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dimanche 23 décembre 2018

(Pr) "Dans la peau d’un handicapé"

Prédication du 23 décembre ‘18


Lectures: Luc 1, v. 5-25+57-79; Esaïe 12, v.1-3; Romains 8, v.28+31-39 

 


On le dit volontiers: “On est bien peu de chose”. Dans la Bible,  le prophète Esaïe l’exprime ainsi: “Les humains sont fragiles, comme l’herbe des champs. Vous le savez: l’herbe sèche; la fleur se fane...”

Aujourd’hui, les savants nous apprennent que nous sommes faits surtout de vide (ce qui est effectivement très peu de chose!); et que, si on supprimait tout ce vide en nous, nous ne serions  pas plus gros que le point que je mets à la fin de ma phrase.

C’est vertigineux, oh oui! Aussi vertigineux que d’essayer d’imaginer les distances entre les galaxies avec nos repères humains. Ou de se représenter le temps depuis la naissance du soleil, comparé à la durée de notre vie!

D’y penser nous fait prendre conscience de notre fragilité. Elle nous saute aux yeux. Mêlée de sentiments comme la peur;    la recherche de sécurités; ou la curiosité. Ou parfois quand même l’émerveillement.

Et pour nous, croyants, ces considérations nous conduisent encore à vouloir approfondir notre relation avec Dieu. Notre petitesse, nous sommes heureux de la remettre entre les mains de Celui qui dépasse toute chose et qui nous regarde avec une infinie tendresse.

C’est aussi ce qu’a vécu Zacharie, dont nous parle l’évangile de ce matin. Après avoir longtemps tâtonné, il a pu ouvrir une porte qui veut nous permettre, à nous également, d’avancer avec nos questions et nos frissons face aux mystères de l’infini.

Zacharie, pendant ces 9 mois où il ne pouvait plus parler, a découvert la vie autrement. Il a changé de point-de-vue. Lui qui était prêtre, bon juif, respectueux fidèle de la loi de Moïse, il a dû se mettre dans la peau d’un handicapé.


Il a dû subir les maladresses, les moqueries, sans doute; les barrières, sûrement; les visages trop curieux, ou au contraire fermés. Il a été marginalisé, parfois; mis de côté, souvent. On a dit:  “Dieu le punit. Qu’est-ce qu’il a fait au Ciel pour mériter ça?”
  
Il a changé de vie pendant 9 mois, un peu comme ces journalistes qui se déguisent pour découvrir comment vivent les autres. Seulement lui, ce changement, il ne l’avait pas choisi. D’avoir dû se mettre dans la peau d’un handicapé lui a ouvert les yeux. Et lui a même ouvert la bouche, pour finir!

Non, Zacharie n’était pas puni par Dieu. Il a passé par la porte étroite, celle qui nous fait quitter nos habitudes, nos sécurités, nos priorités humaines, pour rejoindre la vraie vie. La vie éternelle, dit l’évangile. Celle qui se donne.

Et Zacharie, effectivement, donne la vie à Jean, celui que nous appelons le Baptiste, le “père spirituel” de Jésus. Zacharie devient ainsi un maillon de la chaîne qui nous relie au salut; ou un étage de la fusée qui nous entraîne vers le Ciel!
 


“Loué soit le Seigneur, le Dieu du peuple d’Israël, dit Zacharie, parce qu’il a porté son attention sur son peuple, et l’a délivré. Il a fait apparaître un puissant Sauveur, pour nous”. (vv. 68-69a)

Notre peur latente, devant l’inconnu de l’histoire ou de la mort, notre fragilité, Dieu vient l’habiter, en Jésus!

Il vient, dans nos questionnements et nos inquiétudes, nous visiter pour nous libérer. Pour nous rendre forts et libres. C’est le centre de tout l’évangile, le plus important, le “sommet” de tout le message de Dieu pour nous.

En effet, le verset 69, qu’on traduit en général par “Il a fait apparaître un puissant Sauveur, pour nous” peut tout aussi bien vouloir dire: “Il a manifesté pour nous le sommet du salut”. Le mot grec utilisé par Luc signifie, exactement, la corne. Et il peut faire penser soit à la puissance de la corne du taureau; soit au sommet d’une montagne, souvent appelé aussi “corne” (en français, on dira plutôt “pic” ou “pointe”).
 


“Car Dieu avait fait serment à Abraham, notre ancêtre, de nous libérer du pouvoir de nos ennemis et de nous permettre de le servir sans peur”. (vv. 73-74)

Sachons bien, dit Zacharie, que les caves de notre enfance sont habitées! Ce qui est sombre et nous fait peur est habité, rempli de sa présence par quelqu’un qui nous dit: “Ne craignez pas”! Comme aux bergers de Noël. “N’ayez pas peur”. Dieu vient nous visiter pour nous délivrer de notre vulnérabilité; de nos superstitions; de nos culpabilités - parmi lesquelles aussi notre crainte de mal faire!
 


“Et toi, mon enfant, tu seras appelé prophète du Dieu très haut, car tu marcheras devant le Seigneur pour préparer son chemin, et pour faire savoir à son peuple qu’il le sauvera en pardonnant ses péchés.   Car notre Dieu est plein de tendresse et de bonté: il fera briller sur nous une lumière d’en haut, semblable à celle du soleil levant, pour éclairer ceux qui se trouvent dans la nuit et dans l’ombre de la mort, pour diriger nos pas sur le chemin de la paix”. (vv. 76-79)

Peut-être sommes-nous tellement habitués à ce passage que nous ne réalisons plus bien une rupture de sens qui voulait faire dresser l’oreille des premiers auditeurs. Quel rapport en effet entre la présence lumineuse de Dieu en Christ et l’invitation qu’il nous adresse à marcher sur les chemins de la paix?

En y méditant, je crois que ces derniers versets nous suggèrent qu’on ne peut pas créer la paix véritable, on ne peut pas l’obtenir sans être soi-même en paix. Impossible de la conquérir par la violence ou la contrainte, encore moins par la peur: la crainte, la force, à long terme, ne peuvent engendrer que la violence. La paix véritable, on ne peut pas l’obtenir sans être soi-même, profondément, en paix.
 

En paix avec ses proches, en paix avec soi.-même, en paix avec son Dieu - quel que soit ce dieu, d’ailleurs! Impossible d’avancer sur le chemin de la paix sans se savoir sincèrement pardonné, véritablement aimé de toute la tendresse du monde, libéré, gracié; comme le condamné dont on supprime le châtiment. Et là, vous voyez pourquoi la paix que Dieu nous donne n’est pas encore réalisée, concrètement, sur notre terre. Elle dépend de nous!

La paix authentique, on ne peut que la recevoir, et la laisser nous transformer! C’est cela, Noël: l’annonce de la présence de Dieu plantée au coeur du monde, et au coeur de l’humanité qui souffre, qui cherche, qui désespère ou qui se perd. L’annonce qui dit, malgré toutes les trahisons des hommes, qui dit la fidélité absolue de Dieu à son projet de salut; sa ferme détermination à nous conduire sur des chemins de liberté et de paix. Et ses appels obstinés à notre adresse, appels à faire preuve d’assez de souplesse pour nous y laisser entraîner!

 

Un dernier mot sur le fait que Zacharie était devenu muet. En vivant cela, il a découvert soudain un Dieu autre, tout autre, un Dieu de l’impossible et de l’inespéré - puisqu’il peut devenir père, enfin!

Le fait qu’il ressorte muet de sa rencontre divine ne voudrait-il pas nous suggérer que l’Evangile, la Bonne Nouvelle de Dieu, est indicible? Impossible à exprimer avec nos mots humains? Voire incroyable?

Par son mutisme, Zacharie nous dit (si j’ose dire!!) que Dieu dépassera toujours toutes nos images sur lui. Toutes nos paroles! Nos croyances et nos théologies!

Mais dites: et s’il nous arrivait un jour la même chose?

En tout cas, faites bien attention, quand vous entrez dans un lieu de culte (y compris dans cette église de Correvon)! Faites bien attention, car vous ne savez jamais comment vous allez en ressortir! C’est dangereux (dangereux pour la routine, en tout cas) ...lorsque nous laissons Dieu nous parler!
 
“On est bien peu de chose”, c’est vrai. Mais pour Dieu, et avec lui, nous pouvons devenir des manifestations de la puissance d’En Haut. Pareils à Zacharie, nous pouvons nous laisser entraîner  sur des chemins qui donnent un tout autre goût à la vie. À la nôtre et à celle des autres, et peut-être même à celle de nos descendants, dans 2000 ans!?!
Amen                                          


Jean-Jacques Corbaz 







----> Vous pouvez lire le texte poétique d'introduction ("C'est si petit") à l'url <https://textesdejjcorbaz.blogspot.com/search?q=c%27est+si+petit>

mercredi 19 décembre 2018

(Ci, Hu) Intellectuel?


Non: Dieu est manuel (ce qui signifie Dieu avec nous). 
Il travaille dans la construction comme charpentier, et il restaure l’homme intérieur.
Le chantier n’est pas terminé et il embauche.


Jean-François Ramelet


lundi 10 décembre 2018

(Bi, Co, Hu) La fable des ânes…






Ânerie







Un homme portant cravate se présenta un jour dans un village. Monté sur une caisse, il cria à qui voulait l’entendre qu’il achèterait cash 100 euros l’unité tous les ânes qu’on lui proposerait. Les paysans le trouvaient bien un peu étrange mais son prix était très intéressant et ceux qui topaient avec lui repartaient le portefeuille rebondi, la mine réjouie. Il revint le lendemain et offrit cette fois 150 € par tête, et là encore une grande partie des habitants lui vendirent leurs bêtes. Les jours suivants, il offrit 300 € et ceux qui ne l’avaient pas encore fait vendirent les derniers ânes existants. Constatant qu’il n’en restait plus un seul, il fit savoir qu’il reviendrait en acheter dans huit jours et qu'il les paierait 500 €. Puis il quitta le village.

Le lendemain, il confia à son associé le troupeau qu’il venait d’acheter et l’envoya dans ce même village avec ordre de revendre les bêtes 400 € l’unité. Face à la possibilité de faire un bénéfice de 100 € dès la semaine suivante, tous les villageois rachetèrent leur âne quatre fois le prix qu’ils l’avaient vendu et pour ce faire, tous empruntèrent.
 

Comme il fallait s’y attendre, les deux hommes d’affaire s’en allèrent prendre des vacances  dans un paradis fiscal et tous les villageois se retrouvèrent avec des ânes sans valeur, endettés jusqu’au cou, ruinés. Les malheureux tentèrent vainement de les revendre pour rembourser leur emprunt. Le cours de l’âne s’effondra. Les animaux furent saisis puis loués à leurs précédents propriétaires par le banquier. Celui-ci pourtant s’en alla pleurer auprès du maire en expliquant que s’il ne rentrait pas dans ses fonds, il serait ruiné lui aussi et devrait exiger le remboursement immédiat de tous les prêts accordés à la commune.
  


Pour éviter ce désastre, le maire, au lieu de donner de l’argent aux habitants du village pour qu’ils paient leurs dettes, le donna au banquier, ami intime et premier adjoint, soit dit en passant. Or celui-ci, après avoir rétabli sa trésorerie, ne fit pas pour autant un trait sur les dettes des villageois ni sur celles de la commune et tous se trouvèrent proches du surendettement.
 

Voyant sa note en passe d’être dégradée et pris à la gorge par les taux d’intérêts, la commune demanda l’aide des communes voisines, mais ces dernières lui répondirent qu’elles ne pouvaient en aucun cas l’aider car elles avaient connu les mêmes infortunes.
 

Sur les conseils avisés et désintéressés du banquier, toutes décidèrent de réduire leurs dépenses : moins d’argent pour les écoles, pour les programmes sociaux, la voirie, la police municipale… On repoussa l’âge de départ à la retraite, on supprima des postes d’employés communaux, on baissa les salaires et parallèlement on augmenta les impôts. C’était, disait-on, inévitable mais on promit de moraliser ce scandaleux commerce des ânes.

Cette bien triste histoire prend tout son sel, quand on sait que le banquier et les deux escrocs sont frères et vivent ensemble sur une île des Bermudes, achetée à la sueur de leur front. On les appelle les frères Marchés. Très généreusement, ils ont promis de subventionner la campagne électorale des maires sortants.
 


Cette histoire n’est toutefois pas finie, car on ignore ce que firent les villageois. Et vous, qu’auriez-vous fait à leur place ? Que ferez-vous?


(auteur âne Onyme!)




samedi 8 décembre 2018

(Ré, Bi) Bon pied? Mon œil!


La communauté chrétienne est comme un corps. C’est l’apôtre Paul qui développe cette image (1 Cor. 12). Chaque partie a besoin des autres, on le sait.

Aujourd’hui encore, plus que jamais, dans ce temps où le repli a le vent en poupe. La peau, blessée, a besoin du tube digestif pour se réparer. L’os cassé dépend du sang pour se régénérer. Le corps veut se renouveler sans cesse pour porter plus loin ce trésor de la Vie.

De même, la communauté chrétienne est appelée à se renouveler continuellement pour transmettre plus loin ce trésor de l’Evangile et de l’amour passionné de Dieu pour nous. Pour chacune.

Respect. Tendresse. Pardon. Tout cela nous est donné. Saurons-nous en rayonner?


Jean-Jacques Corbaz

 

dimanche 2 décembre 2018

(Pr) Saint Nicolas, et si c’était toi?

Prédication du 2 décembre 2018

Lectures: Matthieu 25, 31-40; 1 Jean 4, 7-12; 1 Jean 3, 18

  

Nicolas rime avec chocolat. Et ça tombe bien, en ce dimanche où le CSP nous propose ses plaques de choc’ traditionnelles! Mais c’est aussi un des saints les plus populaires au monde. Même chez les protestants! Il est vénéré un peu partout, depuis l'Orient jusqu'aux Etats-Unis; de l'Italie aux pays scandinaves. Il est le patron de la Russie, de Fribourg et de la Lorraine; protecteur des enfants; des marins; et des jeunes filles à marier!

En fait, on ne sait quasi rien de lui, historiquement. On sait juste que Nicolas a été évêque de Myra (en Turquie actuelle), au 4è siècle après JC. Son culte s'est développé très tôt autour de quelques récits légendaires. Par exemple celui-ci:

Trois enfants, surpris par la nuit, demandent l'hospitalité dans une maison isolée. Or il y a, dans cette maison, un méchant boucher, qui les tue, les découpe en morceaux et les dépose dans un saloir à viande.  Sept ans plus tard, Nicolas passe par là. Il a faim, et demande à son hôte: "N'auriez-vous pas une viande qui attend au saloir depuis sept ans?" Effrayé, le boucher veut s'enfuir. Mais le saint le retient. Il lui promet le pardon de Dieu. Puis il ramène à la vie les trois enfants, qui se réveillent en disant qu'ils ont bien dormi!!
 


Voilà pourquoi, bien sûr, Nicolas est l'ami des enfants. Mais savez-vous comment s'est construite la légende? Au temps de l'empereur Constantin, trois généraux avaient été condamnés à mort, et enfermés pour être exécutés. Cela alors qu'ils étaient innocents. On dit que, pendant la nuit, le saint serait apparu à l'empereur, en rêve, pour lui annoncer qu'il avait commis une erreur judiciaire. Du coup, Constantin aurait fait libérer les prisonniers.

Or, on avait l'habitude, sur les icônes orientales, de représenter les saints beaucoup plus grands que les autres personnes. Alors, les images de cette histoire ont montré un Nicolas à côté duquel les généraux sauvés de la mort avaient l'air tout petits. Quand ces icônes sont arrivées en Occident, où l’on ne connaissait pas les symboles des icônes, on a cru qu'elles représentaient trois enfants; et la tour de la prison où ils étaient a été prise pour un tonneau de boucher. Vous voyez comment se forgent les légendes!
  


Dans un autre domaine, Nicolas est dit aussi protecteur des marins; et on raconte d'innombrables histoires de tempêtes qu'il aurait calmées, et de bateaux sauvés du naufrage.

Quant aux filles à marier, vous connaissez aussi la légende: Nicolas a hérité d'une importante fortune; son voisin, au contraire, est si pauvre que ses trois filles doivent se prostituer. Le saint l'apprend, alors il met des pièces d'or dans un sac, et il les jette pendant la nuit dans la maison de cette famille (certains disent même: par la cheminée - voyez comment cette histoire a engendré celle du Père Noël!). Le matin, le voisin trouve l'or. Tout heureux, il remercie Dieu; et grâce à cette somme, il peut marier sa fille aînée.

Par la suite, Nicolas va renouveler ses cadeaux pour les deux cadettes, qui trouveront elles aussi un époux!

C'est ainsi que le saint est devenu célèbre comme bienfaiteur des pauvres et des enfants. Et c'est à partir de son personnage que sont apparus les autres porteurs de cadeaux de fin d'année: le Père Janvier; Chalande; le Bon Enfant; et bien sûr le Père Noël. Aux Etats-Unis, ce dernier s'appelle Santa Claus, qui veut dire dans les langues germaniques Saint Nicolas.

Notre grand homme est donc un magnifique exemple de générosité. Pas seulement en argent (ou en or!); mais également en temps; en attention pour les autres; en bienveillance.

Puisse-t-il, en ces temps peu folichons, stimuler les nôtres, de générosités! À l'égard d'autrui, ou en faveur des institutions qui aujourd'hui prennent le relais de la solidarité individuelle, pour venir en aide de notre part aux plus pauvres. Et là, vous connaissez la litanie: Centre Social protestant, Pain pour le Prochain, Caritas, Terre Nouvelle, et tant d'autres...
  
Mais attention: on a trop prêché, dans nos églises, une générosité un peu
naïve, bébête... j'ai presque envie de dire: faible! Il ne s'agit pas de donner au premier arnaqueur venu! St Nicolas nous montre une tout autre manière d'être généreux: avec discernement! Avec courage! Sans conditions, sans chantage, sans morale! Une générosité solidaire et solide, qui ne calcule pas ce qu'elle donne, mais qui réfléchit bien où elle donne!

Une générosité, en somme, qui s'inspire de celle, énorme (oui: hors des normes!) de Dieu, au matin de Pâques!

Trop souvent, vous savez, nous fonctionnons sur le mode du “donnant-donnant”. Un mode humain, presque naturel: tu me salues, je te salue; tu es sympa avec moi, je le suis sympa avec toi; tu m’invites, je t’invite; tu baisses mes impôts, je te paie un voyage...
  

Or l’évangile, notamment cette belle description imagée de Matthieu 25, nous invite à tout autre chose. Comme Nicolas l’a vécu de manière exemplaire, la foi au Christ nous appelle à dépasser le système du “donnant-donnant” pour inaugurer les relations nouvelles du Royaume, celles du “donnant-tout-court”!

D’ailleurs, mes amis, vous le sentez bien: si Dieu s’était cantonné à la réciprocité toute crue, eh bien, nous serions morts! En Christ, que nous allons fêter dans 23 jours, lui, il nous donne tout, gratuitement. Son amour, son pardon, sa passion pour nous, sans condition! Mieux encore, il se donne entièrement, pour nous relever à une vie pleine et belle!

Chers amis, alors que tout, dans notre temps, invite au repli (sur soi ou sur ses traditions...); alors que la mondialisation crée en nous des sentiments de fragilité... de peur... de méfiance ou de colère; alors que nous manquons cruellement de repères... de points d'ancrage solides, auxquels s'accrocher lors des tempêtes de la vie; oui, dans notre hiver, il fait bon croiser la générosité bienveillante de Saint Nicolas, et de toutes les figures qu'il prend parmi nous depuis bientôt 1700 ans!
 

Il fait bon la croiser, et vous pensez bien qu'il fait bon la vivre, aussi! La réaliser, concrètement, ici tout près, ou bien au loin. L’attitude de Saint Nicolas, si généreux dans sa bonté, n’est bien sûr pas forcément à notre portée. Mais nous pouvons tous nous en rapprocher un peu, ce qui nous fera du bien à nous-même, d’abord.

En effet, j’en suis sûr, cette “St-Nicolattitude” est le meilleur antidote aux maux de notre époque: je pense à la course à la performance qui nous laisse tous démoralisés et épuisés. Je pense au matérialisme, au culte du rendement maximum, qui tuent en nous les valeurs humaines. Je pense... mais vous pensez, vous aussi; et vous n'avez pas besoin de moi pour dresser ce triste constat!

Le contrepoison à ces maux, je crois fermement que vous allez, que nous allons le trouver dans l'exemple de Saint Nicolas.   Comme une liberté, nouvelle. Comme un allègement. Dans une générosité reçue et donnée, exercée avec discernement et courage. Sans conditions, sans morale, sans chantage! Dans une générosité solidaire et solide, qui ne calcule pas ce qu'elle donne, mais qui réfléchit bien où elle donne! Dans une générosité qui s'inspire de celle de Dieu, pour nous. Amen

Jean-Jacques Corbaz  




  

dimanche 18 novembre 2018

(Pr) Julien, la poutze et la tendresse

Narration du 18.11.18  «Compter ses jours»

Lectures:  Psaume 90, 1-6 + 12; Matthieu 5, 3-9; Apocalypse 21, 1-4

 

Elle est assise là, sur le banc public; sur la petite place pour les jeux des enfants, au bord de la grande rue du village. Elle est assise, fatiguée de toutes ces années de peine, de toutes ces journées, trop pleines, où il fallait aller, venir, et encore aller, sans trêve, même pas le temps d’un rêve!

Elle est assise, elle essaie de reprendre son souffle; et surtout de reprendre le cours de ces pensées, qu’elle avait toujours dû renvoyer à des jours... euh, meilleurs? Enfin, à plus tard.

Elle est assise, pour passer le temps de ces matins maintenant trop longs; trop vides; sans présence; sans arrivée et sans partance... Huitante-neuf ans, déjà....

Alors, elle regarde les gens; les passants. Les passants du marché; les marchands du passé... très passé, le bon temps! Très.

Elle regarde les gens, et parfois reconnaît un visage. “Bonjour!” -Oh, déjà parti. Elle regarde les gens, et souvent ne reconnaît rien. Les Jean, les Jules, et les Julien, qui sont les vieux de demain. Ça va? Voui, voui, ça va; ça vient.

Julien... c’est qu’il lui manque; terriblement. Julien... Son homme. Son bonhomme, elle disait.

Julien... Quand elle pense à tout ce qu’elle a rouspété après lui, de son vivant; à tout ce qui l’énervait si fort: les essuie-mains, tout salis à peine elle les avait changés; les cheveux dans le lavabo; les verres et les tasses, rangés n’importe comment; les traces de ses souliers, boueux, sur le plancher, qu’il avait (encore!) oublié d’essuyer (...les souliers, pas le plancher!).
 

Julien... Oh, si j’avais su que la vie était si courte, je t’aurais parlé un peu moins de poutze, et un peu plus de... mais je ne sais même pas comment ça s’appelle; je crois que je n’ai pas appris à “ça” nommer. Et toi, encore moins, je sais bien.

Tu te souviens? À notre mariage, le pasteur avait lu ce verset d’un psaume: “Seigneur, enseigne-nous à bien compter nos jours, afin que notre coeur apprenne la sagesse... Fais-nous comprendre que nos jours sont comptés”. Eh bien, je regrette; j’avais écouté; mais pas compris.

Quarante-sept ans ensemble, pourtant, ça nous a paru long, des fois. Sur le moment. Ces mois de chômage, dont on ne voyait pas le bout. Et puis, ces soirs, quand les gamines ne rentraient pas; je m’inquiétais; la pendule ne voulait pas avancer. Quarante-sept ans, tous ces jours étaient comptés.

Et puis, Julien, tu es tombé malade. Cette grosseur, là... Tout s’est accéléré. Hôpital. Convalescence. Espoir! -Et rechute. Re-hôpital; re-convalescence; re-espoir! -Re-rechute, ma foi. Et... le visage fermé du docteur, quand... il est venu... me dire: “Madame Viret, il faudra être courageuse”.

Quarante-sept ans, comptés et... bien comptés.
 

À l’école, c’était tout simple de compter. J’aimais ça! Des pommes + des poires. Des kilos de farine; + des kilos de plumes, et des kilos de plomb...

Mais compter: des jours; des mois; des années. Fois deux. Divisés par nos énervements, nos impatiences. Et moins, surtout, moins tout ce que j’ai oublié. Parce qu’on était trop pressés.

Pressés de faire... quoi, je vous le demande. Pressés vers quoi? Par qui? ... Parti!

Pressés de vivre; pressés de vieillir; et maintenant, déjà, pressés...  de mourir? Mais, mon Dieu, quelle vie!?
  
Est-ce qu’on ne pourrait pas... ralentir? Aller... autrement? Goûter nos journées... S’arrêter devant une rose... La sentir entrer en nous... Se tourner vers le soleil... S’ouvrir à sa chaleur... comme une fleur? Respirer la vie? Prendre le temps d’apprécier celles et ceux qu’on aime. Faire des provisions de tendresse...

Ces passants, pressés: mais qui va le leur dire?

- Ohé! Arrêtez-vous, les jeunes! Prenez le temps de souffler; d’admirer; de rêver. Prenez le temps d’aimer! Dans vingt ans, vous direz: “Ah, si on avait vingt ans de moins!”. Eh bien, aujourd’hui, vous les avez! Alors, profitez!

Moi? Je ne les ai plus; évidemment. Il faut que je rentre à la maison. Je suis fatiguée, mais un peu soulagée aussi. Ça m’a fait du bien de crier.

Tu sais, Julien, je te sens mieux, maintenant. Je vis un peu plus ta présence, en ce soir de tristesse. La vie n’est pas facile. Mais ça m’aide. Tu m’aides.
  

Elle est assise là, sur le banc d’angle, dans sa petite cuisine, trop grande pour elle seule. Son souper terminé, elle prend sa bible; l’ouvre; et y voit un bout de journal qu’elle avait découpé, il y a quelques années. Un bout de journal où est inscrite une phrase du pasteur Zeissig, qu’elle aimait écouter à la radio. Elle relit cette parole, la repasse dans son coeur et médite. Sur ce bout de papier, il est écrit:  “Dieu t’a donné la vie courte; pour que tu n’aies pas le temps    de la faire petite.”

“Dieu t’a donné la vie courte; pour que tu n’aies pas le temps de la faire petite.”

Elle reste longtemps en silence, puis elle se met à prier: “Seigneur, enseigne-moi à mieux compter mes jours!”

Amen

Jean-Jacques Corbaz 








dimanche 11 novembre 2018

(Pr, Hu) De Maxime Gorki à Raymond Devos

Culte du 11 nov. 2018 
«Dieu de grand-père, Dieu de grand-mère» 
- Ouverture des catéchismes
 
Lectures:  Esaïe 65, 1-2; Jean 14, 27; Jean 15, 9+15

 


Monsieur le pasteur est très fier de sa treille, qui donne de magnifiques raisins. Mais, alors qu’il va bientôt pouvoir les cueillir, un matin, il voit qu’on lui en a volé la moitié!  Furieux, il place un gros panneau à côté de sa vigne, où il écrit: “Dieu voit tout”. Mais le lendemain, toutes les grappes restantes ont disparu. Et une main anonyme a ajouté, en-dessous de “Dieu voit tout”: “Mais il ne dénonce pas!” ...

Deux images de Dieu, bien différentes: celui qui épie les fautes; et celui qui passe l’éponge. Lequel est ton Dieu, à toi?

Cette question va nous accompagner ce matin. Mais aussi tout au long de cet hiver de catéchisme. Quel est ton Dieu? Car nous n’allons pas vous imposer notre manière de voir; mais plutôt discuter, et partager nos idées sur Dieu. Comme l’a déjà fait d’ailleurs la Bible, bien avant nous, elle qui est en somme une palette de multiples réponses à cette question!

Il y a 150 ans naissait le célèbre écrivain russe Maxime Gorki, qui a beaucoup médité sur cette question. Dans son livre “Ma vie d’enfant”, il raconte l’histoire de sa relation avec Dieu. Maxime Gorki était un ami de Lénine, mais il est toujours resté adepte d’une foi chrétienne paisible et joyeuse. Ecoutez ce qu’il écrit:

“J’ai compris très vite que le Dieu de grand-papa n’était pas le même que celui de grand-maman. Impossible de s’y tromper, la différence était flagrante.

Le matin, quand grand-maman se réveillait, elle priait sans se préparer spécialement; et presque chaque jour elle trouvait de nouveaux mots pour dire sa louange. Son enthousiasme me donnait envie de l’écouter.

Le Dieu de grand-maman était toute la journée avec elle: même aux animaux, elle parlait de lui. Je sentais que les gens, les chiens, les oiseaux, les abeilles, les plantes, tout obéissait sans effort à ce seigneur qui était bon de la même manière pour chacune de ses créatures.

Grand-papa, lui, m’enseignait que Dieu est un être tout-puissant, partout présent, toujours prêt à venir en aide aux hommes, oui; mais grand-papa ne priait pas comme sa femme.

Le matin, avant de réciter ses oraisons, il se lavait soigneusement; s’habillait comme s’il allait passer un examen; se peignait méticuleusement...

Il priait debout, la tête en arrière, les sourcils dressés, la barbe à l’horizontale. Il récitait ses prières comme s’il répondait à un professeur. Par coeur. Sa voix était nette et impérieuse.

Un jour, grand-maman, en plaisantant, lui dit:

- Ta prière doit ennuyer Dieu, tu lui répètes toujours la même chose...

Le visage de grand-papa est devenu rouge de colère. Il s’est mis à trembler, puis il a lancé une assiette à la tête de sa femme:

- Va-t’en, vieille sorcière!

Quand il me parlait de la force invincible de Dieu, il en soulignait la cruauté avant toute autre chose. J’avais de la peine à croire que Dieu soit cruel...
 


À l’église, je pouvais distinguer à quel Dieu j’avais affaire: tout ce que le prêtre et le diacre récitaient s’adressait au Dieu de grand-papa, tandis que la musique et les chants célébraient celui de grand-maman.

Le seigneur de grand-papa m’inspirait de la peur et même de la haine. Il n’aimait personne. J’avais le sentiment très net qu’il ne croyait pas en l’homme.

À cette époque, la pensée de Dieu composait la principale nourriture de mon âme. C’était ce que j’avais de plus beau dans ma vie. Dieu était ce qu’il y avait de plus lumineux, de meilleur, l’ami de la création.”


Voilà. J’aime bien ces lignes de Maxime Gorki. Et je partage ses sentiments. Beaucoup de mes contemporains imaginent un Dieu qui n’a pas grand-chose de commun avec celui que j’aime, et que j’ai envie de vous faire découvrir, vous catéchumènes de 7 mois à 177 ans!

Un été, pendant mes vacances, je suis entré dans une vieille église. Dehors, grand soleil. Mais à l’intérieur, c’était très sombre. Je distinguais à peine les bancs. Pourtant, peu à peu, mon oeil s’est habitué à l’obscurité. Je distingue de mieux en mieux les formes; les sculptures, les piliers, les voûtes... De très belles choses m’apparaissent, alors que deux minutes avant j’étais incapable de les voir.

Une seule chose pourtant a changé depuis que je suis entré. Et ce n’est pas l’église, c’est seulement mon regard.
  


De même, souvent la vie m’apparaît comme toute sombre et je n’y distingue rien de beau. Et si c’était mon regard qui ne me permet pas de discerner la beauté et le bonheur?

Je me dis parfois que le monde est plein de gens heureux qui ne voient pas qu’ils sont heureux. Or Dieu non plus, nous ne savons pas le voir. Nous pensons que c’est tout noir, là aussi!

La vérité ne crève pas les yeux. C’est plutôt nos yeux qui ont besoin de peu à peu crever les choses qui nous cachent la beauté, et la vérité.

Voilà le catéchisme qu’il nous reste à vivre. Toutes et tous, non? Amen                                          


Jean-Jacques Corbaz



Après la prédication:
Merci à Maxime Gorki, mais aussi au pasteur Philippe Zeissig, à qui j’ai emprunté des fragments de ma prédication. Et encore, merci à l’immense humoriste Raymond Devos, à qui j’emprunte un sketch que j’aime beaucoup. Je le lui emprunte, mais promis: je le rendrai!


J’ai lu quelque part : « Dieu existe, je l’ai rencontré ! »

Ça alors ! Ça m’étonne !

Que Dieu existe, la question ne se pose pas !

Mais que quelqu’un l’ai rencontré 
avant moi, voilà qui me surprend !

Parce que j’ai eu le privilège
 de rencontrer Dieu juste à un moment
 où je doutais de Lui !
Dans un petit village de Lozère 
abandonné des hommes, il n’y avait plus personne.

En passant devant la vieille église,
 poussé par je ne sais quel instinct, 
je suis entré...
Et là, j’ai été ébloui, par une lumière 
intense... insoutenable !


C’était Dieu... 
Dieu en personne, 
Dieu qui priait !

Je me suis dit : Mais qui prie-t-il ?
 

Il ne se prie pas lui-même ?
 Pas lui ? Pas Dieu !?

Et non ! Il priait l’homme !
Il me priait, moi !

Il doutait de moi

Comme j’avais douté de lui !

Il disait : -O homme !


si tu existes, donne-moi un signe de toi !

J’ai fait : Mon Dieu je suis là !
Il a dit : Oh, miracle !


Une apparition humaine !

Je lui ai dit : Mais, mon Dieu...

Mais comment peux-tu douter 
de l’existence de l’homme,

puisque c’est toi qui l’a créé ?
Il m’a fait : Oui... Mais il y a si longtemps
 que je n’en ai pas vu dans cette église...


je me demandais si ce n’était pas une vue de l’esprit !
Je lui ai dit : Te voilà rassuré, mon Dieu !


