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dimanche 31 janvier 2016

(Pr) Drôle d’oiseau... - Prédication du 31 janvier





Lectures:  1 Corinthiens 9, 16-23; Luc 4, 14-21

 
Dans un journal d’Echange et Mission, j’ai lu ces réflexions intéressantes qui émanent d’un paysan des Philippines, et qui s’adressent aux citadins et aux Occidentaux:

“Il faut d’abord bien vous rendre compte que nous vivons dans deux mondes différents. C’est comme si vous, les gens de la ville, vous viviez dans le monde des oiseaux, tandis que nous, nous vivons dans le monde des poissons.

Quand les oiseaux se déplacent, ils vont vite. Ils volent. Au contraire, les poissons vont plus lentement. Ils nagent.

Il arrive parfois que des oiseaux veulent nous faire du bien et nous crient: “Monsieur le poisson, avance comme moi, c’est le progrès! Imite-moi, tu iras plus vite”. Mais nous les poissons, nous ne pouvons bien sûr pas les suivre, dans cette mer qui nous freine, formée de taux d’emprunts trop élevés, d’accords commerciaux injustes, de mentalités et de traditions qui nous bloquent... Pourtant, les oiseaux continuent de nous faire la leçon d’en haut, avec leurs projets pensés chez eux et leurs programmes adaptés à leur manière de voir...

Il arrive qu’à la fin, les oiseaux perdent patience et qu’ils nous rabrouent vertement: “Eh bien, vous les poissons, vous n’avancez pas. Vous êtes toujours pauvres et malheureux; c’est que vous êtes paresseux. De plus, vous êtes superstitieux, et vous vous opposez à tout changement”.

Très peu de gens instruits arrivent jusque dans notre monde pour y voir avec nos yeux la réalité des problèmes et des espoirs. Même les coopérants honnêtes ne peuvent pas nous comprendre. Leurs opinions favorisent les gros propriétaires. Ils amènent un tas d’arguments en faveur de la perspective des oiseaux. Il leur arrive même de dire que l’angle visuel des poissons est étroit. Alors que nous, nous avons le sentiment que l’angle visuel des poissons est le plus large qui soit, puisque c’est le nôtre, et celui de l’immense majorité des gens chez nous!

Pire, beaucoup d’oiseaux volent tellement haut qu’ils ne peuvent même pas voir les poissons. La seule chose qu’ils voient, ce sont les grandes ombres de leurs ailes, et comme ils se sentent bien portés en l’air.


 
À plusieurs d’entre nous, conclut ce paysan des Philippines, cela donne l’impression que ces gens veulent être plus intelligents que Dieu. Seulement lui, il n’a pas considéré qu’il devait tenir sa place en haut, et sa divinité. Il s’est même abaissé, comme dit la Bible, il est entré pleinement dans notre monde, il est devenu l’un des nôtres, il a adopté nos points de vue et notre langage. Et après seulement, il a essayé de nous transformer.”
(fin de citation)

J’ai apprécié ces réflexions. D’abord, parce qu’elles rejoignent celles de plusieurs catéchumènes, qui me disent que Jésus Christ est un drôle d’oiseau!

Et plus sérieusement, parce que ce paysan des Philippines met le doigt sur la manière dont nous vivons nos différences; ce qui peut nous faire vivre des relations agréables ou, au contraire, un enfer!

Ces réflexions peuvent s’appliquer aux rapports entre personnes de pays différents, et surtout entre Occidentaux et ressortissants des Tiers Mondes. Elles peuvent s’appliquer aussi aux relations dans le couple; la famille; entre adultes et enfants; entre jeunes et personnes âgées... Entre citadins et campagnards; ou entre voisins peu tolérants; entre handicapés et bien-portants...

On le sait aujourd’hui: la mission traditionnelle a souvent dérapé dans les travers dénoncés par ce paysan philippin. Elle a souvent voulu transformer l’autre pour qu’il devienne comme nous - ce qui est bien sûr impossible; et qui mène à des impasses.

Depuis quelques dizaines d’années, on a donc corrigé le tir: les Eglises d’Occident ont cessé d’aller dire “la vérité” là-bas. Elles ont, au contraire, établi avec leurs soeurs d’Outre-Mer des relations de partenaires. De partenaires adultes, égaux et qui se respectent. C’est dans ce cadre qu’a été créée la CEVAA, (acronyme de Communauté Evangélique d’Action Apostolique, c’est-à-dire de mission), aujourd’hui Communauté d’Eglises en Mission, qui rassemble des Eglises d’Europe et des Tiers Mondes.

