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dimanche 24 août 2014

(Pr, FA, SB, Vu) Les mystères de l’Apocalypse. Prédication du 24 août 2014


Introduction aux lectures:

Apocalypse. Mot galvaudé, traité à toutes les sauces. Si souvent synonyme de catastrophe, de déchainements violents, d’anéantissement final.
Pourtant, en grec, apocalypse signifie «ouverture», ou «révélation».

Ecoutez cet extrait de l’introduction que donne à ce livre biblique la traduction en français courant :
«Ce livre se compose en grande partie de visions et de révélations. Il les exprime dans un langage symbolique et imagé, que les croyants, familiers de l’Ancien Testament, pouvaient plus facilement comprendre, alors qu’il restait mystérieux pour les autres lecteurs. (…)
L’affirmation centrale du livre est claire : en opposition au triomphe momentané des forces du mal, la victoire totale et définitive sera remportée, pour Dieu et pour les siens, par Jésus. (…)
Les lecteurs d’aujourd’hui comprendront mieux ce livre difficile s’ils n’y cherchent pas les détails d’un avenir catastrophique. L’intention de l’auteur n’est pas de faire peur aux croyants (ni de décrire exactement ce qui viendra), mais de leur donner du courage dans les temps difficiles».


 

Lectures: Apocalypse 4, 1-11; Apocalypse 5, 1-10; Psaume 4, 2-9



Prédication

Le livre de la Genèse, qui raconte la Création, souligne un fait curieux: chaque fois qu’il invente quelque chose, Dieu dit que c’est très bon. Même quand il crée l’homme! Ça vous étonne?

D’autres pages de la Bible sont plus réservées à ce sujet. Elles soulignent plutôt que notre espèce est capable du pire, aussi. Car, oui, le Livre sacré est à notre image, et il décrit les faces sombres de l’humanité autant que les côtés ensoleillés!

L’Apocalypse appartient à la catégorie des plus pessimistes, vous l’avez deviné sans peine. C’est bien normal: elle a été composée dans une époque troublée, tissée de violences, d’injustices et de persécutions pour les chrétiens. Oui, un peu comme aujourd’hui!

En ce temps-là, ce sont les Romains qui tiennent le couteau par le manche. Les légions italiennes sèment la terreur au nom d’un empereur qui demande qu’on s’agenouille devant lui. Quiconque refuse est massacré sans pitié. En particulier sont persécutés les disciples du Christ. Pourquoi? Parce que l’évangile est une force de résistance supérieure aux autres religions ou philosophies. Une force de résistance qui donne des boutons de fièvre aux despotes, ça ne rate jamais!

Dans ces temps opaques, il y a près de 2000 ans, un chrétien écrit un livre mystérieux qu’il nomme l’Apocalypse. Ce n’est pas le premier, loin de là. À cette époque, des quantités d’apocalypses sont rédigées, soit par des juifs soit par des chrétiens. Il y en a plusieurs centaines! La plupart ne sont pas dans la Bible.

Apocalypse veut dire “révélation”; ou “ouverture”. L’auteur veut nous dire que, dans un sens imagé, Dieu ouvre dans l’Apocalypse un paquet fermé, caché. Et dans ce paquet, les croyants trouvent des réponses à leurs questions. Ou bien ils trouvent des consolations. Ou ils trouvent quelque chose qui donne un sens à leur vie, au milieu de leurs souffrances.

Leurs questions? Vous les devinez. “Pourquoi la violence a-t-elle le dessus? Pourquoi Dieu laisse-t-il tous ces gens qui croient en lui se faire massacrer par les djihadistes... euh pardon, par les Romains?”...

L’Apocalypse dite de Jean essaie de répondre à ces questions. Ou plutôt, de dire comment Dieu y répond. Nous verrons tout-à-l’heure qu’il y a là une nuance fondamentale. Elle le fait de manière imagée et codée, comme toutes ses semblables. Elle s’exprime par le biais de symboles, d’images, de chiffres; de fantasmagories. Mais on peut voir trois différences importantes entre notre Apocalypse et les autres. Trois différences qui vont correspondre aux trois dernières parties de cette prédication.


