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lundi 9 septembre 2013

(Pr, SB) Le jugement dernier, par Noriane Rapin

Prédication : Le Jugement Dernier (Mt 25,31-46)



Le jugement dernier n’a pas bonne presse dans nos Eglises… Et on imagine facilement pourquoi !
Par exemple, lorsqu'arrive la Semaine Sainte, ne répétons-nous pas à Vendredi Saint que Jésus est mort pour nos péchés ? Ne rappelons-nous pas la résurrection le dimanche suivant, chaque année ? Que faire dès lors d’un Jugement dernier… alors que nous avons vécu un événement qui est censé avoir amené le Salut à tous les hommes ??
Pour certains, il vaut mieux ne pas en parler, simplement. Pour d’autres, il faut l’éluder de manière expéditive : « l’idée d’un Dieu qui juge n’est pas en accord avec celle d’un Dieu qui aime. » D’autres encore affirment : « on ira tous au paradis ! » comme ont pu le dire un certain nombre de théologiens, de Jacques Ellul à Michel Polnareff.
Mais selon moi, l’une comme l’autre de ces solutions n’apportent pas de réponse à l’énigme du Jugement de Dieu. Elles ne sont d’aucun secours pour le croyant qui s’interroge.
En effet, face au Jugement dernier, je suis personnellement aux prises avec un paradoxe. Et je suis persuadée de ne pas être la seule.
L’idée d’un Dieu qui punit, d’un Dieu qui abandonne toute une partie des êtres humains (sa propre création !), cette idée-là m’est très difficile. N’est-ce pas ce même Dieu qui a promis de ne plus jamais punir les hommes comme il l’a fait lors du déluge ? N’est-ce pas ce même Dieu qui nous a tant aimé qu’il s’est fait homme ?
Mais d’un autre côté…
D’un autre côté, j’ai besoin de justice!
J’ai besoin de savoir que les crimes qui sont passés sous silence ici-bas sont reconnus auprès de Dieu. Qu’en est-il des victimes des génocides dont les meurtriers ne seront jamais poursuivis, car trop nombreux ? Qu’en est-il de la femme violée, de l’enfant abusé qui se terrent dans le silence et dans la honte ? Qu’en est-il des époux bafoués, des amis trahis, des travailleurs exploités ? Qu’en est-il simplement des blessés du quotidien ?
Oui, j’ai besoin d’un Dieu qui juge. Car porter un jugement, c’est articuler une parole de vérité : ce n’est pas punir un coupable à cause de la liste de ses fautes, mais c’est reconnaître les torts causés à une victime qui en souffre. C’est lui redonner un statut. C’est lui dire : « ce qui t’es arrivé était injuste, et je le sais. » De manière générale, je suis convaincue que le jugement fait partie de la Bonne Nouvelle de Dieu pour nous. Sans lui, l’amour divin perdrait tout son sens.
Mais attention ! On confond souvent Dieu-juge et Dieu-punisseur. Et je pense que le passage de Matthieu que nous venons d’entendre n’est pas tout à fait étranger à cela. C’est vrai qu’on y lit qu’une partie du troupeau est vouée aux châtiments éternels…
Pourtant je pense qu’il est nécessaire de replacer le passage dans un contexte plus large.
Au début du tableau, il est question du Fils de l’Homme, et de son retour en gloire. Le Fils de l’Homme, à cet endroit précis, correspond parfaitement à l’idéologie apocalyptique juive de l’époque : un personnage céleste, transcendant,  il juge pour mieux séparer, et surtout pour mettre de côté.
Mais immédiatement après, un retournement se produit ! Voilà que Jésus s’abaisse plus bas que terre : il s’identifie aux petits. Qui sont-ils ? Matthieu parle des prisonniers, des malades… En somme, ce sont ceux qui, aux  yeux de la société,  manquent d’un petit bout d’humanité. Ce sont ceux dont la vie sociale et même matérielle dépend entièrement d’une personne, n’importe laquelle, qui va bien vouloir leur tendre la main.
Le fait que Jésus s’identifie aux laissés pour compte à cet endroit précis est loin d’être anodin. En effet, dans l’Evangile de Matthieu, la première déclaration qui suit cette description du jugement dernier est une annonce de la Passion, où Jésus s’identifie implicitement, mais très clairement au Fils de l’Homme.  Vu sous cet angle, le personnage du Fils de l’Homme prend un tout autre sens, et notre conception traditionnelle du Dieu juge inatteignable prend un sacré coup dans l’aile. Le Christ nous apprend qu’il est en fait juge et partie : il parlera depuis le banc des plaignants. Il est de leur côté, car il a traversé lui-même leurs souffrances absurdes en mourant sur la Croix.
Personnellement, cela me fait penser aux victimes dont je parlais tout à l’heure : ces personnes qui sont abandonnées et seules avec leur douleur, Jésus-Christ les relève. C’est cela, la première fonction du Jugement : c’est de redonner la parole, à travers le Christ, à ceux qui ont perdu la faculté ou le droit de s’exprimer par eux-mêmes.
Que dire alors des justes et des maudits ?
Tout d’abord, je crois nécessaire de rappeler que l’Evangéliste Matthieu se distingue surtout par sa mise en scène spectaculaire et surtout par sa rhétorique extrêmement tranchée. Il ne faut donc pas négliger la dimension métaphorique et pédagogique de ce texte qui paraît un peu effrayant et violent.
Il me semble en effet qu’il décrit deux tendances qui coexistent au sein de nous-mêmes plutôt que deux groupes de personnes bien définis. Personne ne peut se targuer d’être parfaitement juste, ni parfaitement mauvais. Selon ce que je comprends de Matthieu, nous sommes sans cesse face à un choix dans nos relations humaines : nous pouvons être bâtisseur du Royaume en accueillant même les plus insignifiants, même ceux dont la souffrance nous fait fuir. Ou alors nous pouvons nous conduire comme des « diables », c’est-à-dire littéralement des agents de séparation et d’exclusion.
Quoi qu’il en soit, nous sommes incapables de mesurer l’exacte portée de nos actes au moment où nous agissons, et ce quel que soit le choix que nous fassions (c’est de cela que témoignent les réactions des justes et des maudits dans notre passage : « mais quand t’avons nous fait cela ? »). Il s’agit de la deuxième fonction du Jugement : il existe pour nous éclairer sur nos actes, sur l’incidence que nous avons dans le monde et dans le projet de Dieu.
Plutôt qu’un Jugement qui interviendra à la fin de l’Histoire, je préfère voir ici le rappel permanent de Dieu qui nous affirme à quel point nous sommes responsables dans les relations que nous entretenons avec nos semblables et vis-à-vis du Royaume que nous construisons : Matthieu nous le dit à sa manière (tranchée) : 2 chemins s’ouvrent à nous : l’un vers le Royaume, et l’autre vers un monde de solitude, de détresse et de conflits.

Non, je ne crois pas que l’idée d’un Dieu qui juge est incompatible avec celle de la grâce et de l’amour infinis. Elle le serait avec la conception d’un Dieu tout sucre-tout miel, un Dieu sympa et bon copain ; mais pourrait-on alors parler d’amour véritable envers tous, spécialement envers les victimes que nous sommes tous à un moment ou à un autre ? Serait-ce là un amour juste ?
Bien au contraire. Dieu, par son jugement, nous offre une parole qui nous relève et qui met des mots sur notre souffrance ; il nous offre une parole qui nous révèle à nous-même dans ce que nous avons de plus lumineux et de plus sombre. Dans tous les cas, le jugement, par son existence même, témoigne qu’aux yeux de Dieu, nous avons une place à tenir ici et maintenant, même si nous ne le soupçonnons souvent pas.
Chers frères et sœurs, je suis convaincue que le jugement est une parole qui nous dit inlassablement : « qui que tu sois, quoi que tu fasses, quel que soit le mal que tu as subi, tu comptes ! »

Amen.
Noriane Rapin

Prédication pour le culte du 14 avril 2013 à Belmont

Pour aller plus loin : 
André Herren, Le jugement dernier en procès, éd. Ouverture, 2012.
Marie Balmary, Daniel Marguerat, Nous irons tous au paradis, Albin Michel, 2012.

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