Lectures bibliques: Ruth 1, 1-16 ; Romains 6, 3-8 ; Romains 8, 1-2
Il m’est arrivé une étonnante aventure : j’ai eu la chance
(en tant que pasteur retraité) de visiter le paradis !
Ce qui m’a le plus frappé, c’était, dans le hall d’entrée,
immense, une quantité de cadrans, comme de petites horloges. Chacun de ces cadrans portait le nom
d’une personne.
J’ai demandé à l’ange qui m’accueillait ce que c’était.
- Eh bien, me dit-il, ce sont les compteurs des péchés. Chaque
fois que la personne commet un péché, l’aiguille avance d’un cran. Ainsi, nous pouvons savoir en permanence
où chacun en est.
Intrigué, je demande à voir le cadran de certains de mes
paroissiens.
Edouard Briquet ? Son compteur marque 4h17.
Pas de souci, me dit l’ange, il est sur la bonne voie.
Boris Voirol ? 2h24 !!
Là, nous avons une personne exceptionnelle ! La moyenne est d’environ 7 ou 8 heures.
Edouard Briquet ? Son compteur marque 4h17.
Pas de souci, me dit l’ange, il est sur la bonne voie.
Boris Voirol ? 2h24 !!
Là, nous avons une personne exceptionnelle ! La moyenne est d’environ 7 ou 8 heures.
Encouragé par ces commentaires, je demande à voir mon propre
compteur.
- Jean-Jacques Corbaz ? Aïe, non, ce n’est pas possible :
votre cadran est sur le bureau personnel de Dieu le Père.
- Ah bon ? Mais pourquoi ? Il surveille les pasteurs de si près ?
- Non, non, ce n’est pas ça ! Mais vous comprenez, il fait si
chaud aujourd’hui : il s’en sert comme ventilateur !!!
J’aime bien cette histoire, parce qu’elle décrit exactement ce que
beaucoup de gens croient, c’est-à-dire que Dieu s’amuserait à comptabiliser les
péchés des humains, qu’ils ou elles soient pasteur, coiffeuse ou ménagère !
J’aime bien cette histoire, parce qu’elle montre exactement le
contraire de ce que nous dit la Bible : en réalité, Dieu
ne calcule pas nos péchés, il n’épie pas nos désobéissances pour voir si nous
méritons le paradis ou non. La Bible ne nous parle de péchés que pour nous
aider à réaliser le fait que Dieu les pardonne entièrement, gratuitement, sans
condition. Il vient supprimer le péché, c’est-à-dire nos culpabilités face à
lui.
Et là, vous voyez comme cela rejoint le baptême de Viktoria, que nous
avons célébré
tout à l’heure. L’eau est le symbole d’un Dieu qui nous lave, nous purifie de
nos fautes, dit le Nouveau Testament.
L’évangile n’insiste sur nos désobéissances que pour montrer
qu’elles nous éloignent du projet de Dieu pour nous, ça oui : un projet de
bonheur, de liberté, de paix. Mais ce sont nos peurs, nos légendes humaines qui
ont bâti tous ces scénarios d’enfer, de purgatoire et de je ne sais quelles
punitions. Ce sont nos consciences qui ont de la peine à accepter d’être
déchargées gratuitement, comme ça, par amour ! Car Dieu a tant aimé le monde qu’il
nous a donné son fils pour que nous soyons sauvés. – On pourrait dire aussi : pour
mettre nos compteurs à zéro, et qu’ils y restent !
La Bible, ainsi, n’est pas obsédée par le courroux divin, comme
certains le croient. Je dirais plutôt qu’elle est obsédée par une seule
chose : la tendresse de Dieu pour nous, et son absolue fidélité à son
projet de nous sauver, quoi que nous fassions.
Cet attachement, c’est exactement ce que raconte le livre de Ruth, dont nous avons entendu le début. Je vous encourage à le lire en entier ; d’ailleurs, il n’est pas long : cinq pages en tout. Dans une traduction en français moderne, il se lit comme un roman. Ou plutôt comme une très belle histoire d’amour – émouvante.
Un juif, Elimelek, décide de s’expatrier, à cause de la famine. En
ce temps-là, en effet, les réfugiés économiques pullulaient, mais on les
laissait entrer ! Elimelek trouve donc refuge à Moab, un pays fertile proche de
l’actuelle Jordanie.
