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mardi 30 décembre 2014

(Ci) L'avenir?

" Pour ce qui est de l'avenir, il ne s'agit pas de le prévoir mais de le rendre possible."

Antoine de Saint-Exupéry

dimanche 28 décembre 2014

(Co, Pr) «Dans vingt ans, vous direz...» - Narration du 28 décembre 2014


Lectures:  Psaume 90, 1-6 + 12; Matthieu 5, 3-9; Apocalypse 21, 1-4


Elle est assise là, sur le banc public; sur la petite place pour les jeux des enfants, au bord de la grande route. Elle est assise, fatiguée de toutes ces années de peine, de toutes ces journées, trop pleines, où il fallait aller, venir, et encore aller, sans trêve, même pas le temps d’un rêve!

Elle est assise, elle essaie de reprendre son souffle; et surtout de reprendre le cours de ces pensées, qu’elle avait toujours dû renvoyer à des jours... euh, meilleurs? Enfin, à plus tard.

Elle est assise, pour passer le temps de ces matins maintenant trop longs; trop vides; sans présence; sans arrivée et sans partance... Huitante-neuf ans, déjà....

Alors, elle regarde les gens; les passants. Les passants du marché; les marchands du passé... très passé, le bon temps! Très.




Elle regarde, et parfois reconnaît un visage. “Bonjour!” ... oh, déjà parti. Elle regarde, et souvent ne reconnaît rien. Les gens... Les Jules, et les Julien, qui sont les vieux de demain. Ça va? Voui, ça va; ça vient.

Julien... c’est qu’il lui manque; terriblement. Julien... Son homme. Son bonhomme, elle disait.

Julien... Quand elle pense à tout ce qu’elle a rouspété après lui, de son vivant; à tout ce qui l’énervait si fort: les essuie-mains, maculés à peine changés; les cheveux dans le lavabo; les verres et les tasses, rangés n’importe comment; les traces de ses souliers, boueux, sur le plancher, qu’il avait (encore!) oublié d’essuyer (...les souliers, pas le plancher!).

Julien... Si j’avais su que la vie était si courte, je t’aurais parlé un peu moins de poutze, et un peu plus de... mais je ne sais même pas comment ça s’appelle; je crois que je n’ai pas appris à “ça” nommer. Et toi, encore moins, je sais bien.

Tu te souviens? À notre mariage, le pasteur avait lu ce verset d’un psaume: “Seigneur, enseigne-nous à bien compter nos jours, afin que notre coeur apprenne la sagesse... Fais-nous comprendre que nos jours sont comptés”. Eh bien, je regrette; j’avais écouté; mais pas compris.

Quarante-sept ans ensemble, pourtant, ça nous a paru long, des fois. Sur le moment. Ces mois de chômage, dont on ne voyait pas le bout. Et puis, ces soirs, ah, quand les gamines ne rentraient pas; je m’inquiétais; la pendule ne voulait pas avancer. Quarante-sept ans, tous ces jours étaient comptés.


 

Et puis, Julien, tu es tombé malade. 
Cette grosseur, là... Tout s’est accéléré. Hôpital; convalescence; espoir. Et rechute. Re-hôpital; re-convalescence; re-espoir. ... Re-rechute, ma foi. Et... le visage fermé du docteur, quand... il est venu... me dire: “Madame Bezençon, il faudra être courageuse”. Quarante-sept ans, comptés et... bien comptés.

À l’école, c’était tout simple de compter. Et j’aimais ça! Des pommes + des poires. Des kilos de farine; + des kilos de plumes, et des kilos de plomb...

Mais compter: des jours; des mois; des années. Fois deux. Divisés par nos énervements, nos impatiences. Et moins, surtout, moins tout ce que j’ai oublié. Parce qu’on était trop pressés.

Pressés de faire... quoi, je vous le demande. Pressés vers quoi? Par qui? ... Parti!

Pressés de vivre; pressés de vieillir; et maintenant, déjà, pressés...  de mourir? Mais, mon Dieu, quelle vie!?

Est-ce qu’on ne pourrait pas... ralentir? Aller... autrement? Goûter nos journées... S’arrêter devant une rose... La sentir entrer en nous. Se tourner vers le soleil... S’ouvrir à sa chaleur, ... comme une fleur? Respirer la vie? Prendre le temps d’apprécier celles et ceux qu’on aime. Faire des provisions de tendresse...




Ces passants, pressés: mais qui va le leur dire?

- Ohé! Arrêtez-vous, les jeunes! Prenez le temps de souffler; d’admirer; de rêver. Prenez le temps d’aimer! Dans vingt ans, vous direz: “Ah, si on avait vingt ans de moins!”. Eh bien, aujourd’hui, vous les avez! Alors, profitez!

Moi? Je ne les ai plus; évidemment. Il faut que je rentre à la maison. Je suis fatiguée, mais un peu soulagée aussi. Ça m’a fait du bien de crier.

Tu sais, Julien, je te sens mieux, maintenant. Je vis un peu plus ta présence, en ce soir de tristesse. La vie n’est pas facile. Mais ça m’aide. Tu m’aides.



Elle est assise là, sur le banc d’angle, dans sa petite cuisine, trop grande. Son souper terminé, elle prend sa bible; l’ouvre; et y voit un bout de journal qu’elle avait découpé, il y a quelques années. Y est inscrite une phrase du pasteur Zeissig, qu’elle aimait écouter à la radio. Elle relit cette parole, la repasse dans son coeur et médite. Sur cette feuille, il est écrit: “Dieu t’a donné la vie courte; pour que tu n’aies pas le temps de la faire petite.”

“Dieu t’a donné la vie courte; pour que tu n’aies pas le temps de la faire petite.”

Elle se met à prier: Seigneur, enseigne-moi à mieux compter mes jours!

Amen

Jean-Jacques Corbaz



samedi 27 décembre 2014

(Ci, FA, Vu) «Le Noël chrétien, c’est l’espoir né de la faiblesse» (Marion Muller-Colard)

Marion Muller-Colard: «Le Noël chrétien, c’est l’espoir né de la faiblesse»

Théologienne protestante française, Marion Muller-Colard invite à quitter en même temps nos angoisses et la pensée magique pour se rapprocher de la confiance qu’un enfant nommé Jésus de Nazareth a mise en nous.

