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jeudi 22 juin 2023

(CF, Li) Barbe blanche

Nous croyons que Dieu n’est pas celui de l’imagerie populaire, soit un vieillard à barbe blanche qui, de son nuage, tirerait les ficelles du monde pour nous diriger pas à pas.

Nous croyons que Dieu est la force d’amour qui crée le monde, et continue de le créer chaque jour, chaque fois qu’une vie naît; chaque fois qu’un amour est donné.

Nous croyons que Dieu se révèle dans la faiblesse de Jésus, mort sur la croix, acceptant nos souffrances, nos violences, nos démences, pour les démasquer et les transformer partout où elles se trouvent. Il l’a fait pour nous offrir le bonheur, la paix et le sens à nos vies.

Nous croyons donc qu’il est toujours à l’oeuvre à travers nos gestes de justice, et qu’il nous interroge sur nos actes individuels, mais aussi sociaux et politiques, pour nous ouvrir à l’authentique liberté dans l’amour. Amen

Jean-Jacques Corbaz, février 1980 



lundi 19 juin 2023

(Pr) Changer de vie (2°) Jacob, qui a gagné, qui a perdu?

Lectures bibliques: Genèse 32, 23-32; 2 Corinthiens 5, 17-20

Quand j'étais petit, je croyais que baptiser, c'était d’abord donner un nom. Je pensais que c’était au baptême que les parents choisissaient comment appeler leur enfant. J'ai été très étonné quand j'ai su que le prénom devait être fixé dès la naissance, et inscrit à l'état-civil.

Cette idée du baptême qui donne un nouveau nom a pourtant existé, aux premiers temps de l’Eglise, ainsi qu’en terres de mission. D’ailleurs, elle s'enracine dans les âges les plus anciens. Ainsi, dans la Bible, on voit des gens qui changent de nom pour marquer un changement de vie. On voit Simon qui devient Pierre; Saul qui devient Paul. Et, dans notre passage, Jacob, qui reçoit le nom d'Israël. 

Etrange, cette lutte mystérieuse! Bizarre, ce Jacob! Nous qui aimons voir clairement qui sont les bons et les méchants, Jacob nous déroute. Il est choisi par Dieu, qui veut le bénir; et pourtant, yayouille: il ruse; il trompe son frère puis son père; il vole son beau-père; et il trouve le moyen de se battre contre Dieu lui-même!

Jacob serait-il si mauvais?

Je crois surtout que ce gaillard nous ressemble beaucoup, avec son mélange de qualités et de défauts, lui qui lutte parfois contre Dieu et parfois pour Dieu. J'en ai rencontré, des Jacob, et même dans mon miroir!

C'est un malin, Jacob. On se rappelle l'épisode des lentilles: Esaü, son aîné, rentre d'une journée de chasse, affamé. Voyant son frère qui prépare une soupe, mmmh, il demande à manger. Mais Jacob fait du chantage: OK, je t’en donne, mais je l'échange contre ton droit d'aîné! Esaü, mort de fatigue et de faim, accepte.

Deuxième supercherie: il reste à extorquer au père sa bénédiction, donc son testament. Car recevoir la bénédiction d'un chef de clan, c'est obtenir une partie de ses pouvoirs. C’est ainsi que Jacob se déguise pour tromper Isaac, qui est presque aveugle.

Esaü, se rendant compte qu’il s’est fait rouler, crie vengeance. Alors, notre héros s’enfuit et va se réfugier chez un oncle. Il épouse les deux filles de Laban, mais il s'enrichit sur le dos de son beau-père, en lui piquant les meilleures bêtes du troupeau. Encore une supercherie!

Le résultat ne se fait pas attendre: sa belle-famille veut sa peau, et Jacob doit fuir, une fois de plus. Il est obligé de rentrer au pays, près d’Esaü.

Mais il a toujours peur de son frère. Alors, il déploie de nouvelles ruses pour tenter d’apaiser sa colère: des troupeaux, en cadeau, partent devant. Puis Jacob répartit sa famille en petits groupes, pour qu'en cas d'attaque, certains puissent s'enfuir.

C'est ainsi qu'il se retrouve seul. Tout seul, avec sa frousse! Et, là-contre, eh bien, ses ruses ne peuvent rien. Plus il se rapproche d'Esaü, plus il tremble.

Il arrive à la rivière – la frontière. C'est le soir. Un inconnu l'attend. Ils se battent; roulent dans la poussière, toute la nuit.

Au fond, Jacob ne lutte-t-il pas surtout contre lui-même?

Toute sa vie, il a misé sur les tromperies. Cent fois, Dieu a voulu le bénir. Mais Jacob n'écoutait pas. Il ne se fiait qu'à lui-même, son intelligence, sa ruse. Le jour où il avait fui son frère, il avait même marchandé avec Dieu: «Si je m'enrichis, avait-il dit, alors je chasserai de ma famille toutes les idoles».

