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lundi 18 août 2025

(Pr) Un pays qui dévore ses habitants - 18 août 2025

Lectures: Nombres 13, 25-33; Nombres 14, 1-9; Esaïe 43, 1-5.

Le passage qui nous intéresse ce matin est un peu comme ces vieux amis qu’on croit très bien connaître: nous avons tant de souvenirs qui nous attachent l’un à l’autre, tant d’émotions partagées de notre jeunesse… Mais voilà, nous avons changé, eux et nous. Le monde n’est plus ce qu’il était au temps de notre insouciance et de notre naïveté!

Alors, parfois, on regarde ces amis; on les écoute; et on se sent un peu étrangers. On aimerait retrouver à leur contact des élans, des passions que nous avions partagés… mais qui appartiennent au passé.

Le livre des Nombres, ainsi, nous semblait clair et facile d’accès au temps de notre école du dimanche. Mais aujourd’hui il suscite en nous des questions un peu dérangeantes. Par exemple: c’est quoi ce Dieu qui emmène son peuple à la conquête d’un pays? Et qui l’appelle à exterminer ses anciens habitants? Aïe, pas très chrétienne, comme conduite!

Et aussi: pourquoi le peuple d’Israël refuse-t-il ce cadeau? Pourquoi auraient-ils préféré mourir en Egypte, voire dans le désert?

Ou encore: comment se fait-il que tout le peuple parle d’une même voix, et que le livre des Nombres souligne si souvent l’unanimité de «la communauté d’Israël tout entière»?

Et enfin: est-ce possible, ces géants face auxquels Josué et ses compagnons se sentaient comme des fourmis?


En fait, notre passage appartient à un ensemble qu’on appelle «le cycle des rébellions».  Ce sont les chapitres 11 à 25 du livre des Nombres. Il s’agit d’une grande fresque narrative qui multiplie les récits où Israël s’oppose à Moïse et à Dieu. À chaque fois, le peuple veut retourner en Egypte, il a peur d’entrer en Palestine. Il y a même une fois où Israël dit du royaume des pharaons que c’est un «pays où coulent le lait et le miel». Oui, vous avez bien entendu: l’Egypte, et pas la Palestine!!

Le rédacteur nous montre donc ici une image caricaturale d’Israël. Ce n’est pas sous l’effet d’une peur passagère qu’ils veulent faire marche arrière, non, c’est systématique. Le peuple, tout au long de ce cycle, ne fait aucune confiance aux promesses de Dieu. Ils considèrent le Seigneur comme une espèce de despote, un mauvais roi qui jouerait avec la vie de ses sujets; au pire, qui aurait le projet de les faire mourir; et au mieux, qui aurait de bonnes intentions, mais qui serait incapable de les réaliser.

Ouille! Entre parenthèses, cette caricature ne rejoindrait-elle pas un peu celle de quelques-uns de nos contemporains? (fermons la parenthèse).

Voilà donc le peuple qui renâcle. Ils essaient de nommer un chef autre que Moïse pour qu’il les ramène en Egypte. De ce pays que Dieu veut leur donner, ils oublient les fruits fabuleux ramenés par les explorateurs (vous vous souvenez sans doute de l’énorme grappe de raisin de la fête des vignerons); ils oublient tout ce qui parle de promesses et de vie; ils ne gardent que les craintes, et ce qui parle de mort.

«C’est un pays qui dévore ses habitants» disent les émissaires. Autrement dit, un pays qui cause sans cesse querelles, guerres, violences… Et c’est déjà ce qui arrive aux jours de Josué! Et puis, vous ne le savez que trop bien, c’est encore hélas ce qui s’y passe aujourd’hui. Re-refermons la parenthèse!

Donc, une peur systématique… longue durée! Alors, comme un enfant abandonnique, Israël préfère retourner en Egypte, terre d’esclavage et d’oppression, mais terre connue, plutôt que de s’engager en Palestine, terre promise, mais inconnue! Dont les dangers sont cachés, et donc terrorisent davantage!

 

Toute cette histoire du livre des Nombres illustre donc le risque immense de la foi. Le risque immense de la vie! Face à l’inconnu, nous avons tous tendance, parfois, à faire marche arrière. Même le peuple de Moïse, qui avait pourtant vécu  l’Exode et tous ses prodiges, même le peuple de Moïse parle et agit à rebours du bon sens, à rebours des promesses de Dieu! «Être esclave en Egypte était au fond facile, devenir homme libre est bien plus difficile» disait Philippe Zeissig.

Malgré les précautions de Moïse; l’approche lente; malgré l’envoi des explorateurs pour qu’Israël puisse se faire une meilleure idée de la Terre promise… eh bien le peuple refuse d’entrer dans la liberté! Il n’a pas encore appris à vivre! Il préfère retomber dans le passé, c’est-à-dire dans la mort.
 


Vous voyez maintenant les échos que notre passage peut éveiller en nous, quelques jours après notre fête nationale! Comment continuer de grandir dans l’autonomie et le courage, face aux défis qui ont de quoi nous terroriser? Comment aujourd’hui faire confiance aux promesses de notre Dieu, pour mieux vivre?

Entre crises politiques et crise climatique; face aux difficultés économiques et sociales; au vu des violences et des intolérances qui pourrissent le monde… comment vivre et refléter l’inépuisable bonté de Dieu qui veut nous aider à ne succomber à aucune peur? Il y a là de quoi longuement méditer… et prier!

Un mot encore pour celles et ceux qui se demandent: «Est-ce que ça s’est passé comme le livre des Nombres le dit? Est-ce historique, ce récit? Dieu est-il vraiment un Dieu de conquête, qui appellerait son peuple à tuer les autres?»

Les exégètes ont découvert que notre histoire a été considérablement remaniée au fil du temps. En fonction des évènements, on a relu et réécrit ces épisodes, et on en a ainsi déplacé la pointe, le message central.

Au départ, il s’agissait probablement d’un récit assyrien. Chez les Assyriens, les dieux, pensait-on, combattaient aux côtés de leur peuple, pour leur donner la victoire.

Dans un deuxième temps, Israël a repris cette narration lors des invasions assyriennes, pour affirmer que le Seigneur, lui aussi, favorisait les desseins de son peuple, et qu’il était plus puissant que les divinités des envahisseurs. C’est en particulier le roi Josias, au VIIè siècle avant JC, qui a développé cette croyance, pour appuyer son projet d’expansion du «Grand royaume d’Israël» - toujours contre l’Assyrie.

L’image d’un Dieu qui appelle à l’occupation du pays et l’expulsion de ses habitants (ou leur extermination) a servi alors, d’une part à légitimer la possession de nouveaux territoires; et d’autre part elle a servi à condamner les mariages mixtes entre Juifs et «étrangers» vivant sur le même sol. On voulait, bien sûr, éviter le mélange religieux (le syncrétisme) qui risquait de déformer l’héritage spirituel des descendants de Moïse.

Ces considérations historiques vont nous aider à comprendre nos versets dans leur contexte, et à ne pas les mettre au service de visées impérialistes. Et là, je pense autant à la Suisse, aux USA ou à la Russie qu’à Israël aujourd’hui!

Ces considérations historiques vont nous aider également à discerner comment Dieu peut nous aider, aujourd’hui. Car notre récit a été relu et retravaillé bien après Josias encore, à l’époque perse, soit aux IVè et Vè siècles avant JC, au temps où les exilés à Babylone revenaient à Jérusalem.

Ils rentrent chez eux, tout heureux. Mais voilà qu’ils retrouvent leurs terres ancestrales occupées par d’autres (déjà des Palestiniens)! Les conflits, les mariages mixtes, le syncrétisme menacent de gangréner le pays. La tentation est immense de se replier sur les anciennes traditions, de chercher à reproduire le passé à tout prix; de se fier à ses réflexes humains de survie, sans tenir compte des appels du Seigneur.

C’est le rédacteur de cette époque, en ces années-là, qui a donné cette place impressionnante aux révoltes du peuple contre Moïse et contre Dieu, façonnant notre fameux «cycle des rébellions».

C’est lui qui considère le Seigneur non plus comme une arme aux côtés de ses soldats, mais d’abord comme une promesse d’avenir, qui veut nous apprendre à vivre libres, sans repli ni terreur.

C’est lui bien sûr enfin qui introduit la jolie remarque sur les géants, devant lesquels les émissaires de Moïse se sentent petits comme des fourmis. Et qui ajoute finement: «Et c’est bien ainsi qu’eux-même nous voyaient».

Car si souvent le regard des autres modifie notre regard sur nous-même. Si je me crois petit et fragile comme un insecte, les autres deviennent des géants, prêts à m’écraser. Les sportifs entre autres peuvent l’expérimenter.

Aujourd’hui, à une époque où le regard des autres pèse énormément, comment résister à cette pression? Quand ma valeur dépend, aux yeux de beaucoup, de ma réussite sociale; de mon physique; de mon compte en banque; de mes habits… Quand les modèles de la publicité, des médias ou des influenceurs exercent leur ascendant si fort… Alors, de grâce, laissons les yeux de Dieu transformer notre regard sur nous-même!

Nourrissons-nous du fait que Dieu, plus grand qu’un géant pourtant, Dieu nous regarde avec faveur. Il nous dit: «Je te prends comme tu es. Tu n’es pas misérable comme une fourmi - et je ne te demande pas d’être un géant non plus. Tu es un être humain, et c’est bon comme ça. Je t’aime ainsi. Tu es mon trésor. ‘Ne crains pas, car je t’ai racheté, je t’appelle par ton nom, et je t’aime’».
Amen

Jean-Jacques Corbaz

(Hu, Li) Accueil - La voiture volée


Bonjour, et merci d’être venus vivre ce culte !

 

Je me demande pourquoi on raconte toujours des histoires drôles sur les blondes ?

C’est un blond qui appelle son patron : « Patron ! On a volé votre voiture ! »

« Malédiction, répond le chef, mais as-tu vu qui c’est ? »

« Ben non, fait le blond, j’ai pas vu le voleur, mais pas de souci: j’ai pu relever le numéro de plaque ! »

 

Eh bien, chers paroissien.ne.s, chers ami.e.s, sachez-le : pas besoin de numéro de plaque non plus pour retrouver notre confiance, et notre espérance. Peu importe d’ailleurs qui nous les aurait volées. Mais en Jésus, nous savons qui peut nous aider à les retrouver !

Bienvenue…

 

 

Jean-Jacques Corbaz, mars 2025        

 

lundi 7 juillet 2025

(Pr) "Tu te mettras tout nu..." - prédic des 16 juin et 6 juillet 2025

Lectures bibliques: 2 Rois 5, 1-19; Luc 13, 22-24; Esaïe 55, 1-3

Bien des gens aiment voir, à la TV, un illustre chef d’État... qui se prend les pieds dans un tapis! Ou un prince, ou une star, qui se fait pincer en flagrant délit d’ivresse au volant. Car voilà un grand personnage... qui se révèle soudain comme tout le monde. Humain, faillible.

C’est ce que montre au premier regard notre histoire de Naaman. Naaman, c’est le général en chef de la Syrie, pays ennemi d’Israël en ce temps-là. Il est l’un des personnages les plus importants de l’époque. Il a gagné la guerre, c’est un héros.

Et pourtant. Ce favori du roi a une faille. Il souffre de la lèpre. Une terrible maladie, qui ronge le corps. Et pire encore: qui nous met au ban de la société. Vous savez qu’en ce temps-là, les lépreux sont des parias. Interdiction d’avoir le moindre contact avec eux!

Bien sûr, la maladie de Naaman n’en est qu’à son début. Il la cache soigneusement. Mais il sait qu’un jour, bientôt, le pot-aux-roses va se découvrir. Et qu’alors, ce sera la fin de sa gloire. Et même la fin tout court, pour lui.

Comme tant de personnes riches atteintes dans leur santé, Naaman cherche à se guérir, par tous les moyens. Et il a des moyens importants. Argent, influence... Mais c’est par une petite fille, une esclave dont on ignore même le nom, -bref, presque rien- qu’il entend parler d’Elisée, le prophète; Elisée dont le rayonnement s’étend bien au-delà de Samarie, sa ville.

Le célèbre général part pour Israël, en mettant tous les atouts de son côté. Les atouts des puissants. Il demande à son souverain une lettre de recommandation pour le roi d’Israël, qui est devenu une sorte de vassal des Syriens... Ensuite, il emporte le nerf de la guerre: des sommes faramineuses, impossibles à traduire en monnaie d’aujourd’hui: 300 kg d’argent, 60 kg d’or... De quoi s’acheter des palais rutilants!

Et c’est ainsi qu’il se présente à la cour de Samarie, devant le roi d’Israël. Mais, un peu comme les mages à Noël, il n’imagine pas une seconde que c’est ailleurs qu’il devrait chercher. Du côté des petits.

Alors, imaginez: le pauvre roi de Samarie, en lisant la lettre de son supérieur, se met à paniquer. Mais comment accéder à cette demande? Il déchire ses habits en signe d’impuissance et de deuil. Le roi n’a pas le pouvoir de guérir de la lèpre, il n’est pas Dieu!

Naaman, dans son déploiement d’atouts puissants, Naaman a oublié une chose: c’est que la petite esclave lui avait parlé d’un prophète. Pas d’un roi. D’un pro-phète, c’est-à-dire d’un homme qui parle de la part de Dieu. Qui parle avec ses mots , mais également avec ses actes. D’un qui rayonne de la présence du Seigneur, mais pour les AUTRES.

Elisée est tellement prophète même qu’il a tout compris. C’est lui qui vole au secours de son roi: “Eh bien, tu n’as qu’à me l’envoyer, ce général!”

Et voilà. Naaman peut enfin toucher au but. Devant la modeste demeure d’Elisée, il s’annonce. Tout va se régler très vite, maintenant.

Euh eh bien... Pas tout à fait! Le héros syrien avait déjà été terriblement humilié par la lèpre, mais il n’en a pas fini avec son orgueil. Car Elisée ne se dérange même pas pour venir l’accueillir! Il ne fait qu’envoyer quelqu’un lui dire d’aller se tremper 7 fois dans le Jourdain.


Quel mépris! Pour un personnage aussi important, qui vient d’accomplir un si long voyage! Et les règles sacrées de l’hospitalité, Elisée? Naaman attendait sans doute une cérémonie fastueuse, des rites, des gestes d’incantation... Mais: rien! Notre grand général, vexé, veut repartir aussi sec (si j’ose dire!). “Les rivières de chez moi valent tout autant que celle de Samarie. Assez pétouillé, je rentre.”

Mais Dieu est patient. Et tenace. Il s’est manifesté une première fois par la fillette sans nom, prisonnière en Syrie, qui avait parlé d’Elisée. Puis une seconde fois quand le prophète est intervenu en personne auprès de son roi. Maintenant, troisième fois, c’est par la bouche des serviteurs de Naaman qu’il se manifeste, serviteurs d’ailleurs tout aussi anonymes que la petite juive: “Maître, disent-ils, si cet homme t’avait demandé d’accomplir des rites difficiles, tu aurais accepté, n’est-ce pas? Alors, pourquoi ne pas essayer ce geste tout simple, comme il te le conseille? Tu risques quoi?”

Alors, le grand général consent. Il s’abaisse... On peut imaginer qu’il se déshabille entièrement pour plonger dans le Jourdain. Nu, au propre comme au figuré. Dépouillé de son uniforme. Privé des signes extérieurs de sa puissance. Et surtout, il ne peut plus cacher, ainsi, la terrible maladie qui le ronge. Sa fragilité est exposée à tout venant.

Cette nudité, c’est la seule manière quand on veut se présenter devant Dieu. Puisque le Seigneur lui-même ne se montre à nous qu’ainsi: pauvre et vulnérable. Image du baptême, bien sûr! Comme pour annoncer déjà ces gens qui se tremperont dans l’eau vive, pour s’associer à leur Sauveur, lui qui a plongé dans la mort à Golgotha, pour en ressortir, rayonnant, au matin de Pâques!

Naaman, guéri, peut renaître, comme un petit enfant. Renaître à la santé, bien sûr. Mais surtout, renaître à une vie spirituelle autre. Une vie spirituelle dépouillée, elle aussi, des fausses valeurs de gloire, de puissance et d’apparence. Le vrai Dieu n’est pas celui de la victoire et des richesses, celui qu’il célébrait en Syrie. Le vrai Dieu n’est pas non plus celui de la cour royale et des appuis princiers, qu’il avait cherché à Samarie. Le vrai Dieu, il se tient discrètement, fragile, au ras du gazon. Ou plutôt au ras des eaux de la rivière, dans laquelle il faut être nu pour plonger.

Pour nous aujourd’hui, comme pour Naaman, cette simplicité de Dieu peut surprendre. Voire faire problème! Cette gratuité choque parfois, elle est si contraire aux valeurs du monde! Pour accéder à Dieu, ce serait si naturel de devoir accomplir de grands sacrifices! Or, le seul sacrifice qui nous est demandé, c’est d’accepter que tous nos efforts sont inutiles. Nos mérites, ils ne valent plus rien. Comme des billets périmés.

Vous voyez, nous dit le livre des Rois: la petite esclave était plus riche que le puissant général en chef. Dépouillée de tout, loin de son peuple; mais reliée à Israël, et à Dieu. Forte de sa relation avec le Père qui connaît ceux qui n’ont rien, et qui leur répond.


Voilà pourquoi Elisée n’accepte pas les richesses du général, en cadeau. Ce que nous avons un peu de peine à comprendre, bien sûr! Mais il faut que Naaman se rende compte de cette totale gratuité de Dieu. Qui est d’autant plus proche de nous que nous sommes vulnérables et vrais. Donc:  nus.

Lorsque le riche Syrien entre pleinement dans cette relation spirituelle, dans cette religion, il peut partir en paix. Il n’offre plus rien. Au contraire, c’est lui qui demande. Il sollicite humblement de pouvoir emporter chez lui un peu de terre d’Israël... Dans la culture d’alors, la terre d’un pays est symbole, savez-vous, de la présence de son Dieu. La terre d’Israël, c’est la possibilité de rester relié au Seigneur, à travers les rites juifs de l’époque, les sacrifices.

Et puis, Naaman va demander une seconde chose. Car il se rend compte qu’il ne pourra pas vivre une foi totalement exempte de compromis, au palais de Damas: au bras de son roi, il devra bien s’incliner devant la divinité locale.

Alors Elisée l’assure d’avance du pardon de Dieu. Promesse étonnante, en regard de tant d’autres manifestations d’intolérance que porte l’Ancien Testament. Promesse qui est bien sûr prophétique, encore, des ouvertures de l’Évangile: comme le dira le Christ, ce ne sont pas les gestes extérieurs qui sont importants. C’est bien notre qualité intérieure de relation au Seigneur.

Comme dans beaucoup de miracles qu’accomplira Jésus, bien plus tard, on le voit clairement ici: la guérison du corps symbolise mille fois plus qu’une santé retrouvée; la religion n’est pas un “truc” pour guérir, qui marcherait à tous les coups. Elle est surtout rétablissement d’une relation d’amour avec le Créateur; elle est une confiance échangée qui réconcilie avec la vie; avec soi-même; voire avec le monde et les gens qui nous entourent. Donc avec Dieu! Une réconciliation qui peut produire dans nos existences des effets prodigieux! Comme pour Naaman.

C’est ainsi qu’il peut s’en aller, en paix. Guéri non seulement de sa lèpre; mais surtout de son orgueil. De sa confiance démesurée dans sa force et ses richesses. Il repart avec son or et son argent, qui lui sont inutiles désormais. Il a appris l’humilité.

Derrière la caravane du grand général et de ses serviteurs, tout derrière, après les trésors et les beaux habits... on peut voir deux mulets, chargés de terre. De la terre ordinaire, banale, de Palestine. Signe que, pour Naaman: tout a changé! Amen

Jean-Jacques Corbaz  



 





(Pr) Naaman, Guéhazi et les vraies valeurs - Prédic du 7 juillet 2025

Lectures bibliques: 2 Rois 5, 14-27; Luc 12, 16-21; Galates 3, 26-29

(Résumé de l’épisode précédent). Il y a trois semaines, nous avons vu Naaman, le grand général syrien, se faire secouer et remettre en question, durement. Il a dû beaucoup travailler sur lui-même pour accepter la gratuité de Dieu et apprendre à abandonner les sécurités matérielles. Atteint par la lèpre, et donc contraint de se cacher pour ne pas être mis au ban de la société, il devra littéralement se mettre à nu pour retrouver la santé, au bout d’un long chemin.

Naaman avait emporté avec lui des richesses énormes pour payer sa guérison: 300 kg d’argent, 60 kg d’or, des habits de luxe... Mais le prophète Elisée refuse ce cadeau faramineux. Dieu est un Dieu des pauvres, des sans moyens... De ceux qui ne méritent pas. Il est grâce, donc gratuit. Sa bonté est offerte à chacun(e), disponible, toute proche. Ou plutôt: il est d’autant plus près de nous que nous sommes vulnérables et vrais. Donc nus. On dit que plus un arbre est haut, et plus il attire la foudre. Pour l'être humain, c'est l'inverse: plus il est bas, et plus il attire Dieu!

Si fréquemment, aujourd’hui comme hier, les êtres humains jouent des rôles. Comme Naaman, ils veulent avant tout sauver la face. Mais quand on a l’occasion d’entrevoir ce qu’il y a derrière le masque, c’est souvent le choc! Que de dépressions, que de relations foireuses avec sa famille ou ses collègues... Remords, rancunes, qui rongent comme la lèpre... Si peu de vraies raisons de vivre...

Tant que nous jouons un personnage, notre relation avec les autres ne peut être que faussée. Tout comme notre relation avec Dieu, évidemment! Certes, il est très difficile de se montrer nu. D’être soi-même et vrai. Il faut d’abord se connaître. Et ensuite s’accepter! Mais c’est la seule manière d’aller à la rencontre des autres, véritablement; de pouvoir les connaître; de les accepter comme ils sont. De même pour Dieu, évidemment: aller vers lui, le connaître et l’accepter, comme il est!

Dans ce récit plein de merveilleux, Elisée donc réussit beaucoup plus qu’une guérison physique: il permet à Naaman de changer de vie, de découvrir l’essentiel. Il le rétablit dans sa relation avec le divin, avec les autres, et donc avec lui-même.


Alléluia? Tout est bien qui finit bien? Euh ben... Pas tout à fait. Car il y a l’attrait de la richesse, qui est d’une force... incroyable. Le diabolique Mamon, comme Jésus le nomme, a de solides arguments. Et c’est au sein même de sa maison que le prophète Elisée va devoir le constater. Son serviteur Guéhazi succombe au désir. La gratuité, il oublie! Il court derrière Naaman et lui demande de l’argent, une somme considérable. Ce que bien sûr le riche Syrien accorde sans hésiter, et même à double; heureux de pouvoir manifester sa reconnaissance.

Mais attendez une minute avant de condamner Guéhazi. Car cet homme nous ressemble; plus peut-être qu’Elisée ou Naaman. Qu’aurions-nous fait, à sa place? Est-ce que moi j’aurais résisté à la tentation? Honnêtement, je ne sais pas. Car je n’ai jamais vécu sans argent; je n’ai jamais eu peur de mourir de faim; jamais eu peur de n’avoir rien à donner à mes enfants. Au contraire de beaucoup de mes prochains, en Suisse ou à l’étranger.

C’est au fond facile de juger sommairement la tromperie de Guéhazi. C’est facile de dire “Il faut faire confiance”; facile de se réfugier dans une foi personnelle et privée, à distance des autres... quand on n’a pas de gros soucis d’argent. Pour celui ou celle qui vit dans la pauvreté, l’occasion peut faire le larron. “S’enrichir: quel imbécile je serais de refuser cette opportunité”. (Entre parenthèses, n’est-ce pas d’ailleurs l’idéologie que charrie surtout notre société?).

Ne nous voilons donc pas la face (si j’ose dire, dans cette histoire de lèpre et de nudité!!). Ne nous voilons pas la face: il est normal d’avoir des envies. C’est notre condition humaine que de subir des tentations, comme Guéhazi. Et notre vocation de chrétiens, et notre responsabilité, c’est d’apprendre à gérer ces envies. Comme Dieu le disait à Caïn, lorsque ce dernier éprouvait de la jalousie pour son frère: “Le péché est pareil à un animal sauvage tapi derrière ta porte. C’est à toi de le dominer. Sinon, c’est lui qui sera ton maître”.

La fin de l’histoire aurait pu être si belle, pense-t-on parfois, si ce triste épisode de Guéhazi n’était pas venu tout gâcher.

Mais non! Ou plutôt: “Oui... mais”! Car la vie n’est que rarement (très-très rarement!) tissée de réactions modèles comme celle d’Elisée. Lui, il est presque parfait! Inaccessible! La vie, au contraire, elle est pleine de Guéhazi, qui ne résistent pas à l’opportunité de s’enrichir. Et puis, Dieu soit loué, elle nous offre souvent aussi, la vie, des Naaman, qui vont de l’avant, qui cheminent, qui progressent... qui guérissent leurs blessures, peu à peu, avec l’aide de Dieu... qui apprivoisent leurs peurs... mais qui savent qu’ils devront parfois transiger avec leurs principes; qui sont conscients qu’ils vont de temps en temps devoir s’incliner devant des faux dieux; revenir à leurs comportements du passé. Heureusement, ils ne se couperont pourtant jamais de l’amour du Seigneur.


Je trouve génial, la Bible ressemble à notre vie. Celles et ceux qui s’y débattent nous sont souvent semblables. Avec des exceptions, pareilles à quelques rayons lumineux, des exceptions comme Elisée; Moïse; Salomon; et la plus grande de toutes: Jésus!

La fin de l’histoire est belle, pour moi, parce qu’elle me parle d’un monde qui est le mien. Ce qui m’évite la tentation du Yaka (vous savez, quand on a l’impression qu’il suffit de vouloir pour imiter les modèles!). J’aime cette fin, parce qu’elle me met en garde contre les pièges que cette vie nous réserve, à chaque tournant.

En effet Guéhazi, après avoir trompé Naaman, est obligé de mentir à Elisée. Le fameux cercle vicieux. Un vieux sage disait: “Essayer de cacher une faute par un mensonge, ça revient à remplacer sur un habit une tache par un trou”. Un tel mensonge détruit la relation. Il est comme une lèpre, qui grignote peu à peu la vie harmonieuse. Et c’est exactement ce que Guéhazi va expérimenter, littéralement. Il est atteint par la terrible maladie. La peau devient comme de la cendre. Peur de la mort. Et la malédiction, qui nous met au ban de la société... Guéhazi est rongé par sa faute. Pareil à ces grands escrocs qui ne peuvent jouir de leur butin que terrés au fond d’une jungle lointaine, il va sans doute regretter parfois son ancienne vie. Conscient que ses richesses l’ont entraîné dans le malheur.


Peut-être trouvez-vous cette morale un peu taillée à la hache. L’auteur du livre des Rois a dû aussi le penser lui-même! En effet, le récit qui suit immédiatement notre épisode, c’est justement une histoire de hache maniée trop fort... Hum! Qui a dit que l’humour et l’autodérision étaient absents des textes sacrés?

Donc, n’oublions pas les nuances! Ne condamnons pas sans appel Guéhazi, ou d’autres qui font comme lui. Mais méditons plutôt sur nous-mêmes. Sur nos valeurs; nos comportements. Quelles sont mes priorités, dans la vie? Est-ce l’argent? Ou bien l’amour? Est-ce de garder une conscience nette? Ou des relations harmonieuses avec ce et ceux qui m’entourent? Être en bonne santé? Être comme Naaman relié par une communion spirituelle (lui qui emporte de la terre d’Israël pour pouvoir se joindre au culte de Dieu)? Ou bien un peu tout ça à la fois?

Pour moi, le fait de ne pas être seul face au mal est très important. Vivre une foi, une religion, mais relié à d’autres en vue d’essayer de mieux m’ouvrir à Dieu. Afin de tenir tête aux envies destructrices. Pour ne pas oublier l’essentiel.

Vivre en communauté; en paroisse; en Église, c’est important pour rester ancré dans l’amour de Celui qui, seul, est la vraie richesse. Et puis, c’est aussi un excellent antidote à notre culpabilité. Eh oui! Car, de voir que nos frères et s
œur
s sont faillibles, qu’ils succombent parfois à la tentation... eh bien, ça nous aide à supporter nos propres manquements!

Avec Naaman, entre Elisée et Guéhazi, mettre nos pas dans ceux de Dieu. Du Dieu de gratuité. Pour avancer en direction d’une meilleure limpidité. Le véritable trésor. Amen.



Jean-Jacques Corbaz  
 

(Hu, Li) Accueil - La machine à éplucher

Bonjour, et merci d’être venus vivre ce culte !

 

L’histoire se passe à l’armée. Le caporal de cuisine appelle une recrue et lui demande d’éplucher les pommes de terre pour le dîner.

« Tiens, s’étonne la recrue, je croyais que l’armée avait des machines à éplucher ? »

« Exact, réplique le caporal ! Et le dernier modèle, c’est toi !! »

 

Eh bien, chers paroissien.ne.s, chers ami.e.s, sachez-le : Dieu lui aussi s’est équipé de machines pour résoudre les problèmes du monde ; pour rétablir la paix ; pour faire régner la justice entre les humains… Et vous l’avez compris : ces machines, ces baguettes magiques, il y en a beaucoup. Et le dernier modèle, c’est toi !! 

Bienvenue…

 

 

Jean-Jacques Corbaz, mai 2025        

 

lundi 16 juin 2025

(Li, Hu) Accueil - Attendre un mois

Accueil  -  Attendre un mois

 

Bonjour, et merci d’être venus vivre ce culte !

 

C’est l’histoire d’un riche émir qui demande la main de sa fille à un homme plutôt près de ses sous. « Je propose de vous donner son poids en diamants », dit l’émir.

« Oh, répond l’autre, c’est un grand honneur ! Je vous rendrai réponse dans un mois. »

« Certes, ça mérite réflexion », fait l’émir.

« Oh, pas tellement, dit l’autre. C’est surtout pour l’engraisser » !

 

Eh bien, chers paroissien.ne.s, chers ami.e.s, notre Dieu voudrait bien aussi nous donner notre poids en diamants, tellement il tient à nous. Et même plus ! Mais pas besoin de nous engraisser ! Il nous aime comme nous sommes, et notre poids dépend uniquement de sa passion à lui !

Bienvenue…

 

 

Jean-Jacques Corbaz, mars 2025        

 

mercredi 28 mai 2025

(SB, Vu, FA, Ci) Ancien et nouveau "Testament"

Benoit Grimonprez 

 CONTRESENS BIBLIQUE
Parler d'ancien et de nouveau "Testament" est un contresens !
Dans la Torah, l'Alliance conclue entre Dieu et les hommes se dit בּרית [BeRiT] [= "pacte" : ce terme était en usage pour désigner les traités établis entre Etats]. Il s'agit donc d'un engagement réciproque.
Quand il a fallu traduire l'hébreu en grec, on a choisi le terme διαθηκη [diathèkè]. Composé à partir du verbe τιθημι [tithèmi] [= "placer", "poser", "ranger"], διαθηκη [diathèkè] signifiait d'abord "disposition", "arrangement". Mais il finit par prendre le sens particulier de "dispositions testamentaires".
Διαθηκη [diathèkè], à son tour, fut traduit en latin par TESTAMENTUM. Purement juridique, ce terme désignait à l'origine une "prise à témoin [TESTIS]" et a évolué vers le sens exclusif de "testament" [= acte par lequel une personne dispose des biens qu'elle laissera en mourant"].
Malheureusement "faire son testament" [acte individuel et unilatéral] n'a pas grand chose à voir avec "faire alliance" [engagement collectif et réciproque].
Dans l'acte de traduction et de transmission, le contresens nous guette à chaque instant
Benoit Grimonprez 
🙁

lundi 19 mai 2025

(Li, Hu) Accueil - Le perroquet du résistant

Bonjour, et merci d’être venus vivre ce culte !

 

C’est l’histoire d’un résistant pendant l’occupation allemande, lors de la guerre de 39-45. Il possède un perroquet, qui bien entendu répète ce qu’il entend le plus fréquemment, c’est-à-dire (puisqu’il vit chez un résistant) « mort aux Boches » ! Ça fait bien rire le résistant et ses amis.

Mais un jour, un officier allemand vient dans sa maison pour un contrôle. En entendant le perroquet, le nazi se fâche. Il sort et annonce qu’il reviendra le lendemain. Si l’oiseau répète encore une fois la phrase, il tuera le résistant et son volatile.

Notre homme a alors une idée : il échange son perroquet contre celui du curé. Et quand l’officier allemand revient, surprise : l’oiseau ne dit rien.

Étonné, le nazi s’approche de la cage et lui fait : « Alors, tu ne dis plus ‘mort aux Boches’ ? ». Silence. Par provocation, l’Allemand répète plus fort : « mort aux Boches ? ». Ce à quoi l’oiseau réagit en disant : « Dieu vous entende, mon fils » !

 

J’aime cette jolie manière de retourner la violence contre celui qui veut la faire subir aux autres ! N’est-ce pas aussi ce à quoi l’Évangile nous invite ?

Bienvenue…

 

 

Jean-Jacques Corbaz, août 2024        

 

(Ci, Co) Tchekhov - Allons-y, papa

L’un des passages les plus poignants de la littérature russe…   Allons-y, papa

 

Anton Tchekhov écrit dans l’un de ses récits :

 

À l’arrêt d’autobus, un vieil homme et une jeune femme enceinte attendaient ensemble.

L’homme ne cessait de fixer le ventre rond de la femme, intrigué. Puis il osa lui demander doucement :

— Vous êtes à combien de mois ?

La jeune femme semblait ailleurs, perdue dans ses pensées. L’inquiétude se lisait sur ses traits fatigués. D’abord, elle ne répondit pas. Puis, après quelques secondes de silence, elle murmura :

— J’en suis à la vingt-troisième semaine...

— C’est votre premier enfant ? demanda-t-il.

— Oui, répondit-elle d’une voix à peine audible.

— Il ne faut pas avoir peur, ajouta le vieil homme. Tout ira bien, vous verrez.

Elle posa la main sur son ventre, regarda droit devant elle, les yeux brillants, luttant contre ses larmes.

— J’espère… répondit-elle.