Que représente pour vous le message de Noël?
Au-delà d’un héritage culturel, je me sens une chrétienne convaincue. Ce qui est pour moi très fort dans le message de Noël, c’est que Dieu prenne corps. L’incarnation. J’aime d’ailleurs bien appeler Dieu «le très concret». Un Dieu qui se réduit à l’état d’enfant et qui se met en situation d’extrême vulnérabilité. A partir du moment où Dieu prend suffisamment au sérieux la situation humaine pour se l’infliger à lui-même, cela limite fatalement son pouvoir d’action. Il entre dans cette interdépendance totale spécifique du nouveau-né humain. Il y a un renversement inédit: c’est Dieu qui se met entre nos mains.

Et c’est pour cela qu’il faut dépasser le débat entre justice et injustice?
Voilà. Je ne crois pas en une justice immanente. Ou en tout cas, il y a des situations qui ne me paraissent pas pouvoir être vues sous l’angle de la justice. Vouloir réduire la réalité à cette impossible question binaire met face à un écueil insurmontable. Parce que cela sous-entend une intention de Dieu dans tout ce qui arrive.

A Noël, un grand espoir naît donc d’une totale faiblesse?
Voilà. Le Noël chrétien n’oppose plus la fragilité et l’espérance. Si j’osais, je dirais que pour moi, c’est ce que l’Eglise n’a pas compris pendant longtemps en situant Dieu du côté du pouvoir absolu. Ce qui met en marche d’abord les Rois mages, puis les apôtres, puis les disciples, puis toute l’Eglise qui s’ensuit, trouve son origine dans le message d’un Dieu qui prend part à la vulnérabilité. Avec une vraie prise de risque. Au départ, l’Evangile n’est pas un catéchisme, c’est un appel à l’amour et à la liberté, incarné en la personne de Jésus de Nazareth. C’est cela que je trouve très crédible dans la religion chrétienne. Je souffre devant beaucoup de torsions de ce message, qui font perdre sa véracité profonde à l’Evangile. C’est un trésor, à condition d’être prêt à le recevoir.

C’est-à-dire?
Nous sommes tous plus ou moins angoissés en tant qu’humains. On naît en pleurant. Nous sommes sans cesse ballottés par des déracinements. A partir du moment où nous sortons du ventre maternel, nous vivons des successions d’expulsions, de réadaptations... Pour nous prémunir contre l’angoisse, nous développons une sorte de réflexe psychique que j’appelle l’Enclos et dont on fait de Dieu le gardien. C’est Satan, dans le Livre de Job, qui l’appelle ainsi. Une tentation de recréer sans arrêt un cadre qui nous protège, qui nous rassure. La religion dans ce qu’elle peut avoir de réducteur, la famille, le travail. Mon ministère d’aumônier en hôpital m’a amenée à rencontrer des gens dont l’Enclos était fissuré. Un mariage qui s’écroule par exemple, le départ des enfants qui renient l’éducation reçue... la croyance en un Dieu tout-puissant se heurte à la réalité. Et tout s’écroule. On a besoin de réduire pour rendre l’incompréhensible compréhensible. Mais il y a des moments de vie où l’on rebascule dans l’insondable. Et l’on se rend compte que cette réduction a forcément ses… limites. Or ces situations d’extrême vulnérabilité peuvent être l’occasion de redécouvrir qu’en dépit de la menace qui plane sur chacune de nos vies, l’immense, c’est nos vies elles-mêmes, c’est une œuvre d’art sublime...

Permettez-moi ce jeu de mots, mais la toute- puissance, n’est-ce pas de tout temps le job de Dieu?
Oui, c’est ce qu’on lui a longtemps demandé. Mais ça ne fonctionne pas. A part sur l’illusion. Rien n’empêche Job de penser que si tout va bien aujourd’hui, c’est parce qu’il a récité les prières qu’il devait, accompli les bons rituels, etc. C’est ce qu’on appelle la doctrine rétributive. Evidemment, pour tenir les gens, rien de mieux que de les apeurer et tout de suite après de leur proposer une solution imparable. C’est ce qui m’a passionnée dans le Livre de Job, qui montre justement l’échec de cette théologie rétributive. Dieu pourrait m’éviter de tomber malade, mais il n’a pas pu éviter Auschwitz? C’est un non-sens.

Mais n’est-ce pas cela, croire?
Je suis spontanément croyante, même si je respecte tout à fait le point de vue athée voyant notre existence comme une série de hasards. Et précisément pour cela, je n’ai pas envie que l’on dise n’importe quoi sur le Dieu créateur. Je ne peux pas croire en un Dieu qui préserve ceux qui prient pour lui et enfonce les autres. De plus, cette lecture de Dieu mène à la double peine face à une épreuve: non seulement on souffre, mais en plus on se sent maudit, puni de ne pas avoir assez cru. Je n’imagine pas Dieu aussi mégalomaniaque que nous. Si l’image de Dieu participe à notre malheur, c’est certainement que nous nous trompons...

Reste la grande question: comment faire confiance en un Dieu qui ne nous protège pas du mal?
En fait, cela dépend sur quoi repose la confiance. Si on l’entend comme une sorte de protection absolue contre le malheur, il y a bien des chances d’être déçu. Beaucoup de gens renient alors Dieu. C’est ce que j’appelle la relation contractuelle: avoir placé Dieu comme garant de mon bien-être et ma sécurité. Soudain, si je vis une épreuve, je rejette tout en bloc et je pense m’être fait flouer. Comme Job qui a cette colère contre un Dieu qui n’a pas respecté le contrat. La foi, comme la confiance, doit pour moi se situer hors de l’enjeu de la sécurité. En restant dans une relation positive avec un Dieu dont je suis persuadée qu’il ne pactise pas avec le mal et le chaos, mais que, quoi qu’il arrive, il m’encourage, il me porte et me pousse à refaire le pari de la vie.

Cette vision ne vide-t-elle pas un peu le ciel, quand même?
Non parce que dans l’appel à la transcendance se trouve la force supérieure de l’inspiration que l’on appelle l’Esprit saint. Qui permet de me recentrer sur l’essentiel. Croire en sa présence, c’est aussi concevoir que je ne porte pas le monde toute seule, que tout ne repose pas sur mes épaules. Qu’il y a un Dieu qui nous appelle à participer à cette œuvre majeure consistant à opposer l’amour à la haine, la vie au chaos. Un puissant moteur quand même, non?

Un message encore audible au milieu des Pères Noël et des sapins?
Il est dommage que cette période finisse par être aussi stressante. Mais je crois que de plus en plus de personnes dépassent la seule frénésie de consommation et ont soif d’autre chose. A l’hôpital, je n’ai jamais été mise à la porte. Et c’est auprès des personnes qui m’accueillaient en me précisant qu’elles étaient athées que mes visites duraient le plus longtemps. L’humanité est une très vieille dame qui a essayé beaucoup de choses. Je pense qu’une partie grandissante d’entre elle comprend qu’elle tient sa vraie richesse dans ses mains. Dont le trésor de l’Evangile, celui de Noël, de ce Dieu qui nous rejoint au point d’épouser notre condition. Pour savoir ce que c’est de naître, de mourir, d’avoir mal aux dents. Ce trésor-là est encore à découvrir, mais je pense que de plus en plus de personnes cheminent vers lui.

C’est un peu le pari de Jésus?
L’enclos et le système, c’est assez proche. La parole de Jésus constitue précisément la déconstruction des systèmes. Quand on lit ce qu’il a dit, on ne peut qu’admirer son audace d’avoir cru que l’humanité était capable de liberté et d’amour. Il semblerait qu’il s’agissait d’un pari vraiment ambitieux. Il savait qu’à court terme ça ne pouvait pas marcher. Et que donc ça allait mal finir pour lui. Cependant il me prend à rêver qu’aujourd’hui, au moment où tous les systèmes se trouvent en bout de course, se réveille l’espoir de Jésus. Un peu comme ce que le parent attend dans l’éducation des enfants: l’intégration d’une éthique, et de sa différenciation avec la loi, sans peur de la punition ou course à la récompense. Cette intense confiance de Dieu en nous constitue un énorme capital. Une invite à la vie et à son risque. Est-ce qu’une telle confiance ne nous donne pas envie de nous en montrer dignes et d’être à la hauteur de l’espérance que Dieu met en nous?

A lire: Marion Muller-Colard, «L’Autre Dieu: la Plainte, la Menace et la Grâce», Ed. Labor et Fides.
 
© Migros Magazine – Pierre Léderrey

 

vendredi 26 décembre 2014

(Ci) La main de l'enfant...


« Il faut tenir la main de l'enfant qui est en vous. Pour lui, rien n'est impossible. »
                                 Paulo Coelho    

 

 

mercredi 24 décembre 2014

(Im) Bon Noël!

Joyeux Noël à toutes et tous! Que Christ vous permette de recevoir vraiment le fabuleux cadeau de la présence proche de Dieu!

Copyright Communauté de Grandchamp














Les ponts sont ce qui relie les êtres qui s'aiment

(Bi, Hu) Si Dieu était

Si Dieu était un parent d'écolier, il donnerait à tous ses enfants le même argent de poche, quels que soient leurs résultats scolaires.

Si Dieu était Sepp Blatter (dirigeant du foot international), il attribuerait à tous les joueurs le même salaire, qu'ils évoluent en 5ème ligue, à Barcelone ou Manchester!

Si Dieu était à la porte du Paradis, il laisserait tout le monde entrer!
- Et justement, coup de bol, c'est Dieu qui est à la porte du Paradis!



Bienvenue donc à vous, toutes et tous, futurs pensionnaires du bonheur infini!
Sachez-le: Dieu aimerait que ce paradis commence déjà ici, sur terre... avec votre aide!

Il y a encore du boulot, donc!

Je suis heureux de vous saluer...


Jean-Jacques Corbaz




dimanche 21 décembre 2014

(Pr) « Un fils nous est donné? Laissez-moi rire! » Genèse 17 - Prédication du 21 décembre 2014

Lectures: Genèse 17, 1-8, puis 17-19; Genèse 18, 8-14; Luc 1, 67-79

 “Mon plus beau cadeau, c’est quand j’ai reçu un enfant”.

L’histoire est authentique. Elle s’est passée dans la banlieue de Paris, il y a 27 ans. Jean-Marc était jeune encore, mais il n’avait aucun but dans l’existence. La drogue l’avait pris. Plus de logement, il avait quitté sa famille. Pour se nourrir et avoir un peu chaud, il fouillait les poubelles... Vous imaginez la vie!

Une nuit d’hiver, il était en train de “rebatter” dans une décharge. Tout à coup, il entend des petits cris. Un chat? Il s’approche. Non, c’est un bébé, dans un cornet en plastique. Un bébé abandonné, affamé, transi de froid, juste enveloppé dans quelques vieux chiffons.

Bouleversé, Jean-Marc prend l’enfant dans ses bras, le réchauffe comme il peut. Le bébé est violet, tellement il a froid. Que faire? Le laisser là? Impossible, il mourrait en quelques heures.

Jean-Marc décide de l’amener à l’hôpital. Les infirmières l’accueillent, c’est une petite fille. Elles l’appellent “Violette” (vous devinez pourquoi), mais pensent qu’elles n’arriveront pas à la sauver.

Pourtant, à force de soins, elle survit, cette petite. Elle se développe et grandit, incroyable! La police ne trouve aucune trace de ses origines, et voilà que le jeune clochard devient son unique famille!

Et c’est alors le vrai miracle. Jean-Marc revit, il a quelqu’un à aimer. Quelqu’un dont il se réjouit de chaque visite qu’il lui fait. Il arrive à se sortir de ses dépendances, il retrouve du travail, et un sens à ses journées.

Quelques années plus tard, il dira: “J’ai sauvé la vie de Violette, oui, mais c’est surtout elle qui a sauvé la mienne. Cette petite m’a été donnée”. C’est une histoire vraie, arrivée à Paris, il y a 27 ans.

“Mon plus beau cadeau, c’est quand j’ai reçu un enfant. Tout à coup, ma vie avait un sens, une direction, une espérance”.




Au fond, Jean-Marc a revécu un peu l’histoire d’Abraham et de Sara. Evidemment, on ne peut guère comparer leurs existences! Le patriarche n’était ni pauvre ni drogué. Il n’en était pas à fouiller dans les poubelles pour se nourrir.

Encore que, du point-de-vue de l’espérance, ce n’était guère mieux. Juste avant notre passage, Abraham, arrivant à la fin de sa vie sans avoir eu d’enfant, avait dû se résoudre à procréer avec une servante. Vous imaginez la situation familiale. Sara ne supporte plus cette “mère porteuse” qui partage son foyer et son lit conjugal. Alors, elle finit par la chasser. Ce n’est pas la misère, mais c’est bien le fond de la détresse pour ce couple de nomades: car à l’époque, ne pas avoir d’enfant, c’était une condamnation à la mort sociale. Sans enfant, on n’avait aucune valeur, aucune possibilité d’être quelqu’un. On n’avait aucun avenir, aucune espérance.

Dieu donne un fils à Abraham et Sara. Et, à travers ce bébé, il leur donne une descendance incroyablement nombreuse. Ils sont exaucés au-delà de leurs prières, au-delà de toute espérance! “Mon plus beau cadeau, c’est quand j’ai reçu un enfant”, pourront-ils dire, eux aussi.




Et cette vieille histoire, qu’on se raconte depuis la nuit des temps, cette vieille histoire à moitié oubliée, elle resurgit un jour, au milieu du peuple d’Israël. Ce peuple qui se reconnaît dans la descendance promise au patriarche.

Notre récit a été composé à l’époque de l’exil à Babylone; alors que les royaumes d’Israël et de Juda sont démantelés; alors que le Temple de Jérusalem est détruit; qu’il n’y a plus de sacrifice ni de religion juive possible, plus de pays, plus rien. Comme Jean-Marc et comme Abraham, le peuple juif est au fond de la détresse, en train de fouiller les poubelles de l’histoire et de la foi pour se retrouver des raisons de vivre.

Dieu dit au patriarche: “Je vais faire de toi l’ancêtre de beaucoup de peuples. Ceux qui naîtront de toi seront très nombreux. Ils formeront des peuples, et des rois sortiront de ta lignée. Je vais faire alliance avec toi, avec tes enfants et les enfants de leurs enfants, de génération en génération. Cette alliance durera toujours. Ainsi, je serai ton Dieu et je serai le Dieu de tous ceux qui naîtront de toi”.

Vous voyez, dit l’auteur de notre passage, au temps de l’exil, oui, la promesse de Dieu est toujours valable. Son alliance, qu’il nous a donnée par Abraham, elle est toujours en vigueur. Oui, Dieu s’est uni à nous pour toujours. Oui, il reste ce Père qui donne, et qui, surtout, se donne, tout entier, pour ranimer notre espérance. Pour nous remettre debout. Il nous donne des enfants, signe d’avenir promis, signe que tout est encore possible, pour lui. Et pour nous.

En 500 et quelque avant Jésus Christ, le peuple juif retrouve, dans ce récit ancien d’Abraham et de Sara, la source de l’espoir; le niveau le plus profond de l’alliance de Dieu. C’est le Seigneur qui s’engage lui-même, unilatéralement, en notre faveur.

“Peuple de Jérusalem, tu penses que tu as tout perdu? Regarde pourtant ce que tu as encore: tu as encore Dieu, ton Dieu. Et tu as des enfants! Car les naissances, qui continuent, nos familles qui grandissent et se multiplient, ce sont des signes que l’alliance du Seigneur est toujours en vigueur. Elle subsiste pour les siècles des siècles. Peuple de Jérusalem, tu peux dire, comme Jean-Marc, et comme Abraham et Sara: “Mon plus beau cadeau, c’est quand je reçois un enfant”. Le cadeau de Dieu.

Bien sûr, ce n’est pas facile de faire confiance à ces promesses, surtout quand on est au fond du trou. Lorsque la déprime nous enfonce, l’espérance nous paraît utopique; impossible à concrétiser. Alors, Seigneur, tes belles paroles, ça nous fait plutôt rigoler!

Vous avez remarqué? Abraham, lui non plus, n’y croit pas. Ça le fait se gondoler. Ben oui, il est trop vieux, sa femme aussi... Il rit. “Cause toujours, Seigneur”! Et pourtant, Isaac va naître.

Et cette mention du rire, elle va être soulignée par deux fois, pour bien montrer que cette réaction, elle est tout à fait normale. La seconde fois, ce sera dans le récit plus connu de l’apparition à Mamré (au chapitre suivant); quand des anges, ou Dieu lui-même, va savoir, annoncent au patriarche qu’un fils leur sera donné. À Mamré, c’est Sara qui rigole, qui n’y croit pas. Comme pour dire: voyez, peuple en exil à Babylone, il y a aussi votre rire là-dedans, il y a aussi votre peine à croire que Dieu puisse vous remettre debout. Mais, comme pour Abraham et Sara, il agit, il intervient pour vous sauver, vous pouvez lui faire confiance!




Au fond, vous pourriez terminer cette prédication vous-mêmes. Car vous savez bien, vous ne savez que trop bien, tout ce qui nous fait aujourd’hui désespérer; tout ce qui nous jette dans la misère, morale ou pécuniaire; tout ce qui menace notre avenir; tout ce qui nous fait douter (ou rire) des promesses de Dieu.

Et l’on pense à des situations particulières d’hommes, de femmes ou d’enfants d’aujourd’hui. Et l’on pense aussi à notre Eglise, qui se sent parfois, elle aussi, vieillissante, décalée, condamnée à la solitude... Et l’on pense à nos valeurs, au respect, à la droiture, à la confiance, qui se délitent... Est-ce que nous ne ressemblons pas par moments au peuple de l’exil, il y a 2500 ans? Un espoir, de la part de Dieu? Qu’il soit puissant et agissant? “Parole, parole”, comme chantait Dalida! Laissez-moi rire!

Alors, c’est à nous, chrétiennes et chrétiens de 2014 et bientôt 2015, c’est à nous qu’est adressé ce récit d’Abraham. Pour nous aider à concentrer nos regards, nous aussi, sur ce que Dieu nous donne encore; ce qu’il n’arrêtera jamais de nous donner: je veux dire: lui-même. Sa promesse, son alliance. Lui-même et: et un enfant! Ce bébé du premier Noël, en qui les engagements du Ciel sont étendus à toute la terre! Ce bébé du premier Noël, qui est le signe que Dieu espère dans les hommes infiniment plus que nous-mêmes n’avons d’espoir en lui. Ce bébé du premier Noël, qui est le signe que Dieu espère dans les hommes (en toi, en toi, en moi, même!) que Dieu espère en nous infiniment plus que nous n’avons d’espoir en nous-mêmes!

Sans conditions; sans marchandage du genre “donnant-donnant”, Dieu fonce! Sans nous attendre.

Sans nous attendre, mais pas sans attentes à notre égard! Car Dieu espère, oui, que nous osions courir derrière lui. Il souhaite de tout son coeur (et Dieu sait, et vous savez, comme il est grand, ce coeur!), il souhaite de tout son coeur que nous parvenions à lâcher nos peurs, nos tristesses, nos doutes; tout ce qui nous engourdit et nous paralyse, pour entrer avec lui dans la liberté de l’espérance.

Il souhaite que notre regard change, sur le monde et sur nous-mêmes; sur ce qui nous arrive. Que nous puissions discerner les signes de la présence de Dieu. Pour que nous puissions dire, avec le pasteur Zeissig (je cite): “La vie, elle n’est pas dans ce qui nous arrive. La vie, c’est ce que nous faisons de ce qui nous arrive.”

Puisse ce regard nouveau naître un vrai jour de Noël! Pour que nous puissions d’abord rire, et puis dire, avec Jean-Marc, avec Abraham et Sara, un jour qui soit celui de notre vraie naissance: “Mon plus beau cadeau, c’est quand j’ai reçu un enfant. Tout à coup, ma vie a un sens, une direction, une espérance. Le cadeau de Dieu.”. Amen

Jean-Jacques Corbaz



Sculpture

 


N.B.
Quelques précisions. Je n'ai pas abordé certaines questions adjacentes au texte de Gen. 17 qu'il aurait été bon de clarifier (ajd, je me suis concentré sur un seul axe).
Lors de l’étude biblique à Crêt-Bérard, j'avais + de temps, alors j'ai commenté en passant:
- les deux noms Abram / Abraham, leur signification et leur prononciation (dans le temps, on disait "Abran")
- l’AVS (enfants = AVS)
le nom “El Shaddaï” (Gen. 17, 1), dont j'ai parlé dans une prédication antérieure, qu'on traduit souvent de manière erronée par "le Tout-puissant" alors qu'il faudrait le rendre par "le Dieu fort" ou "le Dieu puissant" (voir sous http://textesdejjcorbaz.blogspot.ch/2014/11/pr-dieu-tout-puissant-predication-du-2.html)
- le chant “As-tu compté les étoiles?”
- "se concentrer sur l’essenCiel" en résonance avec 2 Corinthiens 4-5

JJC



samedi 20 décembre 2014

(Ci) clartés enlacées

Aujourd'hui, le lac a donné des reflets incroyables, scintillants, étincelants.
Trouvé chez une collègue cette citation qui lui va bien (au lac):
"Il faut maintenant vêtir nos oeuvres de durables clartés enlacées" (Alexandre Voisard)

dimanche 14 décembre 2014

(Co) Le Noël de M. Noël - conte

Conte de la fête de Noël, Orges, le 13 décembre 2014

Il s’appelle Noël. C’est un jeune garçon tout mignon, aux cheveux blonds, comme un ange. Il s’appelle Noël parce qu’il est né, vous l’avez deviné, un 25 décembre. Sa maman le trouve si beau, il est pour elle un vrai cadeau. C’est peu dire qu’elle l’aime: elle l’adore! Elle l’appelle “mon petit roi”, “mon doux trésor”.

Chaque année, pendant le mois de décembre, elle décore la maison: des branches de sapin, mmmh, ça sent bon! Des bougies, des guirlandes… “Tout ça, c’est pour toi, mon petit roi. Pour ta fête, parce que je suis tellement heureuse avec toi”. Elle lui montre les maisons des voisins, tout illuminées; et les rues de la ville, les places, les magasins, tout rayonnants de couleurs et de lumière. Dans un grand élan d’amour et de tendresse, elle lui dit même, une fois: “Tout ça aussi, c’est pour toi. Toute la ville est décorée en ton honneur. Tu nous donnes à tous tellement de bonheur!”. Et le garçon, bien sûr, finit par penser que c’est lui et lui seul que tout le monde fête le 25 décembre. Et sa maman elle-même, à force de le répéter, peut-être se met-elle à le croire aussi.


 

Hélas, les choses se gâtent pour Noël quand il commence l’école. Car la maîtresse, pour expliquer la fête du 25 décembre, précise que c’est la naissance de Jésus. “Jésus? Mais c’est qui?”. Tout étonné, Noël court vers sa maman: “Tu ne m’as jamais parlé de ce Jésus, qui est né le même jour que moi!? Pourquoi?”

La maman est embarrassée: “Euh c’est vrai, oui, j’ai oublié de te parler de lui. Mais je le connais si peu”. Et puis, voyant l’air déçu de son fils, elle ajoute très vite: “Mais tu sais, tu es bien plus important que lui. Les gens fêtent beaucoup plus Noël que Jésus”.

Le garçon est un peu triste, et surtout perplexe. Il découvre un univers qu’il ne connaissait pas. Il réfléchit, pendant plusieurs jours. Ce Jésus inconnu titille sa curiosité. Il aimerait en savoir plus.

Et puis soudain, il a une idée. “Maman, on pourrait inviter Jésus pour ma fête, puisque c’est aussi la sienne. Comme ça, je pourrai le connaître”.

“Oh, dit la maman, je ne pense pas que ce soit une bonne idée. Jésus est beaucoup plus vieux que toi. Vous n’avez pas les mêmes intérêts, ni les mêmes jeux. Vous n’aimez pas les mêmes choses”.

Mais Noël insiste. Et vous avez déjà compris que, quand Noël veut vraiment quelque chose, sa maman ne lui résiste pas longtemps. Elle finit donc par accepter. “D’accord, mon trésor. Nous l’inviterons le soir du 24 décembre, et tu pourras veiller jusqu’à minuit. Ainsi vous pourrez vous souhaiter tous les deux un joyeux anniversaire”.



Et voilà le grand jour qui arrive. En fin d’après-midi, la maman sort. “Je vais chercher Jésus”. Elle a décidé d’aller inviter un cousin célibataire, qui s’ennuie toujours le soir de Noël. Ça l’intimide un peu, car ledit cousin n’est pas toujours d’humeur agréable. Mais il fera un Jésus acceptable, pourvu qu’il accepte de jouer le rôle.

Dans la rue, les passants... passent, comme s’ils n’avaient que ça à faire. Pressés, les bras chargés de paquets, de victuailles, de bouteilles, de cadeaux... “J’espère, pense la maman, que le cousin ne va pas me remballer”.

Tout-à-coup, elle entend une voix: “Bonsoir Madame. Joyeux Noël!”. Elle se retourne, et voit un clochard, sur un banc. Il a une barbe, et les cheveux longs. Un grand manteau.

Un autre jour, elle aurait ignoré ce salut et serait partie rapidement, pour éviter que l’inconnu ne lui demande de l’argent. Mais là, elle le regarde, attentivement. “Au fond, il ferait un tout bon Jésus. Bien mieux que le cousin bougon” se dit-elle.

Alors, elle s’approche, et lui explique son idée. Le clochard en a les yeux qui pétillent. Un bon repas, une soirée bien au chaud, et rien d’autre à faire que de m’appeler Jésus?! Oh oui, d’accord! “C’est rigolo, sourit-il, parfois des passants m’appellent Jésus, à cause de ma barbe, de mes cheveux longs et de mon grand manteau.”
 



Ils arrivent à la maison. Noël est tout content de voir l’inconnu, il lui pose des tas de questions. Chic, le courant passe bien entre eux!

On se met à table. Le clochard raconte sa vie, et comment il en est arrivé à dormir sous les ponts. Il était acteur, comédien, il jouait dans des films, à la TV. Il vivait pauvrement, mais très heureux, avec sa jeune femme. Ils attendaient un enfant. Mais voilà, soudain, sa vie a basculé. Le drame. Sa femme s’est fait écraser par un automobiliste ivre. Elle est morte, et le bébé qui allait naître n’a pas survécu non plus.

Ayant tout perdu, “Jésus” a sombré dans une tristesse infinie. Il a cessé d’avoir du plaisir à jouer la comédie, à faire rire. Il s’est mis à boire, et à fuir les autres. Il a perdu son travail, puis son logement. Il n’avait plus que le vin pour le consoler. Et c’est ainsi qu’il en est arrivé à dormir en plein air, chaque nuit, et à mendier pour avoir de quoi boire et manger, un petit peu.

Tout en racontant sa vie, le clochard voit des étoiles scintiller dans les yeux
tout ronds de Noël, qui l’écoute avec passion. Et la maman, à côté de lui, qui s’intéresse à ses aventures aussi. “Jésus” retrouve le plaisir d’avoir un auditoire, de faire rire les autres; de les émouvoir. Il retrouve des anecdotes, des souvenirs...

À minuit, le clochard embrasse chaleureusement le petit garçon. “Joyeux anniversaire, Noël!” dit-il. “Joyeux anniversaire, Jésus!” répond l’enfant. Et, derrière eux, la maman essuie une larme sur sa joue.

Il est tard maintenant. L’homme doit s’en aller. Il remet son manteau, et Noël l’accompagne jusqu’à la porte. Au moment de se dire au-revoir, l’enfant lui dit: “J’ai encore une question: Jésus, c’est ton vrai nom?”. Le clochard sourit et répond: “Tu sais, chaque fois que tu ouvriras ta porte à quelqu’un qui a faim ou qui a froid, chaque fois que tu ouvriras ton coeur à un malheureux, chaque fois que tu feras du bien à quelqu’un qui en a besoin, eh bien il s’appellera Jésus, pour toi”.

Sur ces mots, le clochard s’en va, sans bruit. Il disparaît dans la nuit. 



 Jean-Jacques Corbaz







vendredi 12 décembre 2014

(FA, SB, Vu) Comment s'est constitué Israël - Du polythéisme au Dieu unique


I  Des quatre coins du Proche-Orient


Le peuple d'Israël est présenté dans l'Ancien Testament (AT) comme une entité cohérente, et même comme une grande famille (les 12 tribus représentant les enfants de Jacob, le patriarche). Or, dans la réalité historique, il n'en est rien.    Le "peuple élu" est la résultante d'un grand mélange de divers groupes humains sémitiques, venus des quatre coins du Proche-Orient.

Aux 14ème et 13ème siècle avant J-C, l'Egypte contrôle ce qu'on nomme aujourd'hui la Palestine, et qui est alors peuplée en majorité de Cananéens. En ce temps-là, une population de déracinés turbulents (probablement d'anciens nomades en voie de sédentarisation) fait parler d'elle. On les appelle Shasou ou Habirou, terme accadien (= de Basse Mésopotamie) qu'on peut rapprocher du mot biblique "hébreu". Ils vivent en marge de la société cananéenne contrôlée par l'Egypte.

Ce sont probablement ces Habirou qui ont laissé des traces archéologiques sur les collines de "Palestine": des gens qui ne mangent pas de porc (logique pour des nomades, cet animal étant peu facile à déplacer, au contraire des moutons), et qui échangent leur viande contre des céréales cultivées par les Cananéens, sédentaires, des régions plus basses et plus fertiles. Les dieux des Habirou sont différents. Ils célèbrent leur culte dans des sanctuaires à ciel ouverts, où se pratiquent des sacrifices.

Entre les 14 ème et 11ème siècle avant J-C, la région côtière est envahie par des conquérants venus de la mer. Dans l'AT, on les appelle le plus souvent les Philistins. Ils sont en fait Mycéniens, donc Grecs. L'Egypte, qui est alors dans un creux de vague, ne parvient pas à les repousser.

Ces invasions font fuir les Cananéens sédentaires. Impossible donc désormais pour nos semi-nomades de troquer leurs produits. Ils vont dès lors se sédentariser et devenir eux-mêmes cultivateurs. Le récit de Caïn et Abel (Genèse 4) est-il un reflet de ces relations compliquées entre bergers et cultivateurs, voire la trace symbolique de ce moment où le sédentaire "tue" le nomade?



 




II  Les quatre groupes principaux


Ce peuple nouveau qui émerge n'est de loin pas monolithique. On a pu discerner plusieurs composantes, et au moins quatre origines diverses.

1. Certains sont venus de haute Mésopotamie au 13è siècle av. J.C.; ce sont les "Benê Jacob" ("fils de Jacob"), un groupe araméen en migration. Ils rencontrent, probablement dans la région de Sichem, un autre clan en déplacement, les "Benê Israël", et concluent une alliance avec eux. Pour cimenter cette union, ils vont fondre leurs traditions en une seule, faisant de leurs deux ancêtres, Jacob et Israël, une même personne.

2. Ces "Benê Israël" ont vécu quelque temps dans le delta du Nil, où ils auraient été employés à la construction de deux villes royales, Pitôm et Ramsès. Leur fuite d'Egypte, probablement sous le long règne de Ramsès II (~ 1279-1212), est devenue un élément mythique fondateur du nouveau peuple en formation.

La rencontre de ces deux groupes aboutit à l'"Alliance de Sichem" (Josué 24, notamment). Ce pacte leur donne un code de conduite commun, sous la tutelle d'un dieu nommé YHWH (Yahwé, Yahô ou Yahou). Ce dernier semble avoir été adopté comme puissance spirituelle après la sortie d'Egypte, et être resté l'emblème du nouveau peuple en particulier dans les périodes de guerres ou de catastrophes naturelles.

À côté de lui, on adorait d'autres divinités, soit féminines (Ishtar ou Astarté, déesse mère, notamment), soit masculines, dont le plus connu est El, dieu de la fertilité (il est le pendant du dieu cananéen Baal), et qui va progressivement voir son nom passer au pluriel ("Elohim" = dieux!). La religion est alors polythéiste, YHWH jouant le rôle de divinité de la victoire et de la liberté, à côté d'autres figures davantage centrées sur la fécondité.

3. Un troisième groupe sémitique habite la région d'Hébron, au sud de la Palestine. Population clairsemée de bergers et se réclamant d'un ancêtre nommé Abraham, ils peuplent peu à peu les zones montagneuses de Juda, entre Jérusalem (qui n'existe pas encore, en tout cas sous ce nom) et Hébron. De Bethléem, qui se trouve dans ce périmètre, sortira un chef de bande du nom de David. Ce dernier deviendra le roi le plus glorieux de toute l'histoire de ce nouveau peuple. Sous son règne, cette population se constituera peu à peu en "Maison" (= tribu) de Juda. Et lorsque David unira Juda à Israël sous sa domination, Abraham sera placé en tête des patriarches, comme ancêtre de Jacob/Israël.

(Notons qu'il n'est pas certain que cette unification ait été effective sous David. Peut-être n'a-t-elle été qu'un projet, plus ou moins concrétisé dans la réalité. Ou une vague confédération de tribus relativement indépendantes les unes des autres. Il est même possible que cette unification n'ait été imaginée qu'au 7ème siècle av. JC, par le roi Josias qui cherchait une justification historico-religieuse à ses désirs de conquête...).

4. Un quatrième groupe vient du Néguev occidental, soit également au sud du pays: le clan d'Isaac. Il est probable que ce groupe ait vu son territoire annexé par David et rattaché à Juda. À ce moment, on aurait assimilé leur ancêtre, Isaac, au fils du patriarche Abraham, à nouveau pour unifier les deux entités. Il était fréquent, à l'époque, de procéder ainsi, par amalgame.






III  Au long de l'histoire, pas à pas


À l'exception des règnes de David et Salomon (et encore, ce n'est pas certain, voir ci-dessus), Israël n'a jamais été un état uni. Il y a au nord le royaume d'Israël, plus fertile, où l'on adore davantage El/Elohim, Baal et Astarté (un synchrétisme, donc, entre les dieux cananéens et ceux d'Israël); et au sud celui de Juda, autour de Jérusalem, dont la population est plus pauvre, moins sédentaire et davantage soumise aux caprices de la météo.

La foi en un Dieu unique ne s'est imposée que tardivement, et probablement par à-coups. Ce sont surtout les tentatives d'unir les tribus sous une même autorité politique qui ont conduit à unifier, voire à centraliser la religion.

A
La première étape, imaginée ou réelle, est donc le règne de David, puis celui de Salomon (avec la construction d'un temple à Jérusalem, qui essaie de supplanter tous les "hauts lieux" sacrés du pays. Mais les anciennes croyances subsistent, et le pouvoir royal peinera toujours à éliminer les cultes secondaires.

B
La seconde étape commence avec la prise d'Israël (le nord) par l'Assyrie en 722 av. JC. Juda est menacé, et se sent à la merci des envahisseurs. Assiégée, Jérusalem résiste tant bien que mal grâce à sa topographie privilégiée. Et connaît alors un afflux de réfugiés du nord, fuyant l'ennemi. Au moment où les Mésopotamiens n'ont plus qu'à cueillir la ville, à bout de force après un long siège, coup de théâtre: une épidémie de peste décime les rangs des Assyriens, et les oblige à rentrer au pays.

Juda triomphe, et voit dans cette délivrance providentielle la main de YHWH, en réponse à ses prières. Pour assimiler les rescapés d'Israël, on réécrit les textes sacrés en unifiant les ancêtres, mais aussi les dieux. C'est là semble-t-il que l'identification entre El/Elohim et YHWH vit une étape importante.

C
Quelques années après, un roi de Jérusalem, Josias, se rend compte que les deux super-puissances de la région connaissent un temps d'essoufflement. L'Egypte et l'Assyrie, attaquées par d'autres peuples, laissent tranquille la Palestine. C'est l'occasion pour Josias de tenter un coup d'envergure: conquérir un vaste territoire, composé par les différentes tribus, villes et régions dont parlent les anciennes traditions.

La cour de Josias retravaille donc les écrits sacrés, produisant notamment le livre du Deutéronome, qui raconte la sortie d'Egypte d'une manière nouvelle. On centralise fortement la religion autour du temple de Jérusalem. Grandit alors une espérance immense, celle de voir Juda/Israël devenir une puissance régionale assez forte pour résister aux ennemis héréditaires, l'Assyrie et l'Egypte.

Malheureusement, Josias est vaincu et tué en 609 dans une bataille contre les troupes du pharaon. Et en 597, Babylone, qui a vaincu l'Assyrie, marche sur Juda et occupe toute la région, y compris Jérusalem. La ville est mise à sac, les principales constructions rasées, le temple est détruit. C'est la fin du dernier royaume juif totalement indépendant.

D
Et c'est alors le fameux exil à Babylone. Les élites sont déportées, et la religion subit l'une des pires remises en questions de l'histoire d'Israël. Pourquoi Dieu, qui a montré si souvent des signes de puissance, a-t-il laissé son peuple subir cette humiliante défaite?

Une réponse émerge lentement, douloureusement: Dieu nous punit parce que nous l'avons négligé. Nous avons adoré d'autres dieux à côté de lui. Elohim/YHWH demandait un exclusivisme, et il a été déçu.

À Babylone la foi juive se refaçonne donc de manière importante. Il n'y a plus de sacrifice possible, puisque le Temple n'existe plus. Et c'est autour de la volonté de Dieu, et du respect minutieux de sa Torah (= ses commandements), que s'articule la religion ainsi réformée. Eviter le péché (= négliger les projets d'Elohim/YHWH) devient essentiel, alors qu'auparavant on pouvait toujours, par l'offrande d'un sacrifice, tenter d'effacer nos manquements.

C'est pour fortifier ce respect et éviter les résurgences de polythéisme qu'on "serre les boulons" autour du Dieu unique. Avec en plus cet impératif de lutter contre l'influence des dieux babyloniens, forcément attrayants, puisque leurs protégés ont été victorieux!

C'est à ce moment, notamment, que les Juifs exilés réécrivent le récit de la Création. Ils veulent montrer, à travers la fameuse genèse en sept jours, que les astres, qui sont adorés à Babylone, ne sont que des objets façonnés par Dieu.

