Pour vous y retrouver

Bonjour! Bienvenue sur ces pages, que j'ai plaisir à ouvrir pour vous!
Vous trouverez sur ce blog différentes sortes de contributions:
- annonce (An),
- billet (Bi),
- citation (Ci),
- confession de foi (CF),
- conte (Co),
- formation d'adultes (FA),
- humour (Hu),
- image (Im),
- liturgie (Li),
- poésie (Po),
- prédication (Pr),
- réflexion (Ré),
- sciences bibliques (SB),
- vulgarisation (Vu).
Bonne balade entre les mots!

Ces œuvres sont mises à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution - Partage dans les Mêmes Conditions 3.0 non transposé.

Ce blog fait partie d'un réseau de sites réformés "réseau-protestant.ch" qui vise à coordonner et rendre visibles et lisibles les publications web de la galaxie du protestantisme de Suisse romande. Voir sur ce blog la page https://textesdejjcorbaz.blogspot.com/p/blog-page.html>.

lundi 15 mai 2023

(Pr) Après Pâques: «Frères, que faire?» - L’éthique chrétienne

 Prédication du 15 mai 2023

Lectures bibliques: Actes 2, 32-33 + 37-39; Romains 12, 1-3; Colossiens 3, 1-4


C’est une petite phrase qui n’a l’air de rien, mais qui m’a titillé, qui a mis en route en moi toute une réflexion. La demande des personnes qui ont entendu le discours de l’apôtre Pierre, juste après l’évènement de Pentecôte, le don du Saint Esprit aux croyants. Ils questionnent: «Frères, que devons-nous faire?».

Et là, je me suis dit: mais quelle chance elle a, la paroisse, la communauté, à qui on pose cette question! Quelle chance! Car aujourd’hui, c’est si souvent l’Eglise qui recherche des bénévoles, qui court après les personnes disponibles pour leur offrir des responsabilités, pour leur demander de faire quelque chose!

Quelle chance elle a, la communauté, la paroisse, surtout si elle peut répondre à cette demande par autre chose que «déplacer des chaises pour l’Assemblée paroissiale» ou «préparer des gâteaux pour la kermesse»!!

Frères, que devons-nous faire? C’est toute la question de l’éthique, c’est-à-dire du comportement des chrétiens.

La réponse de Pierre dans le livre des Actes est brève; mais ça ne veut pas dire qu’elle est simple! Il dit: «Changez de vie (ou de comportement)». Il s’agit de se tourner vers d’autres valeurs, orienter notre existence et nos actes différemment, comme le tournesol pivote pour mieux s’exposer à l’astre du jour.

L’apôtre Paul dira, lui, dans sa lettre aux Romains: «Dieu nous a libérés du carcan du péché. Ne vous conformez donc pas aux habitudes de ce monde, mais laissez Dieu vous transformer et vous donner une intelligence nouvelle.»

Que devons-nous faire? Et si cette demande nous était adressée aujourd’hui, que répondrions-nous?

Pas facile! Car la tentation est grande de dire: «Faites le bien - et pas le mal»; et de dresser un catalogue de ce qu’il faut faire, et de ce qu’il ne faut pas faire.

Or, à notre grande surprise, Jésus n’est pas du tout préoccupé par le bien et le mal. Il n’en parle jamais! Il remplace ces notions anciennes par un appel à aimer: «Tu aimeras le Seigneur… tu aimeras ton prochain».

Il y a 2000 ans, c’était audacieux, de remplacer la morale par l’amour. C’était révolutionnaire. Mais des siècles d’autorité ecclésiastique en ont usé le tranchant, si bien que l’amour selon le Christ est devenu une vieille rengaine fade et lisse dans l’esprit d’aujourd’hui; sans consistance, sans pointe, sans engrenage… Pour tant de nos contemporains, «aimer son prochain» est devenu quasi «être gentil avec tout le monde», voire «ne pas faire de vagues»! Comme si je ne grondais jamais mes enfants ou mes petits-enfants parce que je les aime?!

 

Il nous faut donc aujourd’hui réapprendre ce que c’est qu’aimer selon le Christ. Réapprendre ce que ça a d’incisif, de risqué, d’aimer ainsi. Aimer parce que nous avons changé de vie. Aimer parce que nous avons quitté les habitudes de ce monde pour laisser Dieu nous transformer. Aimer parce que nous sommes morts à notre ancienne manière de vivre, pour reprendre l’image de la lettre aux Colossiens, et que nous sommes ressuscités à une vie nouvelle!

Chers amis en Christ, voici une des conséquences du message explosif de Pâques: ils sont morts pour nous, tous les catalogues de choses à faire ou à ne pas faire, les listes du bien et du mal, les morales et les moralistes! Ils sont morts à Vendredi saint pour qu’à Pâques ressuscite une autre vie, celle de la liberté! Depuis Golgotha et la Résurrection, la foi en Dieu n’a plus de contraintes, plus d’obligations.