Le vieil homme reprit :

— Il arrive parfois que l’on se laisse submerger par des inquiétudes qui, au fond, ne le méritent pas…

— Peut-être…, souffla-t-elle tristement.

Il la regarda avec plus d’attention, plus de compassion.

— Vous semblez traverser une période difficile. Votre mari… n’est-il pas avec vous ?

— Il m’a quittée, il y a quatre mois.

— Pourquoi ?!

— C’est compliqué…

— Et vos proches ? Votre famille, des amis ? Personne pour vous entourer ?

Elle inspira profondément.

— Je vis seule avec mon père… Il est malade.

Un long silence. Puis le vieil homme demanda :

— Est-il toujours ce pilier que vous aviez connu dans votre enfance ?

Des larmes coulèrent sur les joues de la jeune femme.

— Oui… Même ainsi.

— Même dans son état ? Que lui arrive-t-il ?

— Il ne se souvient plus de qui je suis…

Elle prononça ces mots au moment même où arrivait l’autobus.

Elle se leva, fit quelques pas… Puis, se ravisa, revint vers le vieil homme, lui prit doucement la main, et dit avec tendresse :

Allons-y, papa.

 

Anton Tchekhov

 

 

(Pr) Jonas et Noé - Comme si rien n’avait changé

Jonas et Noé - Comme si rien n’avait changé -  19 mai 2025

Lectures: Éphésiens 2, 12-17; Jean 8, 3-12; 2 Corinthiens 5, 14-20

 

Il était une fois… deux poissons rouges, que les enfants avaient nommés Jonas et Noé. On ne leur demandait que deux choses, à ces gentils animaux de compagnie: tourner en rond dans l’eau tiède de leur aquarium; et avaler la nourriture colorée qu’on leur distribuait régulièrement. Une vraie vie de pacha, calme à souhait!

Jusqu’au jour où quelqu’un introduisit dans l’aquarium une plaque de verre, qui sépara Jonas de Noé. Finies les douces promenades à deux! Ils pouvaient encore se voir, mais impossible de se rejoindre. Après s’être plusieurs fois «cassé le nez» contre la plaque de verre, ils durent se résigner. Depuis ce moment, on les vit tourner en rond tristement, Jonas à droite, Noé à gauche.

Quelques semaines s’écoulèrent. Pour des poissons, c’est long! Toute velléité de rencontre s’effaça. Jonas et Noé s’habituèrent à leur nouvelle vie.

Mais voilà qu’un jour que la plaque de verre fut retirée de l’aquarium. Vous vous dites que sur le coup on a vu nos deux poissons… tout heureux de se retrouver? reprendre leurs promenades à deux? Pas du tout. Ils continuèrent de tourner en rond tristement, Jonas à droite, Noé à gauche, comme si rien de nouveau ne s’était passé. La séparation avait été enlevée, mais elle subsistait dans leur tête et dans leur habitude.

Il m’arrive souvent de penser à ces deux poissons en regardant l’humanité. Car il y a tant de gens qui, à l’image de Jonas et Noé, vivent comme si rien ne s’était passé depuis que la violence et le mal, et la séparation ont été introduits dans l’aquarium de leurs vies; de leur famille; de leur société; de leur Église. Qu’elles y sèment la division, la haine, la mort.

Lorsque je vois tellement de gens traîner dans leur sillage de vieilles «rognes» de famille - ou de parti - ou de foi… Lorsque de bons paroissiens m’avouent leur peur d’être damnés, d’aller en enfer… Lorsque j’en vois tant qui tournent en rond dans ce qu’ils croient être leur impuissance… Lorsque le pessimisme ou le désespoir gagnent les cœurs, quand le scepticisme fait croire à la victoire du mal sur la terre… Lorsque je vois tant de gens complètement dépourvus de ressources spirituelles face à l’accident; au handicap; face à la mort… Je me dis: «Comment leur faire comprendre que la plaque de verre a été ôtée au matin de Pâques?»

Les poissons de notre histoire auraient pu reprendre leur ancien circuit, si d’autres poissons leur avaient montré que c’était possible. Par l’exemple!

Jésus l’a fait, pour l’humanité. Il a vécu une liberté intérieure et une paix bienveillante telles qu’elles ont mis en route des hommes et des femmes qui y ont trouvé un appel suffisamment fort pour parcourir le monde afin de chanter cette libération.

Et si nous pouvions, nous aussi, montrer à celles et ceux qui nous entourent qu’ils ont été libérés, en vivant nous-mêmes cette liberté offerte? Enlever les séparations mentales qui nous opposent et nous divisent. Devenir passeurs, ou passerelles, entre les personnes qui nous sont proches ou qui nous sont lointaines. Casseur de barrières spirituelles, danseuses de liberté.



 
En Christ ressuscité, un monde nouveau a commencé. Mais il a besoin de moi, de toi, pour éclore. Saurai-je, sauras-tu vivre cette conversion de l’espérance? Par quoi vais-je, par quoi vas-tu commencer?

Amen

(Après la prédication, relire Éphésiens 2, 12-17)


Jean-Jacques Corbaz