Première différence: le livre (rouleau) qui donne les réponses, ce livre est fermé. Il y a sept sceaux qui empêchent de l’ouvrir. Impossible! Et on nous dit que personne de chez personne n’est capable de le desceller et d’en permettre la lecture.

Ainsi donc, les explications à nos mystères, elles restent cachées. Personne sur la terre, vraiment personne, ne peut donner des réponses justes aux questions des victimes, aux “pourquoi”. C’est essentiel.

Il y a des quantités de gens qui croient savoir répondre à toutes ces interrogations. Ceux qui ont le pouvoir pensent détenir aussi le savoir. L’Empereur de Rome, par exemple.

Mais non. Sur terre, personne ne peut. L’Empereur de Rome pas plus qu’un autre. Seul un extraterrestre en est capable! Quelqu’un qui vient d’ailleurs, celui que notre Apocalypse appelle l’Agneau. Figure cachée du Christ, vous l’avez compris.

Vous voudriez ouvrir ce livre? Vous voudriez que je l’ouvre? Non, impossible. Il restera fermé. Ni vous ni moi ne sommes capables, ou “dignes” d’accéder aux réponses ultimes. Mais nous savons qu’elles existent, même si elles nous sont inaccessibles pour l’instant. Souvenez-vous en: nous savons qu’elles existent.

Deuxième différence
avec les autres apocalypses de l’époque: c’est à propos du héros, celui qu’on appelle ici “le fort”, “le lion de Juda”, “le descendant de David”. Eh bien dans toutes les autres apocalypses, on voit le SuperHéros arriver en pleine puissance, il venge les croyants massacrés, il élimine les méchants sans pitié. Il démolit les adversaires de Dieu. Bref, il fait trois fois plus de mal que ceux qu’il combat n’en ont commis!

Jésus n’agit pas ainsi, vous l’avez compris. Il est “le lion de Juda”, “le fort”, “le descendant de David”, oui, mais il a l’apparence (vous vous souvenez?), il a l’apparence d’un agneau. Et davantage encore: d’un agneau égorgé. Jésus ne vient pas détruire les méchants qui nous massacrent ou nous terrorisent; il vient souffrir avec nous, comme nous. Il est solidaire de tous les égorgés de la terre.

Et c’est vraiment ce qu’il a fait: en acceptant de mourir crucifié, il nous donne la plus belle preuve de solidarité pour nous. La plus belle manière de nous dire “je t’aime”. De nous aider à vivre.

Et puis, il nous donne le plus fort enseignement de ce dont nous parlions dimanche dernier: que la violence ne se soigne pas par la violence. Toute agression ne fait qu’augmenter la haine. La seule façon de guérir ce monde des violences qui le meurtrissent, c’est l’amour, et encore l’amour; et le pardon; et le respect. Dire “stop” à la terreur, à la vengeance, et à la haine. Trouver une attitude autre, vous vous souvenez? Tendre une autre joue.




Troisième différence avec les nombreuses apocalypses de l’époque: Dieu! Les autres apocalypses décrivent Dieu en long et en large, comment il est lumineux, et puissant, et cuirassé, et chamarré... Ici, on nous parle presque uniquement du trône du Père céleste; et de tout ce qui entoure son siège royal.  Mais Dieu, lui, on n’en parle pas. On ne nous dit jamais comment il est, à quoi il ressemble.

Pourquoi? Eh bien, parce qu’il y a cette interrogation qui nous coince. Cette question qui nous reste en travers de la gorge, et que vous connaissez bien: “Si Dieu règne sur ce monde, alors pourquoi laisse-t-il faire toute cette violence que nous subissons, tout ce mal, ces injustices?”

À cette interrogation, nous l’avons dit déjà, personne ne peut donner une réponse exacte et parfaite, aujourd’hui comme hier. Le livre (montrer) restera fermé. Dieu est invisible, il nous échappe. Nous sommes incapables de comprendre; tels un petit enfant qui ne peut pas s’expliquer pourquoi il doit aller au lit avant son grand frère... Ici, j’aime le dire, ici-bas nous sommes au pays des “pourquoi”. Mais là-haut, vers Dieu, un jour nous accèderons au royaume des “parce que”.

Mais attendez avant de rentrer chez vous! Souvenez-vous d’un détail, dans le passage que nous avons lu. Un détail “essenciel”! La vision de l’Apocalypse dont nous parlons, où se passe-t-elle? Le prophète qui la décrit, où situe--t-il la scène? Eh bien, au Ciel. Et pas sur la terre.

Et là, au Ciel, c’est une vision de paix totale, de bonheur, de douceur. Toute interrogation trouve une réponse parfaite. Il y a des coupes de parfum, des chants; la réconciliation.

Alors ce qui est ouvert, ce qui est révélé, oui, ce qui est annoncé, c’est que la douceur et la sérénité sont au Ciel, d’accord; mais qu’elles ne sont pas complètement séparées de nous pourtant. Car le point fondamental, il est ici: on nous dit que les prières des croyants sont ces parfums qui nous relient au monde parfait de Dieu.

Donc, dans la prière, dans l’espérance, les chrétiens contemplent déjà ce bonheur à venir. Ils peuvent commencer déjà à le vivre ici-bas. De même que, quand je reçois une invitation pour une fête, je commence à en vivre la joie; ça me donne du plaisir, déjà!


Au fond, ce que nous dit l’Apocalypse de Jean, c’est que Dieu ne règne pas sur ceux qui terrorisent, sur ceux qui égorgent les autres. Dieu règne sur celles et ceux qui prient, qui espèrent; sur celles et ceux qui contemplent déjà la paix du Ciel, la douceur qu’il nous prépare pour la vie éternelle.

Dans notre vie spirituelle, ouvrons donc nos yeux sur ces réalités, cachées mais que la foi nous permet d’entrouvrir! Quand nous sommes proches de l’Agneau qui nous sauve, nous pouvons discerner le vrai bonheur, déjà. Et en témoigner, en rayonner autour de nous. Si nous savons en reconnaître les signes, nous devenons des hirondelles qui annoncent le printemps du Christ; qui l'anticipent; qui l'aident à advenir!

Sachez-le, nous dit l’Apocalypse d’un bout à l’autre: le dernier mot de l'histoire appartiendra à Dieu. Amen




Après l’interlude:

Apocalypse. Si souvent synonyme de catastrophe, de déchaînements violents, d’anéantissement final.

S’il y a catastrophe, dans la Bible, quand elle parle d’apocalypse, cette catastrophe ne vise que les systèmes totalitaires qui prétendent asservir l’homme. À Antiochus, à Néron, comme plus tard à Hitler ou Staline, elle redit sans cesse : «Tu n’es pas éternel. Tu vas t’effriter, regarde ton bel édifice comme déjà il se lézarde.»

Mais aux croyants, et plus largement à toute personne, surtout aux victimes et aux persécutés, elle tient un tout autre langage. L’Apocalypse leur demande, parfois avec tendresse, de tenir debout; de garder la sérénité; de veiller. Elle leur dit que Dieu a mis toute son espérance en eux; et que dans le monde ils sont témoins des signes du renouveau, des signes du monde nouveau que Dieu fait naître au milieu de nous.

Si nous savons les reconnaître (et vous savez que naître ne se fait jamais sans douleur!), si nous savons les reconnaître, nous pouvons devenir nous aussi les hirondelles qui bien sûr ne font pas le printemps de Dieu, mais qui l’annoncent, qui l’anticipent, qui l’aident à naître.

Apocalypse: révélation. Révélation de toute l’affection que Dieu a pour nous, au milieu de nos détresses : «Ne crains pas, dit Dieu. N'aie pas peur, car je suis avec toi» (Esaïe 43). 


Jean-Jacques Corbaz


P.S. Voir le document plus général sur l'Apocalypse, qui donne quelques indications sur les codes, les chiffres ou les nombres, les couleurs et autres difficultés de ce livre biblique pas comme les autres:  
http://textesdejjcorbaz.blogspot.ch/2012/11/lapocalypse-revelation-que-le-dernier.html



Envoi: le mystère de Dieu
 
Ce que nous comprenons des paroles de Dieu, c'est beaucoup moins que ce qui nous échappe...

Ses paroles sont comme une source où chacun peut se désaltérer, mais que personne ne peut épuiser...

Réjouis-toi donc d'avoir pu apaiser ta soif, mais ne te désole pas que la richesse de la source te dépasse.

Ne t'attriste surtout pas d'être incapable d'épuiser cette richesse: mieux vaut que la source étanche ta soif plutôt que ce soit ta soif qui épuise la source.

Si elle n'est pas tarie, tu pourras y boire encore, chaque fois que tu auras soif. Mais si, en te rassasiant, tu épuisais la source, ta victoire deviendrait ton malheur!

Remercie pour ce que tu as reçu, et ne t'en fais pas pour ce qui n'est pas utilisé. Dieu a truffé sa parole de richesses multiples, pour que chacun puisse y contempler un trésor, selon ce qu'il aime...

D'après Saint Ephrem de Nisibe






dimanche 17 août 2014

(Hu) diplomate et femme du monde

Pour sourire: connaissez-vous la différence entre un diplomate et une femme du monde?
Quand un diplomate dit "oui", ça veut dire "peut-être". Quand il dit "peut-être", ça veut dire "non". Et s'il dit "non", ce n'est pas un diplomate.
La femme du monde? Quand elle dit "non", ça veut dire "peut-être". Quand elle dit "peut-être", ça veut dire "oui". Et si elle dit "oui", ce n'est pas une femme du monde...

Eh bien Dieu, lui, il nous dit "oui". Toujours. Et ça ne veut pas dire "peut-être"!


J-J Corbaz

 

(Pr, SB, Vu) « L’autre joue - la violence », prédication du 17 août 2014

Lectures: Luc 6 : 27-36, Ps. 3, et II Cor. 12 : 7-10

“Au commencement était... la violence, et rien de ce qui existe n’a été fait sans elle”... - Vous sursautez? À la bonne heure! Car nous n’aimons pas tellement la violence, nous avons plutôt tendance à la cacher, à l’oublier, à vouloir la faire disparaître. On nous a tellement dit que la violence, c’est mauvais.

Pourtant, tout le monde est violent. Pas besoin d’aller au Proche-Orient: chacune de nos journées comprend de la violence, depuis les coups de klaxon agacés au feu vert, jusqu’au moustique écrasé dans la nuit... Faites le compte, dans votre quotidien!


Tout le monde est violent; mais pas parce que nous sommes tous mauvais, ou pécheurs. Tout simplement parce que ça fait partie de la vie. Survivre est une violence. Manger est une violence faite aux espèces animales ou végétales qui nous nourrissent. La lutte pour la survie est une violence. Protéger son existence est un combat (déjà contre les microbes!)... Écoutez: même Dieu est violent! Le psaume 3 n’écrit-il pas: “Tu frappes à la joue mes ennemis, tu casses les dents aux méchants...”

La Bible est pleine de violence. Et même la venue de Jésus provoque elle aussi des cascades d’agressions: depuis le massacre des innocents jusqu’à la mort de Judas, la trahison de Pierre et la lâcheté des autres... Le comble: Jésus lui-même, vous le savez, a fait usage de violence: contre les marchands du temple, et contre les scribes et les pharisiens, injuriés de manière bien peu pacifique! Il comparait sa Parole à une épée bien tranchante, et c’est le même qu’on présente comme un agneau qui se laisse tondre sans ouvrir la bouche.

“Si quelqu’un te frappe sur une joue, présente-lui aussi l’autre”. Comment comprenez-vous ce verset?

On l’interprète en général comme une invitation à ne pas riposter à la violence; à se laisser faire passivement, sans réagir. Rester stoïque et sans réaction, quand on nous attaque. Céder.

Eh bien, non! En nous demandant de tendre l’autre joue, Jésus ne nous invite pas à nous laisser faire violence, passivement, sans réagir. D’ailleurs, nous l’avons vu, ce n’est pas ainsi qu’il a agi lui-même. Ne pas répondre à la violence par la violence, ça oui, bien sûr! Mais ne pas réagir du tout, rester passifs, céder; alors non, ce n’est pas ce que dit Jésus.

