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jeudi 28 février 2013

(FA, Hu, SB, Vu) Les richesses dans la Bible

Les richesses dans la Bible
Quand Dieu invente l'argent, la première personne qui lui en réclame, c'est... son fils!
- Ah, ces jeunes, tous les mêmes! Mais que veux-tu en faire?
- Eh bien, évidemment: racheter le monde!

Voilà comment l'argent apparaît, intimement lié à l'histoire de notre salut! Un coup d'oeil sur la Bible nous montre que les richesses ont toujours été une question importante, en lien avec Dieu. Pas forcément sous forme de monnaie sonnante et trébuchante!


La foi et l'argent selon Burki (24 Heures)

 

Dans l'Ancien Testament, les richesses sont le signe de la bénédiction de Dieu. Cette bénédiction se manifeste par la possession d'un nombreux troupeau; d'une grande famille; par la détention d'un pouvoir élevé; et surtout par la jouissance d'une nourriture abondante sur un sol fertile.

Mais, avec le temps, ce regard évolue. L'installation d'Israël dans son pays lui a permis d'accumuler des richesses, mais du coup elle l'a conduit à trop mettre sa confiance dans ses biens. Certains accaparent les ressources à leur propre profit. Les prophètes dénoncent souvent cette sécurité illusoire (on pense à Amos, surtout). Le Lévitique va essayer de corriger les inégalités en interdisant les prêts à intérêts, puis en instaurant la fameuse année sabbatique, où les biens étaient redistribués. Mais cette disposition s'avèrera inapplicable, elle n'entrera donc jamais en vigueur!

Dans le Nouveau Testament, les richesses sont moins le signe de la bénédiction de Dieu qu'un objet d'idolâtrie. Elles sont personnifiées (le célèbre Mamon) et représentent un risque de tentation. Le croyant est invité par conséquent à ne pas se laisser posséder par ses biens (!), mais à s'en dessaisir volontairement en faveur de son prochain. Ainsi entre autres le jeune homme riche; la parabole du chameau et de l'aiguille; le riche insensé; le riche qui meurt et Lazare; et le sermon sur la Montagne dans son entier ("Vous ne pouvez pas servir Dieu et Mamon")*!

La parabole des talents nous intéresse particulièrement. Elle invite à faire bon usage de nos biens tout en les faisant fructifier, comme aussi l'histoire du gérant habile ("Faites-vous des amis avec les richesses injustes de ce monde, ça vous sera utile!")**. Il s'agit là d'utiliser les richesses dans le but de soutenir l'Eglise et le rayonnement de l'évangile; dans une perspective de témoignage.

Les lettres pauliniennes insisteront beaucoup sur la fameuse collecte, par laquelle les Eglises grecques sont appelées à soutenir celle de Jérusalem. En effet, les membres de cette dernière avaient distribué tous leurs biens, en pensant que la fin du monde était imminente; et ils n'avaient plus de quoi survivre. La collecte prend souvent un double sens: donner par reconnaissance à Dieu, pour son amour, pour sa grâce; et aussi par solidarité ("Ce que vous faites au plus petit de mes frères, dit Jésus, c'est à moi que vous le faites").***

En un mot, la Bible nous invite à passer de l'amour de l'argent à l'argent de l'amour!



* Matthieu 19, 16-30; Luc 12, 13-21; Luc 16, 19-31; Matthieu 5-7.
** Luc 19, 11-27; Luc 16, 1-13
*** Matthieu 25, 40                                  
                                                                                            JJ Corbaz

L'argent de l'amour selon Mix et Remix

(FA, Vu) critères éthiques pour nos ressources

Valeurs chrétiennes pour aujourd'hui
Pour la Réforme, nous ne sommes pas sauvés par nos mérites, ni par la qualité de notre obéissance aux commandements, mais par la seule confiance en la bonté de Dieu. Pourtant, le salut a des conséquences sur notre manière d'être: il s’exprime très concrètement par une façon de vivre qui honore Dieu et qui se met au service du prochain, comme Jésus lui-même a vécu. Solidarité, respect des autres, souci du plus faible sont des valeurs essentielles pour le chrétien. Le protestantisme est habité par une exigence morale qui, pour être fidèle au Christ, doit se réformer constamment elle aussi.

Cette exigence nous fait réexaminer deux valeurs importantes du monde contemporain.

Combattre l’individualisme égoïste
Première valeur à mettre en question: l’individualisme. On dit souvent, à juste titre, que l’individualisme est un des fruits de la Réforme, à cause du poids qui est mis par celle-ci sur la foi personnelle; le lien institutionnel avec l’Eglise est second (voire, pour beaucoup de protestants, inutile). Sur ce point il faut clairement faire marche arrière et rappeler avec l’écriture qu’il n’est pas bon que l’homme soit seul.

Notre société a développé un individualisme égoïste et conflictuel; la concurrence y est devenue un mode de vie qui, du commerce, s’est répandu dans l’éducation, la santé, le sport, l’art, le travail. L’évangile nous appelle au contraire à pratiquer la solidarité, à nous intéresser aux autres; mieux: à construire avec eux une pratique communautaire. Respecter les personnes et leur spécificité, c’est mettre en valeur leur contribution à l’édification commune.



Quelle liberté pour quel homme?
Deuxième valeur à réexaminer: la liberté. Celle que l’Evangile nous offre nous donne le courage de refuser les diktats de l’économie, et les prétendues inéluctables lois du marché; le courage de refuser les diktats aussi de la politique et de l’opinion, si facilement manipulés par les médias. Mais la liberté évangélique n’est pas celle d'un sauvage qui ferait ce qu’il veut, au gré de ses désirs; c’est la décision de conduire sa vie dans le souci de maintenir vivante l’estime de soi.

