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lundi 8 juillet 2024

(Pr, SB) Prédic. du 8 juillet 2024 - Les pauvres en esprit: benêts?


Lectures bibliques: Matthieu 5,
1-12; Psaume 130

Un ancien paroissien avait beaucoup souffert, quand il était enfant, parce qu’il se faisait traiter de benêt ou d’idiot (en bon vaudois, on disait «Tâdié» à cette époque!). Devenu adulte, cet homme portait toujours la blessure au fond de son
cœur
. Un jour, alors que j’annonçais que le culte du dimanche parlerait de la béatitude «Heureux les pauvres en esprit», je l’ai vu se rembrunir tristement. Il m’a demandé: «Est-ce que ça veut vraiment dire ‘Heureux les débiles’?». Il a eu l’air tout soulagé quand je l’ai assuré que non.

Donc, d’abord, disons-le clairement, ce verset ne signifie en aucun cas «Heureux les benêts», comme beaucoup de gens l’imaginent. «Pauvre en esprit», ça veut dire tout autre chose que «pauvre d’esprit»!

Tout autre chose, mais quoi? Avouons que ce n’est pas facile de trouver une explication bien claire.

Les bibles synodale et Segond traduisent «Heureux les pauvres en esprit». Et la première ajoute une note (ce qui est rarissime chez elle), une note qui précise: «Heureux les pauvres en esprit, c’est-à-dire: ‘Heureux ceux qui ont l’esprit d’humilité, ceux qui sentent leur pauvreté spirituelle, les humbles’».

La Traduction Oecuménique de la Bible dit: «Heureux les pauvres de
cœur» . Et celle en français courant, vous l’avez entendu, donne «Heureux ceux qui se savent pauvres en eux-mêmes». Une autre bible traduit par: «Heureux ceux qui ont un cœur de pauvre».

Pour mieux comprendre ce que dit l’évangile, je vous invite à revenir à la version originale, donc au texte grec. Les «pauvres en esprit» se dit «ὃι πτωχοι τῷ πνεύματι» (hoi ptôchoi tô peumati). Littéralement «les pauvres quant à l’esprit».  Vous reconnaissez le mot «esprit» (πνεῦμα - pneuma) dont nous avons parlé le mois dernier à propos de Pentecôte. Quant à «ὃι πτωχοι» (hoi ptôchoi), les pauvres, il vient du verbe s’agenouiller et désigne aussi les mendiants, ceux qui quémandent, ceux qui tendent la main. Donc ceux qui ont besoin des autres pour vivre, et qui le demandent. 

 

On le voit donc, ce verset parle des personnes qui sont conscientes de leurs manques; qui savent qu’elles ont besoin d’autre chose pour vivre pleinement. Au fond, «les pauvres quant à l’esprit», c’est exactement le contraire des gens suffisants; de ceux qui n’ont besoin de rien (croient-ils); de ceux, par conséquent, qui regardent les autres de haut (on en revient à la tour de Babel!).

Heureux ceux qui ne sont pas suffisants, mais qui, conscients de leur pauvreté, sont disponibles pour recevoir le souffle de Dieu (et on en revient à Pentecôte, et au vent de l’esprit!). Et je précise que, quand je dis pauvreté, vous le pensez bien, il s’agit autant de pauvreté matérielle que spirituelle. On pourrait traduire donc «Heureux les humbles».

«Heureux ceux que les épreuves matérielles ou spirituelles ont exercés à compter sur le secours de Dieu». Et ça, vous, pensionnaires de Plein Soleil, vous connaissez! «Heureux ceux qui se savent pauvres», c’est pour eux que Christ est venu.


Aujourd’hui, nous sortons d’un siècle où les humains ont appris à compter d’abord sur eux-mêmes, et sur les ressources presque infinies de la science et de la technique. Mais où des prophètes entrevoient depuis quelque 50 ans les limites de ce matérialisme qui pourrait devenir mortifère.

Aujourd’hui, nous sortons d’un siècle où les humains ont appris à tout compter, même les étoiles, même les poussières de l’infini. Aujourd’hui, nous sortons d’un siècle où les humains ne comptent qu’avec ce qu’ils voient, ce qu’ils constatent, ce qu’ils peuvent prouver par l’expérience.

Aujourd’hui, rares mais particulièrement heureux sont ceux qui comptent encore sur Dieu parce qu’ils se savent pauvres au fond du

cœur. Aujourd’hui, rares mais vraiment heureux ceux qui sont conscients de leur petitesse, de leurs limites, et qui découvrent dans la venue proche de Jésus leur seule espérance de les dépasser. Celles et ceux qui comptent sur le Seigneur plus qu’une sentinelle n’attend le matin. Christ est venu pour eux en priorité.

Le royaume des cieux est pour eux, c’est-à-dire le salut, l’amour plein de Dieu, l’accueil au banquet de la paix éternelle. Tandis que celles et ceux qui ne comptent que sur les ressources terrestres seront forcément déçus un jour ou l’autre.
 

Mais attention! Ce que je viens de dire pourrait sembler une promesse pour le futur,  pour l’au-delà, pour la fin des temps. Or, notre verset est bel et bien au présent: «Heureux ceux qui ont un cœur de pauvre, car le royaume des cieux leur appartient». Ce royaume est déjà commencé par la venue de Jésus. Ce bonheur est déjà accessible dans l’assurance du salut, depuis Vendredi saint. Cette Vie majuscule est la nôtre, déjà, depuis Pâques!

Oui, cette espérance est une réalité déjà pour celles et ceux qui sont assez pauvres, assez mendiants pour la demander les mains nues. Mais c’est une réalité en marche, pas une réalité achevée. Ce bonheur est en tension constante entre les épreuves d’ici-bas et la paix parfaite qui nous attend à la fin des temps. Cette joie qui exulte en Dieu, nous sommes appelés à l’anticiper, à commencer à la vivre aujourd’hui et demain, et chaque jour. À la préparer, comme on cultive un jardin.

Cette espérance donc ne démobilise pas, elle n’incite pas à la résignation ou au fatalisme. Elle nous appelle à nous situer comme fils et filles de Dieu, qui reçoivent leurs forces de lui.

Permettez-moi de conclure sous forme de boutade, avec cette autre béatitude, qui en fait n’est pas si loin de celle qui nous a occupés ce matin. C’est frère Pierre-Yves Emery, de Taizé, qui disait en souriant: «Heureux ceux qui ne s’attendent à rien… car ils ne seront pas déçus»! Amen


Jean-Jacques Corbaz  



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