La religion juive était basée sur la loi, c’est-à-dire sur un règlement qui essaie de prévoir et de préciser chaque cas: «Si ton prochain fait ceci et cela, tu feras alors ceciceça…». Il suffit de consulter le catalogue et d’appliquer les sanctions.

Mais depuis le ressuscité de l’évangile, le croyant est renvoyé à lui-même: ce qu’il faut faire? Eh bien, changer de vie! Et pas une seule fois, mais toujours! Faire continuellement exploser les routines et les conformismes, pour rejoindre l’autre en vérité; et pour rejoindre Dieu; et se rejoindre soi-même. En vérité.

Chercher la meilleure solution à chaque fois, sans avoir de catalogue à consulter, ni de livre de recette à suivre. Chercher ce que Dieu pourrait préférer, au cas par cas. Peser chaque fois les inconvénients et les avantages, pour les uns et pour les autres. Vous le savez, ce n’est pas du tout facile, la liberté!

Par exemple, quand une personne est atteinte d’une maladie incurable et qui entraîne des souffrances intolérables, que décider? Que faire, ou que ne pas faire? Chaque situation n’est-elle pas différente?

Un autre exemple. On a beaucoup fait du christianisme une religion individuelle.  Et c’est vrai, et c’est important que chacun, face au Dieu de l’évangile, se situe personnellement dans la foi ou dans le doute, ou dans les deux! Mais le comportement que Jésus appelle a aussi plein de dimensions communautaires. L’éthique chrétienne nous interpelle également dans notre vie sociale, voire dans notre vie politique. Là aussi, je dirais même là surtout, l’évangile nous propose des valeurs différentes de celles du monde; il appelle des idéaux, des modèles qui contestent ceux de notre société.

Que les chrétiens s’installent dans le conformisme, et ils perdent une part importante de leur vocation. Et je pense là à des Eglises trop proches du pouvoir, comme au Moyen Âge, voire encore naguère en Europe même, parfois. Je pense aussi à ces télévangélistes américains qui me semblent davantage attirés par la richesse que par l’altruisme!

«Changez de vie». «Ne vous conformez pas aux habitudes de ce monde». Ressuscitez!» Puisse ce temps entre Pâques et Pentecôte nous aider, cette année et toutes les autres, à répondre à notre vocation d’humains: réellement libérés pour aimer, pour servir, pour faire grandir l’espérance.

Que devons-nous faire? On peut tourner le Nouveau Testament dans tous les sens, il n’y a pas de réponse précise, du genre «faites ceci mais pas cela». La question demeure, et c’est très bien ainsi.

Dans le provisoire où je vis, je ne peux que répondre ceci: la vie chrétienne est un chemin, un chemin de relation avec le Christ. Mettez-vous en route avec nous sur ce chemin, et ensemble nous découvrirons le goût neuf de la liberté de Jésus. Et ensemble, nous construirons un peu de ce monde, nouveau, à l’image de notre seul modèle: le royaume de Dieu, le règne du Christ.

J’avais presque terminé cette prédication quand j’ai lu, dans 24 Heures de samedi, les quatre pages consacrées aux 10 ans de l’assassinat de Marie Schluchter, dont j’ai bien connu les parents. En y repensant, je me dis que l’attitude de cette famille, face à un drame abominable, est une magnifique illustration de ce changement d’orientation dont parle le Nouveau Testament. Ces gens, tellement frappés par cet évènement injuste et immérité, ces gens n’ont jamais cédé à la haine, ni au désir de vengeance. À aucun moment ils ne se sont écartés d’une attitude évangélique. Oui, ils ont réussi à ce que, comme nous l’avons chanté,  l’amour de Dieu les façonne («Comme un souffle fragile»). Merci à eux pour cet immense témoignage!

Un dernier mot. Ou plutôt une autre manière d’exprimer ce que je viens d’essayer de dire. Nous les devons à Roland de Pury dans son «journal de cellule» en 1943, alors qu’il était emprisonné par la Gestapo.

«Si, au lieu de perdre notre temps et notre liberté à nous garder rancune, à nous envier, à nous mesurer les uns aux autres, à nous hisser les uns par-dessus les autres, si nous voulions essayer de recevoir chaque heure de notre vie comme le captif reçoit sa première heure de liberté, (…) ne serait-ce pas au milieu de nous déjà le royaume de Dieu? (…) Je sais qu’il ne faut rien anticiper. L’heure de la fin n’a pas encore sonné; mais celle de Pâques a sonné déjà; nous sommes déjà rachetés, affranchis des chaînes de l’injustice et de la mort; nous sommes déjà sortis de la cellule infernale que bâtissait, pierre à pierre, notre incrédulité.» 


Roland de Pury.
 

Amen


Jean-Jacques Corbaz  


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire