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lundi 6 octobre 2025

(Co, Pr) Cinq histoires vécues par JJC pasteur

Il nous arrive à tous dans le ministère d’être mêlés à des anecdotes fortes ou émouvantes. Il m’en revient cinq, que j’ai envie de vous partager aujourd’hui. J’ai modifié certains noms par souci de discrétion.


La grand-maman de la mariée 

Je dirai d’abord l’histoire d’Emma, paysanne robuste et aimante. Emma, dont je fais la connaissance à l’EMS où elle vit désormais à cause de ses jambes qui ne la portent plus. Par contre, tant d’autres choses la portent: de voir sa ferme quasi par sa fenêtre, et d’être si bien entourée par sa famille; de les aimer, tous, de les porter dans son 
cœur
 de maman, de grand-maman, et bientôt d’arrière-grand-maman; et aussi et peut-être surtout, à la base de tout ça, de croire fermement en Dieu, sereinement, sûrement, de lire sa Bible et de prier pour dire merci.

Dans nos entretiens, elle me confie un jour quelque chose qui pourtant la turlupine: sa petite-fille attend un bébé, elle va se marier, elle-même est invitée, oui, c’est merveilleux; mais le fiancé ne veut pas de cérémonie religieuse. Lui qui a grandi dans une famille catholique très pratiquante a été dégoûté de devoir aller trop souvent à la messe, plusieurs fois par semaine… Il en est devenu complètement réfractaire aux églises. Le mariage sera donc uniquement civil.

Emma a entendu que j’ai pratiqué des bénédictions nuptiales hors des lieux de culte, en plein air ou dans des refuges. Elle se demande si…

Si, si! Pourquoi pas? Je suis d’accord que ces jeunes prennent contact avec moi, s’ils le souhaitent, pour organiser un culte, même s’ils ne sont pas mes paroissiens (ce qui arrive fréquemment).

Emma se met en piste. De son lit d’EMS, à 87 ans, elle persuade les jeunes de me contacter; imagine une cérémonie dans la grange de leur ferme, ce sera au moment où elle est quasi vide, avant les récoltes; rêve de décoration campagnarde, bottes de paille et fleurs des champs.

Et tout se passe comme elle l’avait pensé! Fête émouvante où la ferme entière accueille les invités. Les parents du fiancé sont heureux que leur fils ait accepté une bénédiction religieuse. Tout le monde est décontracté, comme à la maison. Réussite complète! Je garde moi-même un souvenir lumineux de la manière dont tout a été aménagé dans et autour de la grange. Les mariés sont émus et remplis de bonheur. Mais la plus rayonnante, c’est bien sûr Emma!

Et puis, prolongement inattendu: quelques mois plus tard, après la naissance du bébé, je reçois un téléphone des nouveaux parents. Ils me demandent de baptiser leur enfant… à l’église de Goumoens! Le jeune papa est tout à fait d’accord de venir vivre cette nouvelle fête lors d’un culte paroissial.

Emma bien sûr est de la partie. À la sortie du culte, nous nous serrons longuement la main. Je la regarde, elle me regarde, et nos yeux tous les quatre disent «merci»! 

 

 

 


Le papa 

Autre mariage, celui d’Evelyne et Raymond, elle catholique (d’une famille très engagée et conservatrice) et lui protestant. Et lui paysan. Il me téléphone un soir pour me demander de bénir leur union, et nous prenons rendez-vous pour préparer la fête.

Le jour dit, je les attends à la cure. Mais au lieu de ma porte, c’est mon téléphone qui sonne.

Au bout du fil, le père de Raymond, notable du village. «Mon fils ne viendra pas, ce mariage n’aura pas lieu».

Aïe! Bien sûr, il se révèle qu’il y a des dissensions confessionnelles qui sont à la base de ce refus. Je repense à l’histoire de Claire et de Louis, dans le même cas (Claire et Louis qui s’aiment, mais qui ont dû vieillir loin l’un de l’autre à cause de l’interdiction parentale. Avec l’âge, Claire est devenue sourde, et presque en même temps, Louis a perdu la vue. Logique: Louis ne pouvait plus voir clair, et Claire avait perdu l’ouïe!).

Mais Evelyne et Raymond, eux, trouvent rapidement une solution! Ils se débrouillent pour que l’amoureuse tombe enceinte. Dès lors, les parents n’osent plus s’opposer à «régulariser la situation», comme on dit en ce temps-là.

Le jour de la cérémonie religieuse, le père de Raymond reste un peu bloqué, ou peut-être intimidé, devant la chapelle catholique où nous allons bénir le couple. C’est l’heure de commencer, et il ne se décide pas à entrer. Je le prends alors par le bras et lui dis gentiment: «Venez, Monsieur Rochat, vos enfants vous attendent.»

Le mariage est béni par le prêtre et le pasteur, comme c’est souvent le cas alors. Et si la cérémonie a lieu dans une chapelle catholique, les enfants seront baptisés protestants. Jolie manière d’éviter qu’il y ait des perdants!

La morale de l’histoire, c’est que l’oubli d’une pilule peut faire avancer l’œcuménisme bien davantage que certains colloques spécialisés! 





Donner sa vie 

L’amour qui donne la vie, c’est André, paysan discret attaché à sa terre. André, dont le petit-fils est mourant: cancer. Des tumeurs partout, attaques, arrêts respiratoires… Un gosse de 9 ans, condamné. Dans le coma, tous attendent la fin.

Soudain, André tombe malade. Pas grave, un ulcère. Opérer sans tarder. Mais en ouvrant, de graves infections se révèlent. En trois jours et trois nuits, André est «poutzé».

L’amour, c’est André, ô combien. À l’instant de la mort de son grand-père, le gosse s’est remis à vivre. Est sorti du coma, s’est mis à parler, et à guérir, et à ressusciter. Il est toujours vivant aujourd’hui. Qui pourra l’expliquer?




 
C’est le ciel qui vous envoie 

C’était un bel après-midi d’été, très chaud. Je vais à vélo rendre visite à une paroissienne âgée qui vit seule aux Mottettes, un petit hameau près des bois, en-dessous de Vuarrens. Je trouve cette nonagénaire au jardin, et lui propose de se reposer un moment sur son petit banc, à l’ombre. Discussion sympathique, nous prenons le temps.

Au moment de remonter sur mon vélo pour rentrer, je vois de gros nuages noirs à l’horizon. Un orage va éclater, il faut que je rentre rapidement, sinon je vais être trempé!

Et patatras! Quand je traverse Penthéréaz, il commence à tomber des seilles. Mes lunettes sont pleines d’eau, je vois mal ma route, il serait plus sage de m’arrêter.

En passant devant chez Mme Haenni, il me vient une idée: elle aussi, ce serait bien que je passe chez elle. C’est une grand-maman très pieuse, qui apprécie beaucoup lorsque je viens prier avec elle. Elle ne peut plus tellement se déplacer, à cause de ses jambes bien faibles mais aussi de sa vue très mauvaise. Je ferai ainsi d’une pierre deux coups!

Je passe le petit portail sur lequel il est écrit «Attention, chien méchant» (mais il n’y a jamais eu de chien, c’est juste une ruse pour effrayer les personnes malintentionnées!). Je sonne. «Entrez!» dit-elle d’une voix forte.

Je pénètre dans l’appartement, content de me retrouver au sec. Me présente, mais elle m’avait reconnu. Et tout de suite, me lance: «Ah, Monsieur le pasteur, c’est le ciel qui vous envoie!»

Je souris intérieurement, car c’est bien le ciel! Mais Mme Haenni poursuit rapidement: «J’étais en train de coudre quand mon fil a cassé. J’ai essayé d’enfiler mon aiguille à nouveau, mais rien à faire. Entre mes mains qui tremblent et ma vue qui baisse… Au bout d’une demi-heure de tentatives vaines, j’ai posé mon ouvrage, j’ai joint les mains, et j’ai prié: ‘Seigneur, aide-moi, je n’y arrive pas toute seule’. Et quand j’ai dit ‘Amen’, vous avez sonné à la porte!

La suite, vous la devinez. J’ai enfilé l’aiguille, et nous avons prié. Il est arrivé à de nombreuses reprises que cette paroissienne me raconte des exaucements fabuleux. Mais celui-ci, j’y ai assisté, et aux premières loges!




Maman, c’est moi 

Je garde un souvenir fort d’une paroissienne que j’appellerai Juliette, mère de famille nombreuse, et presque de nombreuses familles!

Un de ses fils, au cimetière du village, a été très étonné un jour de voir une inconnue qui cherchait une tombe au nom de Juliette. «C’est ma mère, celle dont vous cherchez la pierre. Mais elle n’est pas morte, elle vit, même si elle a presque cent ans» (âge considérable en ce temps-là). «Dans ce cas, répondit paisiblement l’étrangère, dans ce cas, Monsieur, vous êtes mon frère!»

Le choc digéré, la dame s’expliqua: Juliette avait eu, avant de se marier, une fille qu’elle avait placée. Et qu’elle avait toujours cachée, par crainte des foudres de son beau-père, intransigeant sur la morale. Une fille qu’elle avait continué de cacher, après la mort du patriarche, pourquoi? Par habitude? Par peur de la réaction de ses autres enfants? Par lâcheté à avouer son manque de soin maternel? On ne le saura jamais.

Car Juliette l’aïeule, usée par trop de labeur et d’années, ne vivait plus que par crainte qu’on ne découvre son secret à sa mort. Tout son corps, fatigué par la vie rude des paysans de ce temps-là, refusait de fonctionner. Sa peau, fine comme une toile d’araignée, se déchirait au plus petit choc pour ne plus se recoller. Quel besoin intime de réparation l’empêchait de mourir?

Lorsque les nouveaux frère et soeur, tout émus de ces «trouvailles» (je ne peux pas écrire «retrouvailles»!), vinrent ensemble devant leur mère, celle-ci nia tout. «Ce n’est pas vrai, je n’ai pas d’autre fille».

L’inconnue alors posa sa main, doucement, sur le bras de celle qui ne l’avait jamais bercée et lui dit: «Maman, je te pardonne».

Deux semaines plus tard, je l’enterrais.




Jean-Jacques Corbaz  

 

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