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vendredi 18 novembre 2022

(Bi) La «méthode Coué»

Tu crois?  

La «méthode Coué» fait souvent rigoler ou sourire. Superstition, croyances primitives, pensons-nous en êtres modernes, rationnels.


Et pourtant, ça marche! Pas à tous les coups, bien sûr. Ce n’est pas automatique. Mais son efficacité est parfois étonnante. Car l’auto-persuasion agit, mais jamais toute seule. Elle n’est active qu’en combinaison avec un autre élément: la conviction. La conviction entière, profonde, qui mobilise complètement. Alors, les résultats sont spectaculaires. On a vu des cancéreux guérir parce qu’ils étaient persuadés qu’ils n’étaient pas malades.


Vous voyez le parallèle avec la foi chrétienne? Car là aussi, sans conviction forte, profonde, agissante, sans confiance totale, Dieu ne peut rien.


Comment vivre en paix avec nos voisins, proches ou Proche-Orientaux, si nous ne sommes pas tout entiers gagnés par la conviction fabuleuse que Dieu travaille à la réconciliation, et qu’il a besoin de nous pour cela?


Denis de Rougemont le disait si bien: «L’avenir est notre affaire».

 

                                                                                                Jean-Jacques Corbaz, pasteur

 

 

(Co, Hu) Alice, ma veuve


(en "réponse" à un feuilleton d'Anne Rivier - merci -, où Alice écrivait à feu son pasteur de mari; j'ai rebondi sur ce qu'elle disait pour donner la parole et le son de cloche à Jean-Paul Wermeille. Occasion de dire deux ou trois choses sur la mort et sur l'amour!)

N.B. On peut lire les deux premiers épisodes d'Anne Rivier, qui ont inspiré mon texte, sur le site des Editions Domaine Public, à la page http://www.domainepublic.ch/articles/7943

Mon propre texte s'y trouve à la page http://www.domainepublic.ch/articles/686


Alice, ma veuve, ma chérie,


Je souris en pensant à ton étonnement à me lire. Multiple. D’abord, parce que je ne t’ai pas écrit souvent. Alors, maintenant que je suis “ton feu”, ce doit être particulièrement inattendu. Pourtant, tes lettres me touchent, et y répondre s’impose à moi de manière presque brûlante.



Et puis, bien sûr que j’hésite à t’appeler “ma chérie”. Tu le sais, les mots ne sont jamais sortis facilement, ni de ma bouche ni de ma plume. Pas démonstratif, pudique, voire taciturne, le Jean-Paul Wermeille. Combien de fois t’ai-je dit “ma chérie” au cours de ces vingt dernières années? Trop peu à mon désir. C’est bête, il me semble que souvent, je n’osais pas.



Oui, oui, évidemment, il y a -non, il y avait- Julie Cachelin. Ou plutôt son fantôme, puisque je n’ai jamais réussi à aborder le sujet avec toi. Quel âne j’ai été... Il a fallu que ce soit toi, qui pourtant ne respires pas (pas encore) l’Esprit d’En-Haut, qui y viennes. Une fois de plus, je ne brille pas par mon audace. Mais ça, tu le sais très bien. Très.



Alors, d’abord, merci d’avoir eu le courage de mettre Julie à plat sur la table -si j’ose dire en pensant à son nez proéminent! Imagines-tu l’émotion que tu me fais, quand je lis “j’avais peur que tu nous plaques”? Mais, ma brave Alice, je croyais bien être le seul à redouter une rupture. Et ça, ça ne m’aidait pas à cracher le morceau. Sans toi, je devenais quoi? Et sans Jeanne, mon trésor...



Tu te souviens, quand tu écoutais dix fois par jour la chanson de Jean Ferrat? “Avec le commodore et avec l’ami Pierre, ce qu’on va s’en payer mes petits rigolos, en dansant la bourrée des trois célibataires: nos femmes s’sont fait la malle avec leur libido”... Comme j’angoissais en imaginant que c’était ton envie que tu exprimais en repassant sans cesse ce disque. Alors, j’ironisais, pour exorciser ma peur: “Avec le pommodore et avec l’abbé Pierre...” -et tu bisquais, bien sûr, à tous les coups.



Je vais essayer de ne plus jouer au jeu des reproches, les yeux dans les poches. Nous n’y avons que trop été assidus, tous les deux, après nos années de soleil. Sache donc que Julie Cachelin a débarqué dans mes désirs un automne de lassitude: j’étais fatigué d’écouter les mêmes récits de paroissiennes grippées de solitude, les mêmes peurs d’avoir un cancan, un cancer; les mêmes tout petits riens qui empoisonnent l’existence, goutte à goutte, faute de savoir prendre de la distance. Et voilà que, quand je rentrais à la maison, j’entendais un lamento semblable. Je ne dis pas que c’était de ta faute, je précise, mais ce dont j’avais besoin, c’était une autre musique.



Oui, bon, tu as compris: la fugue, ça se joue à l’orgue. Et Julie a su y mettre les jeux qu’il fallait. “Le pasteur Merveille”, elle m’appelait. Une fois de plus ma faiblesse de caractère m’a trahi, tu viens aussi de le penser toi-même.



Et puis, un corps jeune, différent, mystérieux; à conquérir. Malgré mon côté routinier, je rêvais de changement, comme pour retrouver mes seize ans; ardent. J’ai aimé désirer. Tu vois, même petit bourgeois, ton feu n’est pas de bois.



J’ai donc un tantisoit fui la réalité, et tu m’en vois terriblement désolé. Pourtant, sache-le, peu à peu ma relation avec Julie m’est devenue moins gratifiante. Je me sentais moins libre. J’avais davantage besoin de m’évader, de sortir.



C’est alors que j’ai vraiment apprécié le jardin. Seul avec mes légumes, je n’entendais plus que la voix fragile du Créateur à travers le vent, le soleil, la vie qui pousse et fleurit... Les abeilles, les papillons étaient mes meilleurs paroissiens. J’ai passé de plus en plus de temps dans ce coin (tu te souviens? Paradis, ça veut dire jardin).