La violence est partout, nous le disions. Et il est important, vital, de ne pas l’amplifier. Sinon c’est la loi de la jungle, la volonté du plus fort qui l’emporte. Il est essentiel de contenir la violence, de la dresser comme une bête féroce qui cherche à vous sauter dessus. Pour sortir du cercle vicieux, il faut être plus fort que les agressions, les brutalités, la haine...

Être plus fort: non pas passifs, mais actifs. Ne pas baisser les bras, mais les utiliser au mieux. Non pas ne rien faire, mais... tendre l’autre joue.


L’autre joue: savez-vous que le Nouveau Testament, écrit en grec, exprime là quelque chose d’intraduisible en français? Pour dire “autre”, il y a en grec deux mots: “allos” et “heteros”. “Heteros” (d’où vient le terme “hétérosexuel”, par exemple), c’est l’autre parmi deux choses, ou deux personnes; quand il n’y a que deux possibilités. “Allos”, c’est l’autre parmi plus de deux objets ou personnes. Ainsi, quand je dis: “Mes parents sont malades: l’un a la grippe, et l’autre une bronchite”, l’autre, c’est “heteros”, car je n’ai que deux parents. Par contre, pour “Un de mes paroissiens est à Lausanne, un autre est resté chez lui”, l’autre, ce sera “allos”, puisqu’ils sont, en tout, plus que deux!

Tout ça pour vous dire que: dans “tendre l’autre joue”, pour “l’autre”, ce n’est pas “heteros” qui est employé par l’évangile (alors qu’on n’a que deux joues, pourtant); ce n’est pas “heteros”, c’est “allos”. Présenter l’autre joue, c’est donc tendre une autre joue, une joue différente. C’est réagir d’une manière nouvelle, qui aide à sortir du cercle vicieux de la violence.

Vous l’avez tous expérimenté: de répondre à l’agressivité par l’agressivité, ça engendre l’escalade de la violence. Mais à l’opposé, un mot, un geste, un acte à contre-courant peut tout changer; désamorcer l’agression, dés-armer la haine.

Ainsi un joueur de football, victime d’un méchant coup tordu de la part d’un adversaire qui voulait lui prendre le ballon, est allé au bord du terrain lui offrir une autre balle, rien que pour lui! Un enseignant, traité de noms d’oiseaux trop vulgaires pour être rapportés ici, a fourni à ses étudiants une liste plus complète d’injures, un peu comme Cyrano dans la tirade des nez... Le judo connaît bien ce principe: pour faire reculer quelqu’un, il vaut mieux faire semblant de le tirer en avant, car l’autre résiste, et il recule spontanément!


Rompre la symétrie. Encore faut-il bien du courage et de l’imagination, de l’esprit et de l’à-propos. Et de la force intérieure, ô combien, pour résister à la tentation de la colère qui monte! C’est en cela, et en cela seulement, que nous osons nous demander les uns aux autres, selon les termes de l’évangile, d’être parfaits (chez Matthieu) ou pleins de bonté (chez Luc) comme l’est notre Père céleste. C’est-à-dire non pas de nous abstenir de toute faute -c’est impossible, évidemment- mais, avec Dieu, tout imaginer, tout mettre en oeuvre pour désamorcer la violence, la sortir des mécanismes qui la font se reproduire et se multiplier à l’infini...

Et cela, vous l’imaginez bien, c’est exactement le contraire de la passivité! C’est mettre en action un amour, un respect, une espérance dont nous ne sommes capables que parce que Dieu nous les donne, d’abord, en Jésus-Christ.

Ainsi, l’attitude chrétienne, dans un conflit, ce n’est pas plus céder que répondre avec les mêmes armes. L’attitude chrétienne, c’est rompre la symétrie, en puisant nos forces dans celles de Dieu. Car, vous vous en rendez bien compte, si Dieu ne nous avait pas “tendu une autre joue”, en Christ, face à nos péchés, si Dieu nous avait donné la réciproque, eh bien, nous serions morts!

Voilà le chemin nouveau que Jésus nous appelle à parcourir, derrière lui. Savoir que la violence existe, en moi, en nous; l’utiliser quand on ne peut pas faire autrement, mais en la maîtrisant, en cherchant à la dominer nous-mêmes plutôt que d’être dominés par elle. Éduquer des enfants, par exemple, est impossible sans un minimum de violence: quand mes enfants, tout bébés, avaient 39°5 de fièvre, il fallait bien les forcer à accepter un suppositoire, malgré leurs refus et leurs pleurs...

Savoir donc qu’on n’échappe pas à la violence, mais en même temps chercher à la désamorcer partout où c’est possible; sortir du cercle vicieux par une “autre joue”, une autre réponse. -Ce qui est exactement le sens du mot “non-violence”, mais ce terme a été si souvent employé de manière fausse que je n’aime plus guère l’utiliser.- Chercher à dominer l’agressivité. Or, je ne peux pas maîtriser quelque chose que je ne vois pas, que je ne veux pas regarder. Ainsi, je ne pourrai pas être non-violent tant que je ne reconnaîtrai pas la part de violence qu’il y a en moi. Je ne pourrai pas “feinter” l’agressivité, je serai incapable de me jouer d’elle en lui tendant une autre face, si je fais semblant qu’elle n’existe pas.


“Au commencement était la violence...” Oui. Et le chrétien, à cause de son Seigneur, n’est ni masochiste ni lâche. Il ne se laisse pas marcher sur les pieds. Mais il sait qu’en Christ il a reçu assez de force et d’esprit pour essayer de vaincre cette violence avec d’autres armes.

Cette apparente faiblesse, c’est la vraie force. Amen.

 Jean-Jacques Corbaz




vendredi 15 août 2014

(Ci, FA, Ré, Vu) Assomption?

Aujourd'hui 15 août, nous fêtons l'Assomption. Késako??? Merci à la professeure Claire Clivaz pour ses explications que voici:

Cette fête a des racines dans des textes apocryphes comme la Dormition de Marie, et une longue tradition dans l'Eglise ancienne. Toutefois, Eglise catholique romaine et Eglise orthodoxe perçoivent très diversement ce point de la mariologie.
Côté catholique romain, il s'agit du dernier dogme marial prononcé en 1950. Il découle du dogme de l'Immaculée conception prononcé au siècle précédant: si Marie a été conçue sans péché, alors elle n'a pas connu la corruption de la mort et a été directement enlevée aux cieux. Dans la foulée, il avait été envisagé de promulguer aussi la co-rédemption de Marie, mais la lecture du "Christ seul médiateur" de l'Epître aux Hébreux avait heureusement dissuader le pape de l'époque d'aller jusque-là.
Côté orthodoxe, si Marie est très importante et vénérée, si sa "dormition" est fêtée, le fait qu'on ait pu dogmatiser sa conception immaculée et l'extraire ainsi du statut du commun des mortels est insupportable. Les deux dogmatisations de l'Immaculée Conception et de l'Assomption sont une blessure oecuménique pour les orthodoxes.
Pour nous comme protestants, c'est important de considérer cette thématique avec les points de vue catholique et orthodoxe.
A titre personnel, on est clairement dans l'excès avec ces deux dogmes modernes, qui auraient pu aller jusqu'à la co-rédemption de Marie.
Que Marie compte et soit à revisiter pour nous est évident. Le livre "Marie de Nazareth" de France Quéré est somptueux. 


lundi 4 août 2014

(Pr) Naaman, Guéhazi et les vraies valeurs - Prédic du 3.8.2014

Lectures bibliques: 2 Rois 5, 14-27; Luc 12, 16-21; Galates 3, 26-29

(Résumé de l’épisode précédent). Dimanche dernier, nous avons vu Naaman, le grand général syrien, se faire secouer et remettre en question, durement. Il a dû beaucoup travailler sur lui-même pour accepter la gratuité de Dieu et apprendre à abandonner les sécurités matérielles. Atteint par la lèpre, et donc contraint de se cacher pour ne pas être mis au ban de la société, il devra littéralement se mettre à nu pour retrouver la santé, au bout d’un long chemin.

Naaman avait emporté avec lui des richesses énormes pour payer sa guérison: 300 kg d’argent, 60 kg d’or, des habits de luxe... Mais Elisée refuse ce cadeau faramineux. Dieu est un Dieu des pauvres, des sans moyens... De ceux qui ne méritent pas. Il est grâce, donc gratuit. Sa bonté est offerte à chacun(e), disponible, toute proche. Ou plutôt: il est d’autant plus près de nous que nous sommes vulnérables et vrais. Donc nus. On dit que plus un arbre est haut, et plus il attire la foudre. Pour l'être humain, c'est l'inverse: plus il est bas, et plus il attire Dieu!

Si fréquemment, aujourd’hui comme hier, les êtres humains jouent des rôles. Comme Naaman, ils veulent avant tout sauver la face. Mais quand on a l’occasion d’entrevoir ce qu’il y a derrière le masque, c’est souvent le choc! Que de dépressions, que de relations foireuses avec sa famille ou ses collègues... Remords, rancunes, qui rongent comme la lèpre... Si peu de vraies raisons de vivre...

Tant que nous jouons un personnage, notre relation avec les autres ne peut être que faussée. Tout comme notre relation avec Dieu, évidemment! Certes, il est très difficile de se montrer nu. D’être soi-même et vrai. Il faut d’abord se connaître. Et ensuite s’accepter! Mais c’est la seule manière d’aller à la rencontre des autres, véritablement; de pouvoir les connaître; de les accepter comme ils sont. De même pour Dieu, évidemment: aller vers lui, le connaître et l’accepter, comme il est!

Dans ce récit plein de merveilleux, Elisée donc réussit beaucoup plus qu’une guérison physique: il permet à Naaman de changer de vie, de découvrir l’essentiel. Il le rétablit dans sa relation avec le divin, avec les autres, et donc avec lui-même.


Alléluia? Tout est bien qui finit bien? Euh ben... Pas tout à fait. Car il y a l’attrait de la richesse, qui est d’une force... incroyable. Le diabolique Mamon, comme Jésus le nomme, a de solides arguments. Et c’est au sein même de sa maison que le prophète Elisée va devoir le constater. Son serviteur Guéhazi succombe au désir. La gratuité, il oublie! Il court derrière Naaman et lui demande de l’argent, une somme considérable. Ce que bien sûr le riche Syrien accorde sans hésiter, et même à double; heureux de pouvoir manifester sa reconnaissance.

Mais attendez une minute avant de condamner Guéhazi. Car cet homme nous ressemble; plus peut-être qu’Elisée ou Naaman. Qu’aurions-nous fait, à sa place? Est-ce que moi j’aurais résisté à la tentation? Honnêtement, je ne sais pas. Car je n’ai jamais vécu sans argent; je n’ai jamais eu peur de mourir de faim; jamais eu peur de n’avoir rien à donner à mes enfants. Au contraire de beaucoup de mes prochains, en Suisse ou à l’étranger.

C’est au fond facile de juger sommairement la tromperie de Guéhazi. C’est facile de dire “Il faut faire confiance”; facile de se réfugier dans une foi personnelle et privée, à distance des autres... quand on n’a pas de gros soucis d’argent. Pour celui ou celle qui vit dans la pauvreté, l’occasion peut faire le larron. “S’enrichir: quel imbécile je serais de refuser cette opportunité”. (Entre parenthèses, n’est-ce pas d’ailleurs l’idéologie que charrie surtout notre société?).

Ne nous voilons donc pas la face (si j’ose dire, dans cette histoire de lèpre et de nudité!!). Ne nous voilons pas la face: il est normal d’avoir des envies. C’est notre condition humaine que de subir des tentations, comme Guéhazi. Et notre vocation de chrétiens, et notre responsabilité, c’est d’apprendre à gérer ces envies. Comme Dieu le disait à Caïn, lorsque ce dernier éprouvait de la jalousie pour son frère: “Le péché est pareil à un animal sauvage tapi derrière ta porte. C’est à toi de le dominer. Sinon, c’est lui qui sera ton maître”.

La fin de l’histoire aurait pu être si belle, pense-t-on parfois, si ce triste épisode de Guéhazi n’était pas venu tout gâcher.

Mais non! Ou plutôt: “Oui... mais”! Car la vie n’est que rarement (très-très rarement!) tissée de réactions modèles comme celle d’Elisée. Lui, il est presque parfait! Inaccessible! La vie, au contraire, elle est pleine de Guéhazi, qui ne résistent pas à l’opportunité de s’enrichir. Et puis, Dieu soit loué, elle nous offre souvent aussi, la vie, des Naaman, qui vont de l’avant, qui cheminent, qui progressent... qui guérissent leurs blessures, peu à peu, avec l’aide de Dieu... qui apprivoisent leurs peurs... mais qui savent qu’ils devront parfois transiger avec leurs principes; qui sont conscients qu’ils vont de temps en temps devoir s’incliner devant des faux dieux; revenir à leurs comportements du passé. Heureusement, ils ne se couperont pourtant jamais de l’amour du Seigneur.


Je trouve génial, la Bible ressemble à notre vie. Celles et ceux qui s’y débattent nous sont souvent semblables. Avec des exceptions, pareilles à quelques rayons lumineux, des exceptions comme Elisée; Moïse; Salomon; et la plus grande de toutes: Jésus!

La fin de l’histoire est belle, pour moi, parce qu’elle me parle d’un monde qui est le mien. Ce qui m’évite la tentation du Yaka (vous savez, quand on a l’impression qu’il suffit de vouloir pour imiter les modèles!). J’aime cette fin, parce qu’elle me met en garde contre les pièges que cette vie nous réserve, à chaque tournant.

En effet Guéhazi, après avoir trompé Naaman, est obligé de mentir à Elisée. Le fameux cercle vicieux. Un vieux sage disait: “Essayer de cacher une faute par un mensonge, ça revient à remplacer sur un habit une tache par un trou”. Un tel mensonge détruit la relation. Il est comme une lèpre, qui grignote peu à peu la vie harmonieuse. Et c’est exactement ce que Guéhazi va expérimenter, littéralement. Il est atteint par la terrible maladie. La peau devient comme de la cendre. Peur de la mort. Et la malédiction, qui nous met au ban de la société... Guéhazi est rongé par sa faute. Pareil à ces grands escrocs qui ne peuvent jouir de leur butin que terrés au fond d’une jungle lointaine, il va sans doute regretter parfois son ancienne vie. Conscient que ses richesses l’ont entraîné dans le malheur.


Peut-être trouvez-vous cette morale un peu taillée à la hache. L’auteur du livre des Rois a dû aussi le penser lui-même! En effet, le récit qui suit immédiatement notre épisode, c’est justement une histoire de hache maniée trop fort... Hum! Qui a dit que l’humour et l’autodérision étaient absents des textes sacrés?

Donc, n’oublions pas les nuances! Ne condamnons pas sans appel Guéhazi, ou d’autres qui font comme lui. Mais méditons plutôt sur nous-mêmes. Sur nos valeurs; nos comportements. Quelles sont mes priorités, dans la vie? Est-ce l’argent? Ou bien l’amour? Est-ce de garder une conscience nette? Ou des relations harmonieuses avec ce et ceux qui m’entourent? Être en bonne santé? Être comme Naaman relié par une communion spirituelle (lui qui emporte de la terre d’Israël pour pouvoir se joindre au culte de Dieu)? Ou bien un peu tout ça à la fois?

Pour moi, le fait de ne pas être seul face au mal est très important. Vivre une foi, une religion, mais relié à d’autres en vue d’essayer de mieux m’ouvrir à Dieu. Afin de tenir tête aux envies destructrices. Pour ne pas oublier l’essentiel.

Vivre en communauté; en paroisse; en Eglise, c’est important pour rester ancré dans l’amour de Celui qui, seul, est la vraie richesse. Et puis, c’est aussi un excellent antidote à notre culpabilité. Eh oui! Car, de voir que nos frères et soeurs sont faillibles, qu’ils succombent parfois à la tentation... eh bien, ça nous aide à supporter nos propres manquements!

Avec Naaman, entre Elisée et Guéhazi, mettre nos pas dans ceux de Dieu. Du Dieu de gratuité. Pour avancer en direction d’une meilleure limpidité. Le véritable trésor. Amen.



Jean-Jacques Corbaz