Pour vous y retrouver

Bonjour! Bienvenue sur ces pages, que j'ai plaisir à ouvrir pour vous!
Vous trouverez sur ce blog différentes sortes de contributions:
- annonce (An),
- billet (Bi),
- citation (Ci),
- confession de foi (CF),
- conte (Co),
- formation d'adultes (FA),
- humour (Hu),
- image (Im),
- liturgie (Li),
- poésie (Po),
- prédication (Pr),
- réflexion (Ré),
- sciences bibliques (SB),
- vulgarisation (Vu).
Bonne balade entre les mots!

Ces œuvres sont mises à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution - Partage dans les Mêmes Conditions 3.0 non transposé.

Ce blog fait partie d'un réseau de sites réformés "réseau-protestant.ch" qui vise à coordonner et rendre visibles et lisibles les publications web de la galaxie du protestantisme de Suisse romande. Voir sur ce blog la page https://textesdejjcorbaz.blogspot.com/p/blog-page.html>.

dimanche 15 juillet 2018

(Pr) Puissance de l'Esprit de Dieu 2° - Y a-t-il une vie après le désespoir?

Prédication du 15 juillet 18  -  "On m'appelle enclume"

Ezéchiel 37, 1-14



Ollon, le 17 juin 2018

Mon cher Patrick,

Depuis quelques années, je te sens fatigué. Un peu usé. Tu t’es énormément battu, au chevet d’un monde égoïste. Au chevet aussi de ton Eglise, de ta paroisse, quelque peu essoufflées.

Et quand je qualifie notre société d’essoufflée, je me rends compte que ça veut dire, presque, “en panne d’esprit”. En panne d’esprit tout court... voire en panne du Saint-Esprit. Lui, il nous vient sans cesse, mais on n’arrive pas toujours à le recevoir.

Alors, quand le deuil t’a frappé, j’ai cherché une parole biblique qui puisse te redonner un souffle d’espoir. Une lueur de sourire. C’est ainsi que je suis tombé sur cette jolie narration de Daniel Roux*, à partir de la vision d’Ezéchiel 37.

Ni toi ni moi n’avons l’étoffe d’un prophète. Alors, je te propose de nous glisser dans la peau (euh... si j’ose dire!!), dans la peau d’un tout petit os, à peine 4 ou 5 millimètres. Un os qui n’a rien pour lui, à part la tendresse gratuite de Dieu. Ecoute-le:

 


Je m’appelle enclume. Ma place est entre le marteau et l’étrier.

D’habitude, la mort venue, je reste à ma place avec le marteau et l’étrier précisément, dans notre petite grotte. Nous restons attachés l’un à l’autre, tranquillement. La vermine ne s’intéresse pas à nous. Aucune chair ne nous entoure, alors les bestioles nous dédaignent.

Les ligaments qui nous relient se dessèchent, mais ils tiennent bon. Ainsi, nous continuons à faire une petite chaîne à trois maillons durant des siècles, des millénaires. Même si les tympans se délabrent, entre nous, nous résistons. Enfin, quand tout va bien.

Car là, je parle de mes congénères, les enclumes normales. Entre marteaux et étriers normaux, dans des oreilles humaines normalement constituées. Ce qui n’est pas du tout notre cas.

Car mes frères et moi, imagine! Nous sortons d’une espèce de rêve, ou d’une histoire à dormir debout. C’est un personnage nommé Ezéchiel qui nous a vus, moi et des milliers d’autres os humains.

Ezéchiel? C’est un drôle de bonhomme, un prêtre du Temple de Jérusalem.

Il y a 2600 ans, les armées de Babylone ont envahi son pays et l’ont emmené en exil. Avec beaucoup d’hommes, de femmes et d’enfants de son peuple, déportés à Babylone.

Notre Ezéchiel, ça lui a tapé sur l’enclume. Il est devenu un peu marteau. Il semble qu’il ait joliment perdu les étriers, comme on disait quand on allait à cheval (aujourd’hui, on perd plutôt les pédales!).
  

C’est ainsi qu’à Babylone, il a senti la souffrance de son peuple qui était perdu lui aussi, il se sentait abandonné, désemparé. Il a vibré si fort, au coeur de cette souffrance, qu’il en est devenu prophète.

Prophète, qu’est-ce que ça veut dire? Je vais l’exprimer comme je le comprends, avec mes mots d’enclume: quand la mort vient, le regard se brouille, le corps ne sent plus rien; seules les oreilles captent encore les sons. En tout cas, c’est ainsi que nous avons vécu la mort, mes deux compagnons et moi.

Eh bien Israël, à l’époque, était comme un homme en train de mourir. Et Ezéchiel était comme l’oreille de cet homme. Une oreille si sensible qu’elle a entendu une voix venue d’ailleurs.

“Petit d’homme”, disait la voix. Et cette voix résonnait en lui comme dans une immense caverne. Comme dans le grand Temple de Jérusalem quand il était encore debout.

Ezéchiel s’est alors senti saisi comme une plume entre deux doigts, et soufflé, emporté par cette brise, et transporté dans une vallée.

“Petit d’homme”, a répété la voix. Et à ce son, un désert est apparu, jonché de squelettes démantibulés. Ezéchiel, porté par le vent, s’est vu balader dans toute cette vallée, au milieu de milliers et de milliers d’ossements tout secs.

Moi, l’enclume, j’étais donc là, perdue parmi ces os, délaissée; inutile comme un déchet non recyclable. J’avais perdu mon crâne, perdu mes frères le marteau et l’étrier. J’étais couché entre un tibia et une vertèbre que je ne connaissais ni d’Eve ni d’Adam.
 
Ezéchiel, oreille d’Israël, a vibré dans la voix venue d’ailleurs. Elle a dit: “Petit d’homme, ces ossements peuvent-ils revivre?”. Puis elle a ajouté: “Parle à ces os, dis-leur que Dieu veut leur redonner vie”. Incroyable!?

Imagine! Qu’y a-t-il de plus mort que des os blanchis par le soleil et éparpillés dans la fournaise d’une vallée désertique? Et comment ces os pourraient-ils entendre une voix? Même si cette voix redisait les paroles mêmes de Dieu.

Mais il y a plus incroyable que cet incroyable-là. Car qui suis-je, moi qui te parle? Une enclume, un osselet de rien. Et même pas une vraie, je suis une enclume sortie de l’imagination d’un lecteur du 21è siècle, lecteur d’un vieux bouquin d’il y a 2600 ans, écrit par un insensé,   tout prêtre qu’il était; prêtre réduit au chômage par la destruction du Temple et la déportation.

Cet exilé, Ezéchiel, a décrit avec des mots d’homme une expérience paranormale. Et il a eu la folle illusion que son message pourrait être entendu par le peuple d’Israël, qui avait le moral dans les chaussettes, déporté comme lui à Babylone.

L’incroyable de chez incroyable, c’est que je me suis senti emporté dans un immense mouvement qui nous a tous fait voler comme un jour de grand vent. J’ai senti tout à coup mon frère le marteau qui me cognait, me cognait encore, rajeuni et plein de vigueur. “Bing, bang, qu’il me chantait à tue-tête, c’est le big bang!”. J’ai retrouvé l’étrier retapé à neuf. Et nous avons repris place dans notre crâne recomposé, derrière un tympan souple et tendu comme un tympan de nouveau-né. Nous avons vibré ensemble de la lente pulsation des vagues du sang. Et nous avons retrouvé notre fonction première, qui est de transmettre une parole.
  

Tu as entendu?

Il ne nous était pas demandé de croire, ni même d’espérer, encore moins de comprendre; mais de nous mettre à l’écoute. Moi comme tous les autres os. Oui tous, jusqu’au bout du coccyx. Nous mettre à l’écoute pour reformer un corps digne de recevoir le souffle, ce souffle qui est voix, cette voix qui est force de vie, cette force de vie qui est amour.

                                            *                         *

Voilà, mon cher Patrick, l’histoire que j’ai reçue. Je ne prétends pas, à moi seul, te redonner des raisons d’espérer. Mais je veux juste jouer mon rôle, modeste, de récepteur et de transmetteur. De maillon d’une chaîne. Comme un petit os qui reprend sa place.

Cette place, elle m’est donnée par chaque personne avec qui  je suis relié: mes proches et mes moins proches... jusqu’à Ezéchiel, et au-delà!

Sais-tu qu’Ezéchiel, ça veut dire deux choses:
- ou bien Dieu est fort;
- ou bien Dieu rend fort!

Et ça tombe bien! Car la voix qui l’appelle “Petit d’homme”, elle lui rappelle que cette force vient d’ailleurs. Et qu’elle existe. Et qu’elle agit! Cette force que nous, chrétiens, appelons le Saint-Esprit.

Quand tu traverses la souffrance, je te souhaite ainsi beaucoup de transmetteurs. De maillons d’une chaîne. Comme des voix d’En Haut. Pour te redire qu’au coeur de ta faiblesse une force infinie est à l’oeuvre.

Un jour, c’est toi qui m’avais redonné le courage de vivre. Je prie pour que tu reçoives, toi aussi, un grand souffle, qui soit porteur de l’Esprit de Dieu. C’est Lui qui redonne la vie... en nous rapprochant les uns des autres!

Bien à toi, amicalement,

(signé) David
 
Amen


Jean-Jacques Corbaz 


* Dans “Itinéraires” n° 51, été 2005, pp. 10 sq



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire