Arrivé au sommet de la montagne, il lève les bras, comme pour attraper Dieu. Puis il se prosterne, couvert de sang et de sueur... Mais la pluie ne vient pas. Comme pour dire que personne ne peut décider à la place de Dieu. Personne, pas même Elie!

Sept fois de suite, Elie, toujours face contre terre, envoie son serviteur pour scruter l’horizon. Et ce n’est que la septième fois qu’un nuage est annoncé. Enfin. Le ciel s’assombrit, le vent se lève, et, oui, la pluie se met à tomber. Enfin!

Elie se relève, et ordonne au roi de rentrer avant que les chemins ne soient inondés. Lui-même court devant le char d’Achab, il ne sent pas la fatigue. La pluie le lave du sang de ses ennemis. Il se sent comme un taureau puissant, invincible; comme un dieu. Et les anciens, le voyant courir ainsi, se souviennent de David, quand il dansait nu devant l’arche.



Elie triomphe. Il est vainqueur sur toute la ligne!

Mais voilà, ce bel enthousiasme ne dure pas. À peine est-il arrivé à Samarie qu’il apprend que la reine Jézabel a donné l’ordre de le faire mourir. “Tu as massacré les prophètes de mon dieu, Ba’al. Demain, tu seras égorgé, toi aussi!”

Elie doit s’enfuir, seul, dans le désert. C’est à nouveau la peur, et l’errance. Courir. Se cacher.

Après plusieurs heures de cavale, il se couche sous un genêt, épuisé.
Et, sous cette couronne fleurie, qui sert à orner les défunts, désespéré, il appelle la mort.

Dans le silence, Elie pressent maintenant que ce Dieu qu’il vient de faire triompher, ce n’est pas le vrai Dieu. Que cette victoire éclatante, qui lui a tant fait plaisir, elle ne rime à rien. Est-ce que lui, Elie, aurait outrepassé les ordres de YHWH? Dieu lui avait demandé d’annoncer le retour de la pluie; mais est-ce qu’il avait aussi ordonné ce match spectaculaire? Et surtout, surtout, le massacre des prophètes de Ba’al?

Elie, perplexe, ne sait plus très bien. Il l’a emporté; mais se serait-il emporté, du coup? Qui est Dieu? Il ne sait plus vraiment.

Il lui reste encore beaucoup de choses à découvrir. À suivre, bien sûr! Amen

Jean-Jacques Corbaz


dimanche 12 octobre 2014

(Co, Pr) Narration du 12 oct. 2014: "Prophète, pfffhh!"

« Un prophète, c’est quoi? » 1 Rois 17

Lectures: Esaïe 30, 8-11; Marc 15, 33-39; 2 Corinthiens 4, 10-11
 

Les vagues roulent, fortes et régulières. De temps en temps, des cris de mouettes percent le grondement de la mer. Et comme à chaque fois, Elie, le prophète Elie, face à la marée, se sent petit, très petit...

Prophète de Dieu. Pffffhh... Mais qu’est-ce que je suis, mais qu’est-ce que l’homme, face à l’immensité de l’univers? face au ciel; aux étoiles; à l’océan?

Les pieds d’Elie s’enfoncent dans le sable mouillé. Il sent sur ses lèvres le goût salé des embruns. Et il ne voit que les vagues, puissantes, à l’infini...

- Lève-toi, prophète! (Ça y est, voilà la voix qui revient, plus forte, bien plus forte que le roulement de la mer). Lève-toi, prophète! Va dire à mon peuple une parole d’espérance!

Est-ce Dieu qui parle? Faudrait voir à ne pas se tromper d’expéditeur!? Est-ce vraiment Dieu?

-Allons, Elie, ne fait pas le bêta, tu sais bien que c’est lui, voyons, tu le connais, depuis tout ce temps.

Alors, il faudra repartir?! Redevenir errant, vagabond, pieds en sang?! Coeur déchiré?! Comment trouver à manger, dans ce pays rabougri, meurtri par la famine, asséché? Et surtout, comment m’accueilleront-ils, “là-bas”? Comme si c’était moi qui avais décidé leur punition!! Comme si c’était ma faute, toutes ces années sans la moindre pluie, plus rien à se mettre dans l’estomac...

- À table! Elie, à table! Viens manger!

- J’arrive! J’arrive!

Elie se met en marche, lentement, vers la petite maison. La veuve le voit entrer, il est tout pensif. De plus en plus souvent, ces derniers jours.

- Assieds-toi, Elie!

- Ouais, merci; mais tu sais, j’ai pas beaucoup d’appétit.


 

La veuve le regarde, à moitié étonnée. Elle se rappelle le premier jour où elle l’a vu. Il était si maigre, il crevait de faim, ce matin-là. Il m’a fait peur. Il voulait m’enlever le pain de la bouche. Enfin, je croyais!

Les images reviennent dans la mémoire de la veuve: par politesse, elle avait écouté ce vagabond, cet étranger. Elle lui avait donné à boire, et même à manger, alors qu’il ne lui restait plus que cette seule poignée de farine pour elle et pour son fils...

Son fils... Elle le regarde, avec tendresse - et étonnement. Comme il a grandi, depuis! Il a une tête de plus qu’elle, à présent. Et il commence à avoir une ombre de moustache. Sa voix est celle d’un homme. À côté d’Elie, complice et amical, ce fils rayonne de force tranquille. Quand on pense qu’il a été si malade, ce fameux hiver, elle l’avait cru mort.

Dans la petite cuisine, personne ne parle. Elie regarde aussi l’adolescent; et il se dit qu’il devra le quitter, mais il est grand maintenant. Presque plus grand et fort que lui. Sur sa lèvre, on voit une ombre de moustache. Et sa voix est celle d’un homme, à présent.

Elie revoit ce jour comme si c’était hier. Quand il l’avait trouvé, sans vie, dans les bras de sa mère. Mais il l’aimait, cet enfant! Alors, il n’avait pas pu se retenir, il avait crié vers Dieu, il avait appelé... et Dieu avait répondu! Ranimé le garçon, et guéri. Dieu avait montré qu’il est un Dieu de vie!

 

Elie et la veuve se regardent, et ils pensent à la même chose: “Je suis un prophète, mais un prophète exilé et chassé. Aujourd’hui je dois repartir, Dieu m’appelle, dans mon pays. “Il est un prophète en exil. Est-ce qu’il va rentrer dans son pays?”

Alors, la veuve n’y tient plus. Elle pose la question à haute voix.

“Un prophète?” Le garçon est étonné. “C’est quoi, un prophète? Pourquoi te faut-il partir? Où iras-tu? Pour parler de quoi, de qui?”

Elie respire profondément et répond:

“C’est le Dieu vivant qui m’envoie. Dans mon pays, en Israël, il a été oublié. Le roi s’est mis à adorer des idoles. Le peuple a suivi, bien sûr. Alors, je suis allé devant Achab, le roi. Je lui ai dit que Dieu ne tolère plus ces religions païennes, que Dieu est bien plus fort que Ba’al, son idole. Et que, pour le prouver, il allait nous envoyer une sécheresse épouvantable. La famine! Et c’est bien ce qui est arrivé.

“J’attendais que le roi se mette en colère. Ou qu’il négocie. Mais non. Il n’a rien dit. Rien.

“Et alors, c’est Dieu qui m’a parlé. Il m’a envoyé me cacher, dans un ravin, au bord d’un ruisseau. Comme si Dieu lui-même était condamné à se cacher! Et chaque jour, écoute bien, c’est incroyable: malgré la sécheresse, oui, chaque jour des corbeaux m’apportaient à manger. Du pain et de la viande. Et j’avais l’eau du ruisseau pour boire et me laver.

- Mais alors, demande l’adolescent, pourquoi es-tu parti de ce ravin?

- Hélas, reprend Elie, le ruisseau s’est tari. Plus d’eau! J’ai bien dû m’en aller.

- Mais, Dieu a continué de s’occuper de toi?

- Mhh, presque, fait Elie. Il m’a envoyé à l’étranger, loin de tout. Et j’étais inquiet, bien sûr. Est-ce que Dieu pourrait me suivre, en-dehors d’Israël? Est-ce que Dieu pourrait me protéger, à l’étranger?

- Et alors, insiste le garçon? Alors?

- Alors, j’ai rencontré une femme. Elle n’avait plus qu’une poignée de farine à donner à son fils, pour le nourrir. Elle a fait des galettes. Et tu sais, c’est incroyable: chaque soir, il ne restait qu’une pincée de farine et quelques gouttes d’huile; et chaque matin, Dieu a redonné farine et huile, et il en redonnera toujours, jusqu’à ce que la pluie revienne! ... Cette femme, c’était ta mère. Et son enfant, eh bien, c’était toi!

Elie le regarde avec affection. “Tu es un homme, maintenant. Moi, je dois partir. Tu prendras soin de ta mère.”

Le silence est revenu. Lourd de plomb. Aucun des trois n’a plus faim.

Soudain, Elie se lève, brusquement. Renverse son tabouret, et court presque dans sa chambre. Il prend son baluchon, qui était prêt, et franchit la porte. La veuve essaie de se lever, mais Elie est déjà dehors, déjà parti. Son fils la serre dans ses bras. “Maman,  laisse-le, ils ont besoin de lui, là-bas. Pour dire des paroles d’espérance.”

- Je sais, dit la veuve. Dieu va envoyer la pluie. Enfin. Peut-être alors que son peuple lui reviendra?

                                      



 Mais Elie n’était (de loin pas!) au bout de ses surprises. À suivre! Amen

Jean-Jacques Corbaz 


samedi 11 octobre 2014

(Ci, Ré) 8 choses à dire à la personne qui fait son deuil


8 choses à dire à la personne qui fait son deuil

Quand un proche disparaît, on reçoit d'abord beaucoup de manifestations de soutien et de conseils. Certains nous sont utiles, d'autres moins. J'ai récemment publié un article intitulé "Les 8 choses à ne pas dire à la personne qui fait son deuil" (en anglais), dont voici le pendant, afin que vous sachiez exprimer des sentiments qui aideront cette personne.

1. "Je sais que tu souffres beaucoup."
Ce qui n'est pas du tout la même chose que "Je sais ce que tu ressens", une phrase que j'éviterais absolument dans la mesure où, même si vous avez traversé des épreuves similaires, chaque personne porte le deuil différemment. A l'inverse, les mots "Je sais que tu souffres beaucoup" expriment votre empathie.

Dans leur ouvrage Grieving the Loss of Someone You Love: Daily Meditations to Help You Through the Grieving Process (non traduit en français), Raymond R. Mitsch et Lynn Brookside indiquent que la phrase "Je sais que tu souffres beaucoup" contient les six mots les plus utiles à quelqu'un qui vient de perdre un proche.
"Aucune phrase ne permet de briser plus efficacement l'isolement dans lequel nous plongent le regret et une profonde tristesse, écrivent-ils. Quand ces six mots viennent appuyer un geste ou un contact physique, ils réchauffent le cœur et permettent de relever la tête. Ils disent à la personne qui souffre qu'elle n'est pas seule avec son chagrin."

2. "Tu veux que je te prenne dans mes bras ?"
Je sais pertinemment que tout le monde n'aime pas les manifestations physiques de sympathie, mais je sais aussi que lorsque j'étais en deuil ces gestes me manquaient terriblement. J'avais envie de serrer le facteur dans mes bras, mon prof de spinning, ma voisine et même son petit chien. Comme si j'étais une poupée de porcelaine, brisée en mille morceaux, et que chaque contact permettait peu à peu d'en recoller les pièces.

Deux semaines après la mort de ma mère, mon fils est parti en excursion au zoo pendant deux jours. Mon mari faisait partie des accompagnants. J'ai préparé leurs affaires et les ai regardés partir. Quand la voiture est sortie de l'allée, j'ai été envahie d'un immense sentiment de solitude. Je me souviens avoir épluché mon carnet de contacts jusqu'à ce que l'une de mes voisines décroche.
"Tu pourrais passer me serrer dans tes bras?", lui ai-je demandé.
J'avais sans doute l'air pathétique, mais c'est ce dont j'avais besoin à cet instant précis. Ça n'allait pas faire disparaître la douleur, mais ça m'a permis de surmonter cette mauvaise passe.


3. "Je suis sincèrement désolé(e)."
C'est direct. C'est honnête. Ca va droit au but. Ca montre que vous vous souciez de la personne. Et, comme le note Patti Fitzpatrick, un pasteur spécialiste des questions liées au deuil, « face à la douleur, il existe deux solutions très efficaces et d'une simplicité confondante : 1) soyez disponible et 2) dites : 'Je suis sincèrement désolé(e).' Point à la ligne. »


4. "Je suis là pour toi."
A vrai dire, la plupart des gens sont mal à l'aise face à la douleur des autres. Voir un proche dans tous ses états n'est pas chose aisée. Il est normal de vouloir les sortir de cette mauvaise passe, mais ça n'est tout simplement pas possible. Ce que vous pouvez faire de mieux, en revanche, c'est faire comprendre à la personne qui souffre que vous êtes là si elle a besoin de quoi que ce soit.

