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dimanche 10 mars 2019

(Pr) Brebis ou boucs émissaires? Le (par)don de Dieu

Prédication du 10 mars 2019 "À quoi ça sert, le Carême? - un (par)don à recevoir"

Lectures bibliques: Lévitique 16, 20-25; Lévitique 23, 26-29; Matthieu 18, 12-14; Romains 3, 21-24


On n’ose plus tellement, aujourd’hui, parler de pardon, et de péché. À part dans le cadre du culte, peut-être! J’ai parfois l’impression que beaucoup de gens se sentiraient ridicules de nommer ces choses-là en public  - sauf si on est pasteur, évidemment!

C’est le retour de manivelle: on en a tant parlé aux générations précédentes, on a culpabilisé les croyants d’hier si bien qu’aujourd’hui on a envie de ranger aux oubliettes ces notions de pardon, de faute; de confession. Vous avez dit: indigestion?!
 


Pourtant, je crois que la culpabilité, moins on en parle, et plus elle pèse! Le pardon: plus on l’affirme haut et clair, plus il libère! La nature a horreur du vide, c’est connu. Alors, si les chrétiens désertent certains domaines, comme la question du péché, eh bien ces domaines se font envahir par une religion sauvage, païenne, infiniment plus oppressante et destructrice, parce qu’elle reflète nos peurs les plus profondes!

La culpabilité est aussi vieille que le monde. Seules changent les méthodes pour la traiter ou la contrôler.

Alors parlons-en, de quelques-unes de ces méthodes.

À l’époque de l’Ancien Testament, une cérémonie spéciale revenait chaque année. Au milieu de la foule rassemblée, sur le parvis du temple de Jérusalem, le grand-prêtre posait les mains sur la tête d’un bouc. Dans cette position, il confessait les péchés du peuple d’Israël et les transférait, disait-on, dans l’animal, l’animal qui devenait ainsi le bouc émissaire.

Après cela, ce dernier, chargé symboliquement de toutes les désobéissances des juifs, était envoyé à la mort dans le désert, ou parfois jeté du haut d’une falaise. Par son sacrifice, les Israélites obtenaient ainsi le pardon de Dieu. Cette cérémonie solennelle s’appelait le “yom hakkipourim”, ou encore le “yom kipour”; le jour du Pardon.


Depuis la destruction du temple de Jérusalem, les juifs ne peuvent plus célébrer de sacrifice. Ce rite du bouc émissaire a donc cessé, et il a été remplacé par deux prières chaque jour. “Pourquoi chaque jour?” demandait un étudiant à son rabbin. “Eh bien, répondit le maître, parce qu’il faut faire pénitence le jour avant ta mort”. “Mais, dit l’étudiant, comment puis-je connaître le jour de ma mort?” “Tu ne peux pas, reprit le rabbin. C’est pour cela qu’il faut faire pénitence chaque jour. De cette manière, à l’heure de ta mort, tu seras libéré de tout péché”.

Cependant, Israël célèbre aujourd’hui encore le “yom kipour”. Les juifs, réunis dans la synagogue, debout devant le Seigneur, énumèrent la liste de tous les péchés du monde, et ils les confessent comme s’ils les avaient tous commis. Mais pourquoi donc?

Parce que, répondent les rabbins, les Israélites sont solidaires les uns des autres; garants de leurs frères. Si l’un succombe au péché, toute la communauté est responsable, parce qu’elle ne l’a pas aidé au moment où il en avait besoin. Ses péchés sont aussi les miens!

Dernière précision sur le pardon chez les juifs: savez-vous que la réconciliation avec son prochain est prioritaire par rapport à  la réconciliation avec Dieu. Parce que, selon les rabbins, le “yom kipour” apporte le pardon du Seigneur de façon quasi automatique, alors que l’offense faite à autrui ne peut se passer du pardon, qui rétablit la relation entre les deux personnes!
Changeons d’époque. Vous connaissez les avatars du pardon au Moyen Âge, en particulier avec les fameuses indulgences: les chrétiens devaient payer en argent pour effacer leurs péchés. Autre dérive: dans le catholicisme, la pratique de la confession individuelle, qui est toujours une manière de monnayer la grâce de Dieu (même si ce n’est plus pour de l’argent), et qui aussi efface le rôle de la communauté, la solidarité entre croyants.

Mais au fond, dites-moi: chez nous, dans le protestantisme, est-ce que cette solidarité existe davantage, sur la question du pardon? La communauté nous aide-t-elle à nous libérer, et à réaliser la gratuité de la grâce? J’en doute un peu...

N’avons-nous pas trop tendance à laisser la culpabilité nous rendre malheureux, par peur de l’évoquer les uns auprès des autres?

Pour aujourd’hui, il me semble primordial de retrouver des gestes, des paroles, des fêtes qui renouent avec les racines de notre foi: prendre au sérieux nos besoins de pardon et de réconciliation, face à Dieu et aussi les uns envers les autres. Prendre au sérieux, ensemble, nos culpabilités, et les déposer aux pieds du Christ, lui qui s’est offert comme bouc émissaire pour tous nos péchés. Je me dis parfois qu’en notre temps, il n’y a plus guère que les psy qui font ce genre de travail!
  

Les 40 jours avant la Semaine sainte, l’Eglise vit le Carême; ou la Passion. N’est-ce pas justement là le lieu où nous pouvons privilégier ces démarches? À savoir reconnaître nos péchés, nos manquements, nos insuffisances; et puis, demander pardon à qui de droit; et puis, essayer de corriger le tir, de mieux répondre aux attentes de Dieu? Voilà un joli programme pour ces semaines de mars et d’avril, qu’en pensez-vous?

Mais. Mais en n’oubliant jamais, de grâce! (c’est le cas de le dire) en n’oubliant jamais que Dieu ne veut pas la mort du pécheur, il désire plus que tout qu’il change et qu’il vive. Toujours, Dieu veut nous sauver, il court tous les risques pour nous rechercher, nous les brebis perdues. Il veut passionn’aimant nous délivrer de nos péchés, même s’il doit pour cela y laisser sa peau.
 

Passion. Carême. Temps de Dieu qui nous aime. Temps du (par)don. La dernière partie de cette prédication, c’est vous qui allez la faire! Je vous invite, je nous invite, dans le silence qui va venir, à prendre au sérieux nos culpabilités, et à les déposer aux pieds du crucifié. Je nous invite à prendre au sérieux nos besoins de pardon et de réconciliation, et à laisser Dieu y répondre.

Le silence qui va venir sera plus long que d’habitude, j’espère que ça ne vous mettra pas mal à l’aise. Il me semble en effet que nous avons besoin de plus que 20 secondes pour prendre au sérieux nos culpabilités, les déposer au pied du crucifié avec nos besoins de (par)don, et à laisser Dieu y répondre. Amen


Jean-Jacques Corbaz           



2 commentaires:

  1. Je retranscris ce commentaire intéressant d'André Durussel (Chêne-Pâquier) à propos du bouc émissaire:
    "Pauvre animal innocent sur lequel on "transférait" ainsi les péchés des hommes et des femmes... Ce "spécisme" ou anthropocentrisme sévit aujourd'hui encore parmi l'Eglise, hélas!
    Les pratiques barbares du rite sacrificiel contenues dans la genèse du religieux archaïque (selon René Girard) ne devraient plus avoir cours au 21è siècle... Agneau pascal, etc... D'où l'emprise croissante des mouvements "végane" et "végétarisme", élevages concentrationnaires d'animaux "de rente", etc. Nous sommes heureusement végétariens depuis de longues années déjà.
    André Durussel

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    1. Cher Monsieur,

      Merci beaucoup pour votre commentaire! Il prolonge de manière sympathique les réflexions de la prédications, j'apprécie!

      Le 11 mars justement, je prêchais le même texte à Plein Soleil. Et là, il m'est venu d'ajouter spontanément quelques réflexions qui rejoignent les vôtres, sur ce pauvre animal innocent envoyé à la mort. Et je voyais bien que ces mots rejoignaient le sentiments des personnes de l'assistance, qui n'étaient qu'à quelques mètres de moi.

      Je me suis permis d'ajouter vos propos en commentaire sur mon blog, au bas de ma prédication. C'est dire si je les partage, même si pour ma part je ne suis pas végétarien. Je trouve essentiel en tout cas de respecter les animaux, qui sont aussi des créatures de Dieu.

      Concernant l'article d'Olivier Clerc*, il rejoint des choses que j'ai déjà dites dans une autre prédication sur le pardon. Je suis donc entièrement d'accord avec lui quand il écrit que le pardon est d'abord là pour nous faire du bien à nous-même.

      Pourtant, je suis comme vous songeur à propos de la phrase que vous avez marquée dans la marge d'un "?" ("Ce processus n'implique pas l'adhésion à une foi ou à une croyance particulière"). J'imagine qu'il veut dire que ce processus du pardon libérateur n'a pas besoin, pour être vécu, que la personne soit rattachée à une religion particulière. Je répondrai oui et non. Oui, car c'est effectivement une démarche de prise de recul sur ses émotions que peut parfaitement vivre un athée. Mais non, parce que le christianisme tel que je le comprends et tel que j'essaie de le vivre est un puissant moteur qui favorise et illumine ce travail intérieur, et qui même l'appelle. Je crois fermement que pour ma part, c'est l'évangile qui me permet et me stimule pour essayer de pardonner et donc recevoir cette guérison bienfaisante. Mais je n'exclus pas que d'autres le vivent de manière moins "religieuse".

      Merci encore pour cet échange stimulant!

      * Dans le Temps Magazine du 9 mars 2019, p.10

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