C’est dans ce cadre aussi que j’ai eu la chance d’aller passer une année de mes études en Afrique, au Cameroun. J’ai été le bénéficiaire de la toute première bourse de la CEVAA pour aller dans une université d’Outre-Mer. Donc non pas pour enseigner, mais pour être enseigné! C’était il y a 42 ans déjà. Partenaires adultes, égaux et qui se respectent.


Voilà que vivent les Eglises chrétiennes comme la nôtre, super! C’est un motif de joie et de reconnaissance. Elles répondent ainsi à leur vocation de peuple “choisi et envoyé pour apporter la Bonne Nouvelle aux pauvres; pour annoncer aux prisonniers la liberté; et aux aveugles la clarté!“ et pour le faire, selon les termes de la lettre aux Corinthiens, “gratuitement, et en se faisant tout à tous, soumis à la Loi juive quand nous sommes avec des croyants soumis à la Loi juive, et libérés de cette même Loi quand nous sommes avec des croyants libérés de cette Loi”.

Ce que vivent les Eglises chrétiennes comme la nôtre, dans leurs relations les unes avec les autres, je rêve (et je crois que Dieu lui-même rêve) que nous puissions le mettre en pratique, chacun(e), dans les mille facettes de notre vie entière. Que nous regardions tout ce qui nous entoure (et tous ceux qui nous entourent) à cette lumière, couleur de dialogue et de respect.

Et là, je vous invite à penser aux relations avec les croyants adeptes d’autres religions: islam, bouddhisme, judaïsme... voire les athées ou les sceptiques!

Je vous invite à penser aussi aux relations à l’intérieur du christianisme; que la Semaine de Prière pour l’Unité ne reste pas une parenthèse, comme le disait si bien le curé Philippe Baudet, dimanche dernier; mais que la fraternité nous gagne, tou(te)s, durablement.

Je vous invite à penser encore aux relations avec les étrangers, avec les personnes qui sont nourries d’une autre culture, et d’autres traditions...

Je vous invite à penser enfin aux relations avec les personnes très âgées; avec les handicapés; les enfants; les adolescents... avec tous ceux, toutes celles qui n’ont pas les mêmes références que nous.

- Et dans tous ces domaines, nous sommes tantôt les oiseaux, tantôt les poissons, évidemment!


 
 

Nous avons (j’ai, tu as) bien du chemin à parcourir en direction des autres, ne croyez-vous pas?

Nous, chrétiens, nous avons conscience d’avoir reçu un trésor: celui de l’exemple de Jésus Christ, lui qui a quitté sa divinité pour plonger dans le monde des poissons que nous sommes. Afin de construire avec nous des relations privilégiées d’amour passionné.

Alors, ce trésor, qu’allons-nous en faire?

Puissions-nous le cultiver, et le laisser fleurir dans nos vies. Embellir nos relations avec les autres. Voire éclairer nos relations avec nous-même.

Alors, je crois, un peu du monde deviendrait meilleur! Amen  


                                        


Jean-Jacques Corbaz 



vendredi 22 janvier 2016

(An) Fragments du Paradis

Je vous encourage vivement à courir au cinéma voir "Fragments du Paradis" de Stéphane Goël (voir <http://www.cineman.ch/fr/movie/2015/FragmentsDuParadis/?date=2016-01-22>
Un film vaudois qui donne à contempler nature et interviews de personnes âgées sur le thème "C'est quoi pour vous, le Paradis?").
Il met en route chez ses spectateurs des questions essentielles sur la vie et la mort (et ce qu'il y a après), sur la spiritualité et le sens à notre existence.
À consommer sans aucune modération!



Si la Suisse est parfois perçue comme un paradis terrestre, la question se pose de savoir si ses habitants y croient, au paradis… Croyants, agnostiques ou athées, chacun ressent, face à la mort, la nécessité d’un récit. Alors, que reste-t-il du paradis, jadis promesse d’un bonheur éternel ? En allant à la rencontre des personnes arrivées au crépuscule de leur vie terrestre, ce film propose une quête personnelle, émouvante et décalée, au sein des représentations de ce lieu commun à l’humanité, face à l’espérance et au doute partagé.

