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dimanche 7 juin 2015

(Pr) « Chiens d’infidèles! », Prédication du 7 juin

Lectures:  Marc 7, 14-15; Marc 7, 24-31; Genèse 12, 1-4


Le passage de l’évangile que nous avons ouvert ce matin nous parle de nos préjugés. Un préjugé, c’est une idée toute faite que nous avons sur quelque chose ou quelqu’un, avant de connaître ce qui en est réellement. Une idée qui ne vient pas d’un raisonnement logique; une opinion que nous avons avalée avec la poussière ambiante, ou avec notre éducation. Par exemple: “les Arabes sont violents et intolérants”; ou bien “les Suisses sont des paysans un peu lents” (ce que disent parfois les Français...); ou encore “les Fribourgeois sont sales et sentent mauvais”...

Tout le monde a des préjugés. Oui, même nous, qui sommes pourtant presque parfaits. Même moi. Et, sans blasphémer, j’ajoute: même Jésus!

Ce qui est extraordinaire, dans le passage de l’évangile que nous venons d’entendre, c’est que, pour une fois, ce n’est pas Jésus qui parle et quelqu’un d’autre qui est transformé. Ici, c’est le contraire: une femme parle, et c’est Jésus qui change!
 


Reprenons ce récit: après une violente dispute avec les Pharisiens au sujet de la pureté devant Dieu, Jésus part à l’étranger, en pays païen, dans la ville de Tyr. Il n’y va pas pour évangéliser, car il veut rester incognito. Peut-être veut-il se reposer, reprendre des forces avant la seconde partie de l’évangile, où il sera arrêté et condamné à mort? La Bible ne le dit pas.

Mais là, une femme anonyme l’oblige à quitter son anonymat à lui. Cette femme est triplement impure, pour un juif: d’abord parce qu’elle est femme (hélas oui, ça suffisait pour être considéré comme impur!); ensuite parce qu’elle est païenne, et même de naissance; et enfin parce que sa fille est malade mentale - on disait à cette époque “possédée par un esprit impur”.

Une mère durement éprouvée donc, mais pas désespérée: en s’agenouillant devant Jésus, elle affirme avec tout son corps qu’elle reconnaît son autorité, et qu’elle place son espoir en lui.

Or ce qui nous surprend, dans ce récit, c’est la réponse de Jésus: un sec refus. “Laisse d’abord les enfants se servir, car il n’est pas bien de prendre la nourriture des enfants et de la jeter aux petits chiens”. Quelle réponse dure, et presque injurieuse!

En ce temps-là, comme aujourd’hui, ce n’est vraiment pas un compliment de traiter quelqu’un de chien. C’est ainsi que les juifs nommaient les païens. “Toi et ta fille, vous n’êtes que des chiens d’infidèles! La nourriture de mon salut, de ma guérison, elle est avant tout pour les gens d’Israël; pas pour vous!”
 


Après une gifle pareille, beaucoup d’entre nous seraient repartis en s’excusant, l’oreille basse. Mais cette femme saute dans l’espèce de parabole racontée par Jésus, et elle la prolonge: “Pourtant, maître, même les petits chiens, sous la table, mangent les miettes que les enfants laissent tomber.”. Et c’est le miracle: Jésus change d’avis. Et la petite fille est guérie. Ces deux païennes sont accueillies au banquet du salut. Et rassasiées!

Ce n’est pas à cause de son insistance que cette femme est exaucée, ni à cause de son humilité, ou de son humour, comme on l’a souvent dit. Mais pour un motif beaucoup plus simple: c’est parce qu’elle avait raison! Parce que les gens trois fois impurs ont accès au festin du Royaume autant que les bons juifs (ou bons chrétiens) bien obéissants. C’est elle qui avait raison, et Jésus le reconnaît: “C’est vrai. Alors, ta fille est déjà guérie”. Non pas “alors je la guérirai”. Lorsque Jésus réalise sa méprise, le miracle a déjà eu lieu! Et la petite est appelée enfant de Dieu!

Jésus, fils du Très-Haut, est aussi homme véritable. Nous l’avons donc vu ici victime d’un préjugé: celui de croire que le salut était donné d’abord aux juifs. Tout le monde, en Israël, pensait ainsi, à l’époque! Jésus a mis du temps à se débarrasser de cette idée préconçue.

Dans les paroles de cette femme, Jésus découvre une vérité qu’il ne connaissait pas, et qui va le modifier. Il se laisse bousculer dans ses préjugés, et sa vie va changer: la conclusion de ce récit le montre bien, qui nous raconte que Jésus s’attarde désormais en territoire païen, et à visage découvert cette fois. Une autre guérison se produira dans ce pays étranger, et, fait encore plus révélateur: une seconde multiplication des pains. Le premier miracle du rassasiement avait eu lieu en Israël, le deuxième se passe en territoire païen: les non-juifs aussi sont invités au banquet du Royaume, où ils se régaleront!

 


Cette histoire, c’est donc le monde à l’envers: c’est Jésus qui est transformé. Pire encore (si j’ose dire), il l’est par une femme (et le beau sexe n’avait pas voix au chapitre à l’époque, vous le savez!); et par une femme païenne et impure. C’est le sommet!

Mais. Qu’est-ce qui va permettre ce changement, chez Jésus? Vous me direz “l’Esprit de Dieu”, et vous aurez bien raison. J’ajouterai que le fils de Marie ne serait pas le Christ, le Seigneur, s’il n’avait pas été capable de laisser de côté ses idées humaines un peu étroites.

Mais, concrètement, dans le dialogue avec la païenne de Tyr, comment cela se produit-il? D’une manière toute simple, voyez-vous. Toute simple mais exemplaire. La femme ne “rentre pas dans le cadre” de Jésus. Imaginez qu’elle lui ait rétorqué “Tu te trompes, Dieu veut donner les mêmes droits aux païens, c’est ça la vérité”. Je suis sûr qu’alors, à la place de Jésus, vous auriez répliqué “Mais pour qui te prends-tu? Non, c’est moi qui ai raison”. Et c’était le dialogue de sourds.

Au lieu de cela, l’étrangère admet les priorités de Jésus: “C’est vrai, les enfants d’abord”. Quand on me dit ça, je peux écouter, car je sais qu’on a entendu mon argument. Et c’est ensuite seulement que cette femme introduit un nouvel élément, qui change tout: les miettes. “Les enfants ont la priorité, mais il y a des miettes qui tombent de la table. Et nous, les petits chiens, nous pouvons nous nourrir avec ces miettes”. Et Jésus comprend!

Faire changer l’autre sans l’agresser! Aider l’autre à dépasser ses préjugés sans lui dire “Tu as tort”, sans le mettre sur les pattes arrières, sans qu’il se ferme. Cette femme triplement impure nous donne ici une sacrée leçon de diplomatie. Oui, sacrée!!

 


Juste après la résurrection de Jésus, quand cette histoire était racontée, les juifs devenus chrétiens n’acceptaient pas les païens convertis au Christ, sauf s’ils se pliaient à toutes les lois de pureté d’Israël. Ça a été un dur combat, de l’apôtre Paul surtout, pour faire évoluer les mentalités. Notre récit a bien sûr joué dans cette lutte un rôle décisif.

Au temps où Marc écrit son évangile, ce problème est dépassé. Les chrétiens sont, en nette majorité, d’anciens païens. Mais surgissent de nouvelles barrières, de nouveaux tabous. Des murs d’indifférence ou de haine viennent séparer les chrétiens, et aujourd’hui encore.

Il est donc vital de se remettre à l’écoute de ce Jésus qui a franchi la frontière d’Israël, du pays “pur”, presque accidentellement, et qui a accepté de sortir de lui-même, de ses anciennes convictions, pour mieux aller à la rencontre de l’autre et obéir à sa vraie mission. Un peu comme Abraham 2000 ans plus tôt. 
 
 

En 2015, d’innombrables barrières se dressent encore entre nous. À l’intérieur du christianisme, ou au-dehors. Nos préjugés sur les Fribourgeois, sur les Arabes ou sur les réfugiés... Est-ce que nous aurons la chance de rencontrer une femme anonyme qui nous aide à nous transformer?

Saurons-nous abandonner nos fausses sécurités, nos barrières internes et nos guéguerres puériles, nos “C’est moi qui ai raison, et toi t’as tort”, pour réinventer la véritable paix, celle qui se construit sur la confiance et le dialogue, l’écoute et le respect? Celle qui travaille à dissiper les préjugés... Celle qui re-part de Dieu, qui nous aime tous, et qui nous invite à la fête du salut. Sans discriminations. Sans préjugés. Amen                                          

Jean-Jacques Corbaz

Introduction à la Cène:

Les petits chiens mangent le même pain que les enfants! Et ils en sont rassasiés! Aujourd’hui, ce symbole du banquet du Royaume de Dieu nous est offert. En recevant le pain, corps du Christ, nous recevons le signe de son amour, de son salut! Qui que nous soyons, chiens d’infidèles ou Pharisiens scrupuleusement purs, Dieu nous pardonne nos préjugés, et il nous appelle à vivre dans la lumière de sa présence. Que sa proximité nous aide aussi à nous accueillir les uns les autres, qui que nous soyons.  


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