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dimanche 19 avril 2015

(Pr, Co, FA, Vu) QuestionDieu.com et Renseignement SVP


1. Je me pose des questions sur l'Ancien Testament. L'image de Dieu n'y correspond pas du tout à celle d'un Dieu d'amour. Je sais que ces textes ont été écrits il y a longtemps, mais que peuvent-ils nous apporter? 

-  Je comprends votre réserve à la lecture de certains textes de l'Ancien Testament. Car, pris à la lettre, ils pourraient conduire à des attitudes de violence religieuse (ils ont d'ailleurs servi à la justification des pires horreurs, notamment le régime de l'apartheid en Afrique du sud!). C'est vrai, l'image de Dieu véhiculée par certains textes peut être en désaccord avec Jésus qui parle d'un Dieu d'Amour et d'Accueil sans condition.

Il est donc toujours important de "hiérarchiser" les textes bibliques. Pour un chrétien, la Révélation du Dieu d'Amour en Christ doit être le point à partir duquel on lit et interprète tous les textes. On ne met pas sur le même pied le Lévitique et l'évangile de Jean, par exemple.

Alors, pourquoi continuer à lire ces textes antiques, et que peuvent-ils nous apporter? D'abord, le NT, la figure du Christ, sa position par rapport à la Loi ou au Temple, sa fonction messianique, tout ça ne peut pas être compris en-dehors de l'histoire de l'AT. Les premiers chrétiens y ont vu comme un accomplissement, et un accomplissement qui opère des modifications. (par ex. l'image du peuple élu, que Jésus a étendue au monde entier, ou le Messie qui n'est plus le vainqueur violent, mais le Souffrant, etc...). Tout ça ne peut se comprendre qu'à la lecture de l'Ancien Testament.

Il est important aussi de replacer les textes dans leur contexte, et de voir les questions en débat: il y a vraiment une évolution de la Révélation: l'AT n'est pas monolithique: on voit par exemple le livre de Job lutter contre une théologie simpliste de la Rétribution (Dieu te punit en t’envoyant des malheurs) qui existe pourtant dans d'autres parties de l'AT.

Enfin, je dirais qu'on peut aussi faire une lecture "psychologique" de l'AT: cette figure de Dieu archaïque qui a été transformée par le Christ est aussi en chacun de nous. Il faut reconnaître ces archaïsmes en nous et les prendre en considération pour "épurer" en quelque sorte notre conception de Dieu, des autres et de nous-mêmes! Par exemple l'appel à l'amour des ennemis dans le Sermon sur la Montagne, quand il est lu à partir de certains textes de l'AT où les ennemis sont exterminés, doit nous faire prendre conscience que les ennemis existent, que nous ne vivons pas dans un monde tout rose. Ça nous permet alors un cheminement intérieur qui transforme notre désir de vengeance en bienveillance active. L'AT peut nous y aider.


















2. Mon fils de 7 ans a été très étonné quand je lui ai dit que Jésus attendait certainement de lui qu'il travaille bien à l'école. Pourriez-vous m'aider à étayer mon affirmation, ou me détromper si nécessaire ?

-  Je comprends l'étonnement de votre fils de 7 ans... Il est sûrement un fin théologien en herbe!

Je comprends aussi votre désir de placer le Christ au milieu des préoccupations quotidiennes, c'est très beau! Le problème, selon moi, c'est que vous placez sur Jésus une attente qui est la vôtre, en tant que parents, comme si Jésus était là pour renforcer votre désir, par ailleurs tout à fait légitime, pour votre enfant. Le risque de cette identification est que vous placez le Christ du côté de l'exigence de réussite. Comment fera votre fils s’il a un passage à vide, devient un peu "flemmard" ou a des mauvais résultats scolaires? Ne risque-t-il pas de croire alors que Dieu lui en veut de ne pas réussir? et donc de culpabiliser encore plus... Ne risque-t-il pas de se faire une conception de Dieu hyperexigeant et de ne jamais alors se sentir à la hauteur... ce qui pourrait lui faire passer à côté du Dieu de grâce qui nous aide, nous relève, nous pardonne...

C'est aussi ce qui peut arriver quand on dit à un enfant: "Fais attention, Dieu voit tout ce que tu fais"... (sous-entendu de mal). Il y a là une pression terrible d'où peuvent naître des images de Dieu néfastes pour l'épanouissement spirituel.

Mieux vaut donc dire à votre enfant que vous souhaitez en tant que parents le meilleur pour lui, et que le travail scolaire en fait partie, mais sans trop y associer Jésus... si ce n'est comme "guide", "aide", "soutien" de l'enfant, qqn à qui il peut toujours s'adresser quand les choses ne vont pas... mais pas comme d'une instance qui renforce l'exigence!


 


3. Je dois animer le thème que voici "Comment provoquer l'intervention de Dieu dans sa vie?".  Pouvez-vous m'aider?

-  Qui a eu l'idée saugrenue de vous donner ce thème ? On ne peut pas provoquer l'intervention de Dieu dans notre vie! Pourquoi? Parce que Dieu ne serait plus Dieu! Pour être Dieu, il Lui faut être maître de toutes choses; donc totalement libre. Si je pouvais provoquer son intervention dans ma vie, il ne serait pas libre d'agir comme bon lui semble: d'intervenir ou de ne pas intervenir.

Vous allez dire que la prière devrait pouvoir provoquer son intervention. Mais il faut aussi concevoir la prière dans le cadre de cette liberté de Dieu totale. Il est libre de répondre comme bon lui semble à ma prière. Celle-ci ne possède aucun pouvoir.

Peut-être demandez-vous, avec cette question, comment ne pas passer à côté de ce que Dieu nous donne, comme on le fait si facilement et comme nombre de nos contemporains le font si aisément. C'est que Dieu intervient, en effet, de mille manières dans nos vies; discrètement; parfois par les interpellations de ses témoins (bibliques, «historiques» ou actuels). Demandons-lui alors de Le reconnaître à l'oeuvre. Demandons-lui d'éclairer notre lanterne de sorte que nous puissions discerner ce qui, dans ce que nous vivons, est sa parole et ce qui ne l'est pas, puis demandons-lui le courage et l'intelligence de le mettre en pratique.


 


4. Quel est le sentiment des protestants sur les autres religions (chrétiennes ou pas) quand au salut ?

-  Je pense que par "salut", vous entendez "salut éternel": Pour les Eglises protestantes, ce "salut" n'appartient qu'à Dieu! Nous croyons en la justification par seule grâce. C'est un don gratuit de Dieu, et aucun être humain ni aucune Institution ne peut se mettre à la place de Dieu pour "juger" du salut d'autrui! Nous ne pouvons que témoigner de cette grâce, reçue en Jésus-Christ, et espérer pour tous et prier pour tous, sans spéculer sur le salut de tel ou tel!

Donc, nous réservons à Dieu le "jugement dernier" sur toute vie! Cela dit, "salut" peut avoir dans la Bible un sens plus "concret": nous sommes sauvés en effet de l'angoisse, de la peur, des superstitions dès maintenant! Dans ce sens, il nous est possible de discerner:
-les "religions"  qui favorisent une libération de tout ce qui nous oppresse,
-de celles qui accentuent la peur et l'angoisse, le sentiment de péché et qui pèsent sur l'être humain. Mais attention, il y a des dérives "opprimantes" dans chaque confession!



5. Comment aimer Dieu quand on vit dans la souffrance?
Aimer Dieu "de tout son cœur, de toute son âme et de tout son esprit", ça paraît compliqué quand on ne vit que dans la souffrance. Comment aimer un créateur qui semble ne vous avoir créé que pour vous voir souffrir? Pourtant, dans la bible, on parle d’un homme qui est resté fidèle à Dieu malgré ses malheurs.

-  Merci pour votre question et votre témoignage. Vous imaginez bien qu'il ne peut y avoir de réponses générales sur ce thème, car chaque souffrance est unique et incomparable! Avant tout, je ne peux que vous témoigner ma compassion.

Mais je tente quand même des pistes de réflexion: D'abord, l'homme dans la Bible resté fidèle à Dieu malgré ses malheurs: c'est Job, dans l'Ancien Testament...Et si vous lisez ce livre, vous verrez que Job certes reste fidèle à Dieu, mais qu'il exprime sa souffrance, voire sa révolte! Il dit des paroles terribles à Dieu qu'il ne comprend plus... Ses amis essaient de le raisonner en prenant la défense de Dieu, en tentant d'expliquer ses malheurs... Mais Job ne supporte pas ce discours; il continue à protester de son innocence, il trouve ses souffrances injustes... A la fin du livre, Dieu donne raison à Job contre les amis. Il a été fidèle à travers sa protestation et sa révolte! Donc, méfions-nous des théories toutes faites sur Dieu (pour ne pas ressembler aux amis). N'hésitez pas à exprimer face à Dieu tout ce qui vous fait mal. L'essentiel n'est pas de vouloir expliquer la souffrance, ni de parler de Dieu, mais de parler à Dieu au coeur même de la souffrance.

Une autre piste dans le NT: Nous venons de vivre le temps de la Passion qui rappelle les souffrances de Jésus. Cela signifie pour moi que Dieu en Jésus entre profondément dans la souffrance du monde, qu'il la partage avec nous pour que nous ne la vivions pas tout seuls. Mieux, il nous offre à l'horizon Pâques, qui est la délivrance de toute souffrance. Pour moi, ça signifie qu'il ne faut pas envisager Dieu comme origine de la souffrance et des maux qui m'arrivent (vous avez raison, comment aimer un tel Dieu?), mais qu'il faut le découvrir comme celui qui est avec moi dans la souffrance, qui m'aide à la traverser et qui m'en libère... Alors, oui, un tel Dieu, je peux l'aimer.... Mais quand on est au creux de la souffrance, il est bien difficile de garder cet horizon d'espérance!


 

6. L'enfer existe-t-il?

-  Les seuls enfers qui existent (oui, il faut malheureusement les mettre au pluriel!), ce sont ceux que les humains eux-mêmes créent sur cette terre, dans des crimes collectifs contre l'humanité dont notre histoire est pleine (par ex. l'inquisition et la Shoah), dans des actes qui bafouent l'amour du prochain. Toute autre image d'un prétendu «enfer» dans l'au delà de cette terre n'est que superstition.

Par contre, il y a aussi sur terre des petits coins de paradis, et des anges qui nous aident à y croire. Comme dans ce récit vécu, que j'aime beaucoup, et qui sera notre conclusion:
.
 
Renseignement SVP
Lorsque j'étais petit, mon père a eu l'un des premiers téléphones du quartier. Je me rappelle très bien la vieille boîte en bois fixée au mur et le récepteur noir accroché sur son côté. J'étais trop petit pour atteindre le téléphone, mais j'aimais écouter ma mère lui parler. J'ai découvert ainsi que dans ce merveilleux appareil vivait une personne fantastique. Son nom était "Renseignement SVP" et elle savait tout! Renseignement SVP pouvait fournir le numéro de n'importe qui, en plus de l'heure exacte.

Un jour où ma mère était sortie, en jouant je me suis fait très mal. La douleur était terrible, mais il n'y avait personne pour m'entendre et me réconforter.
Je suis allé vers l'escalier en suçant mon doigt, et je l’ai vu. Le téléphone! J'ai couru chercher un tabouret à la cuisine et je suis monté dessus, j'ai décroché le combiné.
- Renseignement SVP, dis-je dans le microphone. Un clic ou deux... et j'entends une petite voix claire me dire:
- Renseignement.
Je dis alors:
- Je me suis fait mal au doigt.
- Est-ce que tu saignes? me demande la voix.
- Non, je me suis tapé avec un marteau, ça fait très mal.
Elle me demande alors:
- Peux-tu ouvrir la boîte à glace?
- Oui je peux.
- Alors, prends un petit morceau de glace et pose le sur ton doigt, me dit-elle.

Après cette expérience, j'ai appelé Renseignement SVP pour n'importe quoi. Un jour, je lui ai demandé:
- Comment épelez-vous le mot réparation?
D’autres fois, je l’ai appelée pour qu’elle m'aide pour ma géographie ou mes mathématiques. Elle m'a dit que le petit écureuil que j'avais trouvé dans le parc la veille devait manger des fruits et des noix.

Un peu plus tard, mon canari est mort. J'ai appelé Renseignement SVP et lui ai raconté ma triste histoire. Elle m'a écouté attentivement et m'a dit ce qu'un adulte dit pour consoler un enfant, mais j'étais inconsolable.
Je lui ai demandé, la gorge serrée:
- Pourquoi les oiseaux chantent si merveilleusement et nous procurent tant de joie, si c'est pour finir comme un tas de plumes au fond d'une cage?
Elle a ressenti mon profond désarroi et m'a dit alors, d'une voix calme:
- Paul, rappelle-toi toujours qu'il existe d'autres mondes où l'on peut chanter.
D'une certaine façon, je me sentais mieux.

Tout ça se passait dans la ville de Québec. Puis, alors que j'avais 9 ans, nous avons déménagé à l'autre bout de la province. Je m'ennuyais terriblement de mon amie. Renseignement SVP appartenait à cette vieille boîte en bois de notre maison familiale, et, curieusement, je n'ai jamais songé à utiliser le téléphone neuf étincelant posé sur une table.

Le souvenir de ces conversations de mon enfance ne m'a jamais quitté. Souvent, lors des moments de doute et de difficultés, je me rappelais ce doux sentiment de sécurité que j'avais à cette époque. J'appréciais maintenant la patience, la compréhension et la gentillesse qu'elle a eu à consacrer de son temps pour un petit garçon.

Quelques années plus tard, alors que je me rendais à Montréal, mon avion devait faire une escale à Québec. J'avais une demi-heure d'attente. Comme j’avais mon téléphone dans ma main, sans penser vraiment à ce que je faisais, j'ai composé le "0" et dit:
- Renseignement SVP.
Miraculeusement, j'entendis alors cette même voix claire que je connaissais si bien:
- Renseignement.
Sans avoir rien prévu, je m'entendis lui dire:
- Pouvez-vous m'épeler le mot réparation?
Il y eut un silence. Ensuite, j'entendis la voix si douce me répondre:
- Je suppose que ton doigt est guéri maintenant.
Je me mis à rire:
- C'est donc toujours vous! Je me demande si vous avez la moindre idée comme vous étiez importante pour moi pendant toutes ces années.
- Je me demande, dit-elle, si tu sais combien tes appels étaient importants pour moi. Je n'ai jamais eu d'enfant et j'étais toujours impatiente de recevoir tes appels.
Je lui dis comment, si souvent, j'avais pensé à elle au cours de ces dernières années et je lui demandai si je pourrais la rappeler lorsque je reviendrais:
- Bien sûr, tu n'auras qu'à demander Sarah, me répondit-elle.

Trois mois plus tard, alors que j'étais de nouveau à Québec, une voix différente me répondit:
- Renseignement.
J'ai demandé à parler à Sarah.
- Êtes-vous un ami? me demanda la voix inconnue.
Je lui répondis:
- Oui, un vieil ami.
J'entendis alors la voix me dire:
- Je suis désolée, Sarah ne travaillait plus qu'à temps partiel ces dernières années parce qu'elle était très malade. Elle… elle est morte il y a un mois...
Avant même que j'aie le raccroché, elle ajoute:
- Attendez une minute. Vous avez dit que votre nom est Paul?
Je répondis:
- Oui.
- Eh bien, Sarah a laissé un message pour vous, au cas où vous appelleriez. Ce message, c'est:
«Dites-lui que je crois toujours qu'il y a d'autres mondes où l'on peut chanter. Il saura ce que je veux dire...»
Je lui dis merci et raccrochai.

Oui, je savais ce que Sarah voulait dire...
Ne sous-estimez jamais l'influence que vous pouvez avoir sur les autres. La vie de qui avez-vous touché aujourd'hui?


Anonyme




P.S. Vous désirez aller avoir sur le site même? C'est passionnant: http://questiondieu.com
(Vous avez le lien ci-dessus dans la colonne de droite, sous "Autres sites ou blogs que je vous recommande")


dimanche 12 avril 2015

(Pr, Co) Maxime, hauts et bas de la foi - Narration du 12 4 15

Jérémie 31, 31-33; Jean 11, 21-27; 1 Corinthiens 11, 17-22. Récit d’Actes 20, 7-12

Il voyage beaucoup, Maxime. Il voyage beaucoup, à cause de son métier. Rome, Athènes... Ephèse... Alexandrie... Jérusalem... Depuis des années! Car il dirige un vaste commerce d’épices orientales. Mmh, ça sent bon dans ses entrepôts!

 

Il voyage beaucoup, mon ami Maxime, depuis sa ville, Corinthe. Il travaille dur aussi. On peut le dire: il a réussi dans la vie. Il a des quantités d’amis un peu dans toutes les cités; il est largement au-dessus du besoin. Cultivé, curieux de tout, il parle couramment les langues commerciales de son temps: le grec; le latin; l’égyptien; et même l’araméen et l’hébreu...

Or un jour, à Antioche, Maxime entend parler d’une femme juive qui fait partie d’un groupe étrange: les “chrétiens”. Elle accueille à sa table tous ceux qui sont de passage. On y rencontre, paraît-il, des gens passionnants.

Quelqu’un lui a déjà parlé de cette espèce de secte?... Ah oui, c’est le gérant de son dépôt à Jérusalem; un Juif très religieux et sympathique...

Ce soir-là, Maxime est libre. Pour une fois, il a terminé avec ses rendez-vous d’affaires. Alors, il décide d’aller chez cette femme, pour voir... Et là, il n’est pas déçu: il est accueilli avec chaleur.

À table, son voisin parle beaucoup. Plutôt exalté, le gaillard! Il se présente: Paul; dans le textile! Hébreu, mais, il y tient, mais aussi citoyen romain: il vient de Tarse. Maxime et lui découvrent qu’ils ont plusieurs relations communes, et qu’ils voyagent autant l’un que l’autre. Leurs chemins se sont d’ailleurs déjà croisés parfois, mais sans qu’ils ne se rencontrent.

Tout à coup, Paul s’interrompt et dit:

- Je crois que tout le monde est là, on va commencer!

Et puis, sans s’occuper de Maxime, il s’adresse à toute la tablée, plus de trente personnes:

- Mes frères, mes soeurs; nous sommes réunis, ce premier jour de la semaine, pour que vive en nous Jésus notre Seigneur, le Christ. En rompant le pain, nous recevons le cadeau de sa présence...

Maxime ne comprend pas grand-chose. Et Paul parle; parle avec enthousiasme... Maxime, ébahi, contemple les autres: ils sont tellement attentifs! Mais ce qui le surprend le plus, lui le commerçant grec qui aime l’ordre, ce qui l’étonne, c’est le mélange de tous ces gens: il y a des riches et des pauvres; des patrons et même des esclaves; il y a des hommes et des femmes; des Egyptiens, des Juifs, des Grecs; des gens à la peau foncée... Maxime est interpellé; d’habitude, on ne vit pas comme ça!

Pourtant, il règne là une atmosphère étrange: chacun semble à l’aise avec tous les autres, accepté, reconnu... Maxime a l’impression d’être dans un monde à part.




Alors, quelques jours plus tard, il a envie de revivre ce genre d’ambiance. À Troas, où il se trouve maintenant, il découvre qu’il y a une communauté du même style, une “Eglise de maison”, chez un certain Carpos. Maxime y va. Il y trouve le même accueil chaleureux, le même mélange humain; et le même respect les uns des autres. Un peu moins étonné, un peu moins largué surtout, Maxime sent son intérêt grandir. Il lui vient le désir de faire partie, lui aussi, d’un tel groupe.

Dans toutes les villes importantes où il s’arrête, il trouve une communauté de “chrétiens”. De plus en plus convaincu, il finit par demander le baptême. Et puis, quand il revient chez lui, à Corinthe, il fonde dans sa maison une Eglise pareille à celles qu’il a visitées dans son périple.

Pourtant, l’ambiance n’est pas vraiment la même. La communauté est très mélangée, bigarrée, c’est vrai; mais il y a des petits groupes qui se forment à l’intérieur de son Eglise. Maxime sent des tensions, des rivalités... Ainsi, quand quelqu’un parle, les autres clans ne l’écoutent pas vraiment... Et quand ils rompent le pain, ce n’est pas réellement un partage.

Maxime est déçu. Parfois, il doute de son choix. Mais où a passé cette joie qu’il ressentait si fort aux premiers temps? Cette “communion” chaleureuse?


 

Alors, c’est presque soulagé qu’il prépare son voyage suivant. Oui, ça lui fera du bien de prendre un peu de recul. Et puis, tiens, pourquoi pas, il pourrait retourner chez Carpos; il doit justement passer par là-bas. Peut-être que son ami pourrait lui donner un bon conseil... Et ce serait super de retrouver cette atmosphère positive qui l’avait enthousiasmé, à ses débuts.

À Troas, Maxime est accueilli avec beaucoup de chaleur. Carpos prend des nouvelles de la communauté de Corinthe. Il ne s’étonne pas des difficultés que traverse cette jeune Eglise. “Repose-toi, fais-toi du bien! Demain, c’est dimanche, jour de la Résurrection du Seigneur. Nous allons nous réunir ici pour rompre le pain. Et, tiens-toi bien, quel bol: Paul lui-même sera là, parmi nous!”

Le lendemain, la chambre où se tiennent les réunions est pleine. Maxime est heureux de retrouver bon nombre de connaissances, voire des amis. Il y a aussi plusieurs nouveaux-venus... Tous se saluent, joyeusement. On sent une envie profonde d’échanges et de paix les uns avec les autres. Comme ça fait du bien!

Sur la table, chacun a déposé de quoi manger, pour le repas qu’ils partageront tout à l’heure, après la Cène. Un peu à part, Carpos a placé le pain sur un plat, et le vin dans une cruche. Il y a des fleurs, toutes simples; mais une beauté harmonieuse se dégage de cette table. Tiens, se dit Maxime, c’est une bonne idée de mettre légèrement de côté le pain et la coupe de la communion, pour ne pas les mélanger avec le repas qui suivra.


 

- Frères et soeurs, dit Carpos, nous avons la joie d’accueillir Paul, que vous connaissez tous. Il vient de fêter Pâques à Ephèse, et il va nous parler pour affermir notre foi et notre solidarité en Christ.

L’apôtre prend la parole; rempli d’enthousiasme, comme toujours! Il en a des choses à raconter! La nouvelle Eglise d’Ephèse bouillonne d’espoirs et de projets. Il y a tant de signes que Dieu agit, par son Saint-Esprit!

Paul parle, parle longtemps, pétillant... C’est presque minuit, et il parle toujours! Mais ce soir, Maxime ne trouve pas le temps long: il essaie de graver dans son coeur l’énergie bienfaisante qui se dégage des paroles de l’apôtre; l’optimisme; la conviction aussi... Comment a-t-il pu douter, et se décourager?

Plus tard pourtant, Maxime se souviendra très peu de tous ces mots. Car il va se passer un événement qui va rejeter tout le reste au second plan. Dans la chambre haute, il y a beaucoup de lampes, beaucoup de lumière, donc il fait très chaud. Un jeune homme, qui s’appelle Eutyque, est assis sur le bord de la fenêtre. Soudain, Maxime le voit se pencher, lentement. Mais? Il s’endort! C’est vrai qu’il est tard, et que Paul ne s’arrête pas de prêcher!

Et puis, catastrophe! Dans son sommeil, Eutyque se penche tellement qu’il... tombe par la fenêtre. Ouille! Nous sommes au 2è étage, crie quelqu’un, il va se tuer!

Carpos se précipite dans la nuit de la petite cour, auprès du corps désarticulé. Et là, dans un grand silence soudain, il dit: “Hélas il est mort! Je n’ai rien pu faire.”

Alors Paul dévale les escaliers. Arrivé près de son hôte, il prend Eutyque dans ses bras. “Pas d’inquiétude, fait-il d’une voix forte, il est vivant!!”

- (Hein) qui est vivant, demande une voix?

- Mais, le Seigneur Jésus, répond Paul, ça fait des heures que je vous le dis!
  


L’apôtre remonte alors vers la lumière, dans la pièce illuminée, auprès des autres. Il rompt le pain en remerciant Dieu. Puis il mange, et tous font comme lui. Quant au jeune homme, Eutyque? On l’a porté pour remonter, lui aussi. Il est vivant!

- Oui, vivant! me dit Maxime, très ému.

Il y a maintenant des années que cela s’est passé. L’Eglise de Corinthe a vécu depuis un renouveau étonnant, sous la conduite de mon ami. Car Maxime ne s’est jamais découragé. Cette aventure de Troas, chez Carpos, lui a donné une force intérieure admirable. Et il est devenu, à son tour, un stimulant pour les autres.

Il aime raconter cette histoire; je l’ai entendue au moins 20 fois. S’est-elle réellement passée? Quelle importance, au fond! L’important, c’est qu’elle ait porté, et qu’elle porte encore la communauté dirigée par Maxime; qu’elle lui redonne confiance et rayonnement, dans les difficultés.

- Tu comprends, me dit-il, c’est un signe. La victoire du matin de Pâques, elle s’est manifestée une nouvelle fois, au milieu de nous! Dans la parole partagée; dans le pain rompu, fraternellement; eh bien le Christ devient présent, tout proche. Vivant!
  
- Et... et Eutyque? m’arrive-t-il souvent de demander.

- Le jeune homme? répond Maxime. On ne l’a jamais revu. Paul, lui aussi, a disparu, plus tard, à l’étranger. Mais, ce soir-là, il a été pour moi comme une incarnation du Christ: descendu dans la nuit de la mort, il est remonté vers la lumière de la chambre haute, porteur de vie! Porteur de vie, pour nous tous!
  


- Mais... est-ce que c’est vraiment vrai, ce que tu me racontes là?

- En tout cas, commente Maxime, cet épisode de Troas a toujours été pour moi une source puissante de courage, d’espoir et de solidité. Pour nous tous, ajoute-t-il en regardant sa communauté. Pour nous tous. J’espère qu’un jour, tu pourras le dire toi aussi.

Amen                                      Actes 20, 7-12.    -    Jean-Jacques Corbaz



jeudi 9 avril 2015

(SB, Vu, FA) Interview indiscrète de Jésus


Grâce aux connaissances de Daniel Marguerat, pasteur et professeur honoraire à l’Université de Lausanne, Jésus répond à l’Interview indiscrète.
Par Didier Dana, Daniel Marguerat


DANIEL MARGUERAT

Age: 71
ans

Titre: Professeur honoraire à l’Université de Lausanne

Livres: Ses recherches sur Jésus et sur les origines du christianisme lui valent une réputation internationale.
Dernier livre: «Résurrection, une histoire de vie» (Ed. Cabédita, 2015).

En projet: «Vie et destin de Jésus de Nazareth», à paraître en 2018.

«Jésus de Nazareth, premier people»

De son temps, il était célèbre. Durant les quelques années où il a prêché la Parole de Dieu, sa présence attirait les foules. On venait de loin voir et écouter ce Jésus, chantre d’un monde meilleur. Et, même si apparemment c’était prévu, c’est notamment cette célébrité qui lui a coûté la vie, les autorités religieuses de Jérusalem voyant d’un mauvais œil l’émergence de ce nouveau prophète aux idées subversives, en tout cas à leurs yeux.

Ce succès d’un charpentier de Nazareth fascine, alors que les prédicateurs en tout genre ne manquaient pas à l’époque. Pourquoi avec lui cela a-t-il marché, ouvrant le livre de la chrétienté? La question a occupé beaucoup de monde depuis 2000 ans. Retenons simplement que, pour sa part, Jésus y est arrivé sans plan de communication ni attaché de presse, mais par la seule force de sa conviction puis de son sacrifice.

Alors bien sûr les anges de la télé-réalité font pâle figure dans la rubrique People à côté de ce parcours brillant et humble. Trop souvent, les stars de Hollywood ou les footballeurs millionnaires évoquent davantage la vanité que le talent. Et pourtant, on en parle.

«Le Matin» est le journal des gens, connus ou pas. Il raconte leurs histoires, grandes ou petites. Il cherche à mieux les connaître. En cette période pascale, nous avons voulu évoquer plutôt Jésus que le Christ, rencontrer l’homme plutôt que le fils de Dieu. Et nous n’avons pas dû faire de demande pour notre Interview indiscrète: il était présent, disponible. Joyeuses Pâques!

Grégoire Nappey, Rédacteur en chef


Cette semaine, nous avons demandé à Daniel Marguerat, pasteur et professeur honoraire à l’Université de Lausanne, de répondre, au nom de Jésus, à notre Interview indiscrète à laquelle se soumettent tant de personnalités. Nous avions deux impératifs: la vérité historique et ne pas heurter la sensibilité des croyants. L’auteur a relevé le défi et rendu un texte vivant remarquable. «J’ai d’abord hésité, précise-t-il. Comment prendre la voix de Jésus? Comment oser? Et puis, en y réfléchissant, je me suis dit que c’était possible. Je mène des recherches sur Jésus de Nazareth depuis 25ans (ndlr: son premier livre sur lui date de 1990). Alors, à force de reconstituer sa vie, ses apprentissages, son environnement, son réseau de relations, je me suis fait une image assez précise de ce qu’il a pu dire, faire et espérer. Et je me suis risqué.» Quelle part de Daniel Marguerat y a-t-il dans ces réponses? «Bien sûr, ma reconstruction des propos de Jésus est subjective. Mais je peux garantir qu’elle se nourrit d’une longue recherche historique en dialogue avec des spécialistes du monde entier. J’ai rédigé ces propos avec plaisir et tremblement.»

Jésus, qui êtes-vous?
Vous voulez ma carte d’identité? Je suis Yeshouah, on me surnomme «le Nazaréen». Mon père est Yosef, charpentier à Nazareth; ma mère est Maryam. Nous sommes nombreux en famille; mes frères et sœurs s’appellent Jacques, Josès, Jude, Simon… Mais peut-être n’est-ce pas cela que vous voulez savoir. D’où je viens? J’ai toujours eu le sentiment, depuis petit déjà, d’être différent de mes frères et sœurs… Comment vous dire? C’est le sentiment d’être promis à un «ailleurs», d’aller vers un destin qui m’entraînerait loin. Un appel que je n’ai compris que petit à petit, en grandissant.

Étiez-vous un enfant sage?
J’ai aimé suivre l’éducation que me donnaient mes parents et apprendre le métier de charpentier que m’enseignait mon père. J’avais soif d’apprendre et de découvrir la vie, si c’est ce que vous appelez la sagesse.

A l’enfance, quel fut votre plus grand choc?
C’est plutôt à l’adolescence. J’avais 12ans et nous sommes montés à Jérusalem pour la Pâque, mes parents et moi. A un moment donné, au Temple, je me suis glissé dans le groupe qui suivait le débat des rabbis. Et je me suis lancé dans la discussion, comme ça, sans réfléchir. Mes réponses ont plu aux rabbis. Là-dessus, j’ai entendu les cris de ma mère, folle d’angoisse, qui me cherchait partout. J’ai tenté de lui expliquer que je n’étais pas perdu, au contraire, que j’avais plutôt trouvé une source. Elle n’a rien voulu entendre, et de retour à la maison, j’ai été puni.

Votre mère vous disait-elle «je t’aime»?
Comme toutes les mamans du monde, oui. Mais elle me disait plus. Que j’étais appelé à une vie qui m’entraînerait très loin. J’ai cru qu’elle m’annonçait que je quitterais le pays, et je l’assurais que je ne l’abandonnerais pas. J’ai compris bien plus tard que le «très loin» n’était pas géographique.

Vos parents avaient-ils de l’ambition pour vous?
Certainement, malgré leur origine modeste. Ils m’ont envoyé auprès des scribes pour étudier les Ecritures. Très peu d’enfants de mon âge le faisaient. Ils m’ont même fait apprendre la langue des Ecritures, l’hébreu, qui est une langue vraiment difficile. Je me suis accroché, j’ai réussi, non sans mal. Je leur en suis très reconnaissant, savez-vous?

Un tournant dans votre vie?
Un gros tournant, oui, quand j’ai entendu prêcher Jean le Baptiste et que je me suis présenté à son baptême dans le Jourdain. Après avoir été plongé dans l’eau, j’ai eu une vision dont je n’ai parlé qu’à mes disciples plus tard. J’avais si peur qu’on se moque de moi. Le ciel se déchirait et une voix me disait: «Tu es mon fils bien-aimé, je t’ai choisi.» J’ai alors compris quel était cet «ailleurs» auquel j’étais promis, et j’en suis ressorti les jambes tremblantes.

Pour vous, c’est quoi le bonheur?
Mon message est une fenêtre ouverte sur le bonheur. Mais pas la vision égoïste que bien des gens ont du bonheur: une vie aisée et facile avec des biens en abondance. Pour moi, le bonheur est un accord intérieur avec la source de la vie, qui est Dieu. Une paix avec soi-même. Est heureux celui qui participe à la construction d’un monde pacifique et généreux. Tenez, on peut même être pauvre ou en larmes et goûter la saveur de ce bonheur.



Quel est votre plus gros défaut?
L’impatience. Je voudrais que les gens quittent leurs résignations, leur fatalisme, leurs lâchetés, leurs «on a toujours fait comme ça». Dieu est si simple, si proche de nous, si évident… pourquoi ne le comprennent-ils pas?

Votre plus grande qualité?
L’impatience, aussi. Je crois que les rêveurs et les enthousiastes sont plus près de l’avenir de Dieu que les théologiens assis sur leur savoir et leurs certitudes. J’aime ceux qui, par choix ou par nécessité, acceptent le risque de ne plus tout savoir et avancent dans une quête spirituelle.

Avez-vous déjà volé?
Pour quoi faire? Pour accumuler des biens périssables? Ma vie trouve ailleurs sa source.

Si vous aviez le permis de tuer quelqu’un, qui serait-ce?
J’ai choqué un jour mes disciples en leur disant que la loi du talion «œil pour œil, dent pour dent» ne faisait qu’entretenir la violence. Ils m’ont rétorqué: que faire si on nous gifle? J’ai répondu: tendez l’autre joue! Ne vous posez pas en victimes, soyez plus forts, résistez au besoin de vous venger. Le véritable héros est celui par qui la violence ne passera pas.

Avez-vous déjà menti à vos amis?
Je me suis plutôt attiré des ennuis en confiant à mes disciples ce que j’aurais pu leur cacher: que notre aventure finirait mal, que les autorités religieuses de Jérusalem me dénonceraient et qu’ils m’abandonneraient tous. Yehuda (ndlr: Judas) n’a rien dit et Siméon-Pierre a fait le fanfaron. Il fallait surtout que je leur fasse comprendre que ma mort ne serait pas le dernier mot de notre aventure.

Avec qui aimeriez-vous passer une agréable soirée?
Mais j’ai passé d’inoubliables repas et de superbes soirées avec tant d’hommes et de femmes qui sont devenus mes amis! J’avoue qu’à côté de mes disciples il y avait beaucoup de personnes que les pieux regardent avec mépris: des femmes aux mœurs légères, des collaborateurs romains, des malades, des pauvres. Pour moi, Dieu n’a pas de préjugés: il regarde au cœur.

Quel est votre rapport aux femmes?
Encore un point qui fâche! Mais au nom de quoi refuserait-on aux femmes le droit d’apprendre la Torah et de l’enseigner? J’ai accepté des femmes dans mon cercle de disciples, et ce ne furent pas les moins douées, croyez-moi. Cela m’a valu une hostilité tenace des autres rabbis… et de bien des maris.

De quoi souffrez-vous?
Du sentiment d’être incompris. De mon incapacité à convaincre que je ne suis pas un farfelu. C’est de Dieu qu’il s’agit et non de moi, quand je me bats pour réintégrer dans la communauté tous ceux qu’on a exclus: les malades, les pauvres et les marginaux. Je milite pour un Dieu qui réconcilie et ne discrimine pas… et on me traite d’imposteur! Je me console en me disant que bien des prophètes avant moi ont connu le même sort.
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Craignez-vous la mort?
Le jour venu, oui, j’aurai peur. J’aurai peur que Dieu m’abandonne à la souffrance. J’aurai peur de mourir seul et renié par tous mes amis. Mon agonie sera pénible, surtout si l’on me livre au supplice. Mais ce que je crois fermement, c’est qu’à ma fidélité Dieu répondra. Comment? Je ne sais encore.

Croyez-vous donc en Dieu?
Savez-vous ce que veut dire le verbe «croire»? Il ne s’agit pas d’avoir une opinion sur Dieu, mais de lui faire confiance. C’est cela, croire: se fier à Lui et au chemin qu’il nous trace dans sa Torah. Je me fie à Lui, même lorsqu’il se tait.

Trois objets à emmener sur une île déserte?
La Parole de vie, dans les trois parties de l’Ecriture sainte: la Torah, les livres des prophètes, les écrits.

Pour qui était votre dernier baiser?
Mon dernier baiser fut celui de la trahison: Yehuda, au jardin de Gethsémané, m’a embrassé pour me désigner à ceux qui venaient m’arrêter. Je l’ai tellement déçu, Yehuda… Il voulait que je sois le Messie tout-puissant, qui viendrait écraser les impies et rétablir la grandeur d’Israël. J’ai tenté, en vain, de lui faire découvrir que la force de Dieu n’écrasait rien ni personne, et que nul ne peut invoquer Dieu pour justifier sa violence. Dieu se découvre dans la fragilité et la tendresse.

Pourquoi avez-vous pleuré la dernière fois?
J’ai pleuré sur Jérusalem, la Ville sainte. Car je savais que là s’achèverait mon parcours. Les foules de Jérusalem, manipulées et désinformées, allaient réclamer ma tête. Quel malheur pour Dieu.

Qui sont vos vrais amis?
Mes amis? Ce sont ceux qui écoutent la Parole de Dieu et qui la gardent. Peu importe leur origine ou leur histoire, leur richesse ou leur pauvreté, leur statut social ou leur sexe: quiconque reconnaît dans cette Parole une vérité bonne à vivre est mon ami.

Croyez-vous en une vie après la mort?
Je suis convaincu que Dieu, qui est à l’origine de notre vie, nous accueillera à notre dernier souffle. Le dernier mot sur notre vie et sur le monde lui appartient, et c’est pourquoi je lui fais confiance. Le monde n’est pas abandonné au mal et à la cruauté des hommes. Sans cet espoir, comment vivre debout?  

(Le Matin)



dimanche 5 avril 2015

(Pr) Pâques flanque la pagaille...

Prédic’ Pâques, 5 avril 2015, « Pâques flanque la pagaille...  » 

Marc 16, 1-8; Psaume 103, 1-5 + 8-13; Ephésiens 1, 16-21



C’est au cimetière que tout a commencé. Dans un lieu où d’habitude tout s’arrête; où normalement les projets humains se terminent. Dans un lieu où se déchirent tant de relations.

Il fait encore sombre. Les femmes marchent. Elles se rendent au tombeau, sans hâte, avec ces sentiments mélangés de vide et de révolte qu’éprouvent les endeuillés.

Et, alors qu’elles avancent, un peu grises, avec dans les mains leurs parfums pour embaumer le corps, voilà qu’un gros problème, bien réel, se présente à leur esprit: “mais qui va nous rouler la pierre?”.

À elles seules, c’est impossible, elles le savent. Il faudrait des outils, des leviers, des forces d’homme. Zut, que faire? Elles n’y ont pas pensé avant... Il y a là un obstacle concret, infranchissable; un obstacle qu’elles ne voient pas comment résoudre.

Elles avancent encore un peu... passent le tournant du chemin... Et là, elles ont le choc de leur vie. Elles voient que la pierre a été roulée. C’était une très grosse pierre, précise l’évangile.


Symbole! Image forte et parlante! Car, oui, pour Dieu, même les plus grosses pierres n’ont pas d’importance. Aucun roc, si lourd soit-il, ne peut résister à la puissance de son amour; son amour qui veut la vie de celles et ceux qu’il aime, passionnément. Aucun mal, aucun échec, aucune situation de mort ne peut empêcher Dieu d’agir, et de rouvrir un avenir qui paraissait bouché.

“Qui va nous rouler la pierre?”. À nous aussi, cette question résonne familièrement, à nos coeurs... Il nous arrive à tous, parfois, de faire le constat de nos impossibilités, dans telle ou telle circonstance. Il nous arrive à tous de buter devant notre impuissance, nos limites, devant notre notre absence de courage ou d’amour pour changer notre vie, ou celle des autres.

Or, la première bonne nouvelle de Pâques, c’est ceci: ce que les humains ne pouvaient pas faire, Dieu l’a fait. La pierre EST roulée.

Là où la route était barrée, Dieu a percé une trouée; une brèche. Il a ouvert un chemin, il a brisé l’opacité d’une existence sans espérance, l’opacité d’une vie conditionnée par l’échec, la maladie, la faute; la mort. 


 

Comment? En ressuscitant le Christ d’entre les morts. Et c’est la deuxième révélation qui atteint les femmes de plein fouet: “Vous cherchez Jésus de Nazareth, le crucifié? Mais il n’est pas ici. Il est ressuscité”.

Il n’est pas ici! Là où tout devait finir, eh bien tout commence. Là où tout était censé s’arrêter, tout débute. Non, Dieu ne s’est pas laissé enterrer avec nos impossibilités. Il ne s’est pas laissé ensevelir avec nos désespoirs. Il n’est pas resté prisonnier de nos échecs. Mais il a relevé son fils d’entre les morts. Et, ce faisant, il a flanqué une belle pagaille dans nos esprits organisés.

S’il existe un lieu toujours en ordre, c’est bien le cimetière. Car là, rien ne survient jamais, rien n’est dérangé. Dans nos cimetières, les tombes sont alignées au cordeau, sans surprise; et tout le monde est bien tranquille.

Or, à Jérusalem ce matin-là, une tombe est vide. Une seule; mais avec elle, tout est dérangé; sens-dessus-dessous. Là où il y avait un corps, un mort, il n’y a plus rien. Plus rien qu’une pierre mise de côté et un tombeau béant et vide: il est ressuscité! C’est le désordre absolu.

Si les pierres tombales ne sont plus à leur place, alors, plus rien n’est à sa place: ni la mort, ni la vie, plus rien de ce que nous pensons, plus rien de ce que nous voyons. Tout est renversé, tout est à l’envers, si Dieu n’est plus là où les hommes l’avaient mis. Avec nos théories, notre savoir, et notre religion même, est-ce que nous n’avons pas tendance à enfermer Dieu dans ce que nous sommes, dans nos réalités telles que nous les voyons? Dans nos résignations, dans les limites de nos impuissances humaines?

Mais Dieu est autre; tout Autre; Dieu n’est pas un homme, et il veut inscrire une liberté dans nos horizons bouchés et dans nos coeurs résignés. Il veut nous apprendre à lire autrement nos vies.

 

Dans nos vies, il y a des jours qui ressemblent davantage à Vendredi saint, et d’autres qui ressemblent plus à Pâques. Il n’y a pas vraiment de chronologie. Les différents moments sont entremêlés: tantôt la confiance et la joie, la jubilation, la délivrance; tantôt l’abattement et le vide; le doute, le désespoir. Mais ce qu’il y a d’unique, dans l’évangile, c’est que la résurrection donne désormais à notre existence un sens unique, une direction unique: celle qui va de la mort à la vie.

Un philosophe disait: “le croyant et l’athée sont séparés par trois jours, ceux qui vont de Vendredi saint à Pâques”. Ces trois jours en effet font toute la différence dans le regard que nous portons sur nous-mêmes. Ils permettent de regarder notre vie à partir du but, à partir de ce que nous deviendrons: des ressuscités. Regard... et nous revoici à évoquer notre calendrier paroissial!! Regard nouveau.

Nos impuissances, nos défaillances; nos limites, nos ciels de plomb, tout cela fait partie des pierres du chemin, et tant que nous serons sur cette terre, elles seront là.

Mais vous savez: le Ressuscité les porte avec nous! Il les roule, les déblaie, les enjambe avec nous; il vient ouvrir à chaque fois, inlassable, un avenir. À cause de cela, dit Paul aux Corinthiens, nous sommes faibles mais pas découragés; éprouvés, mais pas désespérés; nous sommes dans la souffrance, mais pas abandonnés; dans les luttes, mais aussi dans l’espérance.

Et, au dernier jour de notre vie, notre “repos”, comme on dit de la mort, notre repos ne sera pas d’être couchés, mais d’être debout dans la lumière de Dieu. Notre repos ne sera pas dans l’immobilité ou le retour, mais il sera dans la pleine clarté d’un avenir en marche, tissé de passions et de possibles, en communion avec le Christ, Ressuscité. Joyeuses Pâques!
Amen                
                          

Martine Sarrasin et Jean-Jacques Corbaz 


vendredi 3 avril 2015

(FA, Vu) Pâques ou la résurrection d’un espoir


En cette période de Pâques, le théologien Simon Butticaz se penche sur la question de la résurrection. Qu’a-t-elle changé pour les premiers chrétiens? Comment comprendre ce «miracle» aujourd’hui? Rencontre avec ce professeur de théologie de l’Université de Lausanne et pasteur de formation.


Photo: La résurrection du Christ, retable d’Issenheim 1515 


Par Laurence Villoz, Protestinfo

Quel est le sens de la résurrection dans le christianisme?

La résurrection de Jésus signifie que Dieu n’a pas toléré que la mort ravisse son fils à son amour. Elle dit le caractère inviolable du lien d’amour qu’il noue avec son fils et avec l’humanité. C’est la révélation d’un Dieu qui n’abandonne pas l’homme même dans les pires situations. Et même un homme qui aux yeux de tous a été relégué au statut d’un vulgaire esclave – car le supplice de la croix était réservé aux esclaves – ou d’un maudit de la loi. Dieu se solidarise de cet homme et ne l’abandonne pas au pouvoir du néant.  Cet événement témoigne de l’autorité de Dieu sur les forces du mal et le triomphe de la vie sur la mort. 

Dans le judaïsme ancien, la résurrection est un langage qui surgit dans un contexte juridique, la réhabilitation du juste mort prématurément: Dieu valide la personne, le moi, la vie de l’individu, en lui disant: «malgré les apparences, cette vie a de la valeur à mes yeux». Ainsi aussi, pour Jésus de Nazareth. C’est un langage d’espoir.

Dieu renouvelle la vie. Dans le chapitre 15 de la première lettre aux Corinthiens, Jésus est présenté comme le premier né d’une humanité nouvelle, «prémisses» d’un au-delà du monde où les pleurs et la mort n’auront plus cours. Même si au quotidien les êtres humains souffrent, le dernier mot ne revient pas aux méchants. Ils seront réhabilités dans leur droit par Dieu à la fin des temps. C’est dans ce cadre que la résurrection de Jésus va être comprise, comme l’anticipation d’une nouvelle création qui n’a rien en commun avec l’ancienne. Elle est spirituelle, incorruptible et immatérielle. 


Et aujourd’hui?

Je pense qu’il faut comprendre la résurrection de façon existentielle. A l’origine du christianisme, il y a la grande résurrection, celle de Jésus, mais il y en a des petites tous les jours qui en sont des effets, des traces ou des paraboles. Chaque fois qu’un être se relève de la dépression, qu’un malade guérit, qu’un couple se réconcilie, c’est le Dieu de Pâques qui se fraie un chemin dans notre vie. 

Pâques est un mystère que les premiers chrétiens ont approché avec le langage de la foi. Je pense qu’il est faux de vouloir risquer des reconstructions historiques de Pâques. Cet événement est de l’ordre de la représentation théologique. Les premiers croyants ont voulu exprimer une conviction théologique et une espérance. C’est dans le cadre de leur relation à Dieu qu’ils ont eu la conviction que ce Dieu-là ne pouvait pas laisser Jésus croupir dans le caveau où il avait été déposé.
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Que signifie la mort de Jésus sur terre?

Jésus est homme jusqu’au bout. Il expérimente la condition humaine jusqu’à l’extrême de la souffrance, de la déchéance ou de l’infamie. La résurrection n’est pas une pirouette qui signifie finalement qu’il n’était pas vraiment mort. Jésus est mort et la réponse de Dieu a été de montrer que le dernier mot sur son existence ne pouvait pas être le silence de l’oubli.

Si Dieu n’avait pas exprimé ainsi sa solidarité avec cet homme crucifié, on aurait gardé la mémoire de Jésus comme un maître de sagesse, dont la parole aide peut-être à vivre, ou alors comme un faiseur de miracles ayant finalement échoué. 
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Quand se déroule la résurrection?

L’épisode de la résurrection, pour les premiers chrétiens, se déroule le premier jour de la semaine, le lendemain du Sabbat, soit trois jours après la mise en croix de Jésus et sa descente au tombeau. Actuellement, le dimanche de Pâques. 

Tel un tremblement de terre pour les premiers chrétiens, qui loin de se résigner à la mort de leur maitre vont avoir la conviction qu’il est toujours vivant et que Dieu l’a relevé de la mort, la résurrection est la conviction fondamentale du christianisme. A partir de cette certitude, les premiers chrétiens vont relire la vie de Jésus. Dans le Nouveau Testament, plusieurs traditions interprètent de manière complémentaire cet événement, mais avec des images et des langages différents. 

Mais la résurrection va aussi être le talon d’Achille du premier christianisme, car pour les personnes extérieures, cet événement ressemble à une folie, à un non-sens, il suscite les résistances et les moqueries. Pour les Grecs ainsi, croire en la résurrection d’un corps est une absurdité, seule l’âme est immortelle.


Justement, comment comprendre la résurrection de la chair?

A mon sens, il y a un malentendu quant à l’utilisation du mot «chair». On imagine des nerfs, des cellules, les os ou le sang, en un mot tout ce qui fait notre corporéité, hériter du Royaume, mais ce n’est pas ça. Pour les premiers chrétiens qui baignaient dans une anthropologie biblique, on ne peut pas imaginer une personne sans son corps: la personne est un tout indivisible, sans dichotomie de l’âme et du corps. Dire la résurrection des corps signifie préserver l’identité de la personne dans son entier et dans son unicité. Tout ce qui singularise le moi, la dimension relationnelle, l’engagement moral, l’histoire de vie, est recueilli par Dieu. 



La résurrection: «un événement qui fait sauter les limites des mots» 
Les éditions Cabédita ont publié un petit ouvrage début mars: «Résurrection. Une histoire de vie». L’auteur, Daniel Marguerat, y utilise l’entier de son savoir-faire de pasteur et de bibliste pour aborder la question de la résurrection, en tant qu’au-delà de la vie, au travers de la résurrection de Jésus. A partir des textes du Nouveau Testament, ce professeur honoraire de la faculté de théologie de l’Université de Lausanne s’adresse au lecteur dans un langage tant érudit qu’accessible à tous.  «A mon avis, écrit-il, autour de la mort de Jésus, un voile s’est fugitivement levé. Quelque chose s’est donné à voir, qui ouvre une lucarne sur l’après de la mort. Rien de plus qu’une lucarne». 

En cinq chapitres entrecoupés de lettres adressées à un interlocuteur que la question de la mort taraude, et qui ne comprend pas ce qu’est la résurrection, Daniel Marguerat tisse un argumentaire fouillé toujours en lien entre Bible et expérience de vie. Si trois langages (pédagogique, narratif, d’exaltation) au lieu d’un seul sont utilisés pour dire la résurrection, explique-t-il, c’est pour mieux dire ce qui échappe aux mots: «c’est comme si le vocabulaire avait échoué à exprimer cette irruption de l’au-delà dans le temps» qu’est la résurrection. 

«Pâques ne se donne qu’au creux d’une histoire d’hommes et de femmes touchés. Avant d’être un objet de croyance, la résurrection est le lieu de la foi, le lieu où naît la foi. Identifier en soi une particule de foi, c’est ressentir l’effet de Pâques», peut-on lire au fil des pages. De l’analyse des formes de langages utilisés dans les évangiles et les épitres, jusqu’à la relecture du tombeau vide dans l’évangile de Marc, ce livre se lit d’une traite, que l’on soit croyant ou pas: «croire la résurrection, affirme l’auteur, ce n’est pas acquérir un supplément de savoir objectif sur Jésus; c’est adopter une position sur la vie, qui du coup rejaillit en parole sur ma propre existence». (ES)