Prédication du 11 septembre 2016
Lectures bibliques: Luc 10, 25-37; Luc 18, 18-23; Lévitique 19, 17-18
La
parabole que je propose à votre attention, ce matin, elle est sans
doute celle qui a le plus marqué la chrétienté. À tel point que le mot
«Samaritain» a passé dans le langage courant, pour désigner les
secouristes. Il y a même à Vevey un hôpital qui a pris ce nom: le
Samaritain!
C'est un peu dommage, car le héros de la parabole que
Jésus raconte n'a au départ pas grand-chose à voir avec le domaine
médical!
Au temps du Christ, les Samaritains sont les habitants
du pays voisin d'Israël, au nord. Leur religion et celle des juifs se
ressemblent beaucoup, mais ils se battent comme des ennemis. Bref, le
Samaritain dont parle Jésus, ce serait plutôt aujourd'hui un Libanais,
un Palestinien ou un Syrien, davantage qu'un infirmier. Imaginez un
dialogue saugrenu du genre: «Tu as passé ton diplôme de Libanais?» - «Je
vais être opéré à l'hôpital du Palestinien»...
Ça choque,
n'est-ce pas? Or Jésus aussi voulait faire sursauter ses auditeurs. Le
prêtre et le lévite dont il parle, ce sont les spécialistes du sacré, en
Israël. Mais quand ils voient un blessé, abandonné: ils passent tout
droit! Les apôtres de la charité refusent de se mouiller pour un inconnu
couvert de sang.
Au contraire, le Samaritain (le Palestinien, le
Libanais – biffer ce qui ne convient pas), bref, l'étranger détesté, le
musulman, eh bien lui, il s'arrête. Non seulement il soigne le blessé,
mais encore il le transporte à l'hôtellerie, et paie de sa poche tout le
nécessaire!
.
Voilà. On
pourrait presque s'arrêter ici. Vous imaginez la suite: faites comme le
Samaritain (ou le musulman)! Soyez bons et secourables, ayez pitié du
misérable, etc. etc...
Eh bien, pas du tout! Non seulement cette
conclusion passerait complètement à côté de ce que Jésus veut dire,
avec sa parabole; mais pire encore, cela ajouterait du bois à un
incendie néfaste qui a déjà fait beaucoup trop de dégâts! Je m'explique.
Jésus
ne veut pas nous faire la morale. Il refuse de nous faire évoluer en
nous culpabilisant, comme l'ont hélas trop fait certains chrétiens. Ça
ne mène à rien, de mettre à vif la culpabilité. Pire, ça dégoûte et ça
démobilise. L'amour du prochain, selon l'évangile, ce n'est pas cela,
mais pas du tout!
Là où ça commence à déraper, c'est déjà dans le
titre que nous donnons à la parabole. Jésus ne dit jamais que notre
Samaritain est bon. On moralise déjà, avec cet adjectif, nous entrons
dans le récit par la fausse porte.
Car comment Jésus y
entre-t-il, lui, dans cette histoire? Voici: «Un homme descendait de
Jérusalem à Jéricho... Il se fait attaquer, voler, molester... Il reste
là, au bord du chemin, à moitié mort...». Ce n'est pas innocent, cette
entrée en matière. Dans l'évangile, rien n'est jamais là par hasard! On
aurait pu le dire en deux mots: un homme était couché, blessé, au bord
de la route... ça suffisait. Mais ce que veut Jésus, vous comprenez,
c'est que le héros de la parabole, ce soit l'homme attaqué et roué de
coups, et non le secouriste.
Quand vous racontez une histoire à
des enfants, ils s'identifient au héros de l'aventure, ils se mettent
dans sa peau, ils vibrent à ses heurs et malheurs et font corps avec
lui. «Il était une fois dans un château, une pauvre jeune fille que sa
marâtre faisait travailler du matin au soir...» - et c'est parti, la
magie opère, mes gamins se mettent dans la peau de Cendrillon ou
Blanche-Neige...
Jésus fait de même. Il raconte sa parabole de
telle manière que ceux qui l'entendent s'identifient, non pas au
secouriste, mais au blessé, à celui qui est couché là, meurtri par la
souffrance, sans espoir.
Est-ce que vous comprenez l'enjeu? Si
notre premier mouvement, je devrais dire notre premier faux mouvement,
c'est de nous mettre dans la peau du Samaritain, nous rallumons
l'incendie de la culpabilité: «Je devrais prendre exemple sur lui... Il
faut que je fasse mieux, que je donne davantage, etc.»
C'est
justement pour éviter que nous nous engagions sur ce chemin du moralisme
que Jésus, dans un récit très semblable, répond, à un riche notable qui
l'appelle «Bon maître»: «Mais non! Pourquoi m'appelles-tu bon?
Tu sais, personne n'est bon, sinon Dieu seul!»
Il
ne s'agit donc pas de la parabole du Bon Samaritain, mais de celle du
blessé secouru! Pour me dire qui est mon prochain, Jésus ne me fait pas
la morale. Pour savoir comment aimer mon prochain, il me propose
d'entrer dans la peau d'un homme qui n'a plus rien, ni argent ni santé;
un homme qui ne peut que tout attendre des autres. Tout attendre des
autres. À l’image du jeune homme riche, que Jésus invite à quitter toute
sa fortune.
Dans la religion juive, les théologiens avaient de
graves débats sur la question «qui est mon prochain?». Les maîtres de la
loi, c'est-à-dire les spécialistes de la théologie, étaient partagés.
Pour certains, le prochain, c'est seulement un juif (et des passages de
l'Ancien Testament, c'est vrai, l'affirment). Pour d'autres, le
prochain, c'est toute personne qui a besoin d'aide, quel qu'elle soit
(et on trouve d'autres versets de l'AT qui le confirment). Le maître de
la loi dont parle notre récit voulait certainement entendre l'avis de
Jésus sur ce grave débat.
Mais lui, le Christ, il refuse de
répondre par une définition. Il ne veut pas faire de la théorie,
pas plus que de la morale: il nous fait entrer, par son histoire,
au coeur de la détresse d'un homme, d'un homme qui souffre et qui dépend
entièrement du secours des autres! «Je ne te dirai pas qui est ton
prochain. Mais tu le découvriras toi-même, quand tu te seras mis dans la
peau de ce type molesté, violenté, volé, à moitié détruit, là, au bord
du chemin».
… Et ça marche! Parce que voici la conclusion, donnée
par le maître de la loi lui-même: «Mon prochain, eh bien je découvre
que c'est l'homme qui lui a porté secours!».
Comprenez-vous le
retournement? Le prochain, ce n'est plus le type à sortir de la
mistoufle. Non, je suis le blessé, et mon prochain, c'est celui qui
vient à mon aide!
Voilà. Cette
fois, on peut s'arrêter. Car la conclusion, vous allez, aussi, la tirer
vous-même. Mon prochain? Mais c'est celui qui s'approche! Et ce n'est
que parce que je suis d'abord secouru que je deviens capable, à mon
tour, d'aider les autres. D'avoir pour eux des gestes d'amour. Et vu que
j'ai passé par là, je sais de quoi l'autre a vraiment besoin.
Amen. Ah, vous éteindrez l'incendie en partant. Merci!
Jean-Jacques Corbaz
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dimanche 11 septembre 2016
jeudi 1 septembre 2016
(Vu, SB, FA) Osée et son aventure... osée!
Reçu cette question intéressante d'une responsable de l'Eglise évangélique réformée vietnamienne de Lausanne (qui se réunit à St-Paul, Avenue de France):
Dans notre communauté, nous avons étudié le thème "La dernière fois que Dieu m'a fait signe, c'était quand?" du cahier suivant:
Le
texte d'Osée nous a semblé très difficile d'accès, savez-vous un peu
sur le texte d'Osée et pourquoi (quel lien) on a voulu faire un rapport
avec le thème du dialogue avec Dieu?
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Réponse:
Le prophète compare Israël à une prostituée, qui ne reconnaît plus tout ce que son mari lui donne. Israël ne discerne plus ce qu'il doit à son Dieu, et va chercher auprès de divinités païennes ce que le Seigneur veut lui offrir. Donc, Israël ne discerne pas les signes de Dieu.
Le prophète compare Israël à une prostituée, qui ne reconnaît plus tout ce que son mari lui donne. Israël ne discerne plus ce qu'il doit à son Dieu, et va chercher auprès de divinités païennes ce que le Seigneur veut lui offrir. Donc, Israël ne discerne pas les signes de Dieu.
Osée
vit une relation difficile avec sa femme, qui se prostitue et qui
abandonne son mari. Le prophète fait de cette relation une sorte de
parabole de la relation d'Israël avec Dieu. Israël aussi abandonne son
Seigneur pour se tourner vers les Ba'al. Or, nous dit cette histoire, or
Dieu veut instaurer avec nous une relation d'amour, basée sur le
dialogue et la confiance. Mieux encore, Osée va payer une nouvelle fois
une somme d'argent pour "racheter" sa femme de la prostitution; de même,
Dieu va nous racheter, c'est lui qui paie tout le prix pour nous
libérer et pour vivre avec nous dans le bonheur et la paix.
Cette
relation, il nous appartient de la nourrir, de la faire vivre. Dieu a
besoin de notre réponse pour entrer dans nos coeurs et dans nos vies!JJC
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