Etre libre selon l’évangile, c’est se savoir justifié par Dieu, se savoir accepté; savoir que je suis rendu à la liberté de ne pas avoir à me justifier moi-même, c’est comme le dit Paul Tillich: Le courage d’accepter d’être accepté.

C’est pourquoi les protestants doivent combattre la tentation de se replier dans un ghetto religieux, loin des conflits de ce monde, comme si la justice dont parle l’évangile était réservée aux seuls chrétiens. Nous croyons qu’elle est aussi la source secrète de l’exigence et de l’espérance qui habite le cœur de tous les hommes de bonne volonté.

Les chrétiens se doivent donc de collaborer sans arrière-pensée avec tous ceux qui portent le souci de l’avenir du monde social et naturel. Sur ce plan, christianisme et humanisme ont le même programme.

                                                       JJ Corbaz

dimanche 24 février 2013

(Po, Li) Ils parlaient... vivre


 Ils parlaient... vivre
Ils parlaient de leurs rhumatismes,
Leur infarctus et leur dentier,
Ils parlaient de métabolisme,
Cholestérol et mal aux pieds,
De la montée de leur tension.
Ils parlaient sucre et vésicule,
Ils parlaient piqûre et potion,
Le foie, les reins et les pilules,
Ils parlaient de régime à suivre,
Ils ne parlaient jamais de vivre !
                      * *
Ils parlaient de bourse et de rente,
Du tant pour cent d'obligations.
Ils parlaient d'achat et de vente,
De portefeuille et cours d'actions,
Du dollar qui se dévalue.
Ils parlaient de leurs dividendes,
Ils parlaient de leurs plus-values,
La reprise de la demande,
Ils parlaient des mines de cuivre,
Ils ne parlaient jamais de vivre !
                     * *
Ils parlaient de leur campagne,
Du bon air et de leur jardin,
De leurs châteaux, en Espagne,
D'avoir des poules et des lapins,
De la retraite et de leur chien.
Ils parlaient d'être fonctionnaires,
Ils parlaient de tout et de rien,
De résidences secondaires...
Ils parlaient du vent et du givre,
Ils ne parlaient jamais de vivre !

Jean Debruyne (« Vivre », Ed. Desclées)

 

(Pr) le bonheur selon Luc

Prédication du 24.2.2013

Lectures bibliques:  Luc 6, 20-26, 1 Corinthiens 2, 1-4, Psaume 121

Autant vous le dire tout de suite: j’ai raté ma vie! Triste nouvelle! À 62 ans passés, hélas, j’ai raté ma vie!

C’est d’autant plus rageant que, jusqu’à tout récemment, je ne le savais pas! Ce n’est qu’il y a quelques mois que je m’en suis aperçu; en lisant le journal!

Ça m’a fait un coup, vous imaginez!

Comment je m’en suis rendu compte? Eh bien, en lisant une affirmation de Jacques Séguéla, personnage incontournable de la publicité française. M. Séguéla m’apprend qu’à 50 ans, tout le monde a une montre de luxe (celle dont il parle vaut dans les 4500 euros!)... Et il ajoute: “Si on n’en a pas une à 50 ans, c’est qu’on a raté sa vie”.

Et voilà comment j’ai découvert, abruptement, que j’avais passé à côté de l’essentiel de l’existence! Hem!

Bon, je me suis consolé (si j’ose dire!) en pensant que je n’étais sûrement pas le seul. Et que beaucoup de mes paroissiens, comme moi, n’avaient pas les moyens de s’offrir un joujou-caillou-bijou aussi coûteux! ... Sans parler des affamés des Tiers et Quart Monde! Re-hem!!
                                                 *                    *
Voilà! Ces réflexions nous posent une nouvelle fois, vous le voyez, l’immense question des valeurs; des priorités dans la vie.

Jacques Séguéla a son critère pour la réussite. Et vous? Quel est le vôtre?

Je vous laisse quelques instants pour y réfléchir...
                                                 *                        *

L’évangile de Luc, lui aussi, a son idée. Il l’exprime dans ses béatitudes, qui sont moins connues que celles de Matthieu (moins connues sans doute parce qu’elles sont un peu plus profilées, voire agressives; moins douces et lisses!).

Le bonheur, dit Luc, ne vient pas des richesses; ni de tout ce qui pourrait nous rassasier; ni de ce qui nous fait plaisir! Non, le bonheur, il est dans un manque. Dans un creux; une faille.

Avoir faim... pleurer... être rejetés, voire insultés! Oulà, il y va fort, l’ami Luc!!

Alors, bien sûr, il nous faudra éviter un premier gros écueil: celui du masochisme. Car Luc ne nous invite en aucun cas à rechercher la misère... le chagrin... les moqueries et les persécutions. Pas du tout! Ils ont fait beaucoup de mal au christianisme, ces gens bien intentionnés qui pensaient que, plus ils souffraient ici-bas, plus ils seraient heureux dans l’au-delà!

Le message de Luc est bien différent: il prône en fait un renversement des valeurs; comme il l’exprimait déjà, dans son premier chapitre, par le cantique de Marie (“il a jeté les puissants en bas de leur trône, il a renvoyé les riches les mains vides, il a mis en déroute les orgueilleux...”), le cantique de Marie, qui ne figure que dans l’évangile selon Luc (ce qui indique qu’il s’agit d’une situation particulière, ou d’une insistance spéciale de l’auteur.

Un renversement des valeurs, ou un changement de regard, à l’image de ceux auxquels nous invitent chaque année les campagnes de Carême. Les croyants sont appelés à considérer les autres à l’envers des priorités humaines: en général, on admire les plus riches, on félicite les plus glorieux... on donne crédit aux puissants... on vole au secours de la victoire (hum!!).