 

(Bi, Hu) Vivre en paix?

Vivre en paix ne veut pas dire "Vive ramper!"...


dimanche 10 janvier 2016

(Bi) être ou...

(à propos du film de Christian Labhart sur Giovanni Segantini, m'est venue cette réflexion qui a l'air d'une boutade, mais qui est plus sérieuse qu'il n'y paraît):

"Être ou disparaître, telle est la question".

"La vanité"

(Pr) « Tes disciples n'ont pas pu... » Prédic du 10 janvier 2016

Lectures:  Luc 9, 37-45; Esaïe 65, 1-2; Romains 7, 17-23


Nous avons tous été, dans notre enfance, plus ou moins nourris par des récits de miracles. À l’école du dimanche surtout, c’était quand même plus facile de raconter des guérisons que les Béatitudes ou les lettres de Paul!

Malheureusement, cette foison de miracles nous a souvent joué des tours. Nous avons reçu une image de la foi chrétienne beaucoup plus “miraculeuse” qu’elle n’est en réalité. Un peu comme si, voulant faire visiter Lausanne à un ami japonais, je ne lui montrais presque que des églises. Il en déduirait que les Vaudois sont très religieux... ce qui n’est pas vraiment la réalité!

Ce qui est embêtant, c’est que nous avons tendance à toujours revenir à ce premier enseignement religieux que nous avons reçu enfant! Soit parce qu’on n’en a guère eu d’autre, ce qui est rare; soit parce que c’est comme dans la chanson de Brassens: “Jamais de la vie, on ne l’oubliera, la première fille qu’on a pris dans ses bras”. Je veux dire: le premier contact, la première émotion restent gravés beaucoup plus profond que les autres. Vous vous souvenez, nos yeux émerveillés, tout ronds, quand la monitrice nous racontait ces guérisons extraordinaires, mystérieuses?!
 

 

L’ennui, avec les miracles, c’est qu’on en voit rarement, dans notre quotidien. Nous avons tous prié avec ferveur pour la guérison de telle personne, ou tel autre objectif. Hélas, le pourcentage de réussite est aussi faible que la proportion d’amis véritables dans l’entourage d’un milliardaire...

Alors, deux possibilités, quand on réfléchit: ou bien on balance la religion aux orties, déçu, en décrétant que c’est un attrape-nigauds; ou bien on essaie de comprendre, et on peine souvent, parce que c’est difficile. Dieu est-il vraiment tout-puissant?

Puisque vous êtes ici ce matin, j’en conclus que vous êtes plutôt de la seconde catégorie! Mais vous voyez bien que ceux de la première, on peut comprendre leur réaction!

Donc, essayons d’y voir un peu plus clair! Et le passage de l’évangile de Luc d’aujourd’hui peut nous y aider. Pour cela, regardons de plus près trois ou quatre détails.

Premier détail important: le récit de miracle que nous lisons ce matin commence par “le jour suivant”. Cette mention nous indique que ce qui va être conté a un lien avec le passage qui précède. Or, ce qui précède, c’est la Transfiguration, ce moment où Jésus est devenu, aux yeux des disciples, éclatant de la lumière de Dieu, avec Moïse et Elie à ses côtés. Cet évènement est une démonstration de sa nature divine. La Transfiguration, c’est un signe fort que Jésus vient de Dieu (un peu comme l’auréole sur les tableaux du Moyen Âge, dont nous parlions dimanche dernier). Donc, la guérison miraculeuse, elle aussi, est liée à cette démonstration de la nature divine du Christ.

Giovanni Lanfranco, Trasfigurazione, XVIIè s, Galleria Nazionale d'Arte Antica, Roma

Puis ils redescendent de la montagne. C’est alors qu’une foule vient vers eux, une foule d’où sort un homme qui crie vers Jésus “Viens sauver mon fils, mon fils unique!” (entre parenthèses, admirez le clin d’oeil: c’est un autre qui perdra son fils unique, un peu plus tard, sur la croix!). Mais top, deuxième détail (vous avez remarqué?): “Tes disciples ont essayé de le guérir, mais ils n’ont pas pu”!

Voilà, tout le problème est posé, là. Jésus guérit l’enfant, alors que les disciples n’y étaient pas arrivés. Les gens qui sont là s’extasient, alléluia... Mais top, troisième détail: ils ne sont pas frappés par les capacités extraordinaires de Jésus, comme souvent ailleurs, non! L’évangile dit: “Tous étaient bouleversés par la grandeur de Dieu”!

Voilà. Le drame. Les disciples prient, mais le miracle ne se produit pas. Seul Jésus y parvient, “faco-décontract’”; et tous reconnaissent là exactement la main de Dieu! La “patte” de l’artiste!

Et c’est aussi notre drame. Car si les disciples-compagnons du Christ n’ont pas pu provoquer le miracle, vous voyez bien que pour nous, disciples d’aujourd’hui, à combien plus forte raison, on peut comprendre nos échecs...

Donc, le problème n’est pas que nous n’ayons pas assez de foi, comme on le dit parfois; ni que nous ne soyons pas assez ceci, ou trop cela... Je ne sais pas si vous saisissez le rapport étroit entre notre récit et la Transfiguration, qui venait juste avant?

Si tous les hommes ratent leurs miracles 9 fois sur 10, et si on vient de nous donner démonstration que Jésus est de nature divine, on peut en déduire que Jésus réussit ses guérisons étonnantes parce qu’il n’est pas comme nous. Parce qu’il est d’une autre nature, d’une autre “pâte”; d’une autre dimension. Nous ne sommes pas Jésus, ni vous ni moi, et à vouloir l’oublier, nous risquons la “plantée” magistrale, comme les disciples.

Nous, nous sommes comme le dit l’apôtre Paul: le péché habite en moi, il agit en moi. Il y a une autre force dans mon coeur et dans mon corps qui me tire à l’opposé de celle de la foi, et de celle de Dieu. Et je suis partagé entre ces deux mouvements, et ma vie est le résultat, la résultante de ces deux mouvements qui m’entraînent tantôt d’un côté, tantôt de l’autre.
 
Martyre de Saint Hippolyte, Dirk Bouts (1470-1475).

On pourrait s’arrêter là. Mais ce serait passer à côté de l’essentiel de notre passage. Car le récit continue, avec un passage une fois encore signalé comme important, puis qu’il commence par cette injonction de Jésus: “Retenez bien ce que je vous dis”. Il s’agit de l’annonce par Jésus qu’il va être livré aux hommes. Top! Dernier détail, mais le plus important: par 9 fois, les évangiles racontent que Jésus prédit sa Passion, comme on dit. Or, les 8 autres fois, il annonce qu’il va souffrir, et qu’il va mourir, puis que Dieu le ressuscitera. Mais ici, une seule annonce: “Je serai livré entre les mains des hommes”. Celui dont on vient de souligner la nature divine, il va être abandonné, sans pouvoir, entre les pattes de cette espèce mauvaise et sans foi (pour reprendre les termes de Jésus dans l’évangile): les humains!

Si on ne parle ni des souffrances, ni de la mort, ni de la résurrection, c’est donc qu’on veut souligner le seul abandon! Ainsi, la voilà, la toute-puissance de Dieu: il livre son fils unique entre nos mains de pécheurs! Il nous le donne, pour nous sauver!

Récapitulons: les hommes ne parviennent presque jamais à réaliser de miracle, à cause de leur nature empreinte de péché (c’est-à-dire de séparation d’avec Dieu). Par contre, Jésus a laissé toute la place en lui à son Père, qui pouvait donc agir à travers ses mains. Par Jésus, Dieu a donc guéri bien des gens. Mais. Mais il a fait beaucoup plus encore. Jésus a laissé son Père agir en lui jusque dans la mort, sur la croix. Celui qui est tout entier Dieu (donc tout entier amour, tout entier puissance, tout entier pardon), il a été livré, à cause de cela justement, il a été livré aux mains des hommes.

Pourquoi donc? Pour quoi (en 2 mots)? C’est justement ça qui est difficile à comprendre; et que notre passage nous invite à méditer. Il le fait à travers un paradoxe, que j’exprimerais comme ceci: il a été livré pour nous dire, pour nous montrer que, même si nous sommes ces gens partagés, cette espèce infidèle, eh bien il ne nous abandonne pas. Il nous aime d’autant plus fort. Il nous pardonne et nous sauve, comme il l’a fait pour le fils malade.
 


Au fond, il y a dans cette histoire une série de pied-de-nez à la résignation: (1°) l’homme dans la foule ne se résigne pas à la maladie et à la perte probable de son fils, il crie, il demande;    (2°) Jésus ne se résigne pas au mal, et à la souffrance, il agit, il guérit, il se donne; (3°) et surtout, Dieu ne se résigne pas à notre incapacité de disciples, à notre péché d’humains, il fait à Pâques toutes choses nouvelles! Il nous révèle notre petitesse, mais surtout notre dignité!

Et nous, Eglise, et nous croyants? Notre rôle n’est-il donc pas de nous révolter nous aussi contre la résignation? De crier, face à la souffrance? D’appeler? Et: d’aider Dieu à agir?

Ni baisser les bras, ni nous prendre pour des dieux. Mais ouvrir notre humanité à cette immense tendresse venue d’ailleurs, qui nous dépasse, pour qu’elle nous parle de ces trucs vraiment fabuleux: la Joie entière; la Paix majuscule, l’Espérance qui déplace des montagnes... Oui, depuis la première Pâques chrétienne, cette espèce très imparfaite que nous sommes peut connaître le vrai Bonheur. En Christ! Amen


Jean-Jacques Corbaz 



---> Voir aussi

“Dieu, tout-puissant?” - Prédication du 2 11 2014: <http://textesdejjcorbaz.blogspot.ch/2014/11/pr-dieu-tout-puissant-predication-du-2.html>


 

mercredi 6 janvier 2016

(Ci) un quoi qui tient quoi?

"Aujourd'hui, un de mes anciens catéchumènes devenu grand m'a dit avec tendresse que, dans ce Monde, je suis "un connard qui tient obstinément une bougie allumée dans l'obscurité".
J'ai aimé! Puisse-t-il dire vrai..."


Jean-Marc Savary

dimanche 3 janvier 2016

(Pr) Le curé flingueur

Prédication du 3 janvier 2016

Lectures:  1 Corinthiens 16, 19-24; Luc 9, 51-55


À la fin des épîtres de la Bible, il est rare qu’on lise attentivement  les salutations et qu’on prêche sur elles. Mais là, ce verset m’a sauté à la figure: “Si quelqu’un n’aime pas le Seigneur, qu’il soit maudit”. Ouille là!
 
Cette phrase surprend, elle fait tache, avec le reste de la lettre, et avec tout ce que nous savons de l’amour chrétien dans le Nouveau Testament! Elle nous gêne et nous interroge. Comment la comprendre?


 

Un qu’elle ne devait pas gêner, c’est Don Eladio Blanco Vila, curé d’un village espagnol. Lors d’un service funèbre, il a tiré sur ses paroissiens, parce que ces derniers lui résistaient!

C’est en 1987. Don Eladio préside les funérailles d’une dame âgée qui n’allait pas à l’église. En chaire, il déclare que la défunte n’a pas droit au sacrement, puisqu’elle ne pratiquait pas. Et que, dès lors, il n’ira pas au cimetière pour la mise en terre.
 
Les quelque 300 fidèles et la famille se fâchent; ce que Don Eladio considère comme une offense. Indigné au point d’en oublier le commandement “Tu ne tueras pas”, le curé sort de sa poche un revolver! Il tire cinq fois sur ses paroissiens, blessant un homme avant d’être désarmé par la foule.

Don Eladio court alors se barricader dans la sacristie, d’où il menace la foule avec un fusil d’assaut militaire. On appelle la police pour ramener le calme... Et on découvre un véritable arsenal chez ce curé pas comme les autres! Vous le voyez, les musulmans djihadistes ne sont pas seuls de leur espèce...
 
  


On ne sait pas très bien s’il faut en rire ou en pleurer, de cette histoire vraie, parue dans 24 Heures en 1987. En tout cas, elle révèle un état d’esprit inquiétant: penser que la foi chrétienne, c’est un ensemble de “devoirs”, qu’il faut accomplir; et croire qu’avec des menaces, par la force ou par la peur, on peut changer les gens.
 
Nous sommes bien d’accord: tout ça n’a rien à voir avec l’évangile. Même si parfois, un bout de phrase dans le Nouveau Testament lui-même va dans ce sens. Car l’intolérance est un poison répandu partout, et prêt à resurgir à l’occasion, dans un accès de colère ou de frustration, comme dans notre histoire.

