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dimanche 29 octobre 2017

(Pr, Vu) "Semper dépoussièranda"

Prédication du 29 octobre 17 - «Enlever la poussière»
- à propos de la Réforme, que nous commémorons dimanche prochain.
 
Lectures bibliques: Jean 12, 24-26; 2 Corinthiens 5, 14-15; Psaume 68, 2-7; Romains 3, 22-24


M. le pasteur est en visite chez des paroissiens. Ceux-ci racontent combien l’évangile et la prière les accompagnent, régulièrement, chaque jour. Alors, avant de partir, M. le ministre demande une bible, pour un petit recueillement. Son hôtesse va en chercher une, et revient en soufflant sur le vieux livre (souffler sur la bible): “Excusez-moi, M. le pasteur, mais ces objets qu’on utilise rarement ont tendance à se couvrir de poussière...”!
 

Il y a 500 ans: la Réforme. Pour certains, ce fut, oui, un bon dépoussiérage. Faire sortir la Bible de son oubli. Dépasser une religion où la forme semblait plus importante que le fond, certains parlent même d’hypocrisie ou de théâtre. Enlever la couche de superstitions et de croyances magiques qui avait peu à peu recouvert la foi chrétienne.

Remettre au coeur de l’Eglise une confiance active au Christ vivant, raviver l’amour du Dieu de pardon gratuit et de paix. Faire fondre comme la cire au feu les verrous qui cadenassaient la religion de ce temps-là: vénalité et autorité; amour du pouvoir et de la richesse, qui avaient écarté les chefs chrétiens de l’évangile.

Il y a 500 ans: la Réforme. Mais, pour d’autres croyants, cet événement est d’abord un sujet de tristesse; une rupture de l’unité de l’Eglise. On devrait plutôt, disent-ils, demander pardon de n’avoir pas su préserver une Eglise unie, comme le Christ le voulait.

Cette opinion est respectable, mais elle idéalise les temps d’avant la Réforme! En effet, on sait aujourd’hui que l’Eglise a connu bien des ruptures d’unité dès le 1er siècle déjà. De nombreuses dissidences sont apparues à toutes les époques; certaines ont disparu; d’autres sont restées au sein de l’Eglise catholique (par exemple les franciscains); et d’autres s’en sont séparées, comme les orthodoxes ou les Vaudois du Piémont.

Quand je lis le Nouveau Testament (NT), déjà je suis frappé par le nombre de conflits, de scissions, de groupes qui se traitent mutuellement de faux apôtres, voire qui s’excommunient. Toute l’histoire de l’Eglise foisonne d’hérésies, c’est-à-dire de doctrines religieuses différentes de celle qui a fini par émerger, après bien des combats.

Au 1er siècle, les ruptures séparaient principalement les chrétiens venus du monde grec de ceux d’origine juive. Le NT montre comment ces derniers (on les appelle “judéo-chrétiens”) voulaient imposer la circoncision à tous les anciens païens convertis. C’est ce conflit qui a été à l’origine du martyre d’Etienne, le premier diacre. Vous voyez, dix ans après la mort de Jésus, il y a déjà des chrétiens qui tuent d’autres chrétiens à cause de leur foi différente!
 

L’unité parfaite de l’Eglise n’a jamais existé. Et les communautés chrétiennes ont toujours été marquées par les imperfections très humaines de leurs chefs.
  
Il y a 500 ans: la Réforme. Aujourd’hui donc, dans quel esprit commémorer cet événement? Est-ce remuer des vieilleries? Augmenter les rancoeurs de part et d’autre? Serait-ce peut-être se féliciter de s’être séparés des catholiques (comme si on fêtait l’anniversaire d’un divorce)!? Ou bien au contraire s’en lamenter? Vouloir retourner dans le passé?

Devant vous, je dis non à tout cela! C’est vrai, la Réforme a été un choc. Comme toutes les ruptures. Un choc douloureux, qui a laissé des cicatrices profondes. Un choc qui a été mal vécu par beaucoup, parce que le respect des autres n’était pas la qualité première des protagonistes. De tous les protagonistes!

Mais un choc aussi qui a eu des conséquences très réjouissantes, positives, dont nous pouvons être heureux! Reconnaissants!

Par exemple, la Réforme a remis la Bible au centre de la vie chrétienne. Au Moyen Âge, les chefs d’Eglise agissaient en pensant à leurs propres intérêts, à leur influence. La Bible comme référence unique a été pour la communauté des croyants une arme de premier plan contre l’arbitraire et les tyrans.
  


Autre exemple, la décision personnelle de la foi. Avant la Réforme, on ne décidait pas d’être chrétien, on devait l’être, et obéir! Croire, en ce temps-là, ce n’était pas établir une relation individuelle à Dieu qui nous aime; c’était pratiquer des rites  dont la gesticulation liturgique ne laissait pas de place à l’adhésion personnelle. Je dis bien “avant la Réforme”, car l’Eglise catholique a beaucoup évolué depuis, Dieu merci!

Au Moyen Âge, il était impensable de croire différemment de ses voisins. La Réforme donc a rendu un fier service à tous: athées, protestants, mais aussi catholiques, car elle a montré que croire en Dieu ne va pas de soi. Oui, croire en Dieu ne va pas de soi. Christ nous veut libres, même lorsque l’Eglise laisse cette liberté se couvrir de poussière!

Par conséquent, troisième exemple, et troisième trésor légué par la Réforme, par conséquent la communauté des chrétiens n’arrivera jamais au point où elle aurait atteint la vérité, toute la vérité, rien que la vérité! Toute Eglise est imparfaite, et il n’y a pas un modèle unique qui serait donné par l’évangile. Nos structures sont toujours en lien avec des circonstances très terre-à-terre, locales ou historiques, voire avec des tempéraments humains.

Toute Eglise est faillible. Bien sûr, le Saint-Esprit la dirige, mais chacun(e) interprète à sa manière ce qu’il lui souffle. Luther et ses collègues ont donc très tôt prêché que la réforme de l’Eglise est toujours à recommencer, jamais parachevée, sans cesse à reprendre. En latin, “Ecclesia semper reformanda” était leur slogan: l’Eglise est toujours à réformer. Appelée à continuellement se remettre en question pour être mieux fidèle à l’esprit de l’évangile.

La vie est ainsi faite qu’elle nous fabrique des ornières, des scléroses. La rigidité s’empare de toutes nos inventions géniales. Toutes nos inventions géniales, même l’Eglise! Même la foi! Il faut alors, parfois, des ruptures brusques et douloureuses, pour faire craquer la carapace qui devenait étouffante, et pour libérer à nouveau le souffle de l’Esprit qui était à l’intérieur. L’Eglise est toujours à réformer.
  

Enfin, quatrième et dernier trésor dont je souhaite vous parler ce matin (mais il y en a encore des quintaux, bien sûr!): le salut par grâce. Si je suis libre, le NT me dit aussi que Dieu ne va jamais me condamner pour mes erreurs. Je n’ai pas à mériter d’être sauvé, ni par mes actes, ni par un rite, ni par quoi que ce soit. Le salut est gratuit (c’est ce que veut dire le mot “grâce”: gratuité). Comme la lettre aux Romains le souligne avec vigueur, nous sommes pécheurs, tous; mais Dieu, dans sa bonté sans limite, nous sauve tous et nous rend justes sans que nous ne le méritions.

Ce trésor se dit, en latin, ”Sola gratia” (par la grâce seule) ou  “sola fide” (par la foi seule). C’est Dieu qui nous rend justes, par son amour infini. Je ne peux que l’accepter dans la foi.

J’aime ce mot de Luther: “Les pécheurs ne sont pas aimés parce qu’ils sont beaux, mais ils sont beaux parce qu’ils sont aimés”!

Et ce cadeau ne veut pas nous démobiliser. Au contraire, cette grâce reçue a pour mission de nous inciter à mieux exercer nos responsabilités. À devenir toujours mieux solidaires les uns des autres. Savez-vous? l’action sociale est aussi fille de la réforme: l’Armée du Salut, la Croix-Bleue, le Centre Social Protestant... L’évangile qui libère nous rend responsables les uns des autres.

  

Aujourd’hui donc, célébrer cet anniversaire géant, 500 ans, me semble essentiel. Pas seulement pour mesurer son ampleur; pas tellement pour fixer les yeux sur hier. Mais surtout pour être mis en marche, aujourd’hui; pour être renouvelés et dynamisés par le mouvement qu’il a suscité, et qu’il suscite encore de nos jours. Ce demi-millénaire retentit donc comme un appel pour tous, quelle que soit notre confession. Un appel à cultiver notre confiance et notre liberté. Notre relation avec Dieu et notre solidarité. Et à les vivre!

Fêter la Réforme, en 2017, c’est surtout vivre selon son esprit. Marcher à contre-courant des ornières, des scléroses, de l’inertie des traditions. À contre-courant de tout ce qui rapetisse, qui emprisonne ou qui contraint. À contre-courant des résignations et des formalismes qui paralysent.

Fêter la Réforme, aujourd’hui, c’est toujours secouer la poussière! C’est accepter d’être graine de foi, critique et responsable. Accepter d’entrer à nouveau, toujours, dans ce processus créatif qui veut faire de nous (et de nous tous, quelle que soit notre Eglise) des croyants en marche vers le Christ, à contre-courant de toute résignation. Appelés à continuellement se remettre en question, se réformer, pour être mieux fidèles à l’esprit de l’évangile.

Fêter la Réforme, aujourd’hui, oui, c’est toujours secouer notre poussière! (souffler sur la bible) Amen.                                          


Jean-Jacques Corbaz 



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