Il m’a fait : Oui !

Oui, je vais pouvoir aller leur dire là-haut :

« L’homme existe, je l’ai rencontré ! »

Raymond Devos  
 




dimanche 28 octobre 2018

(Pr) Vous y arrivez, vous?

Cultes du 28.10.18

Luc 10, 25 – 37:   Qui est mon prochain?


Qu’est-ce que je dois faire pour être sauvé? Vaste question! Vous le savez, vous?

C’est comme une fois y avait Ouin-Ouin, euh pardon, un bon juif d’il y a 2000 ans, qui demandait à Jésus: «Maître, que dois-je faire pour être sauvé?».
 

 
Or, quand on lit les évangiles, on voit que Jésus ne donne pas toujours la même réponse à ces vastes questions de l’existence. Aux uns il dit: «repens-toi». Aux autres: «sois pardonné»… À certains: «vends tout, et donne l’argent aux pauvres»…  Ou encore: «crois seulement, fais confiance». Souvent, il appelle: «change de vie»!

Jésus n’a pas de réponse passe-partout. Ici, il accueille cet homme dans les catégories qu’il peut comprendre. Comme ce bon juif est un spécialiste de l’Ancien Testament, de ce qu’en Israël on appelle la Loi, Jésus lui dit: «Qu’est–il écrit dans la loi?» Il le rejoint sur son terrain.

L’homme a bien appris son catéchisme. Vous connaissez sa réponse: «Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force, et de toute ta pensée; et tu aimeras ton prochain comme toi–même».

«Bonne réponse», lui dit Jésus… mais aussitôt il jette un gros pavé dans la mare: «Alors fais cela, et tu vivras. Sois parfait et, pas de problème, tu seras sauvé».

Aïe! Que voilà une exigence inaccessible - pour chacun(e)! Comment est-ce possible, d’aimer Dieu, de tout son cœur, de toute son âme, de toute sa force, et de toute sa pensée; et son prochain comme soi-même? Vous y arrivez, vous? En tout cas, pour moi… Hem!!
  


Cela, Jésus le sait, évidemment. Il est important de dissiper ici un malentendu: ce n’est pas ce qu’il attend de nous, la perfection. Mais il a devant lui un homme qui pense pouvoir en faire assez pour être sauvé. Par lui-même. Alors il le pousse au bout de sa logique, par dérision. Il le prend au mot pour lui montrer que ses valeurs sont impossibles à mettre en pratique: «si c’est ce que tu fais qui te donne la vie éternelle, si c’est ton obéissance aux commandements, alors il faut que tes actes soient parfaits».

À ce moment, le gaillard, qui pourrait être vous et moi, se sent piégé; et il joue sa dernière carte pour essayer de se justifier; ou pour détourner la conversation! Il demande: mon prochain… mais c’est qui, mon prochain?

Et cette question dilatoire va permettre à Jésus d’élever le débat d’un cran, plus haut; de le recentrer sur l’essentiel. Vous le savez, il répond par une parabole, une petite histoire, qu’on peut résumer ainsi:

Un voyageur innocent se fait attaquer par des brigands. Il est laissé pour mort par ses agresseurs. Et tandis qu’il est couché là, au bord du chemin, agonisant, passe un prêtre. Ce dernier, un religieux professionnel pourtant, continue sa route comme si de rien n’était. Arrive ensuite un lévite, qui lui aussi fait semblant de n’avoir rien vu.

Enfin, survient un étranger, membre d’un peuple voisin avec qui les juifs entretiennent des relations de haine cordiale. Et c’est cet homme impie qui pourtant s’arrête, et prend soin du blessé bien au-delà de tout ce qu’on aurait pu imaginer.
  

Dans cette histoire, conclut Jésus, lequel de ces trois te semble avoir été le prochain du voyageur agressé?

Et la réponse vient tout naturellement: le prochain, c’est celui qui a été bon pour cet homme.

Et voilà. L’interlocuteur de Jésus a eu la clé de l’énigme, et il l’a trouvée lui-même: le prochain, ce n’est pas d’abord celui que tu as le devoir d’aimer. Si tu pars comme ça, mon vieux, c’est foutu! Le prochain, c’est avant tout quelqu’un qui vient t’aimer. Ce n’est pas celui que tu dois aider, mais c’est celui qui vient t’aider! Jésus raconte la parabole de telle manière que l’auditeur s’identifie spontanément à ce voyageur blessé, et non pas à un quelconque saint-bernard. Le prochain, dit le Christ, c’est le Samaritain, et toi, et moi, nous sommes les blessés au bord du chemin.

Tu veux aimer l’autre, c’est bien, mais fais d’abord comme cet homme attaqué, et molesté: reçois l’amour de ton prochain, d’abord, et alors tu pourras aimer l’autre, comme toi-même! Comme toi-même tu es aimé… Comme toi-même tu es secouru… Comme toi-même tu es accueilli… Comme toi-même tu es compris…
  

Et ce n’est pas tout, laisse entendre Jésus: car ton premier prochain, c’est d’abord moi, le Christ, qui te parle! Laisse-toi aimer par l’accueil et la tendresse gratuits que je t’offre, et alors tu pourras aimer par tes propres gestes!

En somme, l’évangile nous appelle à une espèce de révolution copernicienne (à un renversement des mentalités). Des générations et des générations d’hommes d’Eglise (mais aussi de parents, de maîtres, de pontifes…) nous disaient: «Dieu t’aime à condition que tu deviennes meilleur… plus saint… plus repentant… que tu extirpes mieux le péché de ta vie».

Dommage! Parce que l’évangile nous affirmait le contraire depuis 2000 ans: «Dieu t’aime comme tu es. Il connaît tes difficultés à devenir ce dont tu rêves. Il t’accueille et te sauve avec tes qualités et avec tes défauts; son seul espoir c’est que tu progresses dans le bonheur. Et puis, tu le sens bien: c’est justement cette liberté et cette affection sans condition qui pourront t’aider à devenir meilleur!
  

Ne l’oublions jamais, Jésus veut nous aider à sortir de l’âge du «faire» pour entrer dans l’âge de l’amour! Lui, le Christ, il veut devenir pour nous ce premier prochain par lequel Dieu nous montre sa passion infinie.

C’est vrai pour chacun(e) de nous. C’est l’impulsion de la tendresse du Christ dans notre vie qui fera de nous des êtres aimants et accueillants.

Alors ne demandons plus: comment mieux aimer pour être sauvé? Mais travaillons en nous-mêmes autour de la question: comment ce salut, donné, reçu gratuitement, me permettra-t-il de mieux aimer? Amen                                          


Jean-Jacques Corbaz    



dimanche 14 octobre 2018

dimanche 23 septembre 2018

(Pr) "Pas isolément, SVP!”

Choisis la vie!

Lectures: Deutéronome 30, 15-19; Matthieu 5, 14-17; 1 Corinthiens 2, 1-2


Il y a quelques années, une réclame dans un journal disait ceci: “Faites fortune en un temps record! Le secret de la richesse vous sera révélé! Contre le versement de 500.- sur le compte X, vous recevrez par retour du courrier la recette garantie pour gagner très facilement des quantités d’argent!”

Ceux qui versaient la somme demandée recevaient la fameuse recette; elle tenait en trois mots: “Faites comme moi!!”
  


Des méthodes qui promettent la réussite, eh bien, les journaux en sont pleins. Et la TV, et internet, ô combien, et les pubs, les magasins... Partout, on nous promet que nous serons heureux! Et dans ce foisonnement, évidemment, il y a mille fois plus d’attrape-nigauds que de vraies solutions. Il y a même des gaillards qui disent que la foi chrétienne, c’est justement une de ces techniques pour le succès...

Est-ce que le fait de croire en Dieu, c’est une méthode pour être heureux? Le Deutéronome répond résolument “non”. Pendant 30 chapitres, il explique jusque dans les petits détails comment Dieu veut que nous vivions. Il y a les 10 commandements, et des centaines et des centaines d’autres. Les rabbins en ont compté 613.

Le passage que nous avons entendu en est la conclusion: ces lois, dit Moïse, elles ne sont pas inaccessibles. Ce ne sont pas des recettes ésotériques. Elles ne réclament pas des super-performances de foi, ni des convictions exceptionnelles... Ces lois ne sont pas l’apanage de quelques élues au-dessus de la moyenne. Non, elles nous concernent toutes, au ras des pâquerettes. Chacun peut s’engager dans la direction qu’elles indiquent. Elles nous appellent, toutes, à une obéissance on ne peut plus ordinaire.
 


Mais attention, ici, de ne pas partir dans une fausse direction. Nous avons la mauvaise habitude (et les protestants plus encore que les catholiques), nous avons la mauvaise habitude de lire la Bible comme si Dieu nous parlait à nous, personnellement, aujourd’hui. Or, ce grand discours de Moïse, à la fin du Deutéronome, il s’adresse à l’ensemble du peuple d’Israël. Dans les anciennes traductions, on lit: “devant toi... choisis la vie”. Merci aux traducteurs de “français courant” ou de “Parole de Vie” de mettre “vous”!

Car quand Moïse dit “tu”, il ne parle pas à une personne isolée, mais à une communauté rassemblée: au peuple d’Israël.

Ce passage du Deutéronome ne s’adresse donc pas à Yves, à Marianne ou Jean-Samuel. Il interpelle l’Eglise entière, la communauté des croyants. C’est elle qui peut choisir la vie plutôt que la mort; le bonheur plutôt que la malédiction. C’est ensemble que nous allons marcher sur les chemins de Dieu ou au contraire sur ceux qui s’en écartent. L’enjeu n’est pas tant la vie ou la mort d’une personne, mais celle de tout un peuple!

Cette précision permet de ne pas nous tromper sur ce mot de “vie”. Il ne s’agit pas de préserver l’existence d’un individu à tout prix. Ici, la vie, c’est la solidarité; le corps dans son ensemble. Quand une personne arrive au terme d’une maladie incurable,  la vie dont parle la Bible, ce n’est pas forcément l’acharnement thérapeutique, la lutte pour nous prolonger à tout prix. Le décès peut être un choix plus vivant que la poursuite d’une existence de souffrances sans espoir.


“Choisis la vie”, ça veut donc dire: les 30 chapitres précédents, qui expliquent en long et en travers la volonté de Dieu pour vous, c’est cela le chemin du bonheur. En avançant sur cette voie, jour après jour, solidaires, vous le verrez: vous serez authentiquement vivants; animés du souffle même de Dieu, de sa Vie majuscule, qui transfigure les nôtres!

La foi n’est pas une méthode, mais c’est un choix fondamental, qui s’opère en communauté (pour nous, en paroisse, en Eglise), un choix qui se vérifie dans la pratique toute quotidienne de l’amour les unes des autres.

Pas pour faire plaisir à Dieu! Pas pour prouver que nous sommes de bonnes croyantes (prouver à qui, d’ailleurs?). Mais: pour que nous soyons heureux! Parce que ce chemin de la foi, c’est ce qui nous permettra de vivre le mieux ensemble: ne pas tuer, ne pas voler ou frauder, respecter ses parents, c’est cela qui permet à un peuple de garder de bonnes relations internes.

Attention donc: la “mort” ou la malédiction dont on parle ici, ce ne sont pas des punitions que Dieu nous infligerait pour nos désobéissances. Quel mal ont fait de telles interprétations! Non, la “mort” ou la malédiction sont ici les conséquences logiques des violences humaines, de nos égoïsmes.

Vous le voyez, le Deutéronome pense que la loi est bonne et utile! “C’est pour ton bien!” On est très loin des commandements légalistes des pharisiens contemporains de Jésus. C’est plutôt, en termes modernes, d’une éthique dont nous parle notre passage de ce matin. D’un style de vie. De valeurs.
   

Aujourd’hui encore, le Deutéronome nous l’affirme: si vous voulez parvenir au bonheur, il n’y a pas de truc miracle ou de recette infaillible. Vous n’y arriverez ni en payant; ni en souffrant; ni en restant les bras croisés!

Le seul chemin, il est à parcourir, pas tout seul, mais ensemble. Reliés. Solidaires. Aimer son prochain, respecter ce qu’il possède; chercher à l’écouter, à le comprendre avant de le critiquer ou de le démolir... Ensemble, vous verrez que ce chemin permet d’être merveilleusement vivants, même dans la souffrance ou dans la mort.
   

Un dernier mot: cet humble chemin, c’est exactement celui qu’a parcouru Jésus. Lui, il a été jusqu’au bout de l’amour des autres. Ça l’a mené sur la croix: il a choisi la Vie, dans la mort, pour qu’avec lui nous soyons réellement vivants! Amen

Jean-Jacques Corbaz 



dimanche 16 septembre 2018

(Pr, Ré, Hu) À l'heure de Dieu: Jeûne de faire?

Prédication du Jeûne Fédéral, 16 septembre ‘18: "Et si on respirait?"

Lectures: Matthieu 6, 5-6, 24-27; Matthieu 18, 12-14; Luc 12, 33-34


L’autre jour, je rencontre un ami dont le patron soigne une tumeur cancéreuse plutôt inquiétante. “Comment il va?” je demande.

“Eh bien, nettement mieux, répond mon ami. Le traitement est efficace, ça lui fait du bien. Il a retrouvé ses forces, quel plaisir! On peut presque dire qu’il est redevenu comme avant.”

Et puis mon ami se reprend et ajoute: “En fait non, il n’est plus comme avant. Maintenant, il prend le temps de vivre. Il joue avec ses petits-enfants, il leur fait découvrir les beautés de la nature. Il pense moins au travail, on dirait que sa maladie lui a fait retrouver un nouveau goût de vivre, et des autres valeurs. Il passe plus de temps avec ceux qu’il aime, et moins dans son entreprise.”
 


Ces mots m’ont fait beaucoup réfléchir. Je me demande si nous ne sommes pas tous un peu comme ce patron. Notre système de société, notre style de vie nous poussent à travailler, à produire,  à faire plutôt qu’à être. À avoir plutôt qu’à aimer. Et il est bien dommage que ce soient souvent des maladies ou des accidents qui nous obligent à revoir nos priorités.

Sur une montre qu’on m’a offerte il y a quelques années, on avait gravé ce texte: “Prends le temps de vivre amicalement avec toi-même”. C’est le début de la règle de la communauté protestante de Reuilly, en France. Et c’est surtout une belle injonction pour nous, gens stressés du 21è siècle, à l’occasion de ce Jeûne Fédéral.

“Prends le temps de vivre amicalement avec toi-même”. C’est également une conséquence logique des promesses de l’évangile, en particulier telles que les ont développées et mises en valeur les Réformateurs comme Luther et Calvin: Dieu nous aime gratuitement, comme nous sommes, sans nous demander de faire ceci ou cela pour mériter sa tendresse. Il nous sauve par grâce, par libre choix. Ce ne sont pas nos actes, nos oeuvres, qui nous permettent d’entrer au Paradis, non: c’est le pardon divin, attesté sur la croix. Depuis que Jésus est mort pour nous, notre Jugement Dernier a déjà eu lieu. Nous sommes sauvés depuis 2000 ans!
  


Vous voyez sans doute la logique: si Christ nous accorde le Bon Dieu sans condition (je veux dire: le Paradis gratis pro Deo!), alors nos vies peuvent être mieux libérées du souci de faire, de produire; de rentabiliser et d’amasser.

Elles peuvent, mais ce n’est pas automatique, hélas! Et nous le savons bien: ce n’est surtout pas facile du tout. Parce que ce siècle, qui s’est tant éloigné des valeurs chrétiennes, nous contamine dangereusement. Matérialisme; rendement; paraître; avoir... Qu’il est difficile de résister à ces virus qui se propagent partout, insidieusement!

Il faut énormément de caractère, de volonté, pour ne pas nous laisser entraîner à courir avec la foule derrière le “faire”- (le “faire” qui repasse sans cesse! - veuillez m’excuser, je n’ai pas pu résister à ce jeu de mot)!

Pour garder nos priorités, pour mieux tenir bon, il est utile de relire souvent l’Evangile. De s’arrêter. De respirer. De prier! De jeûner aussi, pas forcément au sens de se priver de nourriture, mais plutôt de faire une pause dans notre manière de vivre... et dans notre manière de courir! Important aussi de méditer souvent le verset “Ne vous inquiétez pas du lendemain...”.

Quand Jésus dit “Pour prier, ferme ta porte”, je le comprends ainsi: comme un appel à s’éloigner du monde, de ses pressions et de ses fausses priorités. Quand tu veux te rapprocher de Dieu, écarte-toi du tumulte, des désirs d’avoir, et rends-toi disponible  à Celui qui n’est que gratuité, douceur et paix.


C’est ainsi que ce Jeûne Fédéral nous invite à cultiver assidûment notre relation avec l’Evangile. L’Evangile qui est une force de résistance à cette mode insidieuse qui voudrait nous faire croire que le bonheur s’achète; que plus on possède et plus on est épanoui; que plus on fait, et meilleur on est.

Compétition sociale... Repli sur une identité, par peur des autres... Violence... Tous ces maux de notre époque, si nous voulons les éviter, nécessitent un antidote, tissé de relation sereine avec le Ciel; de contemplation; de prise de distance d’avec ce qui nous agresse. Puissions-nous y travailler en nous-même. Du coup notre Terre deviendra plus vivable!

Puissions-nous aussi créer ou favoriser davantage de lieux et d’occasions où nos contemporains puissent vivre ce travail intérieur de rapprochement avec le Christ, notre Prince de Paix.

 

Et si nous n’avons pas le temps d’ouvrir notre Bible ou de nous joindre à un groupe de méditation, si nous sommes trop pressés, je nous encourage à au moins graver quelque part bien en vue (sur notre montre, sur notre agenda, nos calendriers... sur notre coeur) je nous encourage à graver en lettres d’or ces mots tout simples:
“Prends le temps de vivre amicalement avec toi-même”.
Amen 
                                         

Jean-Jacques Corbaz 


 
 

 
 
(après l’interlude, ce texte que j’aime, et qui aborde notre thème sous un angle à peine différent:)


Un plombier britannique compte traverser l'Atlantique à la rame...


La nouvelle a pu vous échapper, cachée qu'elle était dans un cahier secondaire du journal. C'est pourtant une nouvelle importante. Une nouvelle qui nous dit que l'homme s'ennuie. Rien de moins.

Le dimanche matin, il boit son café et lave sa voiture, mais que voulez-vous qu'il fasse d'autre le dimanche après-midi sinon traverser l'Atlantique à la rame ?

Dieu a créé l'homme pour le défi, pour le record, pour le parcours du combattant, pour le dépassement. Disons-le, Dieu a créé l'homme pour l'impossible.

Or, qu'est-il arrivé ? On l'a vu, l'homme, après avoir bien répondu à la volonté de Dieu au tout début, après s'être épuisé à frotter des pierres pour faire du feu, après avoir mené vaillamment quelques guerres de cent ans et gagné quelques trophées dans la boue, l'homme a inventé la serviette de plage, la crème à bronzer... et il a inventé aussi les athlètes professionnels pour gagner des trophées dans la boue à sa place.

Mais, le voilà maintenant qui s'ennuie, parce que ce n'est pas pour ça que Dieu l'a créé. Je vous l'ai dit, nous sommes faits pour le défi.

Attendez-vous donc à rencontrer de plus en plus de plombiers sur l'Atlantique... Et si par malchance vos lavabos sont bouchés, patience : sachez qu'un plombier moyennement en forme met environ quatre mois pour traverser l'Atlantique à la rame.

Pierre Foglia, La Presse (Montréal), 2.7.1988  


 



vendredi 14 septembre 2018

(Hu) rapace qui fleurit

Quel est le rapace qui fleurit quand il n'est pas coupé en deux?


L'aigle!





 Quand il fleurit, c'est un aigle entier...

J-J Corbaz

(Ci) Pas pratiquant...

De Jean-François Ramelet
Combien de fois ai-je entendu : "Je ne suis pas pratiquant !" Mais il y a méprise totale, car on ne pratique pas à l'église. A l'église, on s'y ressource, on s'y oriente, on s'y décentre, on se met à l'écoute d'une autre Parole que la nôtre, on y affûte notre esprit critique, c'est essentiel ! Mais quand comprendra-t-on enfin que c'est dans le monde et dans notre relation aux autres et à la création que l'on est appelé à pratiquer !