Pour vous y retrouver

Bonjour! Bienvenue sur ces pages, que j'ai plaisir à ouvrir pour vous!
Vous trouverez sur ce blog différentes sortes de contributions:
- annonce (An),
- billet (Bi),
- citation (Ci),
- confession de foi (CF),
- conte (Co),
- formation d'adultes (FA),
- humour (Hu),
- image (Im),
- liturgie (Li),
- poésie (Po),
- prédication (Pr),
- réflexion (Ré),
- sciences bibliques (SB),
- vulgarisation (Vu).
Bonne balade entre les mots!

Ces œuvres sont mises à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution - Partage dans les Mêmes Conditions 3.0 non transposé.

Ce blog fait partie d'un réseau de sites réformés "réseau-protestant.ch" qui vise à coordonner et rendre visibles et lisibles les publications web de la galaxie du protestantisme de Suisse romande. Voir sur ce blog la page https://textesdejjcorbaz.blogspot.com/p/blog-page.html>.

dimanche 28 juillet 2024

(Li) Bénédiction - Comment le fleuve tranquille

Comment le fleuve tranquille peut-il calmer le torrent impétueux ?

Tout simplement : en se tenant plus bas !

C’est ainsi que Dieu nous fait du bien, lui aussi. Qu’il nous apaise. En se tenant plus bas que nous, il nous élève !

À tous, il nous offre sa paix. Il nous bénit, le Père, le Fils et le Saint-Esprit. Amen


 

Jean-Jacques Corbaz, juin 2010       

 

(Pr) “Du stress, des babouins et de la méditation”


Prédication du 28 juillet 2024


Lectures: Matthieu 14, 5-14 + 22-23; Jean 6, 14-15; Matthieu 6, 5-8


 

Un jour, j’ai vu, sur le programme de la TV, ce titre: “Stress, le tueur silencieux”.

J’ai d’abord cru que c’était une série policière à suspense! Voire le portrait d’un rappeur célèbre... En tout cas, rien qui ne m’attire en particulier!

Et puis, je suis arrivé sur cette émission par hasard, et je suis resté là, scotché devant mon écran. C’était en fait un “Temps présent” sur ce fléau qu’est le stress. Peut-être l’avez-vous vu. Sur le stress et ses ravages, qui peuvent aller jusqu’à la mort (d’où le titre: “Stress, le tueur silencieux”).

C’est vrai qu’il ne fait pas de bruit, ce mal sournois. Composé de fatigue; de pression; d’inquiétude, il pénètre insidieusement dans nos vies, et se révèle terriblement difficile à parer.

Le stress, en fait, c’est le contraire de la paix. Et du bien-être. C’est un état où je me sens fragile, démuni. Impuissant souvent. Un état où je manque de temps, ou de moyens, pour devenir ce que je voudrais être (ou le rester). Ou pour accomplir ce que je voudrais réaliser.

                                         *                       *
 

Et puis, le stress ne nous fait pas seulement nous sentir mal, psychiquement. Il a aussi des conséquences négatives sur la santé, on le sait.

- Il diminue la résistance aux virus; aux bactéries; et à la fatigue...

- Il favorise l’obésité.

- Il accélère le vieillissement du corps.

- Il diminue la mémoire (on connaît bien le fameux stress des examens, qui nous fait effacer des choses qu’on connaît par coeur).

- Et il augmente le risque de dépression.

- Et puis, le pire: le stress peut tuer: soit très lentement; soit aussi brusquement, quand une forte émotion, par exemple la peur, envoie beaucoup de sang d’un coup vers les muscles, et c’est la crise cardiaque ou une rupture artérielle.

                                         *                       *
 

Enfin, le stress a aussi des conséquences sur nos relations avec les autres: il augmente l’agressivité; il favorise l’égoïsme, et pousse au manque d’attention à autrui; il incite à l’isolement, au repli sur soi...

Bien sûr, c’est tout un cercle vicieux qui en découle. Car les conséquences de mon agressivité et de mon isolement me perturbent la vie, immanquablement.

D’où vient-il, ce stress qui nous empoisonne l’existence? Souvent de la peur. Peur pour sa survie, ou pour celle de ses proches. Peur de ne pas être à la hauteur. Sentiment de faiblesse... de petitesse... d’être menacé... Quand on ne peut que subir les évènements...

                                         *                       *


L’émission de “Temps présent” nous parle ensuite d’une étude réalisée sur des populations de babouins. Dans un environnement favorable, ces animaux ont besoin de 3 heures par jour seulement pour se nourrir. Il leur reste donc quelque 9 heures quotidiennes à occuper. Et à quoi s’occupent-ils? Eh bien, à enquiquiner les autres! Donc, à leur créer du stress. Nous y voilyvoilà!

Or, cette étude s’est attachée à mesurer le stress des babouins. En effet, le stress laisse des traces visibles dans les artères et dans le sang. Notamment par l’athérosclérose.

On s’est aperçu de deux choses. D’abord, que le stress varie en fonction de la position sociale: plus on est élevé dans la hiérarchie, et... moins on est stressé (!).

Ensuite, on a observé que les babouins sont victimes de stress à cause de l’attitude agressive des autres, quand ils se font attaquer sans motif apparent. Bien sûr, les plus hauts “gradés” en souffrent beaucoup moins: on ne s’attaque qu’à des plus petits que soi...

N’est-ce pas étonnamment semblable chez les humains?

En poursuivant leur étude, nos chercheurs vont faire deux découvertes importantes:

(1) D’abord, et ça joue un grand rôle, le plaisir fait diminuer le stress. Chez les babouins, le plaisir c’est de se faire épouiller. Comme chez les humains de se faire dorloter, chouchouter, shampouiner...

Chez les singes comme chez les humains, ceux qui prennent du temps pour avoir du plaisir ont beaucoup moins de signes de stress dans l’organisme.

(2) Deuxième découverte: un jour, un groupe de babouins, l’un des plus agressifs, tombe sur de la nourriture avariée. Ils s’empoisonnent. Catastrophe, le tiers de ce groupe décède. Les chercheurs se disent alors que leur étude, en cours, est fichue.

Mais, ô surprise: ce sont les mâles les plus agressifs qui sont morts. Probablement parce que ce sont les moins prudents! Et puis, deuxième étonnement: ce groupe ne périclite pas, mais il se réorganise; autrement! Les survivants se conduisent de manière moins agressive, ils prennent davantage soin des autres, passent plus de temps en épouillage, manifestent davantage d’attention envers leurs congénères.

Résultat: le stress général de ce groupe diminue fortement. Les animaux prennent du temps les uns pour les autres, l’atmosphère y est plus agréable, et tous sont en meilleure santé!

(3) Une conséquence encore va étonner les chercheurs: on sait que, chez les babouins, les adolescents mâles quittent leur groupe pour rejoindre celui de leur femelle. Or, ceux qui entrent dans ce clan plus paisible sont certes en décalage pendant quelques semaines; mais ils apprennent ensuite les usages de leur nouveau groupe; ils les assimilent sans peine. De sorte que leur stress à eux aussi diminue beaucoup, ils deviennent à leur tour plus calmes, moins agressifs... et en meilleure santé!

Je me demande s’il n’en va pas de même pour nous humains. Je pense, par exemple, à certaines communautés monastiques. Et en particulier au superbe film “Des hommes et des dieux”. Où des moines, menacés d’une mort certaine, trouvent dans leur communion la force de tenir le coup, avec courage!

Les humains pourraient-ils donc apprendre, comme les babouins, et réussir à changer de manière de vivre, pour devenir plus paisibles, et meilleurs?!

Résumons ce qui diminue le stress:
- une position dominante!
- le plaisir;
- le sentiment d’avoir de la valeur;
- l’attention que nous avons pour les autres et, évidemment, celle que nous recevons...

Précisons bien que, quand je parle de position dominante: il n’y a pas qu’une seule hiérarchie, pour nous humains. Il y a:
- celle du travail;
- du club sportif ou de loisirs;
- de la famille;
- de l’Eglise...

Si je suis le dernier au boulot, je peux ne pas être stressé parce que je suis le roi de la fanfare ou du foot; le leader du parti; ou l’animateur apprécié d’un groupe paroissial... Je vous laisse compléter en fonction de vos situations à vous!
   


                                      *                       *
 

De tout ce qui précède, il ressort, à mon sens, l’importance pour nous de trouver trois sortes de pistes:
- (1) d’abord, trouver des lieux où j’aie du plaisir et de la valeur (entre parenthèses, c’est peut-être aussi pour ça que les croyants sont en meilleure santé que la moyenne, puisque c’est ce que montrent plusieurs autres études?!);
- (2) ensuite, il sera bon de trouver des relations où je sois attentif aux autres, et où d’autres soient attentifs à moi;
- et enfin (3), trouver des espaces de temps où je puisse laisser tomber mon stress: temps de méditation, de culte, de prière... Vous connaissez peut-être ce mot de Luther: “Aujourd’hui, j’ai tellement à faire qu’il me faudra prier pendant au moins deux heures!” - à méditer, comme on dit!! 

Et vous savez comme moi l’effet bénéfique d’un plaisir, d’une jubilation; parce qu’on a résolu un problème difficile, parce qu’on est aimé ou qu’on découvre des horizons nouveaux: ça augmente nos capacités de manière étonnante!

                                          *                       *


Deux remarques encore.

D’abord, ne pensons pas que tout stress est mauvais. Nous en avons besoin! Sans stress du tout, notre vie serait trop morne, et nous le fabriquerions spontanément, comme les babouins. Surtout pour les plus jeunes, nous aimons braver le danger. “No risk, no fun”, disent-ils (pas de risque, aucun plaisir!).

Comme toujours, selon l’expression de Paracelse “rien n’est poison, tout est poison: c’est la dose qui fait le poison”. Et vous savez: le stress que je choisis moi-même est bien moins nuisible pour ma santé! ...

Dernière chose. Nous l’avons entendu, Jésus a connu le stress. Pas seulement à sa mort, à Vendredi saint; mais toute sa vie.

Le stress à travers l’opposition des chefs juifs. À travers la haine de ceux que lui, Jésus, dérangeait, dont il contestait les valeurs et les traditions.

Jésus a connu le stress:
- à la mort de Jean-Baptiste;
- quand on veut l’enlever pour en faire le roi d’Israël;
- aux Rameaux, lorsque la foule le prend pour un chef militaire et royal...

- à Gethsémané, bien sûr…

Or, dans les évangiles (à part Vendredi saint, bien entendu!), dans les évangiles on voit que, chaque fois qu’il subit le stress, Jésus se retire dans la méditation et le silence. Il s’extrait de ce qui le menace. Il s’écarte.

Il balise ainsi pour nous un chemin d’hygiène, de santé spirituelle, voire de santé tout court: savoir (et oser!) nous retirer, prier dans notre chambre, bien fermée (comprenez: en éloignant les causes du stress).

Il nous encourage également à créer des lieux où nos contemporains, surmenés, puissent trouver une telle paix! 

Ce n’est pas toujours facile, bien sûr! Jésus a promis de nous donner la paix intérieure, la sérénité. Mais il ne nous a jamais promis la facilité, ni l’existence morne des ossements desséchés. Les ossements desséchés, oui, car eux seuls sont totalement destressés! Amen.



   
                                                             Jean-Jacques Corbaz 

 
                                    

dimanche 14 juillet 2024

(Bi, Hu) Dieu, sourd?

 

Un mendiant chinois avait découvert la foi chrétienne et priait chaque jour. 

 

Pourtant, sa situation matérielle était toujours aussi précaire. Pire, on se moquait de lui. «Qu’as-tu gagné avec ce Jésus? Tu pries, mais rien ne change. Ton Dieu est sourd!»


Il répondait: «Non, Dieu n’est pas sourd, il m’entend. Mais il y a quelque part un chrétien qui, lui, est sourd car il n’entend pas quand Dieu lui demande de partager avec moi».


*          

 

Jolie histoire, qui m’aide à comprendre le sens de la foi. Lorsque nous prions: «souviens-toi, Seigneur, des victimes», pensons-nous sérieusement que Dieu puisse les oublier? Qu’elles ne lui fassent pas cent fois plus mal qu’à nous, ces scènes de famine, de massacres, de misère?


Non, Dieu n’est pas sourd, ni insensible; son grand âge ne lui cause aucun trou de mémoire. Mais certains chrétiens (nous, moi…) pourraient bien oublier la détresse. Ou se blinder contre elle.


Ne priez pas, de grâce, pour renvoyer les problèmes à Autrui. Mais pour les vivre avec Dieu. Lui qui n’a pas d’autres mains que les nôtres, pas d’autre voix, pas d’autre porte-monnaie…


Quand nous lui disons «que ta volonté soit faite», je crois qu’il a parfois envie de répondre: «Eh bien, faites-la!»


Comme Saint-François, prions avec conviction: «Seigneur, fais de nous des ouvriers de paix, des bâtisseurs d’amour.»


 

Jean-Jacques Corbaz

 

lundi 8 juillet 2024

(Bi, Re) On peut très bien vivre sans prier…


On peut très bien vivre sans prier. On peut très bien vivre sans Dieu, sans Esprit. Les incroyants vivent très bien.

On peut très bien vivre sans prier. Mais quand je prie, je suis transfiguré, allégé, transcendé. Je reçois cette étincelle qui illumine davantage, ce petit plus qui modifie de multiples détails de ma vie (oh, à peine, mais ça peut parfois tout embraser).

Quand je prie, je vis cela. Je reçois un souffle fragile qui me fait du bien. Comme un amour. Il me semble que ma vie est orientée différemment. C’est compliqué à expliquer, mais si facile à vivre!

Quand je ne prie pas, mon existence est la même. La même que tous les jours. Juste il y a ce «rien en plus qui manque». Je suis moins disposé à faire des efforts, à sourire aux autres, à aimer ceux qui me semblent moins aimables. Moins ouvert aussi à l’inattendu.

Cela se passe donc en moi et en-dehors de moi. Les deux. C’est Christ, qui vit en moi.


Jean-Jacques Corbaz, le 13 avril 1974       


(Po) Il s’est réveillé (ma madeleine de Proust)

Il s’est réveillé un matin
- Un peu tard dans le matin
Et s’est souvenu de moi.
Bon vieil ami, bon vent, bonne pomme,
De son souffle tiède répond présent.

Il s’est réveillé, tendrement,
Lentement,
Il m’a regardé, m’a réchauffé,
M’a dit: «je suis toujours à toi».

Il s’est réveillé, est venu rassembler mes amis:
Le lac femme, allaitant mon enfance,
La nuit bleutée, au calme violent d’espérance,
La ferme-terre, sa tranquille présence,
Et notre coeur infini, s’ouvrant sous ses silences.

Il s’est réveillé pour me renouveler,
Pour me passer du gris cendré
Au profond bleu nuit.

Il s’est réveillé, mon ami,
Mon soir d’été.


Jean-Jacques Corbaz, 10 mai 1976  (j’habite encore à la ferme de Corsy)   


(Po) Nostalgie d'été


Je ne dirai jamais assez le calme d’été
Fredonnant la nuit au goulot de la fontaine
Je ne dirai jamais assez la paix
Jubilant en soi-même en juillet.

Je ne dirai jamais trop bien la solidité des grands sapins
Frissonnants sous le souffle sifflant de la plaine
Je ne dirai jamais trop bien leur amour inhumain
Amour de lac, ou de montagne ou de jardin.

Je ne fermerai jamais les yeux sur une lumière au ciel bleu
Petite ou grande, piquante ou ronde, fuyante ou pleine
Je ne fermerai jamais les yeux que pour rêver, heureux,
Et pour m’unir au silence des cieux.


Jean-Jacques Corbaz, le 22 octobre 1974    


(Li, Hu) Bénédiction - D'un pied touche à la terre

J’aime cette jolie boutade :

Un saint, dit-on, c’est quelqu’un qui d'un pied touche à la terre et de l’autre regarde le ciel !

... Bon, je ne vous conseille pas de regarder le ciel avec votre pied !

Mais cette phrase amusante nous redit que notre appel d’enfants de Dieu, c’est d’être comme des passerelles entre notre bas monde et Dieu. Entre les réalités terrestres et l’espérance qui les dépasse.

Celui qui a les deux pieds sur terre misera tout sur l’argent, la santé, la renommée, le matériel.

Celui qui a un pied dans le ciel sait que sa vraie richesse, son trésor, sa vie, est auprès de Dieu, dans la lumière du Christ ressuscité !

 

Allons donc, pleins de confiance, préparer ce temps de paix parfaite en communion avec lui. Dieu nous aime et nous bénit, le Père, le Fils et le Saint-Esprit. Amen

 

 

Jean-Jacques Corbaz, juin 2024       

 

(Pr, SB) Prédic. du 8 juillet 2024 - Les pauvres en esprit: benêts?


Lectures bibliques: Matthieu 5,
1-12; Psaume 130

Un ancien paroissien avait beaucoup souffert, quand il était enfant, parce qu’il se faisait traiter de benêt ou d’idiot (en bon vaudois, on disait «Tâdié» à cette époque!). Devenu adulte, cet homme portait toujours la blessure au fond de son
cœur
. Un jour, alors que j’annonçais que le culte du dimanche parlerait de la béatitude «Heureux les pauvres en esprit», je l’ai vu se rembrunir tristement. Il m’a demandé: «Est-ce que ça veut vraiment dire ‘Heureux les débiles’?». Il a eu l’air tout soulagé quand je l’ai assuré que non.

Donc, d’abord, disons-le clairement, ce verset ne signifie en aucun cas «Heureux les benêts», comme beaucoup de gens l’imaginent. «Pauvre en esprit», ça veut dire tout autre chose que «pauvre d’esprit»!

Tout autre chose, mais quoi? Avouons que ce n’est pas facile de trouver une explication bien claire.

Les bibles synodale et Segond traduisent «Heureux les pauvres en esprit». Et la première ajoute une note (ce qui est rarissime chez elle), une note qui précise: «Heureux les pauvres en esprit, c’est-à-dire: ‘Heureux ceux qui ont l’esprit d’humilité, ceux qui sentent leur pauvreté spirituelle, les humbles’».

La Traduction Oecuménique de la Bible dit: «Heureux les pauvres de
cœur» . Et celle en français courant, vous l’avez entendu, donne «Heureux ceux qui se savent pauvres en eux-mêmes». Une autre bible traduit par: «Heureux ceux qui ont un cœur de pauvre».

Pour mieux comprendre ce que dit l’évangile, je vous invite à revenir à la version originale, donc au texte grec. Les «pauvres en esprit» se dit «ὃι πτωχοι τῷ πνεύματι» (hoi ptôchoi tô peumati). Littéralement «les pauvres quant à l’esprit».  Vous reconnaissez le mot «esprit» (πνεῦμα - pneuma) dont nous avons parlé le mois dernier à propos de Pentecôte. Quant à «ὃι πτωχοι» (hoi ptôchoi), les pauvres, il vient du verbe s’agenouiller et désigne aussi les mendiants, ceux qui quémandent, ceux qui tendent la main. Donc ceux qui ont besoin des autres pour vivre, et qui le demandent. 

 

On le voit donc, ce verset parle des personnes qui sont conscientes de leurs manques; qui savent qu’elles ont besoin d’autre chose pour vivre pleinement. Au fond, «les pauvres quant à l’esprit», c’est exactement le contraire des gens suffisants; de ceux qui n’ont besoin de rien (croient-ils); de ceux, par conséquent, qui regardent les autres de haut (on en revient à la tour de Babel!).

Heureux ceux qui ne sont pas suffisants, mais qui, conscients de leur pauvreté, sont disponibles pour recevoir le souffle de Dieu (et on en revient à Pentecôte, et au vent de l’esprit!). Et je précise que, quand je dis pauvreté, vous le pensez bien, il s’agit autant de pauvreté matérielle que spirituelle. On pourrait traduire donc «Heureux les humbles».

«Heureux ceux que les épreuves matérielles ou spirituelles ont exercés à compter sur le secours de Dieu». Et ça, vous, pensionnaires de Plein Soleil, vous connaissez! «Heureux ceux qui se savent pauvres», c’est pour eux que Christ est venu.


Aujourd’hui, nous sortons d’un siècle où les humains ont appris à compter d’abord sur eux-mêmes, et sur les ressources presque infinies de la science et de la technique. Mais où des prophètes entrevoient depuis quelque 50 ans les limites de ce matérialisme qui pourrait devenir mortifère.

Aujourd’hui, nous sortons d’un siècle où les humains ont appris à tout compter, même les étoiles, même les poussières de l’infini. Aujourd’hui, nous sortons d’un siècle où les humains ne comptent qu’avec ce qu’ils voient, ce qu’ils constatent, ce qu’ils peuvent prouver par l’expérience.

Aujourd’hui, rares mais particulièrement heureux sont ceux qui comptent encore sur Dieu parce qu’ils se savent pauvres au fond du

cœur. Aujourd’hui, rares mais vraiment heureux ceux qui sont conscients de leur petitesse, de leurs limites, et qui découvrent dans la venue proche de Jésus leur seule espérance de les dépasser. Celles et ceux qui comptent sur le Seigneur plus qu’une sentinelle n’attend le matin. Christ est venu pour eux en priorité.

Le royaume des cieux est pour eux, c’est-à-dire le salut, l’amour plein de Dieu, l’accueil au banquet de la paix éternelle. Tandis que celles et ceux qui ne comptent que sur les ressources terrestres seront forcément déçus un jour ou l’autre.
 

Mais attention! Ce que je viens de dire pourrait sembler une promesse pour le futur,  pour l’au-delà, pour la fin des temps. Or, notre verset est bel et bien au présent: «Heureux ceux qui ont un cœur de pauvre, car le royaume des cieux leur appartient». Ce royaume est déjà commencé par la venue de Jésus. Ce bonheur est déjà accessible dans l’assurance du salut, depuis Vendredi saint. Cette Vie majuscule est la nôtre, déjà, depuis Pâques!

Oui, cette espérance est une réalité déjà pour celles et ceux qui sont assez pauvres, assez mendiants pour la demander les mains nues. Mais c’est une réalité en marche, pas une réalité achevée. Ce bonheur est en tension constante entre les épreuves d’ici-bas et la paix parfaite qui nous attend à la fin des temps. Cette joie qui exulte en Dieu, nous sommes appelés à l’anticiper, à commencer à la vivre aujourd’hui et demain, et chaque jour. À la préparer, comme on cultive un jardin.

Cette espérance donc ne démobilise pas, elle n’incite pas à la résignation ou au fatalisme. Elle nous appelle à nous situer comme fils et filles de Dieu, qui reçoivent leurs forces de lui.

Permettez-moi de conclure sous forme de boutade, avec cette autre béatitude, qui en fait n’est pas si loin de celle qui nous a occupés ce matin. C’est frère Pierre-Yves Emery, de Taizé, qui disait en souriant: «Heureux ceux qui ne s’attendent à rien… car ils ne seront pas déçus»! Amen


Jean-Jacques Corbaz