Ben Keckler, le pasteur qui s'occupe de mon groupe de soutien, a trouvé les mots pour le dire : « Quand on fait un travail de deuil, on ne veut pas que les gens nous voient dans cet état mais on a besoin d'eux pour nous en sortir. »

5. "Mardi prochain, je t'apporte des lasagnes faites maison."
Ce n'est qu'un exemple. Proposer de faire quelque chose de concret permet d'éviter le sempiternel: "Dis-moi si tu as besoin de quoi que ce soit." Les gens disent ça parce qu'ils veulent se rendre utiles mais ignorent ce dont a besoin la personne qui souffre. Or celle-ci ne le sait souvent pas elle-même, et elle n'a pas non plus la force d'y voir plus clair et de vous demander les choses.

C'est pourquoi il vaut mieux proposer quelque chose de concret comme, par exemple: "Je vais faire des courses. Si tu veux, je peux te ramener du pain et du lait."

6. "Est-ce que tu veux parler de lui/d'elle?"
Il est normal de se dire que l'évocation du défunt risque d'attrister celle ou celui qui fait son deuil. En fait, c'est l'inverse qui se produit. Quand on perd quelqu'un de très proche, on pense à cette personne en permanence. Au bout de quelques mois, on est choqué de voir que les gens n'en parlent plus. Ca nous brise le cœur. Evoquer un souvenir ou une anecdote sur le défunt indique à notre interlocuteur qu'on se souvient de la personne disparue, ce qui est très réconfortant.


7. Demandez "Comment te sens-tu" et soyez vraiment à l'écoute de sa réponse.
Quand vous donnez le sentiment que vous ne posez pas simplement la question pour être poli, et que vous n'attendez pas qu'on vous réponde juste: "Oh, ça va mieux", votre sollicitude participe au processus de guérison.

Keckler explique que le mot "mieux" est en fait l'acronyme de "Misérable, Instable, Exaspéré, Usé et Xénophile", puisque les personnes endeuillées passent par une vaste gamme d'émotions. Faire la part des choses peut s'avérer difficile, ce qui explique pourquoi il est très important de pouvoir parler librement de ses sentiments avec des personnes de son entourage.
Quelques mois après le décès de ma mère, je me rappelle avoir dit à mon mari que j'avais compris qui étaient les personnes avec qui je me sentais "en sécurité". A travers nos conversations et nos interactions, je savais qui acceptait de me voir telle que j'étais, et qui avait du mal à le faire. Les amis qui me mettaient « en sécurité » prenaient régulièrement de mes nouvelles. Ils s'asseyaient avec moi et me laissaient pleurer. Ils ne se formalisaient pas quand je les appelais en sanglotant si fort qu'ils ne comprenaient pas un mot de ce que je leur disais. Ils me laissaient libre de partager ce que je souhaitais leur dire, et c'est ce dont j'avais besoin.

8. Ne dites rien.
Que les choses soient claires : je ne parle pas d'éviter la personne qui fait son deuil ou de faire sembler d'ignorer que quelqu'un est mort. Ce type de comportement serait extrêmement blessant. Ce que je suggère, c'est de ne pas hésiter à fermer sa bouche et à ouvrir son cœur. Tenez-leur la main. Proposez-leur un mouchoir. Faites du café. Demandez-leur s'ils veulent marcher un peu. Quoi qu'il en soit, laissez-les parler. Le meilleur cadeau qu'on puisse leur faire dans ces cas-là, c'est de les laisser s'exprimer librement.

Mitsch et Brookside écrivent: "La plupart d'entre nous n'ont pas appris à parler de ce qui nous faisait souffrir. Nous avons enregistré, de manière consciente ou inconsciente, l'idée que 'ça ne sert à rien de parler', que 'pleurer ne changera rien' ou qu'on 'se fait du mal à parler de ça'. C'est absolument faux. Parler de sa souffrance ne l'alimente pas, elle permet au contraire de l'évacuer."