Jacob? Il a plus confiance en lui qu'en Dieu. C'est peut-être pour cela qu'il nous ressemble. Il préfère voler une bénédiction par roublardise que la demander ou l'attendre. Désespérant!


Qu'auriez-vous fait, vous, à la place de Dieu, avec un gaillard aussi peu recommandable?

Lui, il a souri dans sa barbe: «ah bon, Jacob, tu veux jouer au plus futé? D'accord! À malin, malin et demi!»

Et vous le savez, l'inconnu qui lutte avec Jacob, vers la rivière, c'est Dieu, dit la Bible. Dieu qui se bat avec une force semblable à celle de son adversaire, si bien que le combat peut durer une éternité; il n'y aura ni vainqueur ni vaincu.

Arrive le matin. «Laisse-moi partir, dit Dieu, j'abandonne». Et Jacob, qui ne loupe aucune occasion de s'offrir un avantage, Jacob rétorque: «OK, je te laisse à condition que tu me donnes ta bénédiction» - donc une partie de tes pouvoirs!

Dieu accepte. En apparence, il a perdu le combat; le combat de la rivière. Mais il a gagné la guerre; la guerre d'usure qui le voyait poursuivre Jacob depuis des dizaines d'années, pour lui proposer de vivre avec lui, et le bénir. Et là, c'est Jacob qui demande lui-même cette faveur.


J'aime ce Dieu tellement proche, qui roule par terre avec nous, et nous laisse gagner au petit jeu du plus fort, pour nous donner faim de ses promesses, de son alliance.

Vient alors la bénédiction. «Tu ne t'appelles plus Jacob, celui qui prend la place d'un autre, l'embobineur. C'est fini. Tu t'appelles Israël, c'est-à-dire «Dieu se bat» ou «celui qui lutte avec Dieu». Dans cette alliance nouvelle, tu n'appartiens plus à tes faux dieux: ta ruse, tes tromperies. Non, tu es un partenaire de Dieu, un lutteur de Dieu!

À cette époque, le nom est beaucoup plus qu'une étiquette. Il indique un rôle, une fonction. Par exemple, l’esclave qui changeait de maître recevait un nouveau nom, car seul celui qui a des droits sur vous peut décider comment vous appeler!

Jacob, qui es-tu? Par mon alliance, dit Dieu, tu cesses d'être le rusé-qui-trompe, tu deviens mon partenaire dans mon combat.

Israël, à son tour, voudrait entendre le nom de son adversaire. Car si Dieu le prononce, il donne à l'homme du pouvoir sur lui. 

Mais Dieu disparaît. Et c'est Israël-Jacob qui le dit, ce nom, face au soleil levant. Debout, il sait que, de ce combat, tous deux sont sortis vainqueur.
                                                       

Cette belle histoire de la Bible est un mythe, une parabole. Jacob représente ici le peuple d’Israël, qui s’est tant débattu, parfois pour Dieu, parfois contre lui. Mais nous pouvons y lire aussi l'annonce déjà du baptême en Christ; l'alliance que Dieu nous offre, pour laquelle il nous cherche avec autant d'assiduité que Jacob. Et que nous suivons si mal!

Nous, nous disons souvent: «Si Dieu existait, il devrait ceci ou cela...». Mais, comme Jacob, nous ne voyons pas un problème essentiel: c’est que les obstacles à la bénédiction de Dieu et à ses bienfaits, c'est nous qui les dressons, pas lui!

«Laissez-vous réconcilier» dit l'apôtre Paul. Laissez la paix de Dieu, son amour, pénétrer dans vos vies par l'alliance qu'il vous offre. Abandonnez vos fausses sécurités, votre confiance excessive en vos stratagèmes. Acceptez vos fragilités, et regardez-les à la lumière de la tendresse immense de Dieu.

Et si cette alliance pouvait réellement changer notre vie de personne placée sous le regard passionnaimant de Dieu? Souvent, nous avons besoin de beaucoup d'années, comme Jacob, pour apprivoiser cette relation spirituelle. Et pour demander à Dieu sa bénédiction.

Puissions-nous y parvenir! Mais aujourd'hui, à nous, adultes, la question est posée: qui es-tu? Quels sont tes dieux? Où est ta force? Amen
  
Jean-Jacques Corbaz





vendredi 2 juin 2023

(Po) Rien qu’un

 

Qu’il y ait sur la terre,
Au milieu des millions de misères,
Un rayon de soleil;

Qu’un petit d’homme espère
Et secoue ses couches de poussière,
Se dressant vers le ciel;

Qu’une seule sirène,
Au meilleur des maillons de la chaîne,
Au plus fort des plafonds de nos peines,
Annonce le réveil:

Alors,
Dieu ne sera pas mort!