Bien sûr, il m’arrivait de culpabiliser. Il y avait tant à faire dans nos cinq villages: les malades, les dépressifs, les solitaires; les enfants, les catéchumènes; les couples à marier, les baptêmes; les oui, les morts à enterrer, les veuves à entourer... Mais quand je me sentais las, peu disponible, eh bien je ne trouvais que la force d’aller désherber mes carreaux. Faible, je te l’accorde. Mais je n’avais pas mieux en stock.



Savais-tu que, souvent, on peut choisir le lieu de son Départ? Pour moi, en tout cas, je n’aurais pas voulu quitter la vie ailleurs. C’est dans ce jardin que je me suis senti le plus heureux.



Et c’est pour cela aussi que j’ai aimé les paroles de Laporte. Pas à l’église, donc, -et ça me fait presque plaisir que tu le trouves pire prédicateur que moi-. Mais ce qu’il a dit sur le silence, touchant, et le dépouillement. Je crois qu’il avait compris plus de choses que je ne lui en avais dites.



Le culte, par ailleurs, je n’en attendais rien. Absolument rien. Les services funèbres ne sont pas faits pour les morts, mais pour les vivants. Ceux qui restent doivent apprendre à vivre sans l’absent, quels que soient leurs sentiments pour lui (et tu l’éprouves bien, j’aime ton expression de deuil à plein temps). Le culte, c’est justement un temps fort de ce travail. Parler ou non du défunt? Prier? Chanter, juste ou faux? Rire? Pleurer? Sermonner? Se taire? La seule vraie question est: de quoi avez-vous besoin pour passer ce cap?



Alors, un autre ou Laporte, que m’importe. Tu l’appelles deux fois mon ami; j’hésiterai à le qualifier ainsi. Mais ai-je jamais eu de réels amis? Collègue à mon sens lui convient mieux. J’allais écrire “colllègue”, avec un triple “L” colllé au palais, royal et giscardien... Son parler ampoulé me fait encore sourire, ici-haut.



Mais. Permets-moi de marquer ici un désaccord. Notre fille ne manque pas d’humour. Seulement, elle avait besoin d’autre chose, pendant ce prêche besogneux. Besoin de repenser sa vie, de la réorganiser. D’inventer une autre relation avec moi. Déjà que ce n’était pas simple, face à face. Déjà que ma tendresse était presque toujours maladroite: ou trop proche, donc intrusive, ou trop lointaine, donc paraissant indisponible ou indifférente. Jeanne n’avait pas les mêmes demandes que toi, en ce calme premier octobre. Toi, tu as plus vécu, tu sais mieux prendre du recul.



Jeanne. Tu lui feras lire cette lettre, je t’en prie. Moi qui ai tant parlé d’amour en chaire, mais qui ai si mal su vraiment aimer, en chair, j’aurais voulu lui montrer mon affection tellement mieux, plus fort, plus lumineux. Crois-tu que ces lignes...



Je vous embrasse toutes les deux. Un jour, je pourrai de nouveau vous serrer dans mes bras. Ici, c’est... c’est impossible à décrire, mais mille fois, des milliards de fois mieux que tout ce que j’imaginais. Vous verrez. Je vous attend.








PS

Je me suis souvent demandé pourquoi tes parents t’avaient donné cette ribambelle de prénoms, comme s’ils te destinaient à une vie d’altesse royale: Alice, Ophélie, Patricia, Irène, Denise. En adressant ma missive à Alice O.P.I.D. Wermeille, comme derrière le miroir, j’y ai vu le signe que l’humour ne leur avait pas posé de lapin!


Jean-Jacques Corbaz, octobre 2004

lundi 7 novembre 2022

(Co, Pr) David et la violence

Narration des 30.10 et 7.11.2022 

Comment David et Saül se sont raccommodé (1 Samuel 24)

Esaïe 9, 1-6; 2 Corinthiens 5, 17-20; Matthieu 5, 43-45 


L’histoire pourrait commencer comme un film d’action: les deux hommes se regardent, mâchoires serrées, l’oeil noir... Tous deux transpirent. À cause de la chaleur, mais aussi parce qu’ils sont tendus à l’extrême, chacun guettant la réaction de l’autre. Prêts à dégainer, à se voler dans les plumes comme deux coqs agressifs!


Derrière eux, leurs troupes attendent, en retenant leur souffle. L’air est moite. David n’entend que la respiration de son ennemi, bruyante, un peu rauque. Est-ce qu’il a peur? se demande David. Avec une telle armée sous ses ordres?!? Est-ce qu’il essaie d’évaluer les forces en présence? On dirait... on dirait qu’il cherche à mettre de l’ordre dans son esprit.


David a envie de fermer les yeux. De prier. Et... de se souvenir. C’était presque aussi oppressant, quand il s’était battu contre le géant. Comment avait-il fait? Il n’avait pas réfléchi alors. Heureusement d’ailleurs, car sinon il se serait enfui! À toutes jambes! Il n’avait pensé à rien, à rien d’autre qu’au lion qu’il avait tué d’un coup de fronde, pour protéger son troupeau. Et il avait fait les mêmes gestes, exactement. Machinalement, comme si quelqu’un d’autre le dirigeait depuis l’intérieur.


Et c’est ainsi qu’il avait gagné. Abattu le géant Goliath, le champion des Philistins! La gloire, tout soudain!


La gloire, oui, mais aussi le début de la peur! Et des manoeuvres par derrière, des jalousies de la cour, des coups tordus et compagnie! - Tout ce qui l’avait amené là, à se cacher dans cette caverne, à Eïn-Guédi... Et puis maintenant à se montrer, en position de faiblesse, à Saül, qui le cherche, à Saül qui veut le tuer, à Saül son pire ennemi!


Après la victoire sur les Philistins, le peuple, fier et insouciant, avait célébré en chantant: “Saül a tué ses mille, et David ses dix mille”. On l’avait porté en triomphe, et les plus fous disaient déjà, sur un ton exalté, qu’il ferait un bon roi! Un tout bon! Un meilleur roi peut-être que Saül!?


La légende s’amplifiait. Le jeune berger, à la tête d’une division de l’armée royale, avait volé de succès en victoire. Et la ferveur populaire avait fait le reste. “ Saül a tué ses mille, et David ses dix mille”.


- Dix fois plus que moi! Son chef, son roi! Auraient-ils déjà oublié, mon peuple, tout ce que j’ai fait pour eux: les Philistins, toutes ces années de guerre?


Comme une pourriture, la jalousie s’était mise à ronger le coeur de Saül:


- Qu’est-ce qu’il a de mieux que moi? Oui, il est jeune, il est beau... les gens l’adorent. Pourtant, c’est moi que Dieu a choisi, pour régner sur son peuple; c’est moi, et pas lui!


Saül avait mal. Mal à sa couronne, et peut-être même à sa foi. Mal à son culte. Les regards admiratifs que les filles de Jérusalem lançaient sur David devenaient pour Saül des insultes. Même ses propres enfants, Mical et Jonathan, ne voyaient de beau que ce jeune berger frondeur.


Trop, c’est trop! Un jour que David chantait une de ces chansons modernes qui lui couraient sur le fil, Saül avait vu les yeux de Mical, tout ronds, émerveillés, béats...

- Oh non, ma fille, pas toi!


Saül avait disjoncté. Empoigné sa lance, et... essayé de transpercer le jeune coq! Lequel avait évité le coup, comme par miracle. Et s’était enfui, loin dans la montagne.



Depuis, c’était la guerre civile. Le pays s’était divisé en deux: d’un côté, les partisans du vieux roi, les loyalistes; et de l’autre, la bande à David, les fougueux, les têtes brûlées.


Guérilla; échauffourées, à coups de pierre, à coups d’épées; razzias, pour se ravitailler... La violence était montée... avec l’angoisse et la peur... la colère et la haine... Espions, délations... Tous les coups étaient “bons” (euh enfin, « bons »...).


Jusqu’à cette rencontre, maintenant, devant la grotte, à Eïn-Guédi. La bande à David, harassée par la poursuite, s’était réfugiée au fond de la caverne, pour souffler un peu. Elle savait l’armée royale sur ses talons.


Mais voilà que, sans le savoir, Saül s’était arrêté au même endroit. Pile devant la grotte, il avait ordonné une pause. Un besoin naturel, comme on dit! Le roi s’était isolé derrière un rocher, près de l’entrée... s’était accroupi (joli terme des Anciens pour parler d’autre chose!)... il était là, seul, sans défense, à quelques mètres de son mortel ennemi!


Les compagnons de David se sont dit que la chance avait tourné. Ils ont poussé leur chef: “Va-z-y, il est à toi!” - “Dieu le livre entre tes mains!” - “C’est la fin de nos persécutions!”


La belle occasion a fait frissonner le jeune chef de guerre. Mais c’est un autre combat, intérieur, qui s’est alors engagé dans son coeur: tuer celui que Dieu a choisi pour régner sur Israël? Mais c’est céder au piège, au cercle vicieux de la violence... Pourtant: c’est aussi la fin de tous mes ennuis. Il ne me voit pas, un seul coup suffira. Si souvent nous avons prié le Seigneur qu’il nous délivre de ce roi paranoïaque...


David s’est levé, doucement... doucement... sans bruit... Il s’est approché... comme un chat... Et, soudain, vif comme un serpent qui mord, a sorti son épée et... coupé un morceau du manteau de Saül.


Saül qui n’a rien vu, rien senti. Saül qui s’est levé, royalement soulagé (!) - et qui a rejoint ses troupes. Pendant que David, dans le silence de la caverne, David affrontait le regard de ses compagnons fâchés, qui n’avaient rien compris. Qui le traitaient intérieurement de lâche, de faible... Qui s’apprêtaient à jaillir de l’ombre pour attaquer le roi à sa place...


Alors, David s’est relevé. Il s’est interposé entre les deux armées. Lentement, le coeur battant, il est sorti de la grotte, jusqu’en plein soleil. Face à Saül, face à l’armée royale qui le traquait, ébloui de lumière, il a appelé:


- Majesté!!  ...  Majesté!?


Saül s’est retourné, surpris.


- Majesté! Pourquoi écoutes-tu les mauvaises langues qui disent que je te veux du mal? Regarde: tout à l’heure, à l’entrée de la caverne, je te tenais au bout de mon épée. Vois ce morceau de ton manteau. J’aurais pu te tuer. Mais j’ai dit:  non! Non, jamais je ne porterai la main sur mon roi!



 

Et voilà pourquoi les deux hommes se regardent maintenant, crispés; en sueur... Prêts à dégainer... sous les yeux de leurs troupes, qui retiennent leur souffle... Un seul geste de Saül, et: c’est la tuerie, effroyable!


Le roi ouvre la bouche. Il va donner ses ordres. Ses lèvres bougent, mais aucun son n’en sort... Ses joues brillent, des perles de transpiration coulent, mais... mais non, ce... ce sont des larmes?! Saül pleure!?


- David, c’est toi? David...


L’émotion l’empêche d’en dire davantage. Puis il se reprend:


- David, tu es plus juste que moi... Je t’ai fait du mal... et toi... Tu m’as épargné!”


Dans les rangs des deux armées, on sent la tension qui tombe. Les mains se décrispent... Les soldats reposent leurs armes... Et chacun peut voir une colombe qui survole calmement la caverne d’Eïn-Guédi, ses rochers, ses ombres...


D’habitude, quand le roi rejoint son gibier, il n’a pas de pitié. Quand un chef d’armée tient son ennemi, il ne le laisse pas continuer tranquillement son chemin... Aujourd’hui, pense-t-on, aujourd’hui la bonté, l’espoir de paix sont plus forts que la haine. 

 

- Je le sais, dit Saül à David, un jour, c’est toi qui seras le roi de ce peuple. Et un jour, bien plus tard, sur l’arbre des générations et des générations, un rameau portera le nom de Fils de David. On l’appellera Roi merveilleux, Conseiller, Dieu fort; Prince de la paix. Aux hommes de bonne volonté, il proclamera: Heureux les créateurs de paix, ils seront appelés “enfants de Dieu”.




Maintenant, c’est David qui pleure. De joie; de soulagement. Et là-haut, encore, c’est même Dieu qui pleure. Heureux que sa volonté soit faite, sur la terre...


Mais il le sait, mais nous le savons: il restera encore des milliers, des millions d’occasions où, là aussi, la paix se jouera sur un souffle, fragile... sur une obéissance...


Saurons-nous, comme Saül, comme David, la saisir?


