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dimanche 14 juillet 2019

(Pr) La conversion, à redécouvrir

Prédication du 14.7.2019  -  «Vous avez dit: conversion?»

Lectures bibliques: Matthieu 3, 1-6; Matthieu 4, 17-19; Joël 2, 12-13


C’est avec un peu d’appréhension que j’aborde, ce matin, un thème délicat: la conversion. Mais puisque c’est le nom de la localité où j’habite, il fallait bien que je m’y colle une fois!

Thème délicat, car le mot est chargé de tout un passé religieux, surtout dans les milieux très pieux. Et ce poids peut être ressenti bien différemment selon les personnes. Evidemment.

Pour certains, la conversion, c’est la magnifique porte d’entrée de toute vie chrétienne. C’est elle qui fait de moi un être relié à Dieu, et au Christ.

Mais pour d’autres, à l’opposé, le mot conversion rappelle certaines campagnes d’évangélisation parfois plus culpabilisantes que libératrices. Ce terme a pris dès lors pour eux, pour elles, des connotations plus ou moins sectaires et simplistes.
 


Aucune de ces réactions n’est la bonne ou la fausse, bien sûr. Toutes sont dignes de respect. Notre ressenti a de la valeur parce que c’est le nôtre, il dépend de notre vécu et des émotions qui ont accompagné ce vécu.

La conversion, cela veut dire, littéralement, un «retournement». Pareil à la technique que l’on apprend à ski. Ou à l’image du promeneur qui s’aperçoit tout à coup qu’il ne marche pas dans la bonne direction, et qui change de route.

Retournement. On a vite fait, à partir de là, de simplifier le trait: se convertir, pense-t-on, ça signifie «J’étais dans l’erreur totale, et aujourd’hui je le reconnais; donc, je repars dans l’autre sens».

Et de là, on risque de glisser facilement à l’étape suivante:  penser que, pour un chrétien, l’important, c’est d’aller vers ceux qui ne croient pas comme nous, et de les convaincre de changer; de les convertir à Celui que nous adorons.

Or la réalité, notre expérience nous le montre bien, la réalité n’est jamais toute noire ou toute blanche. Nous évoluons continuellement dans une palette de nuances de gris, de jaune ou de bleu… Davantage encore, nous constatons souvent que la bonne direction, celle de Dieu, nous échappe toujours en partie!
  


Attention donc aux simplifications excessives! Attention surtout au manichéisme, ou au dualisme, c’est-à-dire à l’erreur d’imaginer que le monde est composé de justes d’une part, et d’autre part de gens perdus que nous avons à remettre dans le droit chemin. La conversion, ce n’est pas si simple; pas si simpliste; et même pas simple du tout! Mais c’est une réalité importante, qu’il ne faudrait pas non plus abandonner.

Faisons un détour par l’histoire récente et la politique. Un ancien ministre de François Mitterrand, qui s’appelle Hubert Védrine, a donné une excellente analyse de l’action des USA en Iraq dans les années 90. Il disait: «Exporter la technique démocratique, c’est-à-dire les élections, c’est facile. Mais exporter la culture démocratique, i.e. le respect des minorités et des individus, ça, c’est long et c’est ingrat».

Je vois d’impressionnants parallèles entre la politique et la foi. En particulier aux USA, avec des présidents comme George W. Bush surtout et Donald Trump aussi, proches des mouvements très évangéliques (ou qui les utilisent à leur profit - impossible de le dire). Leur action au Proche Orient en particulier prend parfois des allures de campagne missionnaire voulant convertir les autres à nos valeurs occidentales.
  
Or, là non plus, rien n’est tout noir ou tout blanc. Il y a du bon dans les valeurs occidentales, mais aussi des aspects moins engageants. Je pense par exemple au matérialisme de plus en plus fort autour de nous; au culte de la réussite; à la recherche de la victoire au détriment des plus faibles… Dans ces domaines, nous avons beaucoup à apprendre d’autres traditions.
 


Chaque peuple, comme chaque individu, a son histoire, ses particularités; sa culture; ses valeurs et ses difficultés. L’Iraq comme les USA. Vouloir leur faire tout abandonner pour entrer dans un nouveau système, religieux ou politique, c’est non seulement impossible à réaliser, mais c’est encore un manque de respect des autres, et, j’ose dire, un manque d’amour.

La conversion prônée par certains mouvements religieux m’apparaît comme rapide, immédiate, et presque facile.

Si l’appel des évangiles à se convertir, c’est ramener les autres dans le droit chemin (droit chemin qui comme par hasard est notre chemin!), alors la parole biblique ne dit rien de plus que nos paroles très humaines. Et ces dernières montrent rapidement leurs limites. À l’image des politiques US au Proche Orient ces 30 dernières années.
  

Mais en vérité, que dit la Bible au sujet de la conversion?

On voit assez vite ce qu’elle n’est pas. La conversion n’est pas l’expérience soudaine et bouleversante qu’un autre a raison et que j’ai tort. Seul le Christ peut se targuer d’être dans la pleine vérité.

La vraie conversion, au contraire, c’est un élan de vie qui me saisit en profondeur – et rarement en une seconde! C’est un renouvellement de toute ma personne, intense et profond, qui part de mon cœur.

La conversion, c’est une réponse qui m’est donnée à des questions essentielles que je me pose depuis longtemps. Elle prend naissance dans un contact humble et vrai, pas dans une attitude conquérante.

La conversion, c’est une ouverture à une vision renouvelée du monde, et de soi, et des autres. Un regard neuf qui entraine souvent des remises en question de ce qui nous entoure et de ses lois. Voire à des remises en question de soi-même!

La conversion ne s’ordonne donc pas par décret. Jean Baptiste  au Jourdain, comme Jésus, au début de son ministère, proclament: «Le Royaume de Dieu s’est fait tout proche, convertissez-vous et croyez en l’évangile!».

C’est un appel, et non un commandement. Et c’est parce que Dieu s’est approché de nous jusqu’à nous toucher que Jésus et Jean peuvent nous y inviter. Sachant que seul notre Père du Ciel pourra juger si nous y avons acquiescé selon Sa volonté.

Ni Jean Baptiste ni Jésus ne sont des conquérants. Leur seule force, c’est la Parole qui les habite. Ils vivent une existence précaire, qui s’achèvera d’ailleurs dans la violence et le meurtre.

Dernière précision: la conversion qu’ils prêchent n’est jamais définitive, jamais atteinte une fois pour toutes. Elle ne cesse jamais de se poser des questions. À l’image de notre Eglise, qui se veut toujours à réformer, la conversion est toujours à recommencer, à vivre à nouveau. Nous sommes appelés à ne jamais cesser de nous convertir, de revenir à Dieu, selon l’expression du prophète Joël. De nous réorienter vers Dieu, dont on ne connaîtra jamais tout, bien sûr!

N’est pas converti qui veut. Ne convertit pas les autres qui veut! D’ailleurs, je ne peux pas convertir quelqu’un sans me mettre, réellement et sincèrement, à l’accueillir; à l’écouter, tel qu’il est; à l’aimer. Et, du coup, sans me mettre à changer, moi aussi, avec lui.
  

Permettez-moi à titre d’exemple de vous conter deux situations que j’ai vécues personnellement.

La première, c’est lorsque je suis allé passer une année en Afrique, comme étudiant. J’y ai rencontré des chrétiens blessés par des attitudes missionnaires conquérantes et simplistes, du type «Vous êtes dans l’erreur, nous vous apportons la vérité».   

Mais j’ai surtout découvert, chez ces Africains, des richesses de foi, d’imagination, de solidarité, et même de solidité dans la relation avec Dieu bien supérieures à ce que j’avais constaté en Europe.

À la fin de mon séjour, c’est moi qui avais changé, bien davantage que les personnes que j’y avais rencontrées. Et si aujourd’hui ce genre d’affirmation est presque banal, c’était une  nouveauté à l’époque, soit en 1974.
  

La seconde situation m’a touché dans ma première paroisse. À côté de l’Eglise réformée, il y avait une communauté très confessante qui s’appelait «Assemblée Evangélique des frères». Des chrétiens plutôt bouillants dans la foi. Ils se voyaient plusieurs fois par semaine et n’avaient pas de pasteur, ils présidaient leurs cultes eux-mêmes, chacun leur tour.

Lorsque je suis arrivé dans la paroisse, je me suis mis à prêcher ce que j’avais appris en faculté. À savoir que, par exemple, bien des récits de l’Ancien Testament n’étaient pas historiques, comme celui d’Adam et Eve, mais qu’ils étaient porteurs d’une vérité imagée, symbolique.

Apprenant cela, les membres de l’Assemblée Evangélique en ont déduit que je n’étais pas converti. Et dès lors ils se sont mis à prier pour demander ma conversion!

Je n’ai pas l’impression d’avoir beaucoup changé de théologie. Pourtant, dix ans plus tard, j’étais devenu ami avec le leader de cette communauté. Et nous nous sommes associés, l’Assemblée des frères et la paroisse réformée, pour vivre une grande campagne d’évangélisation, l’Action Vie Nouvelle. Puis nous avons encore organisé des études bibliques en commun, croyants des deux bords. Je me suis retrouvé à animer un groupe de prière composé uniquement de membres de l’Assemblée Evangélique, tandis que leur leader faisait de même avec un groupe de réformés.

Il me semble évident en y repensant que nous avions tous changé, que nous nous étions tous convertis à une vérité supérieure. Merci!
  

N’est pas converti qui veut. Ne convertit pas les autres qui veut. Cela vaut sans doute autant pour la foi que pour la politique. Pour nous humains, la vérité n’est jamais absolue, elle est relationnelle, et elle se cherche toujours. Elle se cherche d’ailleurs bien mieux à plusieurs.

C’est encore Hubert Védrine qui disait, en parlant de la démocratie, que «la conversion, ce n’est pas du café instantané»!

Amen                                          


Jean-Jacques Corbaz