Mais cette famille est poursuivie par la malchance :
Elimelek meurt bientôt, et ses deux fils, à peine mariés, le suivent. Ne restent que trois
femmes, sans ressources. À cette époque, une veuve ne peut survivre qu’en se
remariant, ou alors en se plaçant sous la protection d’un fils.
Nos trois malheureuses n’ont aucun descendant. Il ne leur reste
donc qu’une seule chose à faire : retourner chacune dans sa famille, en espérant trouver
un mari pour les deux jeunes, ou un parent compatissant, ce qui est nettement
plus aléatoire ! Le sort de Noémi n’est vraiment pas enviable ;
c’est la famine assurée. Mais il n’y a rien d’autre à faire.
Rien ? Ce n’est pas l‘avis de Ruth, qui refuse de quitter sa belle-mère.
Ruth piétine les traditions, parce qu’elle ne veut pas abandonner Noémi. Elle
qui est païenne, elle vient vivre en Israël, à Bethléem, pour aider celle à qui
elle s’est attachée.
C’est ainsi que tout va changer pour Noémi (dont le nom veut dire
« Bienheureuse », et qui pourra le rester, bienheureuse, malgré les
coups du sort). Tout va changer pour Noémi, et aussi pour Israël : par
des aventures que racontent les chapitres 2, 3 et 4, Ruth non seulement permet
à sa belle-mère de survivre, mais encore elle lui donne un enfant ! Ce
fils de Ruth sera le grand-père du roi David, le plus fameux, le plus brillant
de tous les juifs. Elle, l’étrangère, deviendra l’ancêtre du roi symbole d’Israël, étoile de la foi !
Mieux encore, elle sera, comme David, ancêtre de Jésus lui-même !
Parabole ! L’attachement obstiné de Ruth pour Noémi devient ainsi,
comme souvent dans l’Ancien Testament, signe de l’attachement obstiné de Dieu
pour son peuple. Pour tous les hommes. Pour toutes les femmes. Et surtout pour
les plus démunis !
Et de la même façon, le baptême de Viktoria, et tous nos baptêmes
deviennent ainsi symbole, signe et fête de l’attachement obstiné de Dieu pour
nous.
J’aime à vous parler de ces deux femmes en ce jour où une petite fille baptisée est accompagnée par deux marraines. En un temps aussi où les personnes du beau sexe sont nettement majoritaires dans nos lieux de culte ; cela alors que notre société a toujours tant de peine à laisser aux dames leur part de pouvoir !
Il y a un petit détail qui, à ma connaissance, n’a jamais été
relevé par aucun exégète. Comme un clin d’œil ! À la première ligne du livre de
Ruth, l’auteur écrit (je cite) : « C’était au temps où les Juges avaient
le pouvoir en Israël ». D’habitude, on ne donne jamais ce genre de précision
comme ça. Donc, cette petite introduction veut dire quelque chose d’original,
elle met le doigt sur une particularité.
« C’était au temps où les
Juges avaient le pouvoir en Israël », et toute la suite nous montre deux
femmes obscures, Ruth et Noémi, qui font basculer leur destin, et celui
d’Israël, et celui de l’univers :
puisque c’est de leur attachement invraisemblable que naîtront le roi David et
surtout Jésus ! Le pouvoir n’était pas où l’on croyait !
Ecoutez cette jolie histoire :
- Sais-tu, demande le
rouge-gorge, sais-tu combien pèse un flocon de neige?
- Oh, répond la colombe,
rien du tout! C’est insignifiant! Négligeable!
- Ecoute, reprend le
rouge-gorge, j’étais dans la forêt, et j’admirais l’hiver. J’ai compté les
flocons qui tombaient. Sur une branche, qui
était fragile, sont tombés 14’277 flocons. Mais quand s’est posé le 14’278ème
(qui pèse trois fois rien, comme tu disais, négligeable...), eh bien, la
branche a cassé... Parfois, il suffit de peu pour tout changer.
- C’est peut-être vrai,
se dit la colombe (une autorité en matière de paix). Peut-être ne manque-t-il
qu’un geste, dérisoire, insignifiant, pour que tout bascule... pour que la paix
soit possible... ou qu’on soit heureux...
Non, le pouvoir n’est pas toujours où l’on pense. Selon le
livre de Ruth, il est entre les mains de Dieu. Dieu qui ne fait jamais les choses comme on
attend. Dieu qui veut
toujours faire éclater les petits-cadrans-de-nos-petites-horloges-de-nos-petits-péchés.
Pour nous faire
éclore librement au grand soleil de sa passion-tendresse !
Jean-Jacques Corbaz
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire