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dimanche 22 septembre 2024

(Pr) Prédication du 22 septembre 2024 Le Kadénec, ou Dieu nous cherche

Lectures bibliques: Esaïe 65, 1-2; Matthieu 13, 44-46  

Il était une fois, en Bretagne, près de la mer, un petit garçon nommé Gaël. Son père était pêcheur, comme presque tout le monde là-bas à cette époque. Gaël rêvait, lui aussi, de s’embarquer tous les matins, très tôt, quand le jour n’est pas encore levé, pour aller pratiquer le métier de ses ancêtres. Mais un incident allait orienter sa vie tout différemment.

À l’âge de dix ans, Gaël est considéré comme un grand. Dès ce moment, il peut accompagner son père sur le bateau. Tout fier, tout excité, il embarque, et il est très heureux d’aider à la  manœuvre
et à préparer les filets.

Ce premier jour de sa nouvelle vie, quand la nuit se dissipe, est un instant magique. Gaël ne se lasse pas de contempler la mer, les poissons, les oiseaux, tout cet univers fascinant qui désormais est le sien, aussi.

Mais soudain, il appelle: «Papa, qu’est-ce que c’est, cette grosse bête qui a l’air de venir vers nous?»

Son père regarde dans la direction que lui indique Gaël, mais il ne voit rien. «Mon fils, tu as rêvé. C’était peut-être l’ombre d’un nuage sur les vagues.» Mais le garçon insiste: «Mais non, je le vois bien, il est à une centaine de mètres, et il s’approche.»

Le père alors comprend: «Malheur, mon enfant, c’est un Kadénec. C’est un monstre dont parlent nos vieilles légendes. On dit qu’il choisit sa proie, un jeune pêcheur, et ne la lâche plus. Seule sa victime peut le voir, il reste invisible pour tous les autres. Il poursuit celui qu’il a choisi jusqu’à ce qu’il l’attrape, et l’entraîne avec lui au fond de la mer, où il le noie.»

Tout effrayé, Gaël, supplie: «Mais qu’est-ce que je peux faire pour lui échapper?» «Eh bien, dit le père, il n’y a qu’une seule solution: rester sur la terre ferme. Là, il ne pourra jamais t’atteindre.»

Gaël se met à pleurer. Il se réjouissait tant de pouvoir aller pêcher, lui aussi! Il va devoir apprendre un autre métier, faire sa vie de manière toute différente.

Les années passent. Gaël est devenu marchand. Il achète les poissons aux pêcheurs et les revend dans sa boutique ou au marché. Mais toujours il a la nostalgie de la mer, son existence lui paraît bien fade, de ne vivre sa passion qu’au travers des récits de ses fournisseurs et de ses proches. Dès qu’il le peut, il va sur le rivage contempler les vagues, puissantes, écouter les oiseaux qui crient, sentir le parfum merveilleux de l’eau, des algues, des poissons… Et toujours, quand il regarde vers le large, il voit le Kadénec qui va et vient à quelques centaines de mètres de lui, et qui a l’air de l’attendre.

Devenu vieux, Gaël est de plus en plus intrigué par ce monstre, incroyable d’obstination, qui ne semble s’intéresser qu’à lui seul. Il est à la retraite maintenant, un de ses fils a repris son commerce, et les autres sont devenus pêcheurs, bien sûr, sur les traces de leurs ancêtres.

Lorsqu’il sent que les années se sont accumulées sur ses épaules et que sa vie touche à sa fin, Gaël prend sa décision: il ira sur la mer, y finir ses jours. Il affrontera le Kadénec, il essaiera de le tuer pour qu’il ne poursuive pas d’autres jeunes marins.

Alors il achète un bateau muni d’un gros harpon, celui qu’on utilise pour la chasse à la baleine. Il dit adieu aux siens, et s’embarque.

Au large, il voit le Kadénec qui fonce vers lui. Gaël l’attend, et quand le monstre est assez proche, il lui tire dessus.

Touché à mort, l’animal mobilise ses dernières forces pour venir à quelques mètres de l’homme. Et dans son dernier souffle, il lui murmure: «Malheureux! Tu m’as tué. J’ai cherché à te rejoindre toute ta vie pour t’apporter un trésor. Je voulais te rendre riche et heureux. Mais maintenant, c’est trop tard. Nous allons mourir tous les deux, et ce trésor restera inutile. Adieu, Gaël.» Et le Kadénec disparaît. À tout jamais.

 
Dino Buzzati dans les années 1950

Ce conte est une adaptation libre d’une nouvelle du romancier italien Dino Buzzati, un texte qui m’accompagne depuis quelque 50 ans.

À sa lecture, je me suis dit que, pour beaucoup de nos contemporains, Dieu est un peu comme le monstre de notre histoire. Il voudrait à tout prix nous rejoindre, il est là, près de nous, il nous attend, inlassable. Mais nous le fuyons parce que nous en avons peur. On nous a raconté tant d’histoires terribles à son sujet!

Pourtant, en réalité, Dieu ne veut que notre bonheur. Il ne souhaite que nous offrir le trésor d’une vie riche et heureuse. Mais ça nous effraie trop.

Savez-vous: même ce qu’il nous demande, comme de partager avec les autres ou de pardonner à qui nous fait du tort, même cela, si nous le mettons en pratique, même cela nous offrira une vie plus heureuse, plus légère, libérée des ornières où nous sommes trop souvent enfoncés par notre égoïsme, ou par notre colère, ou par nos rancunes. Fréquemment, ça nous fait peur de nous engager sur ce chemin-là; où ça nous paraît impossible; ou trop pénible.

Alors, nous nous éloignons. Et lui, sans nous forcer, sans nous contraindre, lui il ne peut que nous attendre. Patiemment, il reste là, disponible, en espérant tellement que nous nous approchions! «J’ai constamment tendu les mains à des gens qui n’en voulaient rien», affirme-t-il dans le livre d’Esaïe.

«J’ai dit: ‘Je suis là, j’arrive’», note-t-il encore. Et l’expression que l’hébreu utilise ici («hinnéni») est celle qu’un soldat crie quand il est appelé: il répond «Présent!»

Imaginez une recrue dans la cour de la caserne. Au moment de l’appel, personne n’a mentionné son nom. Les autres sont déjà partis à leurs tâches, mais notre soldat est toujours là, au garde-à-vous, et il crie «Présent!», «Présent!» au milieu de l’indifférence générale. Il serait ridicule, vous pensez bien!

Voilà comment Dieu se comporte: il est ridicule de nous répondre «Présent!», «Je suis là», quand nous ne l’avons pas appelé. Mais il affronte ce ridicule, tant il a envie de nous rejoindre.

Malheureusement, comme le héros de la nouvelle, trop souvent, ce n’est qu’à l’heure de notre mort que nous osons aller vraiment au-devant de lui. Mais il est bien tard!

Pourtant, contrairement à Gaël, il n’est jamais complètement trop tard, j’en suis convaincu. Même si nous sommes sur notre lit de mort, Dieu peut toujours nous donner des richesses qui nous permettront de nous sentir plus heureux et libres.

Mais ça, vous le savez! Je sais en effet que je prêche à des convaincus!


 

Pour conclure en souriant, je vous propose un excellent sketch de Raymond Devos: «L’homme existe». Comme un écho à mes réflexions et à celles de Dino Buzzati.

Passant devant une libraire, j’ai lu dans la vitrine ce titre : «Dieu existe, je l'ai rencontré !»


Ça alors ! Ça m'a stupéfait !


Pas que Dieu existe, la question ne se pose pas !


Mais que quelqu'un l'ait rencontré avant moi, voilà qui me surprend ! 

Parce que, savez-vous, j'ai eu le privilège de rencontrer Dieu, juste à un moment où je doutais de lui !
C’était dans un petit village de Lozère abandonné des hommes,
il n'y avait plus personne.


En passant devant la vieille église, poussé par je ne sais quel instinct, je suis entré... 

Et, là, j'ai été ébloui... par une lumière intense... insoutenable !


C'était Dieu... Dieu en personne… Dieu qui priait !


Je me suis dit : «Mais qui prie-t-il ? Il ne se prie pas lui-même ? Pas lui ? Pas Dieu !»


Mais non ! Il priait l'homme ! Il me priait, moi !


Il doutait de moi comme j'avais douté de lui !
Il disait : - Ô homme ! si tu existes, donne-moi un signe de toi !


Alors j'ai dit : - Mon Dieu, je suis là !


«Oh!» Il a dit : «Miracle ! Une humaine apparition !»


Je lui ai dit : «Mais mon Dieu... comment peux-tu douter de l'existence de l'homme, puisque c'est toi qui l'as créé ?»

Il m'a dit : «Oui... mais il y a si longtemps que je n'en ai pas vu un ici, dans mon église… que je me demandais si ce n'était pas une vue de l'esprit !»

Je lui ai dit : «Te voilà rassuré, mon Dieu !»


Il m'a dit : «Oui ! Je vais pouvoir leur dire à tous, là-haut : ‘L'homme existe, je l'ai rencontré !’»

Raymond Devos en 1980

  

Amen
 

Jean-Jacques Corbaz (d’après une nouvelle de Dino Buzzati, «Le K»)

  

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