Amen 


Jean-Jacques Corbaz



lundi 10 octobre 2022

(Pr) Courir vers le but… avec du Fortalis!??

Prédication du 25.9 et du 10.10.22  -  «Passe-moi la pommade ! »

Lectures bibliques: Philippiens 1, 1-11; Jean 17, 18-23; Esaïe 49, 13-16

Je ne sais pas comment vous commencez vos lettres. Quand vous voulez écrire des choses importantes, de quelle manière abordez-vous le sujet ? Assez différemment, j'imagine, de l’apôtre Paul, qui disait : « Que Dieu notre Père et le Seigneur Jésus Christ vous donnent la grâce et la paix ».

Evidemment, vous n’écrivez plus comme ça. Pendant des siècles, les prêtres et les pasteurs ont commencé leurs cultes par cette phrase, qui était traduite ainsi : « Que la grâce et la paix vous soient données, de la part de Dieu le Père et de Jésus Christ son fils, notre Seigneur ».

Alors, on est un peu « vaccinés », si j’ose dire. Ça nous coule dessus comme l’eau sur les plumes d’un canard… ou comme l’averse sur la terre gelée.

Peut-être donc faut-il nous arrêter un instant et réfléchir : pourquoi l’apôtre Paul entame-t-il ses lettres par ces deux mots, grâce et paix ? 


La grâce, c’est le pardon de Dieu, à cause de Jésus crucifié. C’est le salut gratuit, la vie redonnée sans qu’on la mérite, comme un condamné à qui l’on fait grâce. Et la paix, c’est une relation fraternelle, harmonieuse, entre les êtres.

La grâce est verticale, elle nous relie Dieu ; c’est l’axe de la croix (geste). La paix est horizontale, elle relie les humains entre eux ; ce sont les bras de la croix (geste).

Au fond, nous avons là le résumé de tout le christianisme !

Mais il nous faut aller plus loin. On sent nettement, dans les 11 versets que nous venons de lire, une affection, un lien sentimental très fort. Paul est en relation intense avec les chrétiens de Philippes ; une relation où s’expriment des émotions, un souci mutuel. Il les porte vraiment dans son cœur, comme il l’écrit au verset 7. Ce lien affectif, explique-t-il, cette tendresse, viennent du Christ, de sa faveur. C’est toujours grâce et paix (gestes).


Une petite pause. Revenons en 2022, au Bouveret ; pour nous demander s’il y a toujours place, dans nos communautés chrétiennes et nos paroisses, pour des relations comme celle-là. Grâce et paix. Joie du salut reçu, gratis, et affection visible entre nous. Bigre ! Cette lettre serait-elle plus incisive qu’on ne l’avait imaginé ?! Car on a tellement tartiné sur l’amour chrétien, dans le style « tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil », les yeux dans les yeux, les problèmes oubliés… L’affection entre chrétiens a fini par devenir une image de Saint-Sulpice, mièvre et vaguement écœurante.
    
Tonnerre ! L’amour qui vient du Christ est nettement plus consistant ! Plus pointu ! Il va jusqu’à la croix ! Ce n’est pas une douce pommade qu’on se passe en rêvant ! Ou alors, si vous tenez à la pommade, prenez du Fortalis (vous savez, cette embrocation avec laquelle les sportifs se massent avant l’effort) !

L’erreur ne vient-elle pas de ce que nos affection « chrétiennes » (entre guillemets) puisent davantage dans nos rêves que dans l’évangile ? La paix sans la grâce, c’est peut-être une absence de conflits, mais ce n’est pas une relation durable et forte. Pour cela, une chose est nécessaire : le pardon !

C’est cet amour-là, qui est fait d’échanges et de risques, que Jésus a vécu. C’est cet amour qu’il voudrait voir éclore entre nous. S’il n’y a pas de place dans l’Eglise pour ces sentiments-là, où y en aura-t-il ?!

Ne laissons pas aux mouvements évangéliques le monopole de l’attention mutuelle, de l’affection commune, du souci les uns pour les autres. Puisons véritablement à la source de la tendresse du Christ pour nourrir les nôtres ! Pour qu’elles grandissent et fleurissent ! Ces liens affectifs seront d’ailleurs notre meilleure publicité, notre meilleure vitrine !


Depuis quelques années, nous vivons dans nos Eglises un manque cruel de ministres, pasteurs et diacres. Cette situation donne une importance grandissante aux laïcs engagés, aux bénévoles de toutes sortes. Des responsabilités accrues incombent à ces personnes, qui ne sont pas toujours préparées à ces tâches.

Alors, je souhaite avec vous leur passer un peu de pommade, à ces chrétiens qui ont accepté d’être eux aussi des pommades de la part du Christ ! C’est-à-dire des stimulants pour permettre à l’Eglise entière de mieux avancer, de mieux courir vers le but, pour reprendre une autre image de Paul.

Nous leur disons merci. Merci avec des mots. Merci avec des bulletins de vote, s’il s’agit de personnes engagées à élire. Merci avec des sourires, et surtout avec des coups de main, des appuis, des coups d’épaule !

Merci, et : que ça continue ! Telle était la prière de Paul – et telle est aussi la nôtre, aujourd’hui. Une pommade qui aide à avancer, à courir vers le but !

Car après les louanges, la prière de l’apôtre débouche sur le boulot à accomplir. Ce boulot, Paul l’exprime en trois verbes: aimer ; connaître; et discerner (ou choisir).


Aimer, d’abord. Nous le savons : Dieu a besoin de nous pour dire sa tendresse et son espoir au monde d’aujourd’hui. Il ne peut pas réconforter, consoler ni accueillir si nous lui refusons nos mains et nos bouches, nos intelligences et nos cœurs. C’est le premier défi lancé à l’Eglise de 2022 : vivre l’amour, concrètement, comme nous le disions le mois dernier. Nous accueillir, nous entraider, aller les uns vers les autres, non par devoir, mais à cause de l’amour passionné que Christ nous donne gracieusement !

Le second travail, c’est connaître. Moins attrayant, sans doute. Mais à quoi sert-il d’avancer si l’on ne sait pas où l’on va ? Par deux fois, Paul mentionne dans notre passage le « jour du Seigneur », c’est-à-dire la fin des temps. Nous avons un horizon, notre vie a un sens, une direction. L’Eglise n’est pas une espèce de « machine à Tinguely » qui tourne dans le vide, et qu’il faut faire fonctionner simplement pour qu’elle se perpétue elle-même (ce qui est la grande tentation de toute structure, chrétienne ou non) ! L’Eglise a une perspective, un horizon mobilisateur, que nous sommes invités à regarder. Pour mieux, encore une fois, courir vers le but !

Enfin, nous sommes appelés à discerner, à choisir. Parmi les multiples pistes qui sillonnent notre monde, nous avons besoins de personnes responsables qui nous aident à déterminer auxquelles de ces pistes donner la priorité.


 

Un dernier coup de pommade. Pour lier le tout ! Car l’Eglise, c’est d’abord une communauté. Je suis frappé de l’insistance de notre passage sur le collectif. Paul n’écrit pas à des individus, mais à un groupe.

Sans doute, à notre époque excessivement individualiste, il faudra bien quelques kilos de Fortalis pour réveiller et réchauffer nos muscles communautaires, ceux qui peuvent nous empêcher de boiter.

À Venise, au Palais des Doges, il y a une fresque représentant le Paradis. On y voit une multitude de têtes les unes à côté des autres. C’est tout !

Car le Paradis, notre horizon de chrétiens, ce n’est pas un vacancier somnolant sous un palmier, avec un agneau à ses pieds. Le Paradis, c’est une foule de femmes et d’hommes, enfin, enfin rassemblés. Donc, où il y a place pour nous, chers amis !

Saint Esprit, un bon coup de Fortalis, s’il te plaît ! Amen


Jean-Jacques Corbaz


dimanche 9 octobre 2022

(Li) Liturgie de pardon

 Culte du 25 septembre 2022

Prière d’invocation
Merci pour ton amour passionné, Dieu de lumière ! Merci pour ta patience avec nous, et pour ta volonté inlassable de nous rejoindre, malgré nos petitesses !
Que cette heure de culte, ce matin, nous permette de mieux t’accueillir, au cœur de nos vies. Qu’elle nous aide à nous épanouir au soleil de ta grâce.
Au nom de Jésus, le Christ. Amen




 
Liturgie de pardon
Nous qui avons besoin de paroles de pardon, et de réconciliation ; nous qui ne pouvons pas vivre sans qu’une force divine ne nous débarrasse de nos culpabilités, sachons-le fermement : l’amour de Dieu est si grand, si puissant qu’il nous sauve, malgré nos écarts de conduite. Il nous promet d’effacer tous nos péchés ; nos manques ; nos attitudes égoïstes… à la seule condition que nous acceptions ce pardon comme un geste gratuit, immérité ; dans la foi.

Forts de cette promesse, nous pouvons confier à Dieu nos échecs, notre peine à répondre à sa volonté. Je vous invite à prier.

Source de toute vie, et de toute bonté, tu sais à quel point nous sommes loin de ce que tu attends de nous. Quand nous mettons nos actes, ou nos absences, en face de tes projets, quel écart ! Tu connais nos mesquineries, nos lâchetés ; nos paroles peu franches ; notre manque de prévenance pour les autres… voire pour nous-même !
Heureusement que ta prévenance à toi, elle est infinie ! Heureusement que ton respect pour nous n’a aucune limite. – Aucune autre limite que celles que nous dressons nous-même !
Aide-nous donc à orienter nos vies au soleil de ta grâce. Que ton pardon nous entraîne sur les chemins d’une vie meilleure, avec toi, en Jésus-Christ. Amen.


Jean-Jacques Corbaz


mardi 20 septembre 2022

(Bi, Ré) Sparte et la solidarité


Au IVè siècle avant notre ère, la Grèce connut une importante disette. Misère, famine, troubles sociaux...

Au pire de la crise, la ville de Sparte envoya à Smyrne une grosse quantité de blé. Etonnement, remerciements: « Mais comment avez-vous fait pour disposer de toute cette nourriture? »

« C'est simple, répondirent les Spartiates: nous avons jeûné un jour, et c'est la farine ainsi économisée que nous vous envoyons. »

Jésus n'était pas encore né, et les habitants de Laconie ignoraient tout de l'évangile. Ça ne les a pas empêchés de nous donner une sacrée leçon de solidarité.

Sacrée, c'est le cas de dire! À méditer, en ce Jeûne Fédéral! Connaissez-vous celui qui a dit: « Va, et fais de même »?

Jean-Jacques Corbaz

lundi 12 septembre 2022

(Pr) La forme de Dieu, l'amour et l'eau fraîche - Prédication des 11 et 12 septembre 2022

Lectures:  1 Jean 4, 7-12;  Jean 3, 16-17

Quelle est la forme de l’eau? Vous vous en doutez, elle n’est ni ronde ni carrée; bien sûr! Elle n’a pas de forme stable. Mais, quand on la verse dans un verre, l’eau prend la forme de ce verre. C’est évident!

Eh bien, savez-vous: Dieu est comme l’eau. Lui non plus n’a pas de forme fixe. Il n’est ni le bon papa rond et poussif qui laisserait tout passer. Ni le juge sec et carré qui guetterait nos fautes pour les punir. Dieu n’a pas de forme définie, il prend celle du “récipient” où on le verse.

Le récipient, c’est-à-dire nous! Nous, avec nos idées, nos besoins, nos préjugés.    Nos peurs aussi...

Alors on décrit parfois Dieu comme un seigneur du Moyen Âge exerçant droit de vie et de mort sur ses sujets. Ou bien on en parle comme d’un vieux prof à moitié gâteux, maniaque et obsédé par la pureté sexuelle... Ou encore, à choix: un gendarme; un calmant qui apaise et console; un gigantesque ordinateur où chaque événement serait déjà inscrit et prévu à l’avance; une promesse pour l’au-delà, et l’au-delà seulement... Je vous laisse continuer la liste... en fonction de vos projections personnelles! - Et bien sûr, toutes ces images ressemblent à Dieu autant que notre verre d’eau ressemble à l’océan!


 


Voilà pourquoi la Bible ne décrit jamais Jésus! Déjà, l’Ancien Testament s’était magistralement fourré le doigt dans l’oeil avec des expressions qu’on a traduit par “L’Eternel des armées” ou “Dieu tout-puissant” (j’en ai parlé il y a quelque temps, et j’y reviendrai). Moi, je préfèrerais “Dieu désarmé” ou “tout-compatissant”. En tout cas pas “tout-punissant”, pas de “n”... pas de haine!

Alors, le Nouveau Testament (NT), qui raconte la vie de Jésus, ne parle jamais de son apparence, ni de sa forme, ni de son visage. Etait-il blond ou brun? Gros ou maigre? Grand ou petit? Barbu, chevelu ou chauve? Ressemblait-il davantage à Donald Trump, ou à Nick Kyrgios, ou à Xherdan Shaqiri - voire à la Joconde?!?     On ne sait pas. Mystère.

La seule chose que dit l’évangile, c’est “Dieu est amour”. Pas très précis! Surtout que l’amour, lui aussi, prend la forme de celui ou de celle qui aime! L’amour d’un ado de 15 ans pour sa petite amie est bien différent de celui qui relie un couple d’âge mûr; différent de l’amour d’une maman pour son bébé; ou d’un nonagénaire pour ses arrière-petits-enfants!

“Dieu est amour”. Mais attention, le NT ne s’arrête pas là! Il va plus loin. Vous avez remarqué? Dieu est un amour qui nous fait nous aimer, les uns les autres. Pas un Dieu-calmant seulement, mais un Dieu moteur aussi, un Dieu qui envoie, qui donne des forces pour agir! Dieu n’est pas un amour à mettre en conserve, surtout, comme potion-miracle au cas où (casser le bocal en cas d’urgence!). Dieu est un amour à nourrir, à cultiver, à faire grandir.


Par exemple, si on vous offre un cep de vigne (puisque nous sommes en pays viticole); vous aurez de bons raisins ces prochains automnes... à condition, voui bien sûr, à condition de ne pas laisser la plante dans son cornet! Il faudra la mettre en terre; l’arroser, la soigner; désherber, traiter, tailler; puis rebioller et attacher; sulfater encore, surveiller; protéger des merles et des étourneaux...

Il serait idiot de laisser la jeune souche au fond d’une armoire et d’attendre que les grappes poussent toutes seules. C’est évident! Eh bien, avec Dieu, c’est la même chose! N’espérons pas des fruits agréables pour notre vie si nous ne cultivons pas l’amour du Christ, si nous ne l’entretenons pas; si nous ne le nourrissons pas!

Dieu peut nous apporter une vie pleine, heureuse et lumineuse. Mais si nous laissons son amour se dessécher dans un recoin de notre coeur, ne nous étonnons pas si notre attente est déçue! Que ce soit pour Ian et Paul, que nous venons de baptiser; que ce soit pour leurs proches, parents, parrains, marraines, leurs frère et soeur; que ce soit pour chacun.e de nous, qui les entourons en ce jour de fête: cultivons!

Mais attention, comprenons-nous bien: cultiver l’amour de Dieu, l’entretenir, ce n’est pas forcément venir au culte ou prier en fermant les yeux. Ça, c’est une des manières, ce n’est pas la seule, puisque nous disions tout-à-l’heure que Dieu, comme l’amour et comme l’eau, prend la forme de celui ou celle qui l’accueille! C’est une des manières, ou plutôt c’est celle qui veut mettre en route les autres!

Cultiver l’amour de Dieu peut prendre de multiples formes concrètes en fonction de nous, de nos rêves; de nos situations, de nos besoins. Ce sera à nous d’inventer notre forme, celle que nous donnerons à notre vie entière... et à l’amour, et à Dieu là-dedans. Un défi immense, qui peut nous écraser si nous restons seuls, trop fragiles, avec nos responsabilités, nos tâches... Mais un défi que Dieu, justement, nous offre de parcourir à côté de nous, solidaire, donc solide, et amical.

Cultiver son amour. Laisser cette infinie bonté du Ciel grandir en nous, et chanter, et porter des fruits. Un amour qui donne de la force et qui ne juge pas... Un amour qui libère l’autre et qui ne le méprise pas comme nous le disions en juillet… Un amour qui respecte et qui espère.
 

Je sais, ce n’est pas toujours facile! Et Dieu sait que nous n’y arrivons que rarement! Et c’est vrai pour chacun.e. Que nous soyons enfants ou adolescents, avec d’immenses besoins d’être compris, acceptés; avec d’énormes envies de respect et de sécurité... et avec pourtant une grande difficulté souvent à donner aux autres ce que nous voudrions recevoir nous-même. Que nous soyons adultes, avec les mêmes envies et besoins, et la même difficulté, mais avec peut-être juste un peu plus d’expérience pour que ça nous fasse un peu moins souffrir... ce n’est pas toujours facile de cultiver l’amour sans juger. Un amour qui libère et qui respecte.

Et je me dis en ce 11 septembre, tragique anniversaire de la folie terroriste, je me dis que c’est justement ça qui a manqué aux auteurs de toutes les tragiques tueries qui font la une des journaux et l’inquiétude des gens normaux. Je me dis  que c’est justement ça qui a manqué aux fauteurs de guerres et à tant d’autres qui leur ressemblent. Je me dis que c’est justement ça qui manque aussi à toutes celles et tous ceux qui hurlent avec les loups contre les musulmans, ou les Russes, ou … (à votre choix?), criant à la violence, exacerbant la haine; et qui, en faisant ça, entrent dans le jeu de ceux qui n’ont comme but que de nous jeter avec violence les uns contre les autres et de susciter le chaos.

Non, ce n’est pas facile de résister aux solutions simplistes des intégristes de tous les bords. Cela demande énormément de courage et de maîtrise.

L’évangile ne nous donne pas de recette toute simple. Mais il nous donne un homme, qui nous accompagne sur ces chemins de liberté. Qui veut avec nous “chanter la liberté. Dieu veut nous sauver”, comme le disent les belles paroles que nous venons de chanter! *

Aïe-aïe-aïe, nous aurons encore besoin de nombreuses années de formation chrétienne pour entraîner cette culture-là! Activités pour enfants; catéchisme pour les ados, mais aussi pour les adultes, il y en a pour toute la vie, à progresser sur ces chemins de tolérance et de résistance à la haine et au “n”!). Quel que soit notre âge, nous avons encore de la route à faire!

Oui, que toute notre vie, depuis l’eau du baptême jusqu’à l’eau…delà (!), que toute notre vie prenne la forme d’une paix bienfaisante; d’un bonheur qui donne envie; d’une tendresse qui rayonne. Alors, nous serons en pleine forme! La forme de l’eau! La forme de l’amour! La forme de Dieu! Amen


Jean-Jacques Corbaz




* Go Down

1.    When Israel was in Egypt's land, let my people go,
Oppressed so hard they could not stand, let my people go,
Go down, Moses, 'way down in Egypt's land,
Tell old Pharaoh:  let my people go!

2.    Là-bas mon peuple est enchaîné – chante liberté!
Travaille et meurt à coups de fouet – chante liberté!
Tu vas, berger, chanter la liberté,
Cours là-bas, crie pour moi: Dieu vient vous sauver!

3.    Vos yeux, vos fronts vont se lever – chante liberté!
Vos chaînes partir en fumée – chante liberté!
Tu vas, berger, chanter la liberté,
Cours là-bas, crie pour moi: Dieu vient vous sauver!

4.    Un jour, l'espoir sera vainqueur – chante liberté!
Dieu chassera la mort, la peur – chante liberté!
Tu vas, berger, chanter la liberté,
Cours là-bas, crie pour moi: Dieu vient vous sauver!

 

Jean-Jacques Corbaz


lundi 29 août 2022

(Pr) La Transfiguration, pour nous aussi? - Prédication des 22 et 28 août 2022

Prédication des 22 et 28 août 2022  -  “la transfiguration”

Lectures bibliques: Matthieu 17, 1-8 - Exode 24, 12-18 - Exode 34, 29-35


On trouve dans la Bible des récits surprenants, et qui heurtent le sens commun. Certaines personnes ont envie de les jeter à la poubelle, en décrétant que ces épisodes surnaturels sont impossibles. D’autres, à l’opposé, pensent que nous devons tout accepter, tout croire sans esprit critique, comme si c’était une vérité historique. Je vous invite, vous le savez, à un regard différent: essayer de discerner ce que tel passage étonnant veut nous dire, derrière l’image “naïve” ou qui dérange.

On trouve dans la Bible des récits qui heurtent le sens commun. L’histoire dite de “la transfiguration” en fait partie. Nous avons du mal à imaginer un Jésus étincelant de lumière qui discute avec Moïse et Elie, au sommet d'une montagne! Déjà le fait de nous présenter Jésus dans sa gloire nous pose problème, parce que nous avons plutôt l'habitude de le voir sur la croix, ou en butte à des adversaires!

Mais d’abord, d’où vient ce mot «transfiguration»? La version originale de l’évangile emploie le verbe grec “metamorphozein”. Le Nouveau Testament nous dit donc, ainsi, que Jésus fait davantage que changer d’apparence, et qu’il passe par une sorte de métamorphose, de transformation.

Pour mieux comprendre cet étrange récit, je vous invite à revenir au passage de l'Ancien Testament que nous avons lu en Exode 24 et 34; un passage qui lui ressemble beaucoup: celui de la “métamorphose” de Moïse dans le livre de l'Exode. Lorsque Dieu conclut sa première alliance avec le peuple d’Israël.

L'Exode raconte donc que Moïse s’est fait accompagner par trois hommes pour monter avec lui sur le Sinaï. Un peu plus loin, il mentionne qu’un nuage le couvre (un nuage ou une fumée, c’est le même mot en hébreu), et puis qu’une voix parle à Moïse venant de la nuée.

De la même manière, Jésus choisit trois disciples, Pierre, Jacques et Jean, pour monter sur une hauteur. Et eux aussi verront une nuée au milieu de laquelle une voix se fera entendre.

Ces similitudes entre les deux récits ne sont pas dues au hasard. Elles nous disent ceci, d’emblée: de même que Moïse a reçu de Dieu l’alliance avec Israël, de même, en Jésus, Dieu vient signer une nouvelle alliance avec son peuple.

Vous le savez, quand Moïse est descendu de la montagne avec les tables de la volonté de Dieu, il a eu une mauvaise surprise: il a vu que les Israélites avaient succombé à l'idolâtrie, et qu’ils adoraient un veau d'or. Aïe! aïe! Plein de colère, il a alors brisé les tables de pierre avant de retourner sur le Sinaï.

Et lorsque Moïse en est redescendu une seconde fois, avec les nouvelles tables, les dix paroles de l'alliance, l'Exode nous dit qu’il avait le visage rayonnant de lumière. Le contact direct avec Dieu avait rendu sa peau éclatante, à tel point qu'il devait se mettre un voile sur la tête pour ne pas faire peur aux Israélites (tiens, tiens, diront les plaisantins, l’ancêtre de la burqa?!  Hem!!).

C’est à cause de cet épisode que les statues du Moyen Âge ont souvent représenté Moïse avec... des cornes! Oui, parce qu’en hébreu, le mot “rayon” est le même que celui de “corne”, et c’était une manière très concrète de décrire l’indescriptible, à savoir cette étonnante lumière qui irradiait la face de Moïse avec puissance.




Dans l'évangile, Jésus devient, lui aussi, rayonnant de lumière. Rappel, ainsi, de la Première alliance. Pourtant, cette fois-ci, Jésus ne va pas redescendre de la montagne avec une Loi gravée dans la pierre. Il descend avec une parole adressée aux humains, une parole que Dieu prononce sur lui, le Christ: ”Celui-ci est mon Fils bien-aimé, celui que j’ai choisi. Ecoutez-le !”.

Ainsi Jésus ne porte pas la Parole de Dieu inscrite sur des tables de pierre, mais c'est sa propre parole qui devient le commandement nouveau de la nouvelle alliance. Il n'a aucun objet matériel à offrir aux croyants; pas de fétiche ou d’icône, mais il va leur donner sa parole! Avant de se donner lui-même, son corps et son sang, sur la croix. Avant ensuite de s’en aller dans la lumière de Pâques, fulgurante là aussi, en ne laissant pas d’autre souvenir concret qu’un tombeau... vide!

La nouvelle alliance que Dieu conclut avec les hommes est donc une alliance du cœur! Une alliance de l’absence et de la responsabilité partagée. Absence qui a besoin de nous pour être habitée! Ce récit de la transfiguration, comparé avec l'Exode et le don de la Loi au Sinaï, en devient le signe.




L'Ancien Testament nous permet aussi de mieux comprendre pourquoi on voit Moïse et Elie sur cette montagne, en train de parler avec Jésus. Tous deux représentent l’ancienne alliance qui accueille la nouvelle: Moïse symbolise la Loi, et Elie les prophètes; ils témoignent que toute la foi d’Israël vient s'accomplir maintenant dans la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ.

Les disciples, Pierre, Jean et Jacques, sont les témoins privilégiés de cette scène. Tout ce qui se passe là est fait pour eux, et pour leur témoignage. En effet, bientôt ils vont être confrontés à l’arrestation de leur maître, à sa crucifixion, à la peur, aux persécutions, au deuil et à la mort. Il est important, face à tout cela,  de les assurer que Jésus est de toute manière vainqueur éclatant sur toute la ligne! La transfiguration est donc, en fait, comme une injection de vitamines pour aider les disciples à supporter l’épreuve de la croix.


Une autre remarque. Lorsque le Christ appelle Pierre, Jean et Jacques à l'écart pour l'accompagner sur la montagne, il recherche avec eux un temps mis à part, un moment de recul par rapport à ce monde et à leurs préoccupations quotidiennes. Un temps, comme parfois nous pouvons nous en offrir, de retraite spirituelle et de contemplation.

Et Pierre aimerait le prolonger, ce moment hors du temps : “Si tu veux, je vais dresser ici trois tentes…”. Camping sauvage, dirait mon plaisantin! Pierre aimerait faire durer cet instant privilégié en haut de la montagne. Il voudrait rester “là-haut” le plus longtemps possible. Dans un sens, il a raison: pour lui comme pour nous, il est essentiel de prendre le temps de méditer, au calme; de vivre un ressourcement, et une communion avec Dieu. Sinon, nous perdons le but, la direction et le sens de la mission confiée à chaque disciple.

Pourtant Jésus incite ses amis à se relever pour descendre de la montagne. Et nous aussi, Dieu nous invite à nous relever - donc à commencer à ressusciter, ici-bas déjà (car en grec, c’est le même mot)! Nous aussi, Dieu nous appelle à vivre notre foi dans le monde, au contact des autres, dans la réalité de chaque jour; porteurs de la Parole qu’il a lui-même portée jusqu’à nous! Et pas seulement dans des retraites contemplatives.

On ne peut donner et partager que ce que nous avons nous-mêmes reçu. S’arrêter, contempler; puis repartir, aller de l'avant pour mieux rejoindre les autres. C'est à cela que nous invite cet étrange récit de la transfiguration. Avancer. Oui. Sans peur et sans crainte, en s'appuyant sur notre foi. Gardant toujours courage, à cause de la lumière éclatante qui rayonne du ressuscité! Et qui peut émaner aussi de chacun(e) des croyant(e)s.

Car nous pouvons tou(te)s devenir des Moïse, nous les amis de Jésus. Savez-vous que les auréoles ont été inventées, au Moyen Âge, pour montrer que les chrétiens (et tous les chrétiens!) étaient habités d'une lumière vive, reçue d'En-Haut, et qui rayonnait autour d'eux? Ce disque lumineux autour de la tête voulait dire: "Voilà quelqu'un qui a su laisser vivre en lui (en elle) la Clarté majuscule de Dieu, et qui sait aussi la diffuser autour de lui (autour d'elle) par ses paroles ou par ses actes".

Aller de l'avant, ce n’est pas foncer tête baissée! Nous devons sans cesse repenser Dieu, revenir en haut de la montagne, nous arrêter, prendre du recul et regarder le monde, pas seulement le changer!




Cela vaut tout spécialement pour les sujets controversés d’aujourd’hui: par exemple l’énergie et sa possible pénurie. Les problèmes d’épidémie et les restrictions qui les accompagnent. L’écologie et le respect de la Création. Je pense aussi aux relations avec les étrangers; avec les jeunes; les femmes; les musulmans; les incroyants. À la délinquance. À la violence...

Sur tous ces thèmes, nous pouvons nous situer ou bien en haut de la montagne avec Jésus, contemplant bien au chaud la gloire divine à la place de Pierre, Jacques ou Jean; ou bien en bas, impuissants, avec le sentiment d’être éloignés de l’amour de Jésus. Chacun(e) connaît ces moments de doute où l’on scrute le ciel et le monde autour de nous, sans pour autant y déceler la présence de Dieu.

Dans un cas comme dans l'autre, le message de Dieu est clair; il nous désigne Jésus en nous disant: ”Celui-ci est mon Fils bien-aimé, celui que j’ai choisi. Ecoutez-le!”.

Se mettre à l'écoute de Jésus, c'est prier, c'est se réunir en Eglise; mais c'est avant tout et surtout se mettre à l'écoute de sa Parole, la lire, la méditer afin de la transmettre. Pour qu'elle nous métamorphose à notre tour. Ni toujours en haut, à camper dans les jardins du Seigneur; ni toujours en bas, à se démener pour sauver le monde. Mais, à l’invitation de Jésus: tantôt en haut, pour nous ressourcer, nous faire du bien; tantôt en bas, pour apporter plus loin la force et le sens qu’il nous a donnés.

Ecouter Jésus, c’est devenir rayonnants à notre tour, rayonnants de joie et de paix, rayonnants de foi, d'espérance et d'amour. Comme Pierre, Jacques ou Jean, nous sommes appelés à devenir les témoins de l'alliance que Dieu conclut avec ses enfants, en Christ. Et grâce à l'Esprit de Dieu, à la lecture de sa Parole, nous pouvons commencer à être transfigurés, nous pouvons devenir des signes visibles de cette Nouvelle Alliance qui sauve et rend lumineux!

Nous sommes invités à aller de l'avant, à sortir de nos tentes et de nos temples, pour être des témoins de l'Amour majuscule du Père. Et nous sommes invités aussi à prendre le temps de la méditation, de l'écoute et de la prière, afin d'être nourris par l'Evangile et pouvoir ainsi apporter un peu de tendresse à notre monde.

Dans la prière ou dans l’action, tout proches de Dieu en Christ. Amen


 Jean-Jacques Corbaz