Faut-il en rire ou en pleurer, de ce curé flingueur? Pour ma part, je vous propose plutôt d’en rire. Mais d’un rire qui se moque autant de Don Eladio que de nous-mêmes. D’un rire qui n’oublie pas nos envies de parfois imposer «notre» vérité, voire notre intolérance. D’un rire qui démasque la violence qui dort en nous, en chacun(e) de nous; qui la révèle comme l’a fait l’événement fondateur de notre foi, la mort de Jésus sur la croix.
 
 


“Si quelqu’un n’aime pas le Seigneur, qu’il soit maudit. Maranatha (= le Seigneur vient). Ce verset, pour les exégètes, serait un ajout tiré des liturgies de la première Eglise, des liturgies de sainte cène. Il était destiné à mettre en garde les croyants, pour éviter qu’ils ne prennent la communion sans être conscients de l’immense cadeau que nous fait Jésus en mourant pour mettre fin à la spirale de la violence.

Cette injonction date d’un temps où il était vital pour les premiers chrétiens de bien baliser les limites qui les séparaient des païens. On vivait alors dans une société où l’intolérance et l’exclusion étaient la norme. J’ose croire que ce n’est plus le cas aujourd’hui, grâce à l’enseignement du Christ. Euh... Même si j’ai des doutes, parfois, quant à notre capacité de nous comporter en êtres évolués...

Pour ma part, je n’arrive pas à maudire celui qui n’aime pas le Seigneur. Le Dieu en qui je crois, c’est celui qui réprimande les disciples quand ils voulaient appeler le feu du ciel sur les villes infidèles. Jésus, oui, a versé son sang pour détourner de nous cette malédiction, pour la prendre sur lui à notre place. Ce qui lui permettra d’oser nous demander cette énormité, oui, cet appel hors normes: “Aimez vos ennemis”.
 
Depuis Vendredi Saint et Pâques, la violence et la haine ont été condamnées à mort! Au matin du tombeau vide, Dieu a semé les graines d’un avenir différent, de relations nouvelles entre les humains. Pour que meurent en nous les tentations d’imposer par la force ou par la peur notre vérité, si juste soit-elle; pour que naisse en nous une qualité de dialogue et d’écoute: qu’on se parle, sans se tirer dessus!
  

 
Tolérance. Tout le monde en parle, de la tolérance. Tout le monde est d’accord avec la tolérance. Peut-être même Don Eladio et ses frères... Le problème, c’est quand on arrête d’en parler pour la vivre, la tolérance. Le hic, c’est quand les frustrations et le stress s’accumulent; et tournent en colère mal maîtrisée. Alors, parfois, ça explose: une gifle, une insulte, que souvent après on regrette. Et puis, une fois tous les coups de canon, c’est le drame. Peut-être qu’un Don Eladio sommeille en chacun(e) de nous?
 
Merci donc de veiller sur nos colères, sur nos vexations, sur nos germes de violence. Veiller dessus, ça veut dire pour moi oser les regarder en face, avec le Christ qui m’aide à rester fort. Ça veut dire pour moi les remettre à Dieu, les laisser se transformer au soleil de la Tendresse majuscule qui nous est donnée, gratuitement, grâce à Jésus.
 
Essayer de désamorcer nos germes de violence. - Et aussi, bien sûr, de prévenir celles des autres! Autour de nous, et dans le monde. Comme le disait Dieu à Caïn: “La violence est un monstre tapi derrière ta porte. C’est à toi d’en être le maître. Domine-la!”
  
 
Et là, chers amis, il faut encore dire, une énième fois, que nos contemporains font souvent fausse route. Car si mes frustrations et les brimades que je subis peuvent réveiller le Don Eladio qui roupille en moi, combien davantage encore les humiliations que subissent, au hasard les musulmans chez nous risquent d’attiser l’incendie et de provoquer des explosions comme on en a vu du côté de Paris... L’intolérance provoque l’intolérance en retour, et seuls les extrémistes en profitent. Merci d’y veiller aussi! Comme disait Dieu: “La violence est un monstre tapi derrière ta porte. C’est à toi d’en être le maître... Domine-la!”. Amen                                          


Jean-Jacques Corbaz