Pour vous y retrouver

Bonjour! Bienvenue sur ces pages, que j'ai plaisir à ouvrir pour vous!
Vous trouverez sur ce blog différentes sortes de contributions:
- annonce (An),
- billet (Bi),
- citation (Ci),
- confession de foi (CF),
- conte (Co),
- formation d'adultes (FA),
- humour (Hu),
- image (Im),
- liturgie (Li),
- poésie (Po),
- prédication (Pr),
- réflexion (Ré),
- sciences bibliques (SB),
- vulgarisation (Vu).
Bonne balade entre les mots!

Ces œuvres sont mises à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution - Partage dans les Mêmes Conditions 3.0 non transposé.

Ce blog fait partie d'un réseau de sites réformés "réseau-protestant.ch" qui vise à coordonner et rendre visibles et lisibles les publications web de la galaxie du protestantisme de Suisse romande. Voir sur ce blog la page https://textesdejjcorbaz.blogspot.com/p/blog-page.html>.

lundi 20 juin 2022

(Pr) Isaac, une sacrée étape de sa vie!

Prédication du 20 juin 2022-  «Le sacré fils d’Abraham»

 

Lectures bibliques: Genèse 22, 1-19, Matthieu 19, 21-24, Jean 12, 24-25.

K. Gibran, « vos enfants ».

 

Y a-t-il un révolté dans la salle? Je veux dire: est-ce que, parmi nous, il y en a qui trouvent horrible cette histoire dite du «sacrifice d’Isaac»? Je l’espère bien. Car pour beaucoup, nous avons entendu ces récits de l’Ancien Testament si tôt et si fréquemment que nous nous sommes un peu habitués aux horreurs qu’ils contiennent. C’est mon cas.

 

Mais, quand je réfléchis un peu, quand je raisonne en tant que père (ou grand-père!), moi aussi, je trouve épouvantable ce Dieu qui demande à un homme d’immoler son fils unique. Il joue de manière sadique avec les sentiments paternels d’Abraham, non? C’est révoltant!

 

J’espère que vous réagissez un peu comme ça. Car sans cette révolte, on risque de comprendre notre histoire de manière très incomplète.

 

Pour bien saisir ce qu’elle veut nous dire, regardons tout d’abord ce qui l’entoure: juste avant, le chapitre 21 de la Genèse nous raconte le moment où Isaac est sevré; c’est-à-dire, dans la culture juive, l’époque où le garçon est séparé de sa mère, et où c’est le père qui le prend en charge. À ce moment, Sara, sa mère, devient jalouse d’Ismaël, le fils qu’Abraham avait eu auparavant avec une servante. Elle obtient qu’Abraham chasse Ismaël et sa mère. Le patri-arche les envoie dans le désert, ce qui les voue à une mort quasi certaine.

 

 

Puis c’est notre récit du sacrifice (manqué) d’Isaac ; et le chapitre s’achève avec la naissance de Rébecca. La suite racontera la mort de Sara, puis le mariage d’Isaac et Rébecca. Tout nous est donc présenté comme si notre récit était une charnière, une sorte de passage de l’enfance à l’âge adulte pour Isaac.

 

Bien sûr, vous connaissez l’interprétation traditionnelle de notre histoire: Dieu teste la foi d’Abraham, et ce dernier obéit de manière exemplaire. Cette façon de voir est juste et vraie, c’est important de mettre en évidence l’obéissance et la foi d’Abraham… mais il y a dans notre récit des tas d’autres choses dont j’ai envie de vous parler ce matin.

 

Quelques détails m’ont intéressé. Par exemple, au début, quand Dieu appelle Abraham, il lui dit «Va». Mais le verbe hébreu de la V.O. veut dire plus que ça. Il signifie «Va vers toi», ou «Va pour toi», «Va pour ton bonheur». Ce qui nous donne un indice qu’Abraham, lui aussi,  va découvrir quelque chose de nouveau. Ce n’est pas seulement un examen qu’il passe, c’est également un progrès qu’il va faire.

 

Deuxième détail. Quand Dieu demande à Abraham d’offrir son fils en holocauste, l’hébreu utilise un verbe très courant qui veut dire «faire monter». Ce verbe désigne l’action de l’holocauste: «Fais monter un agneau» signifie «Fais brûler un agneau en holocauste» (vous vous souvenez peut-être que cette sorte de sacrifice était entièrement consumé par le feu, à la différence d’autres sacrifices où on mangeait une partie de l’animal). Mais, «faire monter» ça veut dire aussi, tout simplement… eh bien «faire monter», voire «faire grandir»! «Prends ton fils et fais-le monter sur la montagne», on pourrait très bien le comprendre sans penser du tout à un quelconque sacrifice! «Fais-le gravir la montagne, ou fais-le grandir!»…  Il y a là une ambiguïté, ou alors un jeu de mots!

 

Troisième détail. L’hébreu dit qu’Abraham se met en route. Il prend deux jeunes hommes, soit deux domestiques, avec son fils. Or quand il reviendra, à la fin du récit, le narrateur dira simplement «Ils revinrent, ensemble». Avant le sacrifice manqué, Isaac est appelé «enfant» ou «fils». Après, il est appelé «jeune homme». Comme s’il avait, ainsi, franchi une étape de sa vie, un palier.

 

Quatrième détail. Dieu a deux noms, dans cette histoire! Il y a celui qui demande à Abraham de sacrifier son fils (ou de le faire monter), c’est Dieu (en hébreu Elohim). Et il y a celui qui arrête le bras du patriarche et qui rappelle ses promesses de bénédiction, c’est Le Seigneur (en hébreu YHWH, qu’on a traduit autrefois par L’Eternel).

 

Dans l’Ancien Testament, Elohim c’est plutôt le dieu strict, de la rigueur, de la morale. Alors que YHWH, c’est davantage le dieu libérateur, celui de la miséricorde et de l’amour, celui qui nous accompagne, l’ami proche.

 

  

 

Conclusion de ces quatre détails: il semble que, dans notre récit, ce soit aussi Abraham qui passe d’un stade à un autre en même temps que son fils; que ce soit l’histoire d’une découverte par Isaac et surtout par son père, une découverte au sujet de Dieu: le Créateur n’est pas que rigueur inflexible, mais il est surtout grâce, amour, volonté de liberté. Cet épisode est un enseignement sur Dieu, qui protège la vie, qui refuse les sacrifices humains. Ce n’est pas tellement l’obéissance aveugle ou le renoncement qui sont prônés ici. Mais plutôt la foi en un Seigneur qui veut sans cesse nous rendre libres.

 

Cette libération va être douloureuse pour Abraham surtout. J’ai l’impression que le fil conducteur de notre récit, c’est la possession du patriarche, sa tendance à être possessif avec son fils.

 

En effet, résumons. Parce qu’Isaac est assez grand, c’est à Abraham maintenant de l’éduquer. Alors il se sépare de l’autre fils, Ismaël, comme pour garder Isaac tout à lui.  Mais Dieu voit le point de résistance, comme Jésus avec le jeune homme riche; l’attachement excessif que le patriarche porte à Isaac. Dieu demande ce seul fils qui reste. Et Abraham obéit. Tout en marchant vers le lieu du sacrifice, pendant trois jours, il se dépossède d’Isaac. Il en fait son deuil.

 

Par trois fois (cinquième détail), par trois fois, quand on devrait parler de l’agneau à offrir en holocauste, le narrateur dit brusquement «tous deux allaient, ensemble». Comme s’il voulait nous suggérer que la victime, dans cet étrange sacrifice, la victime, c’était tout autant le père que le fils. Abraham, qui devait apprendre à se déposséder d’Isaac: tous deux allaient, ensemble.

 

Dernier détail, étonnant. Alors qu’on a toujours parlé, pour l’holocauste, d’un agneau, soit d’un animal fils, eh bien c’est un bélier qui sera finalement sacrifié, soit un animal père. La Bible a de ces clins d’oeil!

 


 

Parce qu’Abraham a accepté de se sacrifier en même temps qu’Isaac, parce qu’il n’a pas retenu son fils, il devient ainsi image prophétique du Seigneur lui-même, lui qui à Golgotha n’épargnera pas non plus son fils unique, pour nous libérer!

$$$

 

Enseignement sur Dieu, qui refuse les sacrifices humains, qui ne veut pas accaparer les hommes, mais les rendre libres.

 

Enseignement sur nous-mêmes. Nous-mêmes qui, comme Abraham, sommes appelés à nous déposséder, à nous «désaccaparer» de nos enfants, ce qu’exprimait très bien le texte de Khalil Gibran, tout à l’heure. De nos enfants biologiques et aussi bien sûr de nos «enfants» entre guillemets! Donc de nos entreprises, de nos créations, de nos œuvres, qui font notre fierté.

 

Non pas de les considérer comme futiles, bien sur! Mais d’éviter de nous y attacher avec excès, de les accaparer, d’empêcher les autres d’y avoir accès.

 

Eugène Ionesco a eu ce mot profond: «c’est souvent la peur de perdre qui nous fait perdre». Une fois qu’Abraham a compris cela, alors il peut donner, et il recevra au centuple. Depuis ce moment-là, quand il part, il ne prend plus son fils ou ses jeunes hommes: non, ils partent, ensemble!

 

Abraham, ainsi, a su ne pas retenir son fils, au moment où il le fallait. C’est pour cela qu’il est devenu une figure exemplaire de foi. Il a su le faire ni trop tard ni trop tôt: Isaac n’est pas un petit enfant, c’est un adolescent.

 

Dès lors, Isaac peut se marier: son père l’a offert, Dieu ne l’a pas pris; il est donc libre!

 

Friedrich Hoelderlin disait: «Dieu crée l’homme comme la mer crée les continents: en se retirant». Amen  

         


Jean-Jacques Corbaz  

 

 


  

 

+ Avant la prédication, nous avons chanté «Trouver dans ma vie ta présence… choisir avec toi la confiance». Et après l’intercession, bien sûr: «Les mains ouvertes».

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

« Vos enfants ne sont pas vos enfants » de Khalil Gibran 

 

Vos enfants ne sont pas vos enfants. Ils sont les fils et les filles de l'appel de la Vie à la Vie. Ils viennent à travers vous mais non de vous. Et bien qu'ils soient avec vous, ils ne sont pas votre propriété. Vous pouvez leur donner votre amour, mais pas vos pensées. Car ils ont leurs propres pensées.

Vous pouvez héberger leurs corps, mais pas leurs âmes. Car leurs âmes résident dans la maison de demain que vous ne pouvez visiter, pas même dans vos rêves. Vous pouvez vous efforcer d'être comme eux, mais ne cherchez pas à les faire à votre image. Car la vie ne marche pas à reculons, ni ne s'attarde avec hier. Vous êtes les arcs desquels vos enfants sont propulsés, tels des flèches vivantes. L'archer vise la cible sur le chemin de l'Infini, et Il vous tend de Sa puissance afin que Ses flèches volent vite et loin. Que la tension que vous donnez par la main de l'Archer vise la joie. Car de même qu'Il aime la flèche qui vole, Il aime l'arc qui est stable.

 

 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire