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mercredi 28 janvier 2015

(Ci, Ré) Evitons les intégrismes

Je me permets de partager avec vous un article que j'ai rédigé le10 janvier dernier pour TRIBUNE, l'organe du PLR et qui trouve écho dans cet article paru dans le temps.

Infidèle ? Vous avez dit infidèle ?

Il m’est arrivé durant mon ministère d’être accusé de tiédeur; que l’on prétende que je n’étais pas «converti» ; de n’être qu’un pasteur «humaniste», ce qui dans certains milieux est une injure de la pire espèce. Ce n’est pas grave, et je me porte bien, je suis un pasteur heureux, mais ces jugements en disent long sur les dérives possibles de l’obscurantisme. Je m’insurgerai toujours avec la plus grande fermeté contre ceux qui osent juger, exclure, condamner la foi de l’autre. Les religions révélées – dont la foi chrétienne – véhiculent avec elle un problème complexe et potentiellement dangereux : celui du rapport à la vérité et aux textes fondateurs. Les fondamentalistes qu’ils soient musulmans, juifs ou chrétiens pensent que les textes offrent un rapport immédiat à la vérité. C’est en étant fidèle aux textes qu’on le serait à Dieu. Et celui qui ose les interpréter est un « infidèle », avec tout le poids que ce mot revêt aujourd’hui. Je revendique haut et fort d’être cet infidèle parce que je crois que le chrétien se doit d’interpréter les Ecritures et servir son esprit plus que sa lettre. Je refuse la tentation de l’immédiateté du texte et de toutes les dérives intégristes qu’elle génère.

Au cœur de l’actualité douloureuse de ce début de janvier, j’aimerais souligner combien je comprends – sans la justifier – le silence de la grande partie des musulmans. On leur demande de se désolidariser, comme si nous les soupçonnions tous de consentir à ce que ces djihadistes font au nom de leur religion. Or il est un devoir politique et citoyen urgent - qui dépasse le clivage gauche-droite - qui est de reconnaître que l’immense majorité des musulmans vivant en Suisse accepte les règles de la démocratie et lit et interprète le Coran de manière critique, remettant les sourates les plus belliqueuses dans leur contexte et refusant de s’y soumettre. Mais c’est aussi un devoir politique et citoyen que de reconnaître que ces musulmans-là sont sous la pression d’une minorité fondamentaliste active et agressive qui les considère comme des traîtres, des mous, des tièdes, des renégats et tout simplement des apostats. 

Je suis reconnaissant d’être pasteur de l’Eglise Evangélique Réformée du Canton de Vaud, une Eglise reconnue par l’Etat de Vaud. Osons le dire, ce statut m’offre une protection contre toutes les dérives fondamentalistes qui gagnent du terrain dans toutes les religions, y compris la mienne. Ce statut me permet de penser Dieu dans la complexité du monde et les ambivalences de l’homme. Il me permet de continuer à cultiver une lecture critique des Ecritures pour éclairer sans juger ni exclure. Il me permet d’accueillir chacun tel qu’il est en toute gratuité, sans voir en lui d’abord une terre de conquête. Car tous les fondamentalistes ont cela en commun qu’ils pensent l’autre en terme de conquête. Un paysage religieux complètement libre serait dominé par la logique du marché. Et ce qui fait recette sur le marché du religieux, c’est les prêches simplistes, réducteurs, les versets que l’on cite comme on dégoupille des grenades. Oui, la Loi Vaudoise protège mon Eglise contre les fondamentalistes. Ne refusons pas cette protection aux musulmans.

En mémoire d’Ahmed Merabet, policier achevé de sang froid mercredi 7 janvier aux abords des locaux de «Charlie Hebdo».

Jean-François Ramelet, pasteur à « l’esprit sainf – une oasis dans la ville »


samedi 24 janvier 2015

(An) Sur le chemin de l'école


LA GAUCHE FAIT SON CINÉMA
et vous convie à la projection du film 

Sur le chemin de l'école
 
de Pascal Plisson - 2013 - 1h15 


Des enfants vivent aux quatre coins du globe et partagent la même soif d’apprendre. Ils ont compris que seule l’instruction leur permettra d’améliorer leur vie, et c’est pour cela que, chaque jour, dans des paysages incroyables, ils se lancent dans un périple à haut risque qui les conduira vers le savoir. 


UN FILM QUI FAIT RIRE, PLEURER ET RÉFLÉCHIR… 


Vendredi 30 janvier 2015 à 19h30
Salle des Cloîtres à Grandson

Apéro à 19h - Collation et échanges après la projection Bienvenue à tous ! Entrée libre 






vendredi 23 janvier 2015

(Ci) Mélangez-vous, mélangez-vous

En ces temps où montent des sentiments exacerbés à l'égard des étrangers, une paroissienne (merci Caroline!) me cite une chanson de Pierre Perret:

"Mélangez-vous, mélangez-vous

Femme pleine de grâce
Quand l'étranger à l'entour
De ta maison passe
Noir blanc juif ou berbère
Laisse ton coeur désigner
Celui qu'il préfère


Mélangez-vous, mélangez-vous
Quand tout's les peaux finiront
Par se ressembler
Mélangez-vous, mélangez-vous
Un jour les homm's sauront
Même plus sur qui taper


Femmes pleines de grâce
Ouvrez vos bras aux hommes
Qu'on dit d'une autre race
Femmes changez la donne
Quand y aura plus
Qu'un' seule couleur
Ce s'ra la bonne


Mélangez-vous, mélangez-vous
Comme dans un mot d'amour
Les lettr's de l'alphabet
mélangez-vous, mélangez-vous
Pour un' couleur qui envoie
Plus personne au gibet

 

Femme pleine de grâce
A qui la liberté
N'accorde aucune place
Va vers celui qui t'aime
Mêm' si sur toi les tiens
Ont jeté l'anathème


Mélangez-vous, mélangez-vous
Peut-êt' qu'un jour y aura
Partout la même couleur
Mélangez-vous, mélangez-vous
On n'saura plus
Qui sont les nôt' qui sont les leurs


Femmes soyez fécondes
Et par des sangs mêlés
Que vos tailles soient rondes
Vos fils seront tous frères
Contre personne ils ne partiront
Plus en guerre


Mélangez-vous, mélangez-vous
C'est de la haine que tout's les femmes
Vont nous sauver
Par elles que le racisme enfin
S'ra délesté de sa tenac' peau de chagrin


Femme pleine de grâce
Quand l'étranger à l'entour
De ta maison passe
Noir blanc juif ou berbère
Laisse ton coeur désigner
Celui qu'il préfère"


Pierre Perret


dimanche 18 janvier 2015

(Pr) Les protoliques et les cathestants. Ouin-Ouin, la vérité et le puits, prédic SPU 17 1 15

Lecture:  Jean 4, 1-15

Dans un petit pays au bord d’un lac vivaient deux confessions différentes: les protoliques et les cathestants. Ces deux groupes s’étaient abondamment fait la guerre, mais avec le temps et l’âge, la sagesse les avait quelque peu calmés. Oh, pas d’enthousiasme fraternel, non, mais une sorte de tolérance polie, un petit air qui semblait dire qu’on se supportait, c’était déjà ça!

Chez les protoliques, on s’inquiétait de voir moins de monde à l’église qu’autrefois. Et chez les cathestants, on souffrait du même mal. Mais on continuait bravement à rassembler les rares fidèles, sans imaginer mettre un peu les forces en commun...

C’est ainsi qu’un jour, deux dames cathestantes évoquaient la désaffection de leurs cultes, avec tristesse. “Mais, ajouta l’une d’elles, mais Dieu soit loué: chez les protoliques, c’est encore pire!”




Laissons là notre pays imaginaire, mes amis. Mais demandons-nous pourquoi, chez nous, ici, dans nos Eglises, nous lui ressemblons encore trop souvent... Pourquoi nous éprouvons une peine du diable (et je pèse mes mots!), une peine du diable à rechercher ensemble la Vérité au lieu d’imaginer l’avoir déjà trouvée toute pure?

La réponse à cette question pourrait nous mobiliser de longues heures. Dans le cadre de cette célébration, relevons déjà quatre pistes, qui pourraient former un chemin, qui sait?

Premier élément: Ouin-Ouin se dispute avec sa femme. Le ton monte, la colère chauffe. Comment va-t-on s’en sortir? Finalement, Ouin-Ouin fait la concession. “Ecoute, d’accord, je me suis trompé. Tu avais raison”. “Trop tard, coupe Mme Ouin-Ouin, moi aussi, j’ai changé d’avis maintenant”!

Parfois, il est plus facile de s’opposer que d’entrer en dialogue vrai, parce qu’alors ça implique d’écouter l’autre, et d’être également attentif à mes propres erreurs possibles.

Deuxième élément: la vérité est multiple, changeante, mobile. La vérité varie selon le lieu ou l’époque. Et nous, nous sommes trop limités pour en percevoir toutes les nuances. “Il en va de la vérité comme d’un grand miroir brisé en mille miettes. Chaque fois que quelqu’un en découvre un fragment, il proclame: “J’ai trouvé la vérité”!

La vérité n’est pas un savoir qu’on puisse posséder; non, c’est une personne, le Christ, qui nous accompagne.




Troisième piste: «Donne-moi à boire». C’est une demande que font tous les êtres humains. Or Dieu est capable lui aussi de nous dire en Jésus: «Donne-moi à boire». Alors que, vous le savez, les juifs et les Samaritains se détestaient à l’époque davantage encore que les protoliques et les cathestants! Et ce Dieu qui vient à notre rencontre, bien sûr il est en même temps celui qui propose l’eau vive: «L’eau que je donnerai deviendra en vous une source jaillissant en vie éternelle».

Vous voyez, la rencontre entre Jésus et la Samaritaine nous invite à goûter l’eau d’un puits différent, et également à en proposer du nôtre. La diversité nous enrichit les uns les autres. La Semaine de prière pour l’unité chrétienne, c’est un moment privilégié pour nous rencontrer, et dialoguer. C’est une occasion de reconnaître la richesse et la valeur du puits de l’autre, celui qui est différent.

Il y a au Brésil un proverbe qu’on cite chaque fois qu’on reçoit un visiteur: «Celui qui boit de cette eau y revient sans cesse». Offrir un verre d’eau, ou un café, ou une boisson typiquement brésilienne, comme le chimarrão ou le téreré, eh bien c’est une tradition qui manifeste la volonté d’accueillir et de dialoguer avec l’autre. Dans toutes les régions du Brésil, on continue de répéter le geste biblique qui consiste à offrir à boire à celui qui arrive, en signe de bienvenue et de partage.

 


Quatrième piste: L’évangile de ce soir le souligne, il est important que chacun connaisse et comprenne suffisamment sa propre identité afin de dialoguer sans percevoir l’autre comme une menace. Si nous nous sentons à l’aise, alors nous pourrons expérimenter l’autre comme étant complémentaire et lui dire simplement «donne-moi à boire de ton eau».

Dans notre passage, Jésus est un étranger qui arrive fatigué et assoiffé. Il a besoin d’aide. La femme, elle, est sur son territoire; le puits est celui de son peuple et de sa tradition. C’est à elle qu’appartient le seau et c’est donc elle qui peut accéder à l’eau. Mais elle a soif, elle aussi, d’autre chose. Ils se rencontrent, et chacun bénéficie de la richesse de l’autre. Jésus ne cesse pas d’être juif pour avoir bu l’eau de la Samaritaine. Et celle-ci ne renie pas ses traditions en écoutant le Christ.

Notre fameux «donne-moi à boire» nous dit ainsi que Jésus et la Samaritaine se demandent l’un à l’autre ce dont ils ont besoin. En prononçant ces quatre petits mots, nous reconnaissons que les personnes et les communautés dans leur diversité ont besoin les unes des autres; et les cultures, et les religions et les populations, si diverses.

Oui, Samaritains et juifs, réformés et catholiques, nous avons besoin les uns des autres pour vivre notre mission d’Église. Nous avons besoin de dialogue vrai, et de lucidité sur les autres et sur nous-mêmes; et de beaucoup, beaucoup d’amour dans le regard.

Puisse l’Esprit de Dieu nous pousser en avant, nous protoliques et cathestants, euh réformés et catholiques d’ici; qu’il nous donne soif de boire au puits de l’autre!




Vous savez, le vrai scandale, aujourd’hui, ce n’est pas la division des chrétiens; mais c’est l’intolérance et le fanatisme; le vrai scandale, c’est de cultiver les préjugés et refuser le dialogue.

J’ai trouvé sous la plume d’un certain Jacques Baudet (eh oui*, ce n’est pas un gag, cette fois!), ces lignes que je vous laisse méditer: La division des chrétiens, comme d’ailleurs tout ce qui divise les humains, est un grand malheur. Le malheur ne tient pas au fait que nous ne parvenions pas à penser et croire les mêmes choses; mais que, différents de foi et de pensée, nous ne soyons pas capables de vivre fraternellement. Voilà le scandale.
On ne pourra pas dire, Là-Haut: “On ne s’aimait pas, mon Dieu, pour des motifs religieux”. Il vaudrait mieux pouvoir affirmer: “On ne pensait pas la même chose, Seigneur, mais à cause de toi, on s’aimait”.


Amen                                                       


Jean-Jacques Corbaz

* Je co-célébrais ce culte avec le curé, nommé Philippe Baudet!


dimanche 11 janvier 2015

(Pr) La culpabilité enfer... me - Prédication du 11.1.15



Lectures: Luc 5, 17-26, I Jean 3, 18-21,  Esaïe 61, 1-3

Autrefois, on disait que le péché conduisait en enfer. En réalité, selon les évangiles, c’est plutôt le sentiment de culpabilité qui nous mène à une existence infernale, ici-bas déjà. On voit des gens dont la vie est littéralement empoisonnée par une conscience trop lourde de leurs fautes, devant Dieu ou même devant les hommes. La culpabilité cause un enfer, voire un enfer...mement! (ce n’est pas tout à fait un hasard si les deux mots sont si proches!).

Le pire, c’est que souvent la culpabilité est activée par des personnes qui voudraient se déculpabiliser elles-mêmes. Pour ne pas se sentir en faute, inconsciemment ces gens attaquent les autres de manière à ce qu’ils se sentent coupables.

Alors, pour sortir de cet enfer-mement, Jésus nous invite à nous poser nous-même la question: pourquoi commences-tu à te sentir coupable, avant toute chose? Coupable de tomber malade, coupable de ne rien faire ou de partir en vacances, coupable d’éprouver tel sentiment ou telle envie? Coupable quand un autre se met en colère devant toi?

Vous savez, quand survient un pépin, ou face à la souffrance, nous avons besoin de réagir, pour ne pas nous sentir impuissants. Hélas, notre parade trop fréquente, c’est de croire que nous aurions fait quelque chose de mal qui expliquerait ce qui est arrivé: si seulement j’avais... ou si seulement je n’avais pas... (vous connaissez la chanson!). Dans l’histoire de Job, c’est le discours des “amis”: “tu n’as que ce que tu mérites!”

A l’inverse, on en connaît qui partent à l’autre extrême: eux se disent parfaitement innocents, et ce sont les autres qui sont coupables... Ce n’est bien sûr pas plus réaliste.

Ces deux mécanismes aboutissent, finalement, à priver Dieu de sa liberté! Car si c’est la culpabilité qui est déterminante, que reste-t-il au Créateur, Père de tendresse? Il n’est plus libre!


 

Voilà pourquoi Jésus, dans l’évangile, redonne la santé à ce paralysé; pas par un geste magique, non, mais seulement en lui garantissant que ses fautes sont pardonnées. Ou ses péchés, car c’est le même mot, en grec. Je vous relis ce passage important, dans une traduction qui se rapproche le plus possible de l’original:

Un jour, Jésus enseigne, entouré de pharisiens et de juristes venus de tout village de Galilée, de Judée, voire de Jérusalem. Il y a une dynamique, une puissance de guérison de Dieu.
Arrivent des hommes portant sur un lit un être humain paralysé, relâché; ils cherchent à l’introduire et à le placer en face de Jésus.
Ne trouvant pas comment le faire entrer à travers la foule, ils montent sur le toit; à travers les tuiles, ils le laissent tomber, descendre, avec le petit lit, au milieu, devant Jésus.
Voyant leur motivation, il dit: “Être humain, tes fautes sont pardonnées, relâchées”.
Alors les pharisiens et les juristes se mettent à délibérer: “Qui est celui-ci? Il blasphème. Seul Dieu peut pardonner, relâcher les fautes”.
Mais Jésus, qui comprend leurs pensées, leur répond: Pourquoi délibérez-vous dans vos coeurs? Qu’est-ce qui est plus facile: pardonner les fautes, ou dire “Lève-toi et marche”?
Eh bien, pour que vous sachiez que le fils de l’humain a l’autorisation sur terre de pardonner les fautes, il dit au paralysé: “Lève-toi, porte ta litière, et va dans ta maison”.
Et aussitôt il se lève, porte ce sur quoi il était couché et rentre chez lui en rendant gloire à Dieu.
Alors tous sont extasiés, sortis d’eux-mêmes, et rendent gloire à Dieu, pleins de respect, disant: “Nous avons vu des surprises aujourd’hui!”

(trad. Lytta Basset et JJC)

Quand nous culpabilisons, les meilleurs discours risquent de manquer la cible. Puisqu’il s’agit de sentiments en nous qui bloquent, alors il faut parler aux sentiments. Donc raconter un événement. Bourré de symboles et d’images parlantes, mais vécu. Car, si c’est arrivé à quelqu’un, alors chacun(e) peut espérer en finir avec cette paralysie de la culpabilité. Une libération est possible pour moi!

Mais quelles sont les voies qui pourraient mener à cette guérison? Quelques détails, symboliques, nous fournissent une piste.


 

D’abord, les tuiles. A l’époque, en Palestine, les toits étaient en bois et en terre battue. Si Luc parle de tuiles (ou de céramiques), c’est pour en  souligner le caractère étanche, et dur, et résistant. En effet, pour retrouver la santé, le paralysé devra, littéralement descendre au fond de lui-même, et traverser des résistances dures. Plonger dans l’inconnu, se sentir presque lâché par ses amis, qui le laissent tomber au fond du trou, à la rencontre d’une autre vie, dit l’évangile.

Car nos proches ont beau nous porter (par les cordes de la prière, celles de la thérapie; ou de l’affection), ils ne peuvent pas pourtant descendre à notre place. C’est comme un saut dans le vide. Parce que c’est vertigineux, de renoncer à une existence recouverte de culpabilité comme d’une carapace... de lâcher le perfectionnisme et les lois qui règlent tout à notre place. Si je ne suis plus coupable, donc si je ne suis plus obligé de me corriger en permanence, alors que sera ma vie? ...

Détail dans le détail, admirez ce clin d’oeil: les pharisiens et les juristes (les enseignants de la loi juive) forment autour de Jésus une barrière humaine infranchissable. Par contre, à travers le toit, on pourra passer! Luc ne voudrait-il pas nous suggérer, avec le sourire, que les tuiles sont moins étanches que les zélés légalistes du religieusement correct? A méditer... ...

Seconde précision parlante: il y a, dit Luc, une puissance, une dynamique de guérison de Dieu. Elle va et pardonner; et rendre la santé. Cette manière de présenter l’action de Jésus montre que ces deux libérations ne sont qu’une seule et même réalité. Globale.

On le sait, le psychisme peut devenir le lieu de rencontre de notre corps et du divin. Mais l’inverse est vrai, également. Notre psychisme peut faire écran, empêcher l’Esprit de Dieu de nous rejoindre, et de nous faire du bien. Il arrive concrètement que des culpabilités trop lourdes entraînent des paralysies physiques, qui clouent au sol. On voit aussi des peurs, des rancunes, ou des superstitions, qui causent des maladies bien réelles. Car comment pourrais-je me sentir accueilli et aimé par Dieu, sans condition, quand je me condamne moi-même?

L’objectif de Jésus, c’est cela: nous aider à nous aimer nous-même. Ramollir ou trouer notre carapace, pour laisser la bonté de Dieu nous réchauffer; sa vie et sa force nous dynamiser; nous ramener à la vie.


 

Troisième clin d’oeil, le mot qui désigne le paralysé. En grec, il veut dire relâché ou détaché. Cet homme ne se commande plus à lui-même. Il est comme déconnecté de ses membres. On dirait aujourd’hui qu’il est en morceaux, et qu’il ne sait pas comment se ramasser. D’ailleurs, ce paralysé ne se manifeste jamais, dans l’évangile, sauf par sa présence. Il ne dit rien, à aucun moment, pas même son désir de guérir. Et il n’a pas de nom!

Les culpabilisés de notre temps ne connaissent-ils pas, eux aussi, cette tentation de quasi disparaître, de ne presque plus oser exister? Puisque je ne peux pas briller par ma perfection, pensent-ils, alors, je brillerai par mon absence. Je deviendrai une ombre, un rien. La dynamique de guérison du Christ va donc commencer par le ramener à l’existence. L’aider à réaliser qu’il avait relâché sa motricité et congédié sa créativité. L’aider à réaliser qu’il est, et qu’il est pardonné.

 “Ce ne sont pas tes membres qu’il faut détacher et déposer. Mais c’est la carapace de ta culpabilité. C’est elle que tu vas relâcher (vous avez remarqué? C’est le même mot, dans la V.O. de l’évangile). C’est cette condamnation de toi par toi qu’il te faut congédier, pour pouvoir vivre! Car, et c’est là le coeur de la foi, l’important: car tes fautes ont déjà été détachées, comme on rend propre un habit. Elles ont été détachées par plus grand que toi. Tu n’as donc plus à te punir toi-même!”

Quatrième détail amusant: que font les pharisiens et les spécialistes de la loi juive, au moment où Jésus libère notre homme de sa culpabilité? Le texte grec nous dit qu’ils dé-libèrent! Ils “roncannent” contre cette libération qui leur semble un peu facile. Ils voudraient la défaire!

N’y a-t-il pas, en presque chacun(e), un p’tit pharisien qui résiste lui aussi aux délivrances des autres (voire de soi-même), parce qu’il trouve incroyable qu’on puisse s’en tirer à si bon compte?

En leur demandant pourquoi ils dé-libèrent dans leur coeur, Jésus les invite à s’interroger sur eux-mêmes: pourquoi êtes-vous attachés à la culpabilité au point de refuser qu’une libération soit possible gratuitement? Est-ce parce que votre perfection serait alors inutile? Si vous trouvez que c’est trop facile que Jésus pardonne, est-ce parce que vous passez votre vie à mériter d’être acceptables? Et parce que donc la grâce rendrait dérisoire votre perfectionnisme, ce faux dieu?

Eh bien, sachez-le: Dieu n’est pas intéressé par vos manquements, ni par vos recherches d’existence impeccable. Ce qui attire son regard, ce n’est pas ce que vous devriez faire, ou être. C’est bien plutôt votre souffrance qu’il veut voir, et soulager. C’est votre non-vie qu’il veut ressusciter! ...


 

Croire, pour Jésus, c’est donc reprendre sans cesse ce travail sur nous-même: nous ouvrir au pardon de Dieu, le laisser dissiper nos blocages comme la neige fond au soleil. Nous laisser remettre debout. Car, si la grâce est donnée une fois pour toutes du côté de Dieu, cependant c’est à nous de toujours à nouveau congédier nos recherches de vie impeccable et nos regrets. Cela pour mieux résister aux gens qui, inconsciemment, provoquent notre culpabilité, et donc reconstruisent la carapace.

Ce travail intérieur est symbolisé encore par un cinquième clin d’oeil (il y en a tellement que ma prédication n’en finit pas!).

C’est la manière de parler de la couche du paralysé. En effet, la 1ère fois, Luc emploie le mot lit, et ce lit, de plus, est placé dans la phrase avant l’être humain couché dessus. Au verset suivant, quand il descend à travers les tuiles, c’est devenu un petit lit, donc plus discret, et c’est l’homme qui vient avant. Puis Luc ne parle plus que d’une litière, que le gaillard est invité à porter pour rentrer chez lui. Donc un objet anodin, car c’est l’être humain qui devient sujet actif, et qui focalise l’attention. Enfin, la dernière fois qu’on en parle, la couche n’a même plus de nom, et Luc dit simplement que l’homme se lève et porte ce sur quoi il était couché! ... …
 



Bien des paraboles commencent par Le royaume des cieux ressemble à un homme qui... Notre histoire pourrait débuter de la même manière: Le royaume des cieux ressemble à un homme qui a accepté de passer, seul, par un trou noir; qui est descendu jusqu’au fond de lui-même; et qui, là, a découvert la source de la Vie vraie. Il est devenu libre, et auteur de sa propre existence. Il a pu faire face aux autres, désormais. Il en est ressorti par la grande porte, et: la barrière des pharisiens était devenue moins étanche tout à coup! Il s’est mis à rendre gloire à Dieu, lui qui n’osait même pas regarder les juristes juifs en face! … …

Une dernière remarque: Jésus, quand il parle de lui-même, emploie souvent cette expression étrange Le fils de l’humain. Veut-il nous suggérer ainsi que n’importe quel humain à la suite du Christ peut agir comme lui? Donc ici proclamer que les fautes sont déliées, détachées, et ouvrir à une vie plus pleine? En effet, les personnes qui  ont assisté à cette surprise sont, dit l’évangile, extasiés, sortis d’eux-mêmes, et eux aussi rendent gloire à Dieu. N’y voyez-vous pas un appel à, nous aussi, sortir de nos vies étriquées, caparaçonnées de peurs et de blocages, pour nous éveiller à sa dynamique de guérison et nous lever en direction de la pleine liberté?

J’en suis sûr, ce sera contagieux! Amen.   

       
  Jean-Jacques Corbaz