Tandis que les mythes de Mésopotamie présentent l'être humain comme jouet des "puissances" célestes, la Création des exilés affirme que le monde nous est offert pour que nous en soyons responsables. Tout ce que Dieu a fait (humains, animaux, végétaux, astres, éléments naturels, eaux, terres et montagnes), tout est positif et digne d'attention. Le Créateur nous appelle à respecter cette terre et à y cultiver une relation vivante avec lui.

E
Ce n'est qu'au retour de l'exil, à la fin du 6ème siècle avant JC, que cette religion réformée va s'implanter en Judée. On rebâtit le Temple de Jérusalem et on se promet bien de ne jamais retomber dans les désobéissances et dans le polythéisme qui ont causé la catastrophe.

La foi accorde énormément d'importance aux sacrifices, et surtout aux prêtres, qui opèrent une véritable prise de pouvoir sur le judaïsme. La livre du Lévitique consacre cette évolution.

Une religion nouvelle est née, résolument monothéiste et scrupuleusement respectueuse des commandements de Dieu. Cependant, Juda et Israël restent sous la domination perse, puis grecque (Alexandre le Grand et ses successeurs, dès 332 avant JC), et enfin romaine, dès 63 avant JC. L'ancien royaume "de David" ne constituera plus jamais une entité politique indépendante... tout au moins jusqu'en 1948.





IV  Dire qui est Dieu


Ces tribulations politico-religieuses nous aident à comprendre à quel point l'AT et le judaïsme ont évolué pour devenir ce que nous lisons dans la Bible. Loin de constituer un bloc uniforme, ils fourmillent de nuances, de couleurs multiples, de couches historiques entremêlées, qui chacune ont leur voix propre. Aucune n'est plus "vraie" ou plus "fausse" qu'une autre, pas plus que les fleurs diverses qui constituent un bouquet.

Souvent, l'AT a été réécrit, en commettant parfois de gros anachronismes (Abraham nous est montré traitant avec des rois qui vivaient à des époques tout à fait différentes; les murs de Jéricho sont tombés plusieurs siècles avant Josué et n'ont jamais été rebâtis, etc).

Ces réécritures n'avaient aucune prétention historique ou journalistique: leurs auteurs faisaient de la théologie, ils parlaient de leur relation avec Dieu, quitte à déformer les faits!

Il s'agissait à chaque fois de dire qui était Dieu et quelle était la religion, la relation avec lui qu'il appelait, afin de répondre aux difficultés et aux défis d'une époque nouvelle qui se présentait.

Fortifier la cohésion, autant entre les Juifs qu'avec la transcendance. Montrer que Dieu était là, tout proche, malgré les événements qui lui semblaient contraires. Encourager à garder la foi, et la confiance; à rester debout et responsables, au milieu des mutations. Toujours, Dieu agit. Sans cesse, il nous aime et tient à nous. Continuellement, nous sommes infiniment précieux à ses yeux. Il est vivant!

Jean-Jacques Corbaz, mai 2012




P. S. Depuis que j’ai rédigé ce texte, la recherche a progressé, notamment grâce à Thomas Römer. Certaines de mes affirmations ci-dessus mériteraient d’être nuancées ou modifiées, même si le sens général subsiste. Pour plus de précisions, je vous invite à consulter les ouvrages de Thomas Römer: “La Bible, quelles histoires!” (Bayard et Labor+Fides); et “L’invention de Dieu” (Seuil).




samedi 6 décembre 2014

(Ci, Hu) Tant qu'on peut dire "aïe"

Une ancienne catéchumène (merci Sabine!) me cite sa vieille voisine, aujourd'hui décédée, qui lui disait avec courage, malgré ses handicaps: "tant qu'on peut se lever le matin et dire aïe, c'est que tout va bien!" 


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vendredi 5 décembre 2014

(Im) Bon Avent!


Que la lumière de notre Dieu, qui se fait infiniment proche à nous toucher, nous donne espérance et paix à toutes et tous!


mardi 2 décembre 2014

(An) Une soupe à Yverdon, ça vous dit?

Soupes d'ici et d'ailleurs
Le service communautaire Solidarité du Nord vaudois sert la soupe, en compagnie de nombreuses autres associations caritatives. Sympa!
Du 1er au 24 décembre, place de la gare, Yverdon, de 16h à 20h. Gratuit.
Voir https://www.facebook.com/pages/Soupes-dici-et-dailleurs/1505982416318582?notif_t=fbpage_fan_invite
 
 
Et aussi
Une idée : passer un petit moment au stand des Eglises chrétiennes régionales lors d’une des deux soirées de nocturnes (19 et 23 décembre au centre-ville d’Yverdon, près du Temple Pestalozzi), lieu d’accueil gratuit pour s’arrêter boire un thé, manger un biscuit, se rencontrer au cœur de la cohue des derniers préparatifs. 

Autre stand pour se restaurer et soutenir le projet solidaire au Mozambique : devant le cajo, à la rue du Pré 12.

Merci d’en parler autour de vous!


lundi 1 décembre 2014

(Ci) solitude habitée

"On n'a pas peur de vivre seul, quand on attend quelqu'un."
(Gilbert Cesbron)

(An, Im) Exposition « Raconte-moi une histoire » par Renata Štolbová


L’association du Tireur d’Epine, dont le but est d’assurer la promotion de ce site historique qu’est l’église médiévale de Grandson, vous invite à un pèlerinage en Bohème du Sud,  emmenés sur les chemins de l’Avent par l’artiste tchèque Renata Štolbová. L’exposition intitulée « Raconte-moi une histoire » est ouverte tous les jours, sauf le lundi, au Temple de Grandson, de 14 h à 17 h, du 29 novembre au 28 décembre 2014.

L’artiste peintre est née en 1958 à České Budějovice, Budweis en allemand, à la frontière autrichienne. C’est là qu’elle a étudié de 1977 à 1979  la pédagogie des arts plastiques et la langue tchèque. Elle a ensuite poursuivi ses études à Prague : arts graphiques et illustration. Après avoir illustré de nombreux livres pour enfants,  elle expose ses œuvres  de peinture libre dans plusieurs villes tchèques et à l’étranger. Elle travaille en ce moment en collaboration avec son mari Tomáš Štolba  à la création de marionnettes et de figurines en bois.  

L’oeuvre de Renata Štolbová invite au pèlerinage,  comme son pays, dont les étangs reflètent les couleurs du temps. Les peintures de Renata sont comme autant de fenêtres de l’Avent: elles reprennent avec beaucoup d’originalité  les thèmes de la Bible, ainsi que ceux de la piété populaire, de la tendresse humaine,  avec des fleurs et des animaux, dans un paysage maternel qui les entoure de sa prévenance.
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