Le buisson ardent, 2 décembre 2024
Lectures: Exode 3, 1-7, puis 10; Jean 8, 31-36
Vous connaissez sans doute le negro spiritual «Go Down, Moses! Descend, Moïse, retourne en Égypte! Dis au pharaon de laisser partir mon peuple!»
Voici donc l’histoire d’une délivrance. Le passage qui nous occupe aujourd’hui, au début du livre biblique de l’Exode, est le point de départ de la fantastique libération de la sortie d’Égypte. Un peuple nouveau va se constituer autour de ces chaînes brisées, autour de ce cadeau de Dieu: la liberté.
L’histoire d’une délivrance, donc aussi d’une naissance. Israël va venir au monde, après les contractions, les déchirements, les douleurs de l’Exode.
Quand ils étaient en Égypte, ils n’étaient qu’un paquet d’esclaves, descendants de plusieurs vagues de réfugiés… économiques (vous savez: lors des grosses sécheresses, le seul pays de la région où l’on pouvait trouver à manger, c’était la vallée du Nil). De ce groupe informe, Dieu va faire un peuple. Son peuple. Ses enfants.
Pour cet accouchement, il aura besoin d’une sage-femme… de sorte! D’ailleurs pas trop sage, car il faut être un peu fou pour se lancer à la tête de cette aventure! Ni trop sage ni trop femme… puisque les temps n’étaient guère propices au leadership féminin!
Cet accoucheur, Dieu le choisit dans la personne d’un berger. Peut-être à cause de son habitude à rassembler des bêtes rétives! Peut-être de par sa connaissance du désert et de l’Égypte. Ou peut-être parce qu’il a montré des capacités de survie étonnantes en plusieurs occasions, va savoir. En tout cas, ce n’est ni un grand orateur, ni un chef militaire. Mais je parie qu’il a déjà souvent dû dans son troupeau conduire des mises bas éprouvantes!
Moïse. Fondateur d’un peuple, et d’une religion. Mais surtout, peut-être, sage-femme. L’histoire d’une naissance. Dites, et si c’était aussi la nôtre?
Il y a, dans le désert, une grande montagne qu’on appelle Horeb, et qu’on nomme ailleurs aussi le Sinaï. Mais les bergers du coin disent «la montagne de Dieu», allez savoir depuis quand? Presque pas de végétation, sinon quelques buissons rabougris qui s’accrochent à la pente, rude.
Un soir, Moïse voit tout-à-coup l’une de ces broussailles qui brûle. Mais sans faire de fumée! Il s’approche, curieux. Il observe, mais pas de trop près. Le buisson est en flammes, mais il ne se consume pas.
Alors Moïse se rapproche encore. Il dévie de sa route pour essayer de comprendre cet étrange phénomène. Et puis, l’avez-vous remarqué? c’est quand Dieu voit le berger quitter son chemin et venir dans sa direction, c’est alors seulement qu’il décide de lui parler. De l’appeler.
Pour que cette rencontre ait lieu, il a fallu que chacun fasse un pas vers l’autre. Il a fallu que chacun quitte son parcours balisé, prévu, normal. N’en est-il pas ainsi, également, de nos rencontres vraies, aujourd’hui?
L’histoire d’une naissance, c’est d’abord, logiquement, l’histoire d’une rencontre! La rencontre au coin du feu entre Moïse et Dieu. La rencontre, aussi, entre les cris, les plaintes, les souffrances des esclaves qui montent vers le Créateur; et lui qui descend, qui en a marre de voir les épreuves de ceux qu’il aime, qui décide d’intervenir.
Et ces mouvements du haut vers le bas et du bas vers le haut, ils sont le signe de l’incroyable bouleversement religieux et politique de cette année-là: tout à coup, Dieu n’est plus cantonné dans ses nuages, à baigner dans ses félicités éternelles. Il vient rencontrer notre monde, le pénétrer, le féconder, pour que naissent des temps nouveaux! Des temps de présence et de liberté.
Et si c’était l’histoire de notre délivrance? Avec les Églises chrétiennes, nous trouvons dans ce curieux récit imagé la préfiguration d’une autre naissance, encore plus étonnante, encore plus «révolutionnante»: celle où Dieu lui-même vient au monde, Noël.
Il vient au monde, il vient à nous pour nous rencontrer. Pour que nous fassions nous aussi le pas dans sa direction. Le pas qui sera notre chemin vers la liberté.
Mais attention aux illusions! Toutes ces images de chemin, de rencontre, de délivrance et de naissance montrent bien que l’on n’est jamais achevé, accompli. Nous en avons trop entendus, de ces chrétiens qui affirment avoir rencontré Dieu tel jour, à telle heure, et que c’est acquis, et que, depuis, tout est parfait, le bonheur total…
La réalité, nous le sentons bien, est très différente. La Bible aussi, d’ailleurs. La rencontre avec Dieu n’est pas la fin de nos soucis, elle nous entraîne dans des difficultés nouvelles. Demandez un peu à Moïse, et aux amis de Jésus! Être esclave en Égypte était au fond facile, devenir homme libre est bien plus difficile!
Dans notre monde d’aujourd’hui; dans nos esclavages, nos oppressions, dans nos souffrances ou nos colères, nous aussi nous avons soif de libération. Comme au temps de Moïse, comme au temps des esclaves noirs aux USA, Dieu entend nos plaintes, nos appels. Et il descend!
Mais il n’a pas de baguette magique! Il a besoin de guides, et d’accoucheurs, comme Moïse. Il a besoin de nous aussi, de notre participation, de notre acquiescement. Aujourd’hui comme hier, comme en Jésus et comme au Sinaï, il nous appelle à nous engager sur des chemins de délivrance, ou de naissance.
Une route où il faudra beaucoup marcher. Où il y aura bien des murmures, des réticences, des souffrances. Des nostalgies aussi. Notre cadeau de Noël, ce n’est pas du préfabriqué, et il faudra souvent relire le mode d’emploi. Comme pour ces meubles qu’on achète à Ikea!
Un chemin exigeant, une lutte quotidienne. Et pourtant c’est là que marche Jésus Christ, le modèle de notre parfaite liberté. Et c’est là que nous pouvons trouver la sérénité et la résilience qui nous permettront de traverser les épreuves sans nous laisser abattre.
Hier soir, à 18h, dans tout le canton, d’autres buissons ardents ont rappelé cette histoire-là. Les feux de l’Avent, chaque année, nous disent que les vieux récits de l’Ancien Testament peuvent se passer aujourd’hui.
Dites, et si cet Avent, c’était l’histoire de notre délivrance?
Amen
Jean-Jacques Corbaz
Cantique: Go Down
1. Là-bas mon peuple est enchaîné – chante liberté!
Travaille et meurt à coups de fouet – chante liberté!
Tu vas, berger, chanter la liberté,
Cours là-bas, crie pour moi: Dieu vient vous sauver!
2. Vos yeux, vos fronts vont se lever – chante liberté!
Vos chaînes partir en fumée – chante liberté!
Tu vas, berger, chanter la liberté,
Cours là-bas, crie pour moi: Dieu vient vous sauver!
3. Un jour, l'espoir sera vainqueur – chante liberté!
Dieu chassera la mort, la peur – chante liberté!
Tu vas, berger, chanter la liberté,
Cours là-bas, crie pour moi: Dieu vient vous sauver!