À l’époque de Jésus, c’était comme ça! Et aujourd’hui... Est-ce mieux? Après 2000 ans de christianisme, est-ce que nous nous laissons davantage guider par les valeurs spirituelles? ... Je vous laisse en juger!
                                                      *                    *
Changer de regard sur les hauts et les bas de l’existence humaine, ce n’est pas de l’opium du peuple, ni une consolation à bon marché! Non. C’est: dire que l’essentiel, il est ailleurs que dans les richesses terrestres. Il est dans un amour, donné en Christ. Il est dans un salut, immérité, accordé à chacun(e), sans restrictions! Il est dans une présence, dans une amitié, une tendresse offertes... Que je ne peux (et c’est là la pierre de touche) que je ne peux recevoir que si je suis en manque... que si j’ouvre les mains pour l’accueillir... que si j’attends du secours. Comme l’auteur du psaume.


Car, si je suis rassasié des biens de ce monde, comment pourrais-je avoir envie des trésors de l’évangile? Si je me suffis à moi-même, après quoi pourrais-je soupirer de toutes mes forces? Si je n’ai peur de rien, si je ne me sens pas fragile, quelle promesse d’En-Haut me sera nécessaire, et vitale?

Mais attention au second écueil: ne déduisons pas de ce qui précède que les riches sont automatiquement loin de Dieu, voire condamnés à perdre leurs biens pour trouver le Christ. Car on peut posséder des millions, et quand même se sentir pauvre de l’essentiel, et donc s’ouvrir à Dieu! On peut avoir largement de quoi manger, et connaître le manque, les creux, les failles dont nous parlions. Ce n’est pas une question de compte en banque; c’est, encore une fois, affaire de priorités!

                                                              *                    *

Ce Carême nous est ainsi offert, j’ai envie de dire: pour creuser nos manques. Pour aiguiser nos soifs de l’essentiel. Pour ne pas colmater nos creux, nos déchirures; mais pour les habiter, et y découvrir ainsi le Christ, qui s’y trouve depuis toujours! Notre trésor!

Dans nos failles, oui, dans nos déchirures, il est infiniment proche de nous. C’est le message de sa Passion, de son Carême. Lorsque nous nous sentons fragiles comme du papier, il vient nous donner l’empreinte de son amour solidaire.

(je déchire un grand papier qui, une fois déplié, forme  une croix)

Dans nos failles, dans nos déchirures, Christ est là! Tout près! Sa croix en est le signe fort! Il est là, notre trésor!

Pendant ce temps du Carême, de la Passion du Christ, j’ai envie de vous inviter à un effort particulier. Seriez-vous d’accord de faire un essai? Non pas prendre le sac et la cendre et vous rabaisser, bien sûr; mais plutôt vous alléger! Elaguer dans votre vie ce qui pourrait vous éloigner des appels de l’évangile. Faire des choix, pour permettre au crucifié d’être plus près de vous. Peut-être acheter moins, et vivre plus proche des autres. Laisser davantage de place à nos richesses humaines: tendresse; patience; accueil; sourire, et paix. Méditation, prière...

D’accord? Allez, je vous fais un prix: un fabuleux bonheur du Bon Dieu, à l’essai jusqu’à Pâques!? Bien sûr, c’est gratuit! Amen

Jean-Jacques Corbaz

dimanche 17 février 2013

(Pr, Co) David et Saül, l'affrontement

Narration du 17.2.2013: “David et Saül, l'affrontement” (1 Samuel 24)

Esaïe 9, 1-6; 2 Corinthiens 5, 17-20; Matthieu 5, 43-45

L’histoire pourrait commencer comme un film d’action: les deux hommes se regardent, mâchoires serrées, l’oeil noir... Tous deux transpirent. À cause de la chaleur, mais aussi parce qu’ils sont tendus à l’extrême, chacun guettant la réaction de l’autre. Prêts à dégainer, à se voler dans les plumes comme deux coqs agressifs!


Derrière eux, leurs troupes attendent, en retenant leur souffle. L’air est moite. David n’entend que la respiration de son ennemi, bruyante, un peu rauque. Est-ce qu’il a peur? se demande David. Avec une telle armée sous ses ordres?!? Est-ce qu’il essaie d’évaluer les forces en présence? On dirait... on dirait qu’il cherche à mettre de l’ordre dans son esprit.

David a envie de fermer les yeux. De prier. Et... de se souvenir. C’était presque aussi oppressant, quand il s’était battu contre le géant. Comment avait-il fait? Il n’avait pas réfléchi. Heureusement d’ailleurs, car sinon il se serait enfui! À toutes jambes! Il n’avait pensé à rien, à rien d’autre qu’au lion qu’il avait tué d’un coup de fronde, pour protéger son troupeau. Il avait fait les mêmes gestes, exactement. Machinalement, comme si quelqu’un d’autre le dirigeait depuis l’intérieur.

C’est ainsi qu’il avait gagné. Abattu le géant Goliath, le champion des Philistins! La gloire, tout soudain! La renommée, enflammée! ...La gloire, oui, mais aussi le début de la peur! Et des manoeuvres par derrière, des jalousies de la cour, des coups tordus et compagnie! - Tout ce qui l’avait amené là, à se cacher dans cette caverne, à Eïn-Guédi... Et puis à se montrer, en position de faiblesse, à Saül, qui le cherche, à Saül qui veut le tuer, à Saül son pire ennemi!

Le peuple, fier et insouciant, avait célébré la victoire sur les Philistins en chantant: “Saül a tué ses mille, et David ses 10 000!!” On l’avait porté en triomphe, et les plus fous disaient déjà, d’un ton exalté, qu’il ferait un bon roi! Un tout bon! Un meilleur roi peut-être que Saül!?

La légende s’amplifiait. À la tête d’une division de l’armée royale, le jeune berger avait volé de victoire en succès, et l’imagination populaire avait fait le reste... “Saül a tué ses mille, et David ses 10 000!!”

- Dix fois plus que moi! Son chef, son roi! Auraient-ils déjà oublié, mon peuple, tout ce que j’ai fait pour eux: les Philistins, toutes ces années de guerre?
Comme une pourriture, la jalousie s’était mise à ronger le coeur de Saül:
- Qu’est-ce qu’il a de mieux que moi? Oui, il est jeune, il est beau... les gens l’adorent. Pourtant, c’est moi que Dieu a choisi, pour régner sur son peuple; c’est moi, et pas lui!

Saül avait mal. Mal à sa couronne, et peut-être même mal à sa foi. Mal à son culte. Les regards admiratifs que les filles de Jérusalem lançaient sur David devenaient pour Saül des insultes. Même ses enfants, Mical et Jonathan, ne voyaient de beau que ce jeune berger frondeur.

Trop, c’est trop! Un jour que David chantait une de ces chansons modernes qui lui couraient sur le fil, Saül avait vu les yeux de Mical, tout ronds, émerveillés, béats...
- Non, ma fille, pas toi!
Saül avait disjoncté. Empoigné sa lance, et... essayé de transpercer le jeune coq! Lequel avait évité le coup, comme par miracle. Et s’était enfui, loin dans la montagne...
                           *                        *
Depuis, c’était la guerre civile. Le pays s’était divisé entre les partisans du vieux roi, les loyalistes, d’un côté; et de l’autre, la bande à David, les fougueux, les têtes brûlées. Guérilla; échauffourées à coups de pierre, à coups d’épées; razzias, pour se ravitailler... La violence était montée... avec l’angoisse et la peur... la colère et la haine... Espions, délations... Tous les coups étaient “bons”...

Jusqu’à cette rencontre, enfin, devant la grotte, à Eïn-Guédi. Harassée par la poursuite, la bande à David s’était réfugiée au fond de la caverne, pour souffler un peu. Elle savait l’armée royale sur ses talons.

Mais voilà que, sans le savoir, Saül s’était arrêté au même endroit. Pile devant la grotte, il avait ordonné une pause. Un besoin naturel, comme on dit! Le roi s’était isolé derrière un rocher, près de l’entrée... s’était accroupi (joli terme des Anciens pour parler d’autre chose!)... seul, sans défense, là, à quelques mètres de son mortel ennemi!

Les compagnons de David se sont dit que la chance avait tourné. Ils ont poussé leur chef: “Va-z-y, il est à toi!” - “Dieu le livre entre tes mains!” - “C’est la fin de nos persécutions!”

La belle occasion a fait frissonner le jeune chef de guerre. Mais c’est un combat intérieur qui s’est engagé dans son coeur:
Tuer celui que Dieu a choisi pour régner sur Israël? Mais c’est céder au piège, au cercle vicieux de la violence... Pourtant: c’est aussi la fin de tous mes ennuis. Il ne me voit pas, un seul coup suffira. Si souvent nous avons prié le Seigneur qu’il nous délivre de ce roi paranoïaque...

David s’est levé, doucement... doucement... ...sans bruit... ... Il s’est approché... à pas de chat... Et, soudain, vif comme un serpent qui mord, a sorti son épée et... coupé un morceau du manteau de Saül.

Saül qui n’a rien vu, rien senti. Qui s’est levé, royalement soulagé (!) - et qui a rejoint ses troupes. Pendant que David, dans le silence de la caverne, David affrontait le regard de ses compagnons fâchés, qui n’avaient rien compris. Qui le traitaient intérieurement de lâche, de faible... Qui s’apprêtaient à jaillir de l’ombre pour attaquer le roi à sa place...

Alors, David s’est relevé. Il s’est interposé entre les deux armées. Lentement, le coeur battant, il est sorti de la grotte, jusqu’en plein soleil. Face à Saül, face à l’armée royale qui le traquait, ébloui de lumière, il a appelé:
- Majesté!!  ...  Majesté!!
Saül s’est retourné, surpris.
- Majesté! Pourquoi écoutes-tu les mauvaises langues qui te disent que je te veux du mal? Regarde: tout-à-l’heure, à l’entrée de la caverne, je te tenais au bout de mon épée. Vois ce morceau de ton manteau... J’aurais pu te tuer. Mais j’ai dit: non! Non, jamais je ne porterai la main sur mon roi!


                                                              *                        *
Et voilà pourquoi les deux hommes se regardent maintenant, crispés; en sueur... Prêts à dégainer... sous les yeux de leurs troupes, qui retiennent leur souffle... Un seul geste de Saül, et: c’est la tuerie, effroyable!

Le roi ouvre la bouche. Il va donner des ordres. Ses lèvres bougent, mais aucun son n’en sort... Ses joues brillent, des perles de transpiration coulent, mais... mais non, ce... ce sont des larmes?! Saül pleure!?

- David, c’est toi? David...
L’émotion l’empêche d’en dire davantage... Puis il se reprend:  
- David, tu es plus juste que moi... Je t’ai fait du mal... et toi... Tu m’as épargné!

Dans les rangs des deux armées, on sent la tension qui tombe. Les mains se décrispent... Les soldats reposent leurs armes... Et chacun voit une colombe qui survole calmement la caverne d’Eïn-Guédi, ses rochers, ses ombres...

D’habitude, quand le roi rejoint son gibier, il n’a pas de pitié. Quand un chef d’armée tient son ennemi, il ne le laisse pas continuer tranquillement son chemin... Aujourd’hui, pense-t-on, aujourd’hui la bonté, l’espoir de paix sont plus forts que la haine.

- Je le sais, dit Saül à David, un jour, c’est toi qui seras le roi de ce peuple... ...Et un jour, bien plus tard, sur l’arbre des générations et des générations, un rameau portera le nom de Fils de David. On l’appellera Roi merveilleux, Conseiller, Dieu fort; Prince de la paix. Aux hommes de bonne volonté, il proclamera: Heureux les créateurs de paix, ils seront appelés “enfants de Dieu”...
                                                        *                    *
Maintenant, c’est David qui pleure. De joie; de soulagement. Et là-haut, encore, c’est même Dieu qui pleure. Heureux que sa volonté soit faite, sur la terre...

Mais il le sait, mais nous le savons: il restera encore des milliers, des millions d’occasions où, là aussi, la paix se jouera sur un souffle... une obéissance...

Saurons-nous, comme Saül, comme David, la saisir?
...

Amen
                   
                                                                           Jean-Jacques Corbaz  

samedi 16 février 2013

(Pr) culte du 3 février 2013 Les cochons pour bannir les peurs

Prédication du 3 2 2013  Les cochons pour bannir les peurs
Lectures bibliques: Marc 4, 35-41 + Marc 5, 1-20

Quelle histoire étonnante, et étrange, cet épisode du possédé et des cochons! Pour bien comprendre le message que porte ce récit, il faut savoir (au moins!) deux choses. Vous les connaissez sans doute, mais permettez que je les rappelle, ce matin, pour que nous nous comprenions bien.

D’abord, il faut savoir que les récits surnaturels, dans les évangiles, sont fréquents. Ils sont nés dans une culture où les connaissances médicales n’ont rien à voir avec celles d’aujourd’hui, évidemment. Ils sont écrits par des gens, et pour des gens, qui baignent dans cette mentalité un peu magique. Ne nous laissons donc pas arrêter par tout ce qui semble impossible ou fantastique, car nous passerions alors à côté de ce que la Bible veut nous dire. Souvenons-nous du proverbe “Quand on montre la lune du doigt, le benêt regarde le doigt”. Le miracle, c’est un doigt qui désigne une réalité difficile à comprendre, et c’est sur elle qu’il faut essayer de tenir notre attention.

Pour bien regarder la lune, dans ce récit, il faut savoir ensuite que le peuple d’Israël (les Juifs) avait un sens très aiguisé du territoire: ils habitaient un pays promis par Dieu, donc considéré comme saint. Les frontières n’étaient pas seulement des découpages administratifs; c’était, bien plus, des limites fortes entre (d’une part) un sol béni par le Seigneur, et (d’autre part) des contrées dites païennes, donc sans lien avec Dieu.

Israël, au temps de Jésus, avait un autre sens très aigu: c’était la distinction entre ce qui  était pur et ce qui était impur. Selon les croyances juives, des forces invisibles opposées au Seigneur, donc impures, essayaient sans arrêt d’envahir la Terre Sainte. Et il fallait absolument les contenir et les refouler, soit par des rites de purification (c’est le sens du baptême de Jean, le Baptiste!), soit par des prières ou des sacrifices. Si vous alliez à l’étranger, ou si vous entriez en contact avec du sang ou des excréments, eh bien du coup, vous étiez considéré comme contaminé par cette impureté.

Dans ce contexte, vous imaginez qu’on ne se déplaçait à l’étranger que rarement, et au prix d’extrêmes précautions religieuses. Ce n’était donc pas vraiment l’idéal pour s’ouvrir aux autres peuples et essayer de les comprendre!

Or, dans l’évangile, surprise: on voit Jésus qui traverse sans arrêt la mer de Galilée, donc la frontière avec le territoire païen. Il voyage continuellement, à pied ou en bateau, sans craindre les forces impures, ni les reproches des prêtres ou autres chefs religieux d’Israël. On dirait qu’il veut sans arrêt jeter des ponts, tisser des liens par-dessus la frontière. Entre les pays, entre les peuples. Et même à l’intérieur des gens!

J’ai écrit en majuscules “sans craindre les forces impures”. Car c’est exactement ici l’essentiel du message de notre épisode, dans l’évangile de Marc. Jésus se montre plus fort que la peur; et souverain face aux esprits impurs. Ni les reproches ni les craintes ne pourront l’empêcher de se rapprocher de nous, et de nous rapprocher les uns des autres!

 

Mais ce rapprochement ne se fait pas sans mal. Je veux dire: pas sans douleur, ni sans peur! C’est ce que souligne le premier passage de notre histoire. Car sur le lac, Jésus et ses amis se heurtent aux éléments déchaînés. La tempête! Danger de mort! Savez-vous que, pour les Juifs, la mer (la mer, pas la mère!) est la source et l’origine des esprits mauvais, et des énergies impures. Ces dernières semblent ainsi se soulever avec violence contre le Christ, comme pour se défendre par avance, comme pour l’empêcher de dresser ces passerelles dont nous parlions. Mais en vain: Jésus se montre le plus fort!

                                            *                                  *  
À peine Jésus et ses amis ont-ils posé le pied sur le rivage qu’ils se voient à nouveau confrontés à ces forces païennes, justement: un homme, tourmenté par un esprit impur, vient vers eux, sortant d’une zone de grottes où il s’est réfugié; des grottes utilisées comme tombeaux. Vous imaginez: ça devait sentir horriblement mauvais! Le lieu impur par excellence... Cet homme passe son temps à hurler, à se lacérer le corps avec des pierres; donc à faire du mal, et à faire peur, à lui-même au moins autant  qu’aux autres!

Ses voisins et sa famille sont complètement impuissants face à ces tourments. La seule solution qu’ils ont trouvée, c’est de l’éloigner. À l’image des lépreux ou autres parias, notre homme est tenu à distance, obligé de demeurer (je n’ose même pas dire: de vivre!) dans des lieux de mort, de pourriture. De solitude.

Quand il voit Jésus débarquer, l’homme a une attitude étrange. Ou plutôt, il a deux attitudes contradictoires, comme pour bien montrer qu’il souffre d’une séparation à l’intérieur de lui-même. D’une part, il court vers le Christ et s’agenouille devant lui! Mais d’autre part, il lui dit en substance: “Fiche-moi la paix! Laisse-moi tranquille!”... L’homme tourmenté supplie Jésus de ne pas le tourmenter! Jésus.

Mais celui-ci, nous le disions, veut sans arrêt jeter des ponts, tisser des liens par-dessus la frontière. Entre les pays, entre les peuples. Et même à l’intérieur des gens! “Quel est ton nom?”. “Moi? Mais c’est Légion; parce qu’un armée de forces agressives m’habite. Un régiment de semeurs de mort m’agite”.

Alors, Jésus va raccommoder notre homme. L’unifier. Le pacifier. Les énergies impures qui le possèdent vont devoir le quitter; le libérer. Ou: l’acquiter! - comme on gracie un accusé reconnu innocent. Mais: où vont-elles aller? En effet, on  croyait à l’époque que les esprits mauvais, s’ils étaient chassés, devaient chercher asile chez un autre être vivant. C’est pour ça qu’ils supplient le Christ de ne pas les faire sortir du pays. Sans doute perdraient-ils de leur pouvoir, au-delà de la frontière.

Alors, Jésus les prend au mot. Il leur permet d’aller posséder un troupeau de cochons (clin d’oeil: vous savez que, pour les Juifs, les porcs sont considérés comme impurs!). Et ce sont les cochons qui vont quitter le pays, dans un gigantesque mouvement de terreur panique. Ils se précipitent dans la mer. La mer, source et origine de tous les esprits mauvais. Comme un retour à l’expéditeur, en somme!



                                       *                                            *
Vous l’avez remarqué, il y a un sentiment qui accompagne tout notre récit, en continuo. C’est la peur. Depuis la tempête déchaînée jusqu’au possédé qui brise ses liens... Depuis les énergies impures qui craignent Jésus jusqu’aux cochons affolés... Depuis les disciples atterrés jusqu’aux villageois effrayés par la puissance du Christ... Tout le monde a peur. Sauf, bien sûr, Jésus. Car lui, c’est la Confiance majuscule. Le prince, le premier de la paix.

Celui qui ne craindra pas même le supplice de la croix, c’est auprès de lui que nous pouvons trouver la libération de nos trouilles.

La peur, on le sait, est mauvaise conseillère. Elle nous rend capables du pire, comme notre possédé. Elle nous disperse à l’intérieur de nous-même, et nous fait faire, ou dire, des choses complètement contradictoires. Elle nous sépare les uns des autres, et nous enferme derrière des murailles d’incompréhension. Elle nous possède, nous ne nous appartenons plus nous-mêmes. Vous connaissez tous des récits où la panique fait mille fois plus de mal que ce dont on a peur.

S’approcher de Jésus peut donc nous aider à redevenir libres face à nos terreurs. Comme les disciples sur la barque agitée par la tempête. Comme l’homme autrefois habité par “Légion”.

Mais attention, ne ratons pas l’aiguillage: car ici, trop souvent, on dérape. Vous connaissez le discours pieux qui démarrerait à partir de ces considérations: donne ton coeur au Christ, approche-toi sans cesse du Seigneur, et tu seras sauvé.

Or ce n’est pas cela que dit l’évangile. Car l’homme guéri, eh bien Jésus refuse qu’il l’accompagne: “Reste ici, auprès des tiens”. Il s’agit toujours de raccommoder, et pas de séparer. De relier, et non de quitter. Ne jamais s’approcher du Christ sans également s’approcher de ses prochains!

Vous le pressentez sans doute, pour nous guérir de nos peurs, Dieu nous appelle donc à aller les uns auprès des autres. À nous mettre en relation, ou en religion, ce qui est la même chose! S’il veut sans arrêt jeter des ponts, tisser des liens par-dessus la frontière; entre les pays, entre les peuples; et même à l’intérieur des gens, alors ils nous invite à faire de même! Être chrétien, c’est vivre relié, non seulement avec le Ciel, mais aussi avec les humains!


C’est, entre autres, ce à quoi nous invite le projet «Vers un nouveau printemps de l’Evangile à Lausanne et Epalinges». (BN jan-fév p.1 cah rég + journée d’hier au Bois-Gentil). Nous pouvons transformer notre région de Lausanne en lieu de vie spirituelle, d’échanges, de découvertes. Être Eglise ensemble, en unissant nos forces, dans cette société où nous devons parler de plus en plus fort pour être entendus; dans ce monde où nous devons nous relier plus nettement les uns aux autres pour devenir visibles et pour qu’on nous prenne au sérieux.

Dresser des passerelles entre les hommes et les femmes de ce temps. Ici, à Lausanne; et déjà à l’intérieur de notre paroisse!  Jeter des ponts, tisser des liens aussi avec nos contemporains, et nos voisins, également quand ils ne sont pas intéressés par la foi chrétienne. Et c’est toute la réflexion que notre Eglise entreprend aussi dans le secteur de l’évangélisation! Stimuler le rayonnement des chrétiens d’ici, pour que les paroles du Christ, remplies de respect, de pardon et de liberté, que les paroles du Christ touchent davantage de personnes, et leur permettent d’accéder mieux à cette qualité de vie que nous trouvons auprès de lui.

Ici tout près comme à travers les continents, Jésus a besoin de nous, il nous appelle, à tisser sans fatigue les passerelles dont il a besoin pour vivre sa proximité bienfaisante. Il nous invite à ne jamais nous replier sur nos coutumes, nos traditions, si bonnes soient-elles, car tout seul, on s’étiole. Au contraire, sans cesse ouvrir nos portes, et nos coeurs, pour progresser ensemble dans l’humanité habitée par le Christ. Pour raccommoder les personnes, entre elles et à l’intérieur d’elles-mêmes.

Alors, pour éviter de rester barricadés par crainte des autres, rendons-nous visite! Comme ces gens qui invitent des voisins étrangers, pour qu’ils leur deviennent moins étranges. Parlons-nous, et nous verrons nos appréhensions diminuer. Mangeons ensemble, et nous découvrirons, derrière cette personne, qui nous faisait peur, un frère, une soeur en Dieu.

Oui, il reste du boulot! Voyez les murs qui se dressent, depuis quelques années, en Palestine ou en Amérique. Ou encore... mais n’allongeons pas. Plutôt: allongeons le pas! Allongeons le pour, avec Christ, franchir les frontières de nos peurs. Amen.  


  

jeudi 7 février 2013

(FA, Vu) La foi d'un croyant moderne - points de friction

Sur la Bible et la foi, erreurs fréquentes et points de friction
 


1. Noël et la naissance de Jésus
Les évangiles n’ont pas un statut de livre d’histoire. Ces textes ont été rédigés entre 70 et 100 ans après la naissance de Jésus, et ils nous parlent bien davantage du Christ de la foi (donc du Jésus imaginé, célébré, cru) que de l’homme de Nazareth.

La conception virginale, par exemple, est une affirmation polémique, née dans un temps difficile: les chrétiens étaient persécutés par les Romains à cause de leur refus de rendre un culte à l’Empereur. Or, ce dernier se prétendait dieu parce qu’Auguste, le premier empereur romain, aurait été le résultat d'une visite nocturne à sa mère par Jupiter, donc il serait fils de dieu! En réaction à cette croyance, l’évangile de Luc affirme alors que Jésus est fils du Dieu unique, issu d'une rencontre de Marie avec l'ombre du Créateur (l'ombre du Père représente, dans la culture israélite, sa présence agissante). Mais Luc est le 3ème à écrire la vie de Jésus, et les deux premiers, Marc puis Matthieu, considèrent que le père du Christ est bien Joseph!

Il faut savoir aussi qu'en hébreu le mot “ben” (fils) n'indique pas forcément, comme dans notre culture, une filiation où l'on est engendré, mais aussi le fait d'appartenir à un ensemble: les "fils d'Israël" désignent les membres du peuple d'Israël. Dans les deux premiers évangiles, c'est cette conception (si j'ose dire!) qui prévalait: Jésus s'était montré progressivement (pour Marc) ou dès sa naissance (pour Matthieu) d'une "étoffe" divine. Mais il ne l’était pas avant.

Une précision encore: Jésus ne s’est jamais autoproclamé fils de Dieu. Ce sont les croyants, plusieurs années après sa mort, qui l’ont fait. Dans les évangiles, quand il parle de lui-même, Jésus utilise toujours le terme étrange pour nous de “Fils de l’Homme”; il s’agit dans la tradition juive d’un être divinisé envoyé par Dieu pour juger l’humanité.


 


2. Le jugement, la morale, attention!
Ce “jugement” n’a rien à voir avec l’idée que la majorité de nos contemporains s’en fait. Il ne s’agit pas de trier entre les bons et les mauvais, et d’envoyer les seconds rôtir en enfer. Absolument pas! Il s’agit pour Jésus de proclamer avec force des paroles d’amour, oui, de non-violence, c’est essentiel, et aussi je dirais de respect des autres, d’empathie (même si le mot n’existait pas encore) et de pardon. Aucune morale! Mais plutôt une affirmation: d’abord, Dieu t’aime. Son jugement, c’est de ne pas te condamner. Alors, tu seras heureux en cultivant cet amour, cette liberté; cette absence de violence, de haine, d’exclusion et de condamnation, envers toi et envers les autres!

Une précision encore à propos de la morale. La Bible n'est pas un livre de recettes utilisables directement, qui nous dise ce qu'il faut faire ou non aujourd'hui. Plus de 2000 ans nous séparent de son époque, les temps ont changé. Dans certains passages, l'Ancien Testament légitime l'esclavage ou la polygamie, voire l'inceste et, bien sûr, la domination de l'homme sur la femme; de plus, le passage de Genèse 19, 4-8 trouve manifestement que le viol de deux jeunes filles est moins grave que le viol des règles de l'hospitalité. Personne n'aurait idée aujourd'hui de dire que telle est la volonté de Dieu... 

Les préceptes moraux trouvés dans les lettres de Paul, eux aussi,  sont souvent liés au contexte précis de l’époque, leur application est délicate. Lus à la lettre, ils pourraient même soutenir des horreurs: l’esclavage, la lapidation des enfants irrespectueux, l’obéissance aux autorités même les plus tyranniques et racistes, l’interdiction aux femmes de prêcher dans une église malgré la mission que le Christ donne à Marie-Madeleine d’annoncer sa résurrection à ses frères... 



 

3. Sciences et religions
Des conflits entre sciences et religions naissent quand des croyant(e)s prennent la Bible pour ce qu’elle n’est pas; qu’ils l’interprètent de manière fondamentaliste, faisant passer leur conception étriquée de la foi chrétienne avant le contenu du message de Jésus. Alors que ce dernier prêche tout le contraire de l’intégrisme!

Au contraire. L’évangile, la vie et les paroles de Jésus, nous montrent une voie où les maîtres mots sont l’ouverture; le respect de l’autre, surtout quand il est différent; la non-violence fondamentale, absolue; la liberté de chacun(e); la confiance qui lutte contre les peurs et les asservissements que cette peur génère; le pardon, qui vise à éviter de se pourrir la vie avec les blessures du passé...

Aujourd’hui, il est important de bien distinguer ce qui est contingent, c’est-à-dire lié aux valeurs de l’époque où le texte a été rédigé (par exemple la croyance aux esprits, les connaissances médicales), de ce qui est essentiel, qui nous est donné par les lignes convergentes des évangiles, soit justement les maîtres mots que nous venons de rappeler dans le § précédent. Les progrès des sciences bibliques nous le permettent.

Souvenons-nous bien que la Bible a été écrite par des hommes "inspirés" par des événements qu'ils avaient vécus. Mais il n'est jamais dit que Dieu ait rédigé lui-même ou dicté nos textes fondateurs. La Bible n’est pas un Coran, absolutisé, mais un reflet des espoirs et des quêtes de l’humanité.

Un exemple? Dans le récit de la création (Genèse 1), on nous dit que le soleil est créé le... quatrième jour. Alors, qu’est-ce qui délimitait les jours d’avant? On voit que le rédacteur ne prétend en aucun cas faire de l’histoire ou de la science. Il introduit un élément anachronique pour éviter que les lecteurs ne prennent son récit au premier degré!




4. La résurrection
Je termine par la question centrale, évidemment celle de la résurrection. Et là, sa portée est essentielle pour la foi! Tout le Nouveau Testament, tout l’élan de la 1ère Eglise sont sous-tendus par cette annonce complètement incroyable: Christ est revenu à la vie!

Et là, je pèse mes mots: c’est effectivement incroyable. Ne l’oublions jamais: humainement, c’est inconcevable, l’événement de Pâques! Le coeur de la foi est une proclamation qui va complètement à l’envers du sens commun. Et qui pourtant est essentielle. Cette annonce de la résurrection est inaccessible au “monde”, comme le dit l’évangile de Jean; elle n’est accessible qu’à ceux qui aiment le Christ, ceux qui laissent cette tendresse d’En-Haut habiter dans leur coeur.

Et je re-pèse mes mots: Christ est revenu à la vie, disais-je. Le Seigneur de l’Eglise, le Fils de Dieu de notre foi a été relevé du tombeau, signe de la promesse qui est aussi pour chacun(e). Mais qu’est-ce qui est arrivé au corps de Jésus, l’homme de Nazareth? Ses os sont-ils montés au ciel, lors de l’Ascension? Les évangiles nous disent que le ressuscité traverse des murs ou des portes fermées à clé... Son corps est-il resté sur terre, dans un tombeau? Ça me paraît vraisemblable. Ou encore est-il devenu autre chose, qui échappe à notre compréhension humaine?

Pour moi, cela n’enlèverait rien à ma foi, ma foi au ressuscité, si on venait à me prouver scientifiquement qu’on a retrouvé le corps de Jésus. La Bonne Nouvelle de l’évangile, il est impossible d’en rendre compte parfaitement dans nos langues humaines, dans nos raisonnements d’ici-bas. Elle ne s’arrête donc pas à de telles précisions terrestres.

Le fait que nous célébrons à Pâques, ce n’est d’ailleurs pas un miracle qui aurait ramené un homme de la mort à la vie. Ce n’est même pas la découverte du tombeau vide, comme je l’ai dit parfois. Le fait indéniable que nous célébrons à Pâques, c’est le surgissement d’une vitalité nouvelle des disciples, qui leur a permis de changer le cours de l’histoire. Ce n’est pas tant Jésus, mais ses continuateurs, qui ont été ressuscités!

Au fond, j’ai envie de répéter ce que disaient les mystérieux personnages, lors de l’Ascension: ne restez pas les yeux fixés sur l’événement, à en chercher le comment et le “c’est-y-possible ou pas?”. Mais remplissez-vous surtout le coeur de cette promesse: le Christ vit, il est une surprise toujours renouvelée. Depuis Pâques, il rayonne d’une présence que même la mort n’a pas pu altérer. Sachez-le bien: Dieu est amour, un amour plus fort que toute mort... toute torture... toute souffrance... tout désespoir. Avec lui, au plus profond de vos échecs, vous pouvez marcher sur des chemins de victoire; de sécurité; de paix.

Ne croyez-vous pas que ce message-là peut faire beaucoup de bien dans nos vies? 



Jean-Jacques Corbaz

vendredi 1 février 2013

(Bi, Hu) Lolo Ferrari sans...


Vous les reconnaîtrez à leurs actes
 
Une Eglise sans solidarité, c'est comme le Père Noël sans sa barbe...

 
Des chrétiens qui ne portent pas une attention soutenue envers les plus fragiles, ils sont pareils à une colombe sans ailes. Ou la reine Elisabeth sans son trône.

 
Une Eglise sans respect des autres, sans générosité patiente, elle est comme Yannick Noah sans ses cheveux. Ou Lolo Ferrari sans ses implants!

 
Méconnaissables.
                                    *               *
On le dit beaucoup, mais on l'oublie davantage encore: on prêche bien mieux par ses actes que par ses paroles.

 
Si je veux changer quelqu'un en lui faisant la morale, je risque fort l'échec. Par contre, si je lui montre l'exemple, je vais transformer deux personnes. Au moins!
 
                                                         Jean-Jacques Corbaz