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jeudi 30 mai 2019

(Pr) Un chemin pour le deuil. De Pâques à l'Ascension

Prédication de l’Ascension, 30 mai 2019

Une autre présence. Quand l'Ascension explique la résurrection

Lectures: Luc 24, 33-43; Luc 24, 45-53

L’Ascension, c’est d’abord l’histoire d’une absence. L’histoire d’un deuil, même. Voilà des disciples, des amis, que la mort de Jésus laisse comme orphelins; des croyants qu’il avait mis en route vers la pleine présence de Dieu, et qui soudain se sentent très seuls.

Et c’est pourquoi, pour bien comprendre l’Ascension, il nous faut parler en tout premier du deuil.
  


On le sait bien: le deuil est un long chemin. Quand on a perdu quelqu’un de proche, quelqu’un de cher, la blessure met beaucoup de temps à se refermer. Je ne dis pas “à guérir”, car souvent on ne guérit jamais. Je dis à se refermer, parce qu’on se blinde un peu. On se protège.

Mais il y faut du temps. Hélas, aujourd’hui notre manière de vivre à toute vitesse nous complique la tâche. Juste quelques heures pour pleurer; juste quelques jours pour les formalités administratives et des obsèques chronométrées... et puis, nous devons recommencer la course. La vie quotidienne reprend le dessus, avec son cortège de soucis et d’apparences à préserver. Alors, on enfouit notre deuil dans une boîte dont on referme solidement le couvercle, pour qu’il ne nous importune pas. On n’ose plus tellement parler de l’absent. On mène des conversations antalgiques ou des activités-pansement. Et on se retrouve seul(e), avec son chat ou avec une pile de dossiers...

Ainsi va la vie face à la mort... jusqu’au jour où ça craque, jusqu’au jour où nous devons réaliser, dans la crise, que le deuil à crédit, il se paie, tôt ou tard.

On ne joue pas impunément avec les rythmes profonds de notre humanité. Il faut neuf mois pour tisser un bébé, et il faut des années pour que grandisse l’enfant. On ne prend pas acte d’une séparation en 24 heures. Le chemin du deuil, tout comme celui de l’agonie, est un chemin de croix. Avec ses stations; ses stagnations aussi; et ses élans de pleurs, et ses révoltes, et ses colères, et ses temps de résignation. Envie de solitude... puis besoin d’être entouré et serré dans des bras amis. Sentiment d’abandon, puis de retrouvailles, toujours à reconquérir...
  


Le deuil est un chemin de quarantaine. Vous savez, ce nombre 40 a une signification symbolique très ancienne: on pense aux 40 ans d’Israël dans le désert, temps d’épreuve pour apprivoiser la liberté. On pense aussi aux 40 jours du déluge, ou à ceux de la tentation de Jésus. On se souvient encore du Carême, 40 jours avant Pâques. Eh bien, les disciples pour avancer dans leur deuil ont eu besoin de la même durée juste après, entre la Résurrection et l’Ascension.

La fête que nous célébrons aujourd’hui est donc une étape symbolique. Elle vient clore le temps des apparitions du Ressuscité. Elle ouvre l’étape suivante, celle d’une présence autre, non matérielle, et pourtant réelle.

Sachez-le, ces 40 jours où le Christ est apparu à ceux qui l’aiment n’ont pas été aussi simples et limpides qu’on le croit aujourd’hui. Ce temps a été étrangement partagé entre la joie - et la peur; entre le doute - et la certitude qui fraie sa route, la certitude qui dit: et si tout n’était pas fini?

Vous savez, ce n’est qu’après coup, ce n’est qu’avec le recul qui embellit le souvenir qu’on a représenté ce temps comme uniquement joyeux. Mais les apparitions du Christ ressuscité ont commencé par provoquer surtout des questions, et du désarroi. Les plus anciens textes bibliques en témoignent: il n’a pas été facile du tout pour les croyants de se familiariser avec cette nouvelle forme de présence.
 


Alors, dans ce processus, l’Ascension illustre deux choses: d’une part, elle est le moment inéluctable où il faut se séparer du corps de celui qu’on a aimé. Mais, d’autre part, l’Ascension est le signe d’une promesse, qui rend la vie possible, malgré la mort. Au coeur des endeuillés, cette certitude est murmurée, qui vient nous rassurer: “Je m’en vais, et pourtant je ne vous laisse pas seuls!” La présence du disparu n’est pas tarie, mais désormais, elle transparaît autrement, de manière nouvelle.

Vous savez, ceux qui nous ont quittés ne sont pas “arrachés à notre affection”, comme on le dit parfois. Au contraire, ils continuent de peupler nos jours et nos nuits, ils continuent d’habiter nos émotions et nos rêves, même si c’est bien sûr d’une manière différente. Ils sont souvent autant présents qu’avant, si ce n’est davantage, de par leur statut nouveau.

Comme le disait Jésus, “Je suis avec vous jusqu’à la fin du monde”. Cette parole fondamentale n’aura jamais fini de s’insinuer dans les tâtonnements de nos deuils.

L’Ascension est ainsi la célébration d’un énorme mystère, j’ai presque envie de dire: du Mystère majuscule, essentiel, de la foi chrétienne. Celui d’une présence qui ne ressemble à aucune autre. Nos défunts, comme Jésus, sont là, tout proches. Jésus, comme nos défunts, continue de vivre et d’agir à travers nos sentiments pour lui. Selon l’expression géniale de St-Exupéry, “on ne voit bien qu’avec le coeur, l’essentiel est invisible pour les yeux”.
  

L’Ascension, c’est d’abord l’histoire d’une absence; mais l’Ascension, c’est ensuite et surtout l’histoire d’une autre présence. Elle ne signifie pas séparation, mais mystérieuse communion. Elle marque la relation nouvelle qui s’instaure, désormais, entre le Christ et ses disciples.

Victorieux, vivant, le Ressuscité est pourtant invisible et discret; si discret que souvent, on a l’impression qu’il est absent, ou qu’il se désintéresse de nous. Puissant, glorieux, il est pourtant toujours en butte à l’opposition du monde; à l’égoïsme et au mépris. Agissant, semeur de joie, il a pourtant sans cesse besoin de nous pour que se concrétise sa bonté; comme un compositeur a besoin d’interprètes pour que sa musique devienne vivante!

Le Christ sort de scène, a-t-on dit; mais il continue d’influer sur le monde, à travers nous! Il nous passe le témoin: “À vous de jouer, maintenant! Ce n’est pas moi, nous dit-il, ce n’est pas moi la star de l’histoire. Moi, je vous ai montré que l’amour est plus fort que tout. Que les relations sont plus fortes que la mort physique. Dès aujourd’hui, c’est à vous d’occuper le devant de la scène, c’est à vous de vivre cet amour qui peut vaincre la mort”.
   


Au coeur de l’Ascension, comme au coeur de toute foi chrétienne, il y a donc cette interrogation et ce mystère, qui sont aussi un appel: comment puis-je, comment pouvons-nous rendre présent le Ressuscité dans notre monde? Quels signes puis-je, quels signes pouvons-nous donner de son intérêt passionné pour chacun(e)?

Sachons-le: sans nous, le Christ est impuissant pour réchauffer les coeurs et pour illuminer la terre. Il a besoin de nous pour que chantent son espoir, son respect de chacun(e), et sa vie malgré la mort. C’est ce que dira Pentecôte, juste après l’Ascension; suite logique de l’Ascension: Christ est en nous, il vit en nous, pour nous rendre mieux vivants!

 

Comme l’exprime aussi ce beau texte poétique de Jo Akepsimas, qui sera notre conclusion:

Il restera de toi ce que tu as donné.
Au lieu de le garder dans des coffres rouillés.

Il restera de toi, de ton jardin secret,
Une fleur oubliée qui ne s'est pas fanée.
Ce que tu as donné en d'autres fleurira.
Celui qui perd sa vie
Un jour la trouvera.

Il restera de toi ce que tu as offert
Entre les bras ouverts, un matin au soleil.
Il restera de toi ce que tu as perdu
Que tu as attendu, plus loin que les réveils,
Ce que tu as souffert en d'autres revivra.
Celui qui perd sa vie
Un jour la trouvera.

Il restera de toi une larme, tombée,
Un sourire, germé sur les yeux de ton coeur.
Il restera de toi ce que tu as semé
Que tu as partagé aux mendiants du bonheur.
Ce que tu as semé en d'autres germera.
Celui qui perd sa vie
Un jour la trouvera.

Jo Akepsimas  
                     
                                                                    Jean-Jacques Corbaz   




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