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samedi 30 mars 2013

(Bi) Au soleil de Pâques, la peur...

Au soleil de Pâques

La peur sépare. Quand on redoute de manquer, on en vient à regarder n’importe quel autre comme un ennemi. Repli sur soi, bouc émissaire, voire agressivité: refrain connu.

À la lueur de Vendredi saint et Pâques, l’évangile nous rappelle l’étonnant message du Nazaréen: il n’est pas venu bannir la peur, non; il l’a vécue lui-même, de Gethsémané à Golgotha. Et il l’habite encore, aujourd’hui, chaque fois qu’au coeur de nos tempêtes sa présence fragile dessine une amitié, une consolation, un point d’appui.

Et depuis Archimède, on sait qu’avec un point d’appui, on peut soulever la terre entière! Alors, peut-être même nos blocages, nos angoisses, nos rancunes... Les élever en direction du soleil de Dieu, pour que sa chaleur bienfaisante les allège et les dissipe.

Pâques n’est donc en aucun cas une morale qui nous ordonnerait de ne plus avoir peur. C’est une promesse qui veut nous donner confiance, courage et espoir. Au plus profond de nos nuits, Dieu est infiniment proche (plus près, tu meurs!). Tout son désir, c’est que nous puissions lui parler sans crainte.

Et quand on parlera au Père comme à un ami, dites-moi: à qui pourrait-on parler en ennemi?

Jean-Jacques Corbaz

jeudi 28 mars 2013

(Hu) Joyeuses Pâques!

photo de MyLausanne.

(SB, FA, Vu) La mort de Jésus: un sacrifice? Pas sûr!!


Rembrandt: Les Trois Croix, 1653
Le théologien réformé François Vouga vient de sortir La religion crucifiée - Essai sur la mort de Jésus aux Editions Labor et Fides. Pour le professeur de Nouveau Testament aux Facultés de théologie de Bethel et de Wuppertal en Allemagne, la lecture sacrificielle de la mort de Jésus est étrangère au Nouveau Testament. 
Interview.
Rembrandt: De Drie Kruisen (1653). Droge naald en burijn. Afmetingen 38,5 x 45 cm. Rijksmuseum, Amsterdam.
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Par Julie Paik

François Vouga: La lecture sacrificielle de la mort de Jésus est étrangère au Nouveau Testament. Elle est attestée pour la première fois par les lettres d’un auteur, Ignace d’Antioche, qui s’efforce, au second siècle, de donner au christianisme les caractéristiques de la religion romaine: on sacrifie pour apaiser les dieux et gagner leur bienveillance.

L’idée selon laquelle Jésus serait mort à notre place pour expier les péchés de l’humanité, pour libérer celle-ci d’une condamnation divine et sauver l’honneur de Dieu, a trouvé sa forme définitive dans l’oeuvre magistrale d’un moine du XI ème siècle, Anselme de Cantorbéry. Elle a rencontré un grand succès dans l’Eglise du Moyen-Âge, qu’elle légitimait comme institution gérant le salut et la perdition des âmes et des peuples. Elle s’est imposée de manière telle que Martin Luther lui-même a eu de la peine à s’en débarrasser et qu’elle survit dans les catéchismes et les liturgies.

Cette lecture, devenue traditionnelle, se trouve en décalage fondamental avec celles, diverses, que propose le Nouveau Testament. Le dénominateur commun de ces dernières consiste à comprendre Vendredi-Saint comme l’événement libérateur d’une révélation, et non comme un sacrifice destiné à sauver l’ordre établi, l’ordre religieux en particulier. La révélation de la reconnaissance inconditionnelle de Dieu se présente comme un acte de confiance qui appelle la confiance, comme une mise en valeur de chaque sujet humain qui donne à celui-ci son identité singulière et l’invite à la liberté. 

Julie Paik Pourtant, ces interprétations sacrificielles trouvent en partie leur source dans une présentation de Jésus comme juge venu pour acquitter ou condamner les hommes, et qui, de manière surprenante, est jugé et condamné à leur place. Cette image d’un Jésus-Christ à la fois juge et condamné n’est pas absente du Nouveau Testament, mais vous ne l’évoquez pas dans votre ouvrage; pensez-vous qu’elle a encore un sens pour la foi chrétienne aujourd’hui ?
 
FV L’image de Jésus juge et condamné se trouve bien dans le Nouveau Testament, par exemple dans certains passages des épîtres de Paul et surtout dans l’évangile de Jean. Mais, dans mon ouvrage, je relis précisément les passages où elle apparaît pour montrer que, dans la réflexion qu’ils développent, Jésus n’est pas condamné à notre place et que cette image de Jésus ne donne pas lieu à une interprétation sacrificielle. 

Dire que l’instant de la condamnation de Jésus prononce le jugement de l’humanité ne fait pas de lui une victime sacrificielle. Au contraire: elle rend compte de la liberté d’un don de soi et dénonce l’illusion d’une auto-organisation personnelle, religieuse et politique qui entend se fonder sur elle-même et qui sème la mort. Dire que Jésus a fait don gratuitement de sa vie, qu’il est mort «pour nous» ne signifie pas, dans le Nouveau Testament, qu’il est mort «à notre place.»

«Pour nous» signifie tout d’abord que sa mort ne constitue pas la fin, mais le commencement d’une histoire, et, ensuite, que cette mort n’a pas son sens en elle-même, mais qu’elle trouve sa portée dans la puissance libératrice qu’elle prend pour nous.

JP Vous vous montrez également critique à l’égard de la religion institutionnalisée, comprise comme «la gestion des rapports avec l’au-delà par le truchement de pratiques rituelles, de règles morales et d’une caste de prêtres consacrés, mis à part pour cet office.» Quel regard portez-vous sur les Eglises et le rôle qu’elles remplissent?

FV Vendredi-Saint et Pâques obligent évidemment à porter un regard critique sur les institutions religieuses dès le moment où elles s’imagine pouvoir s’imposer comme des médiations indispensables de la présence de Dieu. En effet, le Nouveau Testament définit précisément l’Eglise comme le corps social qui atteste et dans lequel se vit la reconnaissance inconditionnelle de chacune et de chacun. C’est là que se manifeste la présence réelle de Dieu.

JP Une des originalités de votre ouvrage est que vous faites appel, aux côtés de théologiens comme Martin Luther ou Jean Calvin, à l’œuvre d’un compositeur, Frank Martin. Quel est pour vous le rapport entre l’art et la théologie?

FV Golgotha de Frank Martin est reconnu depuis longtemps comme un des chefs d’oeuvre de la musique du XXème siècle. J’ai voulu montrer qu’il s’agit aussi d’une contribution laïque majeure à la pensée théologique contemporaine. Plutôt que d’opter entre Karl Barth et Paul Tillich, je l’ai choisie parce qu’elle se situe, de manière critique, au centre du débat: à partir de la vision des trois croix de Rembrandt, Frank Martin combine en effet les textes évangéliques avec des méditations attribuées à Augustin, mais probablement dues à la plume d’Anselme de Cantorbéry, qu’il libère, avec une grande sûreté évangélique, de tous motifs sacrificiels.  

A LIRE: La religion crucifiée - Essai sur la mort de Jésus, Labor et Fides, 200 pages, mars 2013

mercredi 27 mars 2013

(Po, Li) P.A.I.X






Paix:
Quatre lettres, pour dire trois fois demain.
Paix:
Un petit mot, un geste, tendre la main.

Paix: ça commence comme le pain,
Vital et quotidien,
Qui seul permet d'aller plus loin...
- Et ça finit sur une croix,
Signe qu'Il saigne avec moi
Et saignera toujours, je crois.
                  *          *
Friede, ça commence comme frère.
Paix: ça débute comme père, ou papa,
Quatre lettres pour pour grandir, sans peur,
Pas à pas,
Jusqu'à... jusqu'à ... !

Cadeau de Pâques, semence offerte, déposée,
Ma paix ne pourra fleurir pourtant
Que sur le visage de mes proches,
Partagée, ouverte,
Comme le souffle de l'espoir, en marche...

Jean-Jacques Corbaz

mardi 26 mars 2013

(Bi) L’autruche et le Ressuscité

Courage et présence


La peine, la souffrance, l’échec: notre vie en est tissée, on ne le sait que trop.

Pourtant des images nous environnent qui ne parlent que réussite, satisfaction des désirs, accomplissement, jeunesse, beauté. Et nous nous sentons parfois presque coupables de ne pas correspondre à ces idéaux. Comme anormaux...

Ce décalage nous agresse, bien sûr. Trop souvent il nous fait mal, et, logiquement, nous pousse à réagir en agressant les autres.

Alors, relisons l’évangile! Aux derniers jours terrestres du Christ, n’a-t-il pas traversé lui-même, en s’y plongeant jusqu’au cou, ce qui constitue la face d’ombre de nos vies? ...
- Et nous continuerions à en pleurer comme avant?

Martin-Luther King écrivait déjà: «L’Eglise doit dire aux hommes que Vendredi saint fait autant partie de la vie que Pâques, l’échec autant que la réussite, la désillusion autant que l’accomplissement. Et l’Eglise doit dire aux gens de prendre en charge leur fardeau, leur peine, les inciter à y être attentifs, à ne pas les fuir. Dites-vous “c’est ma peine, et je dois la porter”. Examinez-la sérieusement et interrogez-vous: comment transformer ce handicap en avantage?»

C’est l’étonnant message du Nazaréen. Il n’est pas venu bannir la peur ou la défaite; il les habite encore, aujourd’hui, il y apporte une force et une promesse: la puissance du Créateur n’a pas de limites, elle n’a pas dit son dernier mot. Tout ce qui en nous meurt, au matin suivant peut revivre et rayonner d’une présence renouvelée.

Dans nos inquiétudes, nos colères, nos blessures mal fermées comme dans nos espoirs, Vendredi saint et Pâques veulent inscrire en lettres de soleil les mots “courage” et “présence”.

dimanche 24 mars 2013

(Pr, SB, Hu) Grenouille, far west et labours

Rameaux, 24 mars 2013  “go west”

Quand j'étais au collège, notre prof de sciences était plein d'idées, mais il vivait parfois dans la lune. C'est ainsi qu'un jour, il nous annonce fièrement que nous allons disséquer ensemble une grenouille.
Il sort de sa poche un petit cornet et l'ouvre, sous nos yeux émerveillés, écarquillés. Il en sort, ô stupeur, ... un sandwich! "Un sandwich? Mais alors, l'avons-nous entendu murmurer, surpris, mais alors, qu'est-ce que j'ai mangé dans le bus?"

C'est une surprise tout aussi grande, voire davantage, qu'ont connu, au temps de Jésus, ceux qui croyaient que Dieu était comme les autres divinités, ami de la force et des puissants, prêt à contraindre celles et ceux qui s'éloignaient de lui.
C'est de cette surprise que parle le récit dit des "Rameaux", que nous lisons en ce dimanche éponyme!

Lectures bibliques: 
Jean 11, 45-47
Jean 12, 12-16 


Un vieil arabe était parti pour le Far West - je veux dire qu’il avait émigré aux USA... Un jour de printemps 2011, il veut planter des pommes-de-terre dans son jardin. Hélas, le sol est trop dur, et ses bras n’en ont plus la force... Alors il envoie un courrier électronique à son fils, resté au pays: “Si tu étais ici, tu pourrais labourer pour moi!”

Le fils lui répond aussitôt, par courriel également: “Surtout, ne touche pas au jardin, c’est beaucoup trop dangereux, avec ce que j’y ai caché!”

Deux heures plus tard, voilà que la police des E-U débarque, avec la CIA et l’armée... Ils envahissent le jardin de notre homme avec des machines, des outils, des chiens... Ils retournent le sol de fond en comble... mais ils ne trouvent rien.

Le lendemain, le fils envoie un nouveau courriel à son père: “Maintenant, tu peux planter tes pommes-de-terre: le sol doit être parfaitement labouré!”


                                                                    *           *
J’aime cette histoire parce qu’elle me parle de Dieu et de nous! Je me dis que c’est un peu ainsi que Dieu travaille, dans notre monde, pour défricher son jardin. Pour faire germer chez nous des relations plus humaines, plus amicales et solidaires. Pour venir en aide à celles et ceux qui en ont besoin. Pour que nous nous respections mieux les uns les autres.

Lui qui n’a pas d’autres mains que les nôtres pour lutter contre le mal, eh bien, il nous embauche! Il nous utilise, parfois de manière aussi inattendue que le père et le fils de notre histoire utilisent la police américaine!

C’est ainsi en tout cas que Jésus a conquis le Far West, l’Ouest sauvage de son temps; i. e. l’Empire romain. Son Père n’ayant pas de bras pour planter l’évangile en Europe, le Fils a mis en route des hommes - et même des femmes, ce qui était presque un scandale pour l’époque. On les appelle apôtres, ce sont
Paul, Barnabas, Pierre, Silas... Des gens comme vous et moi!

Bien sûr, ils ne cherchaient pas des bombes, ni des armes de destruction massive. Au contraire: ils portaient sur eux une espèce d’”arme de reconstruction massive”! Ils ont traversé les contrôles aux frontières, les détecteurs des aéroports (euh, j’adapte, bien sûr!), cela sans se faire stopper. Car cette arme de reconstruction massive, vous l’avez deviné, c’est le pardon de Dieu! C’est son message étonnant: le Créateur veut le bien de chacun(e), sa liberté, sa paix!

                                                                  *           *
Depuis 2000 ans, ces apôtres sillonnent la planète, pour faire germer cet évangile. Mais qu’est-ce qui leur a donné l’énergie d’affronter les plus dures épreuves, voire parfois la mort?

Revenons au premier jour des Rameaux, si vous le voulez bien. La foule acclame Jésus, quand il entre à Jérusalem. Les gens agitent des branches en signe d’accueil triomphal.

Mais pourquoi le font-ils? Quelle est la cause de leur joie? On me répondra “parce que Jésus va donner sa vie pour nous”. Mais pensez-vous que la foule le sait? Jusque là, Jésus a surtout prêché en Galilée. Ici, à Jérusalem, son enseignement n’a pas encore été porté.

Non, cette foule anonyme est soulevée par une tout autre espérance. Relisons ce qu’elle chante: “Gloire à Dieu! Que Dieu bénisse celui qui vient au nom du Seigneur! Que Dieu bénisse le roi d’Israël!”
Pas le crucifié; pas le fils de Dieu: le roi. Et les branches qu’ils agitent, et les manteaux qu’ils placent sur la route (selon les autres évangiles), ce sont les attributs des chefs d’Etat qu’on reçoit, comme aujourd’hui le tapis rouge.

Jésus est acclamé comme un roi. Un chef politique. Gardons bien ce fait en mémoire.

Mais quelle est la situation, à l’époque, en Israël? Qui est au pouvoir? Le savez-vous?

Eh bien, ce sont les Romains. Les légions italiennes ont envahi la Palestine environ cent ans auparavant. Les occupants donnent les ordres et font régner la terreur.

Ils lèvent des impôts très lourds. Ils essaient d’imposer leur religion. Le culte de l’empereur commence, qui se proclame Dieu et fils de Dieu!

Comme toutes les provinces conquises par ces Romains sanguinaires, Israël souffre et tente de se libérer. Mais les légions détestées répriment férocement tout soulèvement. Elles inventent le supplice de la croix, particulièrement odieux et cruel, pour décourager les insurrections.

Le peuple juif veut malgré tout faire confiance à son Dieu. Jamais, pensent-ils, jamais notre Seigneur ne tolèrera que nous soyons opprimés par ces païens, impurs. Jamais il n’acceptera que nous soyons obligés de rendre un culte à un imposteur. Il va intervenir, il nous enverra un nouveau roi, un chef puissant, de la lignée de David. Ce Messie (c’est-à-dire cet envoyé, béni par Dieu), il chassera les Romains et rendra à notre pays son indépendance et sa pureté. Autant religieuses que politiques.

Et voilà pourquoi, quand on apprend que Jésus entre à Jérusalem, les foules se pressent et le reçoivent de manière royale. Car Jésus est descendant de David, la chose est connue. En plus, sa réputation de guérisseur, et davantage encore de faiseur de miracles l’a précédé loin à la ronde. “C’est lui!” se dit-on. “Le voici, l’envoyé tout-puissant du Ciel! Il va mettre en déroute les armées ennemies, qui nous terrorisaient!”


Or, vous le savez, ce n’est pas pour monter sur le trône que Jésus entre à Jérusalem. Mais pour monter sur le Golgotha. Et c’est d’une couronne d’épines qu’il sera coiffé. Il vient sur un âne, alors que les chefs d’armée ne défilent qu’à cheval! Aucune violence. Il sera prince, oui, mais prince de la paix!

Terrible méprise, n’est-ce pas? Si souvent, le “jeu” tragique se renouvellera, au cours des 2000 ans suivants. Confondre Jésus avec un puissant de ce monde. Et promouvoir son message les armes à la main...

Mais, voyez comment Dieu agit, mystérieusement: il utilise même nos bourdes humaines pour réussir son plan! L’accueil royal de la foule conduira Rome à crucifier Jésus, condamné comme “roi des Juifs”. Les chefs religieux d’Israël feront tout pour encourager ce meurtre, tant ils ont peur d’être supplantés dans leur autorité.

À travers toutes ces menaces et ces souffrances, pourtant, Jésus va rester parfaitement fidèle à ses valeurs de vie. Il refusera toute violence, toute vengeance, même lors de son arrestation ou de son exécution.

Ce sera là sa grande victoire. Son triomphe! Jamais il ne s’écartera d’un millimètre de sa priorité: un respect absolu de l’autre. Un désir de contribuer au bien et au bonheur de chacun(e). Même au prix que nous connaissons!

                                                                       *           *
Pour les foules qui l’avaient acclamé comme un roi, la mort de Jésus semble une défaite. Pour les partisans d’une révolte armée contre Rome, Golgotha a l’air d’un abandon de Dieu.

Pourtant, à travers les événements suivants, la victoire va changer de camp. À Pâques, quelques femmes et deux ou trois amis de Jésus comprennent que le crucifié est vivant malgré sa mort; étonnamment vivant, bien plus vivant que s’il n’avait pas été exécuté. Sa parole est vivante, son amour est vivant, son espoir jamais ne disparaîtra!

À l’Ascension, ses disciples se rendent compte que ce Vivant, cependant, n’est plus ici. Qu’ils ne le verront plus, physiquement, sur la terre. Qu’il règne bien plus haut, pour être mieux proche de toutes et tous!

À Pentecôte, une boule de neige se forme. Un groupe toujours plus grand d’amis du Christ, les apôtres, se met en route. Poussé par le souffle de ce Vivant majuscule. Rayonnant d’une victoire à l’opposé des triomphes militaires. Ils ont compris, maintenant, de quel côté se trouve l’essentiel!

Et puis, ironie de l’histoire (voyez comment Dieu travaille, à travers nos petits ou grands travers!): ces premiers missionnaires partent dans le monde entier, tels qu’ils le connaissent alors; mais c’est surtout dans l’Empire romain qu’ils vont se rendre, à cause des routes et des voies navigables bien plus performantes qu’ailleurs. Ces routes et voies navigables qui avaient été aménagées pour permettre aux légions de se déplacer plus rapidement, afin de mater les révoltes et d’assurer leur domination par les armes.

Si Jésus était entré dans ce “jeu”-là, s’il avait voulu répondre aux aspirations du peuple; s’il avait chassé les Romains manu militari; s’il avait imposé sa vérité par la force? Eh bien, ça n’aurait pas duré très longtemps. La violence serait revenue au galop, et nous continuerions de ne pas voir plus loin que le bout de notre épée.

Mais il a pris l’autre voie, le chemin difficile de chez difficile, celui de la réconciliation partout et toujours. On croyait que c’était l’attitude des faibles. Il nous montre que c’est celle des forts, tellement celle des forts que souvent nous n’y arrivons pas!

Les apôtres du Christ ont ainsi fertilisé l’Empire romain, souvent au prix de leur vie. Mais savez-vous ce qui s’est passé, 300 ans après la crucifixion de Jésus?

Eh bien, 300 ans après, c’est l’empereur de Rome, Constantin, qui se convertit au christianisme. Plus encore, il en fait la religion de tout l’Empire romain!

La croix, qui était le symbole de la cruauté des légions impériales et de la terreur, la croix sera dorénavant le signe fort de la victoire du Christ. Et la ville de Rome, celle des “méchants” de l’histoire, elle devient la ville emblématique du christianisme, celle où il y a le plus d’églises au monde!

Les foules naïves de Jérusalem, le premier jour des Rameaux, pourraient donc dire que, finalement, c’est Jésus qui a gagné! Il a remporté la victoire absolue, sur la croix. Il n’a pas chassé les Romains, il en a fait des chrétiens! Il a réussi à retourner la situation à son avantage. C’est ça, au fond, la résurrection!

                                                                   *               *
Malheureusement, vous le savez bien, il y a encore du pain sur la planche. Et des kilos! Rien n’est conforme aux prières du Christ, ici-bas. Si la victoire est acquise, pourtant les forces du mal se débattent encore, et comment! Jusqu’en nous, jusqu’à l’intérieur de nous! Trop souvent,  les responsables religieux sont tentés par le pouvoir. Manipuler les foules. Jouer le jeu des puissants. L’empereur Constantin s’est “planté”, lui aussi, et toute l’Eglise derrière lui!
Il y a encore du pain sur la planche. Trop souvent, la violence apparaît encore comme la solution, et le pardon comme un conte pour enfants...

Encore une fois, ce n’est pas ainsi que Jésus nous invite à vivre. Si je place ma confiance en lui, qui a préféré mourir plutôt que de laisser Dieu me punir, alors, je n’aurai plus peur d’aucune menace, et je pourrai me laisser porter par l’Esprit saint pour cultiver la paix.

                                                                   *               *
Voilà. La conquête du Far West n’est de loin pas terminée, vous le voyez! La joyeuse nouvelle de Jésus a encore bien du chemin à faire, pour être visible et vraie sur notre terre, à l’est comme à l’ouest - au nord comme au sud! Entre nous; et en nous. En moi, d’abord.

Et cette progression, elle est votre affaire à tous, gens du pays! C’est votre tour: de vous laisser parler d’amour!!

Ne restons pas au bord de la route à attendre un roi-messie, comme les foules de Jérusalem il y a 2000 ans. Dieu nous appelle à nous mettre en chemin. À nous faire apôtres, nous aussi. À devenir les laboureurs de sa mission, les semeurs de son pardon.

(Même sans en être conscients, comme la CIA de notre arabe!). Amen

                                                                              Jean-Jacques Corbaz 

vendredi 22 mars 2013

(Bi, Vu) le "syndrome du prince charmant"


Plus je connais les êtres humains, mieux je comprends ceci: 
Nous avons (tous!) besoin de "cinéma" pour vivre heureux. Nous fantasmons, nous nous inventons des scénarios plus ou moins réalistes où nous avons de beaux rôles, valorisants et tout. C'est en somme le "syndrome du prince charmant".

Si la vie nous permet de les réaliser, ou tout au moins de nous en approcher assez pour que nos rêves nous semblent vraisemblables, nous nous créons en quelque sorte des conditions qui nous permettent du bonheur.


Mais si la réalité nous rappelle un peu trop brusquement que nos fantasmes sont pure utopie, alors, nous devenons agressifs et mauvais à l'égard de la réalité ou à l'égard des personnes qui nous la rappellent. C'est ainsi qu'on voit des hommes essayer de séduire des femmes bien plus jeunes ou jolies qu'eux; mais, si la femme les éconduit, ils deviennent brutaux avec elle, la traitent de putain ou pire. "Tu es une salope, parce que tu as brisé mon rêve"...


C'est quelque chose qu'on remarque aussi avec les personnes âgées: si un proche leur signale de manière trop dure qu'ils se sont trompés, ou qu'ils n'arrivent plus (à conduire, à faire à manger,...), ils deviennent agressifs.


(Bi) Aimer qui?

Au fond, comme pasteur, ce que je dis sans arrêt aux gens, c'est "aimez-vous vous-même". 
Aimer les autres, on l'a seriné jusqu'à la nausée. 
Mais comment aimer les autres sans s'aimer soi? 
Quand l'évangile dit "Aime ton prochain comme toi-même", ça inclut forcément de d'abord s'aimer soi, non?

jeudi 21 mars 2013

(Hu) chanter, c'est prier...

St-Augustin aurait dit: "chanter, c'est prier deux fois"
Et j'ajoute: "Pourquoi 2 fois? Parce que, en plus des paroles, les personnes que le Créateur a dotés d'une belle voix peuvent ainsi le remercier." 
Mais celles qui chantent faux? diras-tu. "Eh bien, pour celles-là, c'est l'occasion de lui rendre la monnaie de sa pièce!!"

(FA, Co, Vu) Tu t'inquiètes pour l'avenir de ton fils adolescent

Tu t'inquiètes pour l'avenir de ton fils adolescent, qui vit avec son père. Comme je comprends ça! Surtout qu'à distance, tu es impuissante à changer quoi que ce soit. 
Bon, tu sais qu'à cet âge, ce genre de problèmes scolaires c'est courant. Euh, d'accord, ça console pas vraiment... (soupir). 
Est-ce que tu correspond avec lui par mail ou autre?

Puisque son père est si peu adéquat, il a d'autant besoin de toi. S'il te sent proche, affectueuse (sans conditions), solide et équilibrée, s'il sent que tu le respectes totalement, tu l'aideras énormément, même sans rien faire. 

Je vais plus loin, et je le fais en tremblant, parce que la chose essentielle et décisive dépend aussi de toi, mais pas de tes efforts (et qu'elle n'est pas donnée, pour toi, vraiment pas...): c'est surtout si ton fils te sent heureuse qu'il aura les meilleures conditions pour s'épanouir. Dur, dur, dans les conditions où tu vis! Mais ton fils a besoin de modèles d'adultes bien dans leur peau, pour pouvoir le devenir.
Bien sûr, il peut en trouver ailleurs que chez ses parents! Tout ne dépend pas de toi ni de son père. Les jeunes se donnent souvent des pères de substitution qui les aident à vivre comme leur père aurait dû les aider.


Bon, j'imagine que tout ça, tu le sais déjà.
Evidemment, ne te casse pas la tête en te disant "Je dois devenir plus heureuse pour le bonheur de mon fils". Ne te culpabilise pas si tu n'es pas la mère-veilleuse que tu rêves d'être (!). Seulement (j'allais écrire "simplement", je me tapperais sur les doigts! car ce n'est absolument pas simple!!), seulement prends du temps pour toi, pour être bien avec toi, prends le temps de vivre amicalement avec toi-même, accorde-toi autant que possible des plaisirs qui te fassent du bien; c'est ainsi que tu offriras à ton fils de bonnes conditions pour la grosse tâche qu'il entame, à 13 ans: devenir adulte, et un adulte heureux.



Pour lui, à mon sens, tu ne peux faire qu'une chose: lui rappeler (mais autant que possible sans l'agacer ou le braquer, ce qui est difficile à doser):
- que tu l'aimes;
- qu'il est intelligent, et qu'il a les moyens de se préparer un avenir intéressant;
- que la réussite scolaire permet nettement davantage de choix pour cet avenir;
- et que la réussite de sa vie dépend de lui à 99 % (on peut discuter sur 97 ou 98)...


Il est en train de devenir adulte, et il commence à faire l'expérience de la liberté. Il n'a pas le mode d'emploi (même à nos âges, on n'a pas fini de le découvrir...), il va donc le trouver petit à petit, en tâtonnant, en se trompant... S'il choisit de faire confiance à ceux (celle) qui ont déjà vécu quelques essais et cassées de g..., ça lui sera sûrement utile!


Tiens, on pourrait lui raconter une histoire du style (je te donne la carcasse, tu peux l'habiller à ta convenance):


Un garçon (disons David) reçoit un jeu sur console (X-box ou game-cube, en fonction de ton fils, de ce qui le branche). Il essaie de progresser dans le jeu, mais c'est compliqué, il ne connaît rien. Il perd beaucoup de temps à découvrir comment ça fonctionne, comment évoluer pour avoir du plaisir. Ses copains lui demandent à quel niveau il en est, et, quand il avoue ne pas arriver au second niveau, ils se moquent de lui.


Triste, fâché, David décide d'arrêter avec ce jeu. Mais ses camarades de classe lui posent sans arrêt des questions, et le houspillent. Il a un peu honte de si mal s'y prendre.


Un jour, sa famille reçoit la visite de son cousin, plus âgé. Le cousin lui raconte qu'il a aussi eu énormément de peine avec ce jeu, qu'il a balancé plusieurs fois la console contre le mur, tellement il était frustré de coincer dans ce jeu. Mais le cousin ajoute que son meilleur ami lui a expliqué les principes de base, et ce qu'il ne fallait pas faire. Grâce à ces conseils, il a eu beaucoup de plaisir à jouer et a fait de grands progrès.


Du coup, David demande au cousin de lui donner les informations nécessaires. Et depuis qu'il connaît les subtilités de ce jeu, il s'est fortement amélioré, et il épate ses copains en leur disant toutes les difficultés de niveau qu'il a su vaincre.


Plus tard, David a découvert que ce qui s'était passé avec ce jeu, c'est la même chose pour la vie. Souvent, on s'y prend mal. On n'arrive pas à progresser comme on voudrait. On souffre de voir les autres nous mépriser parce qu'on est maladroit. Mais si on ose demander à des gens qui ont déjà passé par là, ils peuvent nous aider à réussir notre vie.


Même si ce n'est pas facile de demander. Tu sais, les deux choses les plus difficiles à dire au monde, pour chacun(e), ce sont "Je m'excuse" et "Aidez-moi, SVP".

(Bi) mon approche de la vie

Accueillir l'autre tel(le) qu'il(elle est, l'accepter itou, le(la) respecter, c'est la base de mon approche de la vie et des relations humaines. 
Chaque être humain est infiniment précieux et porteur d'une grande valeur - parfois cachée ou enfouie sous des cuirasses maladroites, ou sous des couches de saletés reçues, ou par des cicatrices encore douloureuses...

(CF, Bi, Vu) l'enfer ou le paradis

Je crois que l'essentiel de ce que nous avons à vivre sur terre tient aux relations les uns avec les autres. C'est ça qui fait de notre existence quelque chose d'agréable - ou au contraire un enfer! 
J'aurais envie de paraphraser Jean-Paul Sartre: les autres, c'est l'enfer ou le paradis. Ça dépend quels autres! Et quels rapports nous avons avec eux.

(Bi, Vu) Le pouvoir de Dieu?

Dieu n'a pas d'autre pouvoir que celui d'un ami: un soutien, un stimulant, un rappel de sa volonté, qui est de ne jamais faire de tort aux autres. Il n'a aucun pouvoir surhumain. Il est plutôt l'avocat des faibles, de celles et ceux qui n'ont pas de voix.

dimanche 17 mars 2013

(FA, Vu) Le péché, topo rapide

Le péché

Chez nous protestants, comme dans la Bible, le péché, c'est fondamentalement le fait de rejeter Dieu; de ne pas tenir compte de lui. À partir de là, le péché, c'est une manière de vivre qui s'oppose à ce que Dieu voudrait pour moi. Au Moyen Âge, l'Eglise est tombée dans l'excès en voulant établir des listes de péchés, ce qui est stupide. Il lui a fallu ensuite distinguer les 7 péchés capitaux (rien à voir avec le capitalisme, hélas, ils auraient été bien inspirés de le mettre sur leurs index, celui-là...): orgueil, avarice, gourmandise, luxure, envie, colère, paresse (!!!) des péchés véniels, moins importants... 

Pour moi, le péché, aujourd'hui, c'est donc au sens premier refuser Dieu, et plus précisément refuser le coeur de son offre pour nous, soit son pardon (sa "grâce" comme on disait autrefois); le refuser pour soi, mais aussi pour les autres! Plus largement c'est les actes qui sont à l'opposé de la volonté de Dieu: la violence sous toutes ses formes (le meurtre, la contrainte, l'agressivité, la privation de liberté, le viol, le manque de respect, la ségrégation...); l'exploitation des pauvres, l'accaparement des richesses; l'esprit de jugement; le fait de saboter la vie des autres, et surtout des enfants, par égoïsme...

À côté de ça, que sont la gourmandise, le sexe hors mariage et la colère? Des broutilles qui n'ont pas de réel impact négatif. Ce que je crois, c'est que tout nous est permis, avec la consigne de toujours rechercher le bien des autres. Ça me fait hurler quand j'entends, aujourd'hui encore, certains qui en sont restés au Moyen Âge, et qui jugent bénins des comportements comme le viol ou le détournement de fonds, tandis qu'ils culpabiliseront des jeunes de faire l'amour...

jeudi 14 mars 2013

(Po) Neige sur la ville

 Vu le temps qu'il fait, et en pensant surtout à mes amis français, j'exhume un poème de mars 1974 (oui, oui). Bon, c'est pas celui-là qui me fera passer à la postérité!! MDR



Neige sur la ville

Il neige sur la ville
Sur la ville affairée
Il neige tranquillement
- Et la ville est bien embêtée.

Les autos ralentissent
C'est la pagaille aux carrefours
Il neige sur la ville en mars
Les enfants sortent pour jouer.

Les flocons ventrus planent calmement
Et s'accumulent dans les rues en pente.
Les autos sont paniquées
Et les anges rient silencieusement.

Il calme sur la ville
Il calme sur la ville en mars
Et c'est comme un souffle de Dieu qui passe
Et repasse - à froid.

La paix vient sur la ville
Les gens sont las de s'énerver
Rentrons chez nous ma mie
Nous pourrons nous aimer.

Il neige sur la ville
Les gens s'en vont à pied
Ils se remettent à sourire
Il fait bon se saluer.

Les gens marchent et se voient enfin
Ils entrent au petit magasin du coin
L'épicière a un beau sourire!
Les gens marchent et se parlent enfin
Sale temps, disent-ils, avec un clin d'oeil complice
Sale temps
Ça fait du bien!

Grand-père se souvient des Noëls de son enfance
- Voyons, Grand-père, on est en mars!
Les anges rient silencieusement
Et Grand-père rit de même.

Le gros voisin tout d'un coup réalise
Qu'il n'a plus chanté depuis... oh! depuis...
Il n'avait plus le temps
Le gros voisin chante à tue-tête sur son balcon
Et les gens rient, silencieusement.

Il a neigé sur la ville
Il neige toujours sur la ville en mars
Il neige dans les coeurs d'une ville d'enfants
Les anges se sentent inutiles.

Ne pensons pas que demain, tout va recommencer
Folle course, vacarme et fumée
Les anges reviendront sur la ville en juillet.
Il faudra tout recommencer.

Mais
Jusqu'à demain la ville
Dans sa couverture, dans son duvet
Respirera, tranquille
Dormez, dormez en paix.

La paix vient dans nos vies
Une trêve est signée
Rentrons chez nous ma mie
Nous pouvons nous aimer.

JJ Corbaz, mars 1974


Photo Christa Henzer. Merci!



dimanche 10 mars 2013

(FA, SB, Vu) "Le péché contre le Saint-Esprit"

"Le péché contre le Saint-Esprit"
Une paroissienne m'a demandé comment comprendre cette expression difficile. Plutôt qu'une prédication, je préfère rédiger cette notice, même si elle est relativement superficielle, en espérant qu'elle soit utile à d'autres!

Dans toute la Bible, on trouve cinq fois une expression qui se rapproche de celle qui nous occupe. Leur sens est assez semblable, avec quelques nuances de détail. Je vous propose d'examiner ces cinq passages dans un ordre presque chronologique.

1. Ancien Testament: Esaïe 63, 10
Le prophète rappelle d'abord les bienfaits de Dieu: ce dernier a reconnu Israël comme son peuple, ses enfants; il les a sauvés, portés, rachetés. Puis le verset 10 précise: "Mais eux se cabrèrent, ils accablèrent son Esprit saint. Alors, il se retourna contre eux en ennemi..."

L'auteur dénonce donc ici le manque de reconnaissance du peuple à l'égard de Dieu. Ils n'ont pas fait honneur à ses cadeaux, ils se sont rebellés. Ils continuent de se comporter comme s'il n'existait pas. Accabler l'Esprit saint, c'est ainsi nier les actes de salut du Seigneur, ne pas tenir compte de ses bienfaits et le tenir à l'écart de sa vie. C'est alors que Dieu, dit Esaïe 63, se "met en guerre contre eux". Mais il le fait dans un but pourrait-on dire pédagogique, puisque le verset 11 mentionne que le peuple, alors, se souvient de son sauveur, et le supplie à nouveau.

Pour mieux comprendre ce passage, il faut savoir que, dans le judaïsme, l'Esprit de Dieu donné à l'homme n'agit pas automatiquement. Il peut être amoindri dans son action par le désintérêt de ses destinataires (un peu comme aujourd'hui une psychothérapie, qui est inefficace si le patient ne collabore pas). Accabler l'Esprit saint revient donc ici à freiner son élan, à diminuer sa puissance par notre comportement égoïste.

Notons encore que le "péché" dans ce passage n'est pas individuel: il est collectif, il concerne le peuple dans son ensemble.



tiré du film "Hiver nomade"
2. Nouveau Testament
(a) Epîtres: Ephésiens 4, 30

Dans les années 80 après J-C, l'auteur de la lettre aux Ephésiens, un disciple de l'apôtre Paul, conclut une liste d'exhortations éthiques et morales (ne pas mentir, ne pas voler, surveiller ses paroles...) par cet appel: "N'attristez pas le Saint-Esprit, dont Dieu vous a marqués comme d'un sceau pour le jour de la délivrance." Nous nous trouvons dans une perspective très proche d'Esaïe 63, mais, cette fois, dans une dimension individuelle.  Le manque d'égard pour autrui est un frein à l'Esprit de Dieu qui veut nous sauver. Le sceau dont les croyants sont marqués désigne certainement le baptême.

En d'autres termes, l'auteur d'Ephésiens 4 veut dire: "Vous, chrétiens, ne pensez pas que le salut de Dieu, dont votre baptême est le signe visible, soit capable de vous transformer par sa seule puissance. Si vous n'essayez pas de traduire la grâce de Dieu en gestes dans votre conduite quotidienne, eh bien, son pouvoir en sera diminué!"


(b) Evangiles.
Les passages les plus connus sur notre thème figurent dans les trois évangiles dits "synoptiques". Ce sont aussi les paroles les plus dures, celles qui nous laissent, davantage que les autres, remplis d'interrogations... ou de culpabilité! Regardons-les de plus près, en mentionnant les différences de perspective de chaque auteur. Donc son contexte, son but et sa théologie.

1° Marc 3, 29
C'est autour de 70 après J-C qu'est rédigé le plus ancien des quatre évangiles connus. Ce livre, conçu pour provoquer l'étonnement du lecteur afin de l'intéresser à Jésus, abonde en récits où les personnes qui côtoient l'homme de Nazareth sont remplies de questions à son sujet.

Dans ce contexte, les conflits et les controverses avec les chefs juifs sont nombreux. Au cours d'une de ces disputes, Jésus est accusé par les scribes (spécialistes de la Loi de l'Ancien Testament, figures des opposants au Christ) d'agir au nom de Beelzeboul (un prince des démons dans le judaïsme). Jésus réfute l'argumentation de ses adversaires, puis il conclut par ces mots, très durs: "Tout sera pardonné aux humains, leurs péchés contre Dieu, leurs blasphèmes, aussi nombreux soient-ils. Par contre, si quelqu'un blasphème contre l'Esprit Saint, il reste sans pardon à jamais; il est coupable pour toujours."

Ici, on le voit, Jésus s'adresse aux scribes, qui viennent de nier sa relation avec Dieu, et qui l'accusent d'être un émissaire du Mal. Nous sommes dans une violente polémique, et le blasphème contre l'Esprit Saint est le fait non pas de chrétiens, mais d'opposants au Seigneur de l'évangile. Un blasphème, c'est une parole ou un acte qui s'attaque à Dieu, à sa puissance, à son Nom.

Heureusement, la parole de Jésus commence par affirmer clairement le pardon universel! Pour toutes et tous! Sinon, nous pourrions culpabiliser à cause de nos doutes! Mais le péché qui est dénoncé ici, c'est la prétention aveugle de ceux qui confondent le vrai Dieu avec les forces démoniaques; et qui croient que le pouvoir de Jésus de chasser les démons vient du diable, et non de l'Esprit divin. Ce que Marc veut nous dire, c'est, en d'autres termes: "Toutes vos paroles contre le Seigneur peuvent être pardonnées. Tous vos actes et vos doutes, aussi. La seule offense impardonnable, c'est de confondre les princes du Mal avec Dieu. Car si votre esprit humain est confus au point de ne pas faire la différence entre un satan et le Père du Ciel, alors l'action du Saint-Esprit sera impuissante à vous sauver. Une telle confusion spirituelle est un obstacle à l'amour de Dieu qui veut vous pardonner."



 

2° Matthieu 12, 31-32
Quelque dix ans plus tard, la situation des disciples du Christ a évolué. Ils se trouvent en plein conflit avec la religion juive. Un croyant, héritier de traditions orales remontant à Matthieu, décide de rédiger à son tour un évangile, un récit de la vie de Jésus. Pour donner des réponses aux nouveaux défis qui sont apparus, il reprend presque toute l'oeuvre de Marc en la réécrivant. Il lui ajoute de nouveaux passages, et surtout de nombreux discours où il montre Jésus enseignant les foules comme un Maître, un "rabbi" plein d'autorité. Pour ce nouvel évangile, l’enseignement du Christ suscite davantage la confiance et la foi que l'étonnement, et il a désormais autorité sur la Loi juive (voir ses fameux "Vous avez entendu... mais moi je vous dis...", par ex. en Mt 5, 21 ss).

Au chapitre 12, l'évangile selon Matthieu reprend le récit que Marc a fait de la controverse avec les scribes. Mais les adversaires de Jésus sont, cette fois, les Pharisiens, tendance religieuse attachée avec excès au respect tatillon de la Loi juive. En effet, c'est ce groupe qui est le plus fort, dans les années 80. C'est lui qui est au coeur du conflit avec les disciples du Christ. Beaucoup de scribes d'ailleurs en font partie.

Chez Matthieu, la réponse de Jésus à ses opposants est plus longue que chez Marc. Le Christ y est dépeint comme un enseignant qui répète bien la leçon, pour se faire comprendre clairement: "Tout sera pardonné aux humains, leurs péchés contre Dieu, leurs blasphèmes, si nombreux soient-ils. Par contre, le blasphème contre l'Esprit Saint ne sera pas pardonné. Et si quelqu'un dit une parole contre le Fils de l'homme, cela lui sera pardonné; mais s'il parle contre l'Esprit Saint, cela ne lui sera pas pardonné, ni en ce monde, ni dans le monde à venir."

Ici à nouveau, l'évangile commence par affirmer le pardon inconditionnel pour tous. Et à nouveau également, c'est l'aveuglement de ceux qui confondent l'action du vrai Dieu avec les forces diaboliques qui est dénoncé. Si même les démons appellent Jésus "Fils de Dieu" (voir Mt 8, 29), alors pensez combien les accusateurs de Jésus sont complètement à côté de la plaque spirituelle; en-dehors du rayonnement divin!

L'auteur, en ajoutant la seconde phrase, souligne avec plus de force encore le message de Marc: l'homme peut très bien ne pas reconnaître le Fils de l'homme, c'est-à-dire Jésus dans sa dimension eschatologique (= qui concerne la fin des temps); ça, ce sera pardonné. Par contre, ce qui entraîne la condamnation, c'est la confusion spirituelle qui rejette l'action du Père en Jésus, en qualifiant ce dernier de suppôt de satan.

Relevons encore que Matthieu ne mentionne nulle colère de la part de Dieu. L'attitude des Pharisiens ne provoque aucune réaction de rejet divin par punition. Non, elle montre que ces hommes se mettent, eux-mêmes, hors d'état d'être sauvés.




3° Luc 12, 10
Vers la fin du premier siècle de notre ère, un nouvel évangile, celui de Luc, voit le jour. Jusqu'ici, les disciples du Christ pensaient que la fin du monde était imminente, et que la résurrection en était le signe avant-coureur. Pourtant, les années passent, et les temps derniers se font attendre. Des Eglises ont été fondées un peu partout dans le monde hellénistique. En même temps, les persécutions de la part de l'Empire romain redoublent de violence.

Dès lors, on en vient à penser différemment. On se dit que l'événement de Pâques n'est pas le début de la fin, mais plutôt une charnière dans le temps. Un nouveau commencement. Une ère autre, neuve, est née: celle des apôtres, envoyés par l'Esprit saint annoncer la bonne nouvelle; l'ère de l'Eglise, communauté universelle des croyants au Christ.

Une fois encore, situation nouvelle et nouveaux défis pour ceux qu'on appellera plus tard les "chrétiens". Le troisième évangile va donc reformuler le message de Jésus et la foi dans cette nouvelle perspective.

Sur le thème qui nous occupe, Luc reprend le verset de Matthieu, mais en l'insérant dans un tout autre contexte. Nous ne sommes plus dans le cadre d'une polémique avec les Pharisiens. Jésus, au milieu d'une foule importante ("par milliers", voir 12, 1), parle à ses disciples, il les engage à tenir bon face aux persécutions. Il les assure que "quiconque se déclarera pour moi (= Jésus) devant les hommes, le Fils de l'homme aussi (donc Jésus dans sa dimension eschatologique, dans sa dimension qui concerne la fin des temps) se déclarera pour lui devant les anges de Dieu (= au Jugement dernier). Mais celui qui m'aura renié par devant les hommes sera renié par devant les anges de Dieu."

Et c'est juste après ces mots que Luc insère le verset de Matthieu: "Si quelqu'un dit une parole contre le Fils de l'homme, cela lui sera pardonné; mais s'il blasphème contre l'Esprit Saint, cela ne lui sera pas pardonné."

Dans la théologie de Luc, cette phrase prend un sens nouveau. Elle établit une distinction entre le temps de la vie terrestre de Jésus et celui des apôtres, de l'Eglise. Dans le premier, dit-elle, il est pardonnable de ne pas reconnaître la divinité de Jésus. Même sa mort est pardonnable (Luc 23, 34)! Par contre, dans le second temps, c'est "rien ne va plus": nous vivons la dernière possibilité donnée à Israël de se convertir. Les apôtres, qui proclament l'évangile animés par l'Esprit saint, sont votre ultime chance d'être sauvés. Si vous manquez ce train là, il n'y en aura plus d'autre!

N'oublions pas ici que Luc écrit dans un temps de violentes persécutions. Et qu'il en va de la survie de l'Eglise naissante. Il s'agit donc aussi, par ces mots très exigeants mis dans la bouche de Jésus, d'encourager les croyants à la fidélité et au respect de la foi, malgré les violences qu'ils subissent. Ne trahissez pas, dit ainsi Luc, c'est votre salut qui est en jeu!

Et ici encore, vous remarquez qu'il n'y a aucun sentiment exprimé, dans ce jugement: Dieu n'est pas en colère, ce n'est pas une punition qui est annoncée contre les "blasphémateurs", car ce sont eux qui s'excluent tout seuls du salut.




3. En conclusion
Ce bref tour d'horizon nous montre bien que le "péché contre le Saint-Esprit" est un thème peu fréquent dans la Bible, et qu'il s'inscrit dans des problématiques très particulières. Les contextes de ces cinq versets sont bien différents des nôtres. Ces paroles n'ont aucune portée générale. Elles ne s'appliquent à aucune situation d'aujourd'hui qui nous concerne. Les "menaces" qu'elles véhiculent ne s'adressent pas à nous, il n'y a donc aucune raison d'en avoir peur!

Confondre Jésus avec un suppôt du Mal ne me semble pas un risque, même mineur, pour les croyants de notre siècle. Et la notion d'urgence liée à la fin des temps s'est fortement estompée!

Pour autant, ces versets ne sont pas dénués d'intérêt pour nous. Il serait faux de conclure de ce qui précède "circulez, y a rien à voir!".

Car ces paroles nous rappellent avec force, ô combien, que l'évangile n'est pas une douce chansonnette ni une berceuse. La foi au Christ, ses promesses, sa vie et sa mort sont à prendre au sérieux. Elles sont porteuses de défis permanents. Il s'y joue l'essentiel de notre existence.

Rapportés au coeur de l'évangile, les cinq passages que nous venons de lire nous invitent de manière pressante à accepter d'être sauvés. À laisser Dieu travailler en nous, par son Esprit, pour faire de nous ses tout proches, ses enfants. Ils nous encouragent à tenir bon, à ne pas "cacher le drapeau de notre foi".

Ne les comprenons pas comme des menaces ou des condamnations. Il s'agit bien plutôt d'indiquer le sérieux de la question. Un peu comme le petit enfant à qui ses parents diraient "si tu ne manges pas tes légumes, tu vas tomber malade"... En grandissant, il comprendra que c'était un encouragement, et pas une punition annoncée!!

Ces cinq paroles nous appellent, enfin, à ne pas craindre d'exprimer nos questions ou nos désaccords face à l'enseignement de Jésus, et, plus généralement, de la Bible! Nous ne serons pas condamnés pour cela. L'essentiel ne se joue pas dans la vénération de versets ou dans l'adhésion à des dogmes. Mon salut, l'essentiel, il réside dans l'action de Dieu pour moi.

Ma seule responsabilité, c'est de laisser Dieu agir, et me transformer.

Et ça, c'est quelque chose!




Jean-Jacques Corbaz


Note: pour plus de précisions sur les particularités de chacun des 4 évangiles, voir le document "Comment se sont formés les évangiles", accessible dans ce blog à la page <http://textesdejjcorbaz.blogspot.ch/2012/11/comment-se-sont-formes-les-evangiles.html>.