Jean-Jacques Corbaz, septembre 1985  


(Po, Co) Tu cherches

 

Nîmes, Tour Magne
C’est à Nîmes que je l’ai rencontré, entre la Tour Magne et les Arènes, c’est-à-dire un peu partout. D’habitude, je n’accoste que les jeunes-filles, et je ne sais pas encore aujourd’hui pourquoi j’ai dérogé pour lui. Peut-être à cause de ses yeux si grands, si ouverts sur l’invisible; peut-être parce que sa folie ressemblait à la mienne… C’était un jour de pleine lune, la nuit ne reviendrait jamais. Et moi, savais-je quand je reviendrais?

Je lui ai dit, balbutiant ma presqu’espérance:
- Vieil homme, où se trouve la place des fêtes?

Il me répondit, avec son accent inimitable, que je vais essayer d’imiter pour vous tout de même:
- Héh, mom bong, ça fé quaïnze ang queu jeu lacherchossi, moi-mêmeu, véh!

Conciliant, je conciliabulai de concert:
- On pourrait peut-être la chercher ensemble?

La réponse tomba, comme un silence de plomb:
- Ma placeu dé fête, elleu n’é pas la mêmeu queue la tienneu!

Vous avez remarqué avec quelle facilité on se tutoie dans les contes fantastiques - remarque qui me permet de souffler et de reprendre mes esprits.

Autour de moi, la rue était vide. Mon petit homme avait disparu. 

Extrapolant sa direction, je courus cahin-caha-Caïn à belle allure - mais pas très longtemps. Au premier virage, je le vis qui dérapait légèrement, droit devant mon oreille gauche. Visiblement, il cherchait. Je l’ai suivi, sans mot dire, longtemps…

 

Nîmes, les Arènes


C’est à Nîmes que nous l’avons rencontré. Entre les Arènes et la Tour Magne, c’est-à-dire pas très loin. Presque aussi ahuri que nous - j’avais fini par attraper l’accent.

C’est à Nîmes qu’il m’accosta. Entre la Touraine et les Allemagnes, c’était pas très original. Mais sa question me condamna:
- Vieil homme, où se trouve la place des fêtes?

Malheureux! Lui et moi, malheureux. Moi, vieil homme, l’étant devenu par trente ans de quête, de quête vaine et pourtant progressive, de dérapages et d’yeux trop grands. Trente plus quinze égalent quarante-cinq. Quarante cingle. Lui, jeune homme, trente ans, l’avenir devant lui. Comme moi, alors. L’avenir, à chercher sans désespérer; à désespérer tout de même, mais sans s’arrêter; à s’arrêter quand-même, mais aussi à repartir… 

Malheureux…
- Malheureux…

Ma réponse hésitait, comme contrainte à la chute.
- Malheureux…

Et lui, l’innocent:
- Bienheureux, vieil homme, tu la cherches comme les autres. Mille fois tu l’as frôlée, mais toujours de trop loin. Vieil homme, bienheureux, tu n’as pas cherché en vain!

Et moi, amer, sans illusion, je savais que jamais je ne reviendrai:
- Malheureux, mon fils, lourde vie où je me traîne, sans but, et les autres avec moi. Autres devant, autres derrière. Malheureux les autres devant, usés par la poussière. Malheureux les autres derrière, devant eux tant de misère. Et toi, tu es le dernier, longue, longue misère.

Et lui, nuit de plein soleil, et lui, qui ne partirait plus:
- Je suis la place des fêtes, la tienne et celle de tous les autres. Tu as tant cherché sans trouver. Aujourd’hui, je te suis donné.

Emerveillé, je tendis les bras. Mes vieux bras fatigués, lourds de s’être tant arqués vers l’utopie inespérée. Emerveillé, je tendis mes bras muets…

Et soudain, la rue était vide. Le jeune homme avait disparu.

Pour la dernière fois, j’ai pleuré. Un arc-en-ciel irisait mes paupières.


 
Jean-Jacques Corbaz, août 1980 

(Po) Voyage en France

(à Sylvie, qui part pour Royan)



 
La Souterraine
Emerge de la plaine
Quand on la Creuse.
Avec toi, là-bas,
La vie est pleine et creuse.
Tu reviendras.

Royan, plus loin, la ville heureuse,
Aux joues bien rondes,
Toute Gironde,
Bien au chaud dans ses charentaises,
Ville berceuse
Où tu deviens couleur de braise.

Et moi, chez moi,
Soleil de feu,
Je ne fermerai Palézieux
- On Maraconté tant de choses,
Je pense à toi,
Lèvres mi-closes,
Je voyage vers toi, ma mie en rose,
Sachant que chaque jour qui va
Rapproche celui-là
Où je pourrai, tout chose,
Enfin te serrer dans mes bras.

Jean-Jacques Corbaz, juillet 1983