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lundi 18 juillet 2022

(Co, Hu) La famine à moitié vaincue!



En écho au culte du 11 juillet, je vous propose ce conte… édifiant !

 

 
Les riches et les pauvres (conte oriental)

C’était la famine. Mais mal partagée, bien sûr: les riches avaient bien rempli leurs greniers, tandis que les pauvres manquaient de tout.

Khadija dit alors à Nasreddine, son mari: 
- C’est insupportable. La moitié du village meurt de faim, tandis que l’autre moitié possède largement de quoi vivre à l’abri du besoin. Toi qui es respecté de tous, ne pourrais-tu pas les convaincre de partager?

Nasreddine accepta, et sortit. Il ne revint que le soir, complètement épuisé.
- Alors, demanda Khadija, tu as réussi?
- À moitié.
- Comment ça, à moitié?
- Oui, j’ai réussi à convaincre les pauvres...


Parabole de Nasreddine Hodja, figure de l’humour et de la sagesse chez les Arabes, les Turcs et les Persans depuis le 13è siècle, citée dans «Les philofables», de Michel Piquemal et Philippe Lagautrière (Albin Michel).


Nous regardons les autres comme à travers une vitre. Mais si on ajoute de la peinture d’argent sur le verre, il devient un miroir. Ainsi, l’argent nous empêche de voir les autres, nous n’apercevons plus que nous-même.




lundi 11 juillet 2022

(Pr) « Ne méprisez pas les pauvres »

 Prédication du 11.7.22  -  Le clochard et les riches

Lectures bibliques: Jacques 2, 1-13; Matthieu 25, 31-40; Amos 2, 6-8; 1 Corinthiens 1, 26-28

L’histoire se passe le dimanche de Pentecôte, dans une petite ville des USA. Septante à huitante fidèles se dirigent vers l’église, en ce jour de fête. Il fait beau, les fleurs célèbrent le Créateur à leur manière.

Au milieu de ces joyeuses couleurs, un homme fait tache : un vagabond, un clochard déguenillé se mêle aux petits groupes qui bavardent en attendant l’heure du culte. Il essaie de s’introduire dans les conversations, ou de mendier quelques sous… mais bien sûr en vain : partout, il est repoussé : trop sale, trop malodorant !

Quelques minutes plus tard, les fidèles sont assis dans l’église. En silence. Tout à coup, ô surprise, ils voient le clochard qui entre (mais qu’est-ce qu’il vient faire ici ?) puis qui traverse toute la nef ; qui monte en chaire, enlève son manteau rapiécé, ôte sa perruque… Et là, tout le monde le reconnaît : c’est le pasteur de la paroisse ! Il s’était déguisé !

Après quelques instants de stupeur, quand le calme revient, le pasteur commence à parler : de l’accueil, et du prochain. De la différence. Et de l’indifférence !

« Vous qui vivez dans la foi au Christ, dit la lettre de Jacques, n’agissez pas différemment selon les personnes ». « Ne méprisez pas les pauvres ».

L’histoire s’est réellement passée, il y a quelques années. Et je vous assure que ces paroissiens s’en souviennent encore ! La plupart se sont senti peu glorieux, vous l’imaginez, d’avoir si mal mis en pratique des enseignements qu’ils connaissaient, pourtant, et qu’ils trouvaient importants !

Entre ce qu’on croit et ce qu’on fait ; entre la foi et la pratique, combien de fossés, combien de grands écarts. Dans ma vie aussi. Dans la vie de chacun.e de nous.

Surtout, surtout, à propos des relations avec celles et ceux qui croisent nos chemins ! Particulièrement avec les personnes que nous ressentons différentes de nous ! Qu’est-ce que ma foi change, dans mes relations avec les autres ?



 
La lettre de Jacques a été écrite vers la fin du 1er siècle après J-C. Au moment où le christianisme commence à s’installer dans la durée. L’enthousiasme communautaire des débuts de l’Eglise diminue. On est loin du partage décrit par le livre des Actes, quand les apôtres mettaient tout en commun. Sous l’influence du monde grec, la foi est devenue beaucoup plus individuelle, la piété s’exerce en privé.

De plus, l’économie se transforme. On vit ce qu’on appelle la « Pax Romana », c’est-à-dire la paix sous la domination romaine. Il n’y a plus de guerre, et l’empire latin s’étend sur tout le bassin de la Méditerranée, jusqu’en Europe centrale : un immense pays, sans frontières, sans risques économiques majeurs.

Cette pax romana offre donc une énorme liberté aux marchands, aux entrepreneurs, aux riches propriétaires d’esclaves. Les affaires sont florissantes, et ces gens bien placés amassent des fortunes indécentes, tandis que le petit peuple s’appauvrit continuellement. Dites, est-ce que ça ne ressemble pas étonnamment à la mondialisation et aux rêves d’empire américain (ou russe, ou chinois) qui s’esquissaient ces dernières années ?

Piété plus individuelle, et grands commerçants qui s’enrichissent au détriment des plus pauvres : tout ça fait que les actions de la solidarité sont en baisse. Et notre lettre de Jacques veut réveiller la responsabilité des chrétiens. Des chrétiens qui font quasi tous partie des plus démunis.

Pour l’auteur de cette épître, Dieu a choisi en priorité les pauvres comme destinataires de son amour. Ceux que personne ne choisit, justement, ceux qu’on méprise, qu’on trompe, qui sont victimes d’injustices.

Les riches en ce temps-là ont d’innombrables moyens de défendre leurs intérêts : conflits de travail, relations entre maîtres et esclaves, devant les tribunaux ils savent ce qu’il faut actionner pour que les juges se rallient à leur cause, même si elle est injuste. Les pauvres, eux, sont toujours perdants, au bout du compte.

L’argumentation de Jacques est donc très proche de celle des psaumes, ainsi que des prophètes de l’Ancien Testament : il identifie les démunis aux croyants. Le juste, c’est l’opprimé. Il n’a que Dieu pour seul recours.

Rien que Dieu ! Pas même les autres pauvres ! Car la solidarité disparaît. Et puis, comble de perversité du système : si les riches méprisent les démunis, voilà que les pauvres méprisent les plus pauvres qu’eux ! Alors qu’ils honorent les riches, comme s’ils voulaient se distinguer le plus possible des plus misérables.
   

Stop ! dit Jacques. Sortez du cercle vicieux ! Cessez d’alimenter cet incendie pervers et contagieux ! « Vous qui vivez dans la foi au Christ, n’agissez pas différemment selon les personnes ». « Ne méprisez pas les pauvres ».

Car le Christ s’est fait pauvre parmi les pauvres, spécialement sur la croix. Exclu, méprisé, victime de la fracture sociale, déjà. Et notre passage se conclut par une maxime intraduisible en français : « Le jugement de Dieu est sans pitié pour qui n’a pas pitié des autres ». Mais en hébreu, le mot pitié veut dire aussi bonté, miséricorde et solidarité. Dans la pensée juive, qui est présente dans toute cette épître, ces différents termes n’en font qu’un. On pourrait donc aussi traduire : « Le jugement de Dieu est sans bonté, sans solidarité pour qui n’est pas bon ou solidaire avec les autres ». « …mais, conclut notre passage, mais la bonté, la solidarité triomphent du jugement ».

Et nous voici, quelque 1900 ans plus tard, à méditer encore ce message. Cet appel. Ne pas agir « à la tête du client », bien sûr. Qu’il soit clochard, ou russe, ou arabe, le client.

Mais aussi, mais surtout, travailler inlassablement sur nous-même, sur nous-même individu et sur nous-mêmes collectivité, pour ne jamais laisser tomber notre foi dans les ornières du préjugé ; de l’indifférence ; de l’égoïsme ; voire de l’orgueil.

L’antidote à cela est toujours le même : prier ensemble ; lire la Bible ensemble ; chanter ensemble ; ne pas nous replier sur notre petit confort, sur notre foi individuelle. Tant il est vrai qu’une piété uniquement privée, elle risque bien d’être… privée aussi de la communion au Christ !

Quand la fracture sociale étend ses ravages ; quand les pauvres s’appauvrissent alors que quelques privilégiés font fortune, alors, plus que jamais, méditons avec la lettre de Jacques : « Vous qui vivez dans la foi au Christ, n’agissez pas différemment selon les personnes ». « Ne méprisez pas les pauvres ». Reliez-vous d’autant plus fortement les uns aux autres, pour réfléchir à la grande question de l’évangile : qu’est-ce que ma foi change dans mes relations avec autrui ? Amen

 

